Le fichier électoral de 2011 en République démocratique du Congo

Transcription

Le fichier électoral de 2011 en République démocratique du Congo
Le fichier électoral de 2011 en République démocratique du
Congo est significativement gonflé
« Si les élections étaient une religion, le fichier
électoral serait un objet sacré.»1
Introduction
La République démocratique du Congo (RDC)
est à la croisée des chemins. Son peuple aura à
déterminer bientôt le chemin que suivra le pays,
en essayant de se construire un avenir meilleur
en choisissant par des moyens démocratiques les
dirigeants qui assureront son avenir pour les cinq
prochaines années. De plus, par le geste qu’il
entend poser le 28 novembre prochain, ce peuple
essaie de consolider les racines de la démocratie
implantées en 2006. Il est donc du devoir de tout
citoyen épris de paix et de justice de l’aider dans
sa quête de démocratie.
Le 5 mai 2011, l’International Crisis Group
publiait un rapport sur le dilemme électoral en
RDC2. Ce rapport tirait une sonnette d’alarme
sur les préparatifs d’un processus électoral qui
conduisait droit à la violence et/ou à un conflit
armé postélectoral dans un pays où la paix est
déjà fragile. Ce rapport dénonçait quelques ratés
du processus électoral en cours en RDC et
suggérait quelques pistes de solutions pour
préserver les acquis de cinq années de transition
et sortir définitivement le Congo du cycle
interminable de crises et conflits.
1
Ferdinand Kapanga, président de l’Institut pour la
Gouvernance et l’Éducation électorale (IGE).
2
Voir le Rapport Afrique d’International Crisis Group
N°175, Congo: le dilemme électoral, 5 mai 2011.
Dans le cadre de sa mission et de son mandat
qui consistent à informer, sensibiliser et soutenir
les efforts de paix à travers le monde, le Bureau
International d’Études pour la Paix et le
Développement (BIEPD) a initié une étude
comparative3 des fichiers électoraux de 2006 et
2011, en collaboration avec des chercheurs de
deux universités nord-américaines.
Cette étude a pour objectif de comparer, suivant
les principes statistiques, les écarts du nombre
d’enrôlés entre 2006 et 2011 pour chaque
circonscription impliquée dans ces deux
processus électoraux et de déterminer si la
tendance observée respecte l’allure d’une courbe
d’évolution démographique normale de la
population de la RDC afin de corroborer ou
dissiper les doutes dans l’esprit des électeurs et
ainsi contribuer à la transparence du processus
électoral. Car plusieurs rapports de la société
civile et commentaires de l’opposition
congolaise remettent en doute le nombre
d’électeurs dans certaines circonscriptions.
3
« Mythes et réalités à propos des données sur
l’enrôlement des électeurs au scrutin électoral programmé
pour l’année 2011 en République démocratique du Congo
– une analyse empirique » par Dr. Aaron L. Nsakanda,
professeur associé au Sprott School of Business, Carleton
University, Ottawa, Canada et Dr. Moustapha Diaby,
professeur associé, School of Business Administration,
University of Connecticut, Storrs, CT, USA, le 16
novembre 2011.
59, rue Sparks St., C.P. 967, Ottawa, Ontario, K1P 5R1, Canada
1-613-614-7951 1-800-858-9742 [email protected] www.biepd.org
Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD)
Méthodologie
L’approche d’analyse utilisée a consisté à
recourir à un modèle de régression linéaire
simple afin d’établir l’existence ou pas
d’une relation entre nos variables et du test
apparié de Student pour déterminer
l’ampleur de l’écart entre les deux fichiers
analysés (2006 et 2011).
Résultats
Les écarts en pourcentage du nombre d’enrôlés
entre 2006 et 2011 pour chaque circonscription
(parmi les 169) impliquée dans les processus
électoraux de 2006 et 2011 sont illustrés dans la
figure 1 ci-contre.
Quelques pics observés dans la figure 1
démontrent l’existence des circonscriptions dont
l’écart du nombre d’enrôlés entre 2006 et 2011
dépasse largement la tendance générale observée
pour l’ensemble des circonscriptions de la RDC.
C’est le cas de la ville de Lubumbashi qui a le
pic le plus élevé (en terme d’enrôlés), suivie de
200
Écart d'enrôlés en %
Les données utilisées dans le cadre de cette
étude proviennent des rapports officiels de la
Commission Électorale Nationale Indépendante
(CENI) de la RDC. De 25 696 964 électeurs en
2006, le nombre d’électeurs dans le fichier
électoral de la RDC est passé à 32 024 640 en
2011, une hausse de 6,3 millions d’électeurs
(soit 24,6%) pour une population ayant passé
d’environ 60 millions à environ 67,8 millions
d’habitants4 en 2011, une hausse de 13%.
la ville de Goma, Idiofa, Gungu et Kamonia
respectivement.
