Incident sans gravité
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Incident sans gravité
Semaine 1 Incident sans gravité Une fois de plus, elle n'avait pu s'en empêcher. Il faut dire que c'était tellement facile de le chambrer, tout simplement irrésistible. Quand ils s'étaient retrouvés à la maison après le boulot, il s'était plaint de s'être fait pincer par un radar; ça lui coûterait 500 balles. C'était son problème. Il n'avait qu'à rouler moins vite. Et puis c'était cher mais, avec son salaire et sans gamins, il ne devrait pas se priver de quoi que ce soit pour payer cette amende. En somme, pas de quoi en faire un plat. Après le souper, ils allumèrent la télévision. La TSR passait Sex and the City le film. La protagoniste, entourée de cartons, tenait deux escarpins bleus dans la main. Accroupie en face d'elle, son assistante personnelle, une jeune afro-américaine, l'aidait à ranger et classer ses affaires. La belle Sarah Jessica était embarrassée. Elle déménageait et apparemment ne savait que faire de sa paire de chaussures. Honteuse et excitée à la fois, elle dévoilait à son employée le prix de ces encombrantes merveilles. 525 dollars. Suite à cela elles criaient, tapaient des pieds et se prenaient dans les bras. De l'autre côté de l'écran, lui était debout à trier du courrier et elle couchée sur le divan : 500 francs ! Quelle connerie ce film! 500 dollars pour des godasses! Ça fait combien en francs suisses, presque - Oui, un peu moins peut-être à l'heure actuelle mais ça reste en effet très cher. Quoiqu'en y réfléchissant c'est encore acceptable. Et puis, c'est quand même l'histoire d'une femme superficielle qui vit dans le luxe. Du coup, le prix correspond. Elle n'aurait pas été crédible de faire toute une histoire pour moins. - Ouais, mais quand même. Ça veut rien dire, des godasses à 500 balles. - C'est vrai que tu sais mieux dépenser ton argent! Un arrêt. Il la regarda et vit qu'elle souriait, heureuse de sa vanne. Puis, le temps qu'il comprenne vraiment, il ouvrit les yeux tout ronds, choqué. Elle savait ce qui allait ensuite se passer, il allait lui sauter dessus et la chatouiller jusqu'à ce qu'elle s'excuse et le supplie d'arrêter. C'était son jeu et cela ne manqua pas. Mais en se débattant elle reçut un coup. Ce n'était pas la première fois que ça finissait ainsi : - Ah, mais arrête, tu m'as fait mal! Ah ouais, j'arrête? tu veux que j'arrête? Non mais je suis sérieuse ! Tu m'as envoyé un coup là! Mais non. Si, putain. Arrête. Et toi, tu arrêtes? Mais oui, j'arrête. Je ne dis plus rien. Promis. Il la lâcha et se mit à sourire. Lui avait trouvé ça plutôt amusant. Elle non. Elle avait envie qu'il sente ce qu'il lui avait fait. Elle voulait lui envoyer une gifle, n'importe quoi, mais montrer que ce n'était pas drôle. Pas acceptable. En même temps, répondre par un tel geste, non, elle ne voulait pas installer cela dans son couple. Leurs petites bagarres, plutôt anecdotiques, tournaient toujours de la même manière; de son côté, une vanne un peu mesquine et du sien une riposte physique dans les limites du jeu enfantin. Elle voyait bien qu'il n'avait aucune envie d'être brutal; il était simplement un gars costaud et, quand il chatouillait avec ses gros doigts de maçon et ses bras épais, elle toute frêle en sortait un peu plus bousculée qu'elle ne l'aurait souhaité. - Bon, je nous fais les cafés? Merci, avec un sucre. Je sais. On a des biscuits? J'ai acheté du chocolat hier. Il y a encore une plaque au frigo. Quand elle revint de la cuisine avec les deux tasses fumantes et la tablette de chocolat, il l'embrassa. Il ne s'était rien passé de grave finalement. Nicolas Violi