SEGOLENE ROYAL OU LA PRINCESSE INNOCENTE Pardonnez

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SEGOLENE ROYAL OU LA PRINCESSE INNOCENTE Pardonnez
SEGOLENE ROYAL OU LA PRINCESSE INNOCENTE
Pardonnez-nous Jean Daniel, mais ce fut d’abord vous, observateur oh combien talentueux de notre épique
époque qui, involontairement, nous aura donné le goût de revenir sur la déroute de Ségolène Royal lors des
Primaires Socialistes. Emu sans doute plus que de raison par les larmes de la candidate défaite, et pour une fois
renonçant à cette distance de journaliste dont vous vous fîtes toujours un devoir, voilà que - votre chronique
du 19 octobre - plutôt que nous donner à voir les raisons d’un échec vous magnifiâtes la perdante au point de
la portraiturer en princesse innocente. Nous lûmes, nous relûmes sans trop y croire, mais c’était bien là ce que
vous aviez écrit, et vertige de notre esprit quelque peu troublé par cette glorification, il arriva ce moment où,
reposant le Nouvel Obs, nous crûmes avoir lu Vierge en lieu et place de Princesse. Ce qui, on l’avouera, et à
moins que les quatre enfants de la dame réunis en une seule entité n’incarnassent le Nouveau Messie, parait
bien improbable. Depuis, nous nous sommes ressaisis, mais tout de même, Princesse cher Jean Daniel, comme
vous y allez ! Pas plus que l’habit ne fait le moine, l’allure ne fait la princesse et il y manque à tout le moins,
pour qui a observé le parcours de l’ex égérie des médias, une certaine élégance morale. Alors, Princesse
Innocente…….
Mais si vous fûtes l‘étincelle, notre inspiration doit beaucoup à ceux qui, fidèles à la vie à la mort de la dame se
livrèrent - post mortem si l’on considère les ambitions présidentielles - à l’un de ces dénis de réalité dont nous
ne voyons guère de comparaison dans l’histoire politique récente. Là où, à gauche, tant de yeux se sont
dessillés depuis 2007, les leurs n’ont pas cillé, témoignage irréfragable d’un monde habité de certitudes, de
vérités, où l’obédience n’est pas un sujet dont on puisse débattre, et où la foi, pour demeurer elle-même, ne
saurait s’ouvrir à l’objection. C’est leur droit, comme c’est le notre de passer outre, nous souvenant d’une
méprise originelle qui, hélas pour elle et jusqu’à sa chute, donna à Ségolène Royal l’assurance inébranlable
d’être la Voix et l’Incarnation du Peuple.
L’aura-t-on en effet, tantôt porté en sautoir, tantôt brandi comme un talisman protégeant du mauvais sort, le
plus souvent utilisé par Dame Royal elle-même comme un sésame censé ouvrir les portes du paradis, - pardon,
de l’Elysée – l’aura-t-on donc, depuis mai 2007, martelé ce chiffre fabuleux de 17 millions d’électeurs ! A croire
qu’il n’y en avait pas eu 19 millions à voter pour l’autre candidat. A croire qu’au final, en termes d’écart
constaté avec le vainqueur, Ségolène Royal n’avait pas fait le plus bas score – l’accident de 2002 excepté – de
tous les candidats socialistes depuis 1974. A croire surtout que le peuple de gauche, enthousiaste, comme
chaviré, avait voté d’un seul et même élan « parce que c’était elle, parce ce que c’était lui » alors que les
enquêtes d’opinion de l’époque, si elles soulignaient le volontarisme, la pugnacité de la prétendante,
pointaient parallèlement le nombre élevé de votes par défaut (au deuxième tour 42% pour S. Royal selon IPSOS
contre 18% pour N. Sarkozy) ainsi que –toujours selon les électeurs de gauche et dans une proportion massive
– son manque de stature présidentielle. C’est ainsi que, enivrée d’un chiffre en trompe-l’œil, battue dans les
urnes, l’on célébrera son « triomphe » le 6 mai 2007 au soir, c’est ainsi que, faisant route vers 2012, affrontant
cette fois un vote autrement plus démocratique que celui des seuls militants, l’on découvrira, trop tard et
conséquemment abasourdie qu’il y a loin du peuple de gauche au démiurge que l’on s’abuse d’être. Quand
bien même appellerait-on Aimé Césaire et Stéphane Hessel à la rescousse.
Innocente, Ségolène Royal ? Peut-être, à la condition de valider ce mot par une aptitude particulière,
inentamable, à se mystifier soi-même.
Quant à la frange radicale des fervents, bien qu’ayant déjà fait, depuis cinq ans, la preuve d’un certain goût
pour la victimitude, se hissèrent-ils au dessus d’eux-mêmes en cette année 2011. « Tous pour elle, elle contre
tous » est un credo auquel rien ne pourrait les faire renoncer, dussent-ils, pour ne pas déroger, dire tout et le
contraire de tout, le fil rouge restant toutefois que les méchants sont partout. Ainsi soutient-on, avant le 9
octobre, que les puissances conjuguées des médias et des sondages - le « microcosme politico-sondagier » - ne
pourront rien contre la vérité des urnes, et après le 9 qu’on a si bien menti au peuple que 93% des votants –
93% ! - n’ont pas choisi La candidate, modèle pourtant unique, estampillé depuis 2007. Ainsi l’homme ou la
femme, de citoyen(ne) responsable, maître de ses actes et de ses pensées jusqu’à l’instant crucial ou il (elle) se
saisit du bulletin de vote, se métamorphose-t-il (elle) en une fraction de seconde en petite chose confuse et
instrumentalisée. Ainsi se réclame-t-on pendant des années de la démocratie participative, et, voyant avec
horreur le peuple vous échapper, jure-t-on que les dés étaient pipés.
PS : J’ai écrit, début 2011, un petit livre pronostiquant la défaite de dame Royal. Pour les plus curieux, il est
édité par Publibook sous le titre de « Si Ségolène Royal m’était contée »