150
100
50
0
-50
Circonscriptions
Figure 1. Accroissement en % du nombre d’enrôlés
entre 2006 et 2011 en RDC
Le test apparié de Student rejette l’hypothèse
nulle selon laquelle il n’existerait pas de
différences significatives entre les fichiers
électoraux de 2006 et 2011. À l’instar de la
figure 1 qui montre un accroissement en terme
de pourcentage de certains circonscriptions à
94%, 112% et 160% (cas de Goma, Feshi et
Nyragongo respectivement), le test apparié de
Student confirme avec un niveau de confiance de
95% que le nombre d’enrôlés de 2011 est
significativement plus élevé que celui de 2006.
La courbe de régression linéaire (figure 2) tracée
suivant l’équation Y2011 = 22750 + 0.966Y2006, en
considérant un intervalle de confiance de 95% a
permis d’identifier quelques valeurs extrêmes
qui correspondent à une déviation exagérée du
nombre d’enrôlés en 2011 par rapport à celui
observé en 2006.
y2011 = 22750 +1. 0966 y2006
1200000
N
169
Rsq
0. 9658
1000000
Adj Rsq
0. 9656
RMSE
29332
800000
600000
y2011
Sources de données
400000
200000
0
-200000
0
100000
200000
300000
400000
4
Il n’y a pas eu de recensement scientifique de la
population congolaise depuis 1984. Estimation de l’Institut
national d’études démographiques dans « Tous les pays du
monde (2011), Population & Sociétés, numéro 480, juilletaoût 2011.
500000
600000
700000
800000
900000
y2006
Plot
y2011*y2006
PRED*y2006
L95*y2006
U95*y2006
Figure 2. Courbe de régression linéaire à 95 %
d’intervalle de confiance
Le fichier électoral en RDC est significativement gonflé/ le 16 novembre 2011
2
Bureau International d’Études pour la Paix et le Développement (BIEPD)
La mesure de l’impact des données extrêmes
identifiées sur la courbe de régression linéaire a
été faite avec la statistique DFITs qui excède en
valeur
absolue
2*sqrt
(1/169).
Neuf
circonscriptions (Beni, Kinshasa-2, Kinshasa-4,
Dimbelenge, Feshi, Goma, Idiofa, Kamonia et
Lubumbashi) ont été identifiées à la suite de
cette analyse comme ayant un nombre d’enrôlés
significativement élevé en 2011 alors que quatre
circonscriptions ont un nombre d’enrôlés
significativement diminué (Bulungu, MbujiMayi, Masimanimba, et Kananga-ville).
Discussion
L’ensemble des circonscriptions montrant une
différence significative du nombre d’enrôlés en
2011 appartiennent aux provinces du Nord Kivu,
du Katanga, des deux Kasaï, de Kinshasa et du
Bandundu.
L’examen de la carte des résultats du premier
tour des élections de 2006 ci-contre5 révèle que
la
majorité
des
déviations
positives
significativement élevées appartiennent aux
circonscriptions gagnées par Joseph Kabila ou
par Antoine Gizenga en 2006 ou encore perdues
par ces derniers (e.g., Kinshasa-2, Kinshasa-4)
Les villes de Kananga et de Mbuji-Mayi,
considérées comme des châteaux forts du
candidat Étienne Tshisekedi -- qui avait boycotté
les élections de 2006 et incité ses partisans à
faire autant, ont paradoxalement eu un nombre
d’enrôlés significativement inférieur en 2011
comparé à 2006.
Figure 3. Carte des résultats du premier tour des
élections présidentielles de 2006 en RDC
Conclusion
À la lumière des analyses effectuées, il appert
que le fichier électoral de 2011 est
significativement
gonflé
dans
certaines
circonscriptions en comparaison de celui de
2006.
Par ailleurs, le BIEPD endosse les conclusions
du rapport de l’International Crisis Group sur le
dilemme électoral en RDC, particulièrement en
ce qui a trait au monitoring externe pré et
postélectoral.
Le BIEPD recommande donc aux témoins et
observateurs électoraux de redoubler de
vigilance dans les circonscriptions identifiées
comme ayant un nombre significativement
gonflé d’électeurs puisqu’elles sont propices à la
fraude. Enfin, la Communauté internationale
devrait assurer, via la Mission de l’Organisation
des Nations-Unies pour la stabilisation du
Congo (MONUSCO), la surveillance des
frontières étant donné que la plupart de ces
circonscriptions ont une frontière commune avec
des pays voisins de la RDC.
5
Cette carte peut être consultée de façon interactive sur le
site Internet du BIEPD avec les détails des résultats de
2006, par circonscription électorale.
Le fichier électoral en RDC est significativement gonflé/ le 16 novembre 2011
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