Enseignement de l`intubation trachéale sur mannequin

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Enseignement de l`intubation trachéale sur mannequin
Mémoire du Diplôme Inter Universitaire de Pédagogie Médicale
Année Universitaire 2005-2006
Enseignement de l’intubation endotrachéale à l’aide d’un mannequin chez les étudiants
et les internes de médecine
Dr Bernard Page
Service de réanimation médicale
Hôpital Ambroise Paré
9 avenue Charles de Gaulle
92104 Boulogne
Téléphone 0149095601
Fax 0149095892
[email protected]
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Résumé
L’intubation endotrachéale est indispensable dans de nombreuses situations en médecine
d’urgence. L’enseignement de l’intubation endotrachéale est proposé aux étudiants de
médecine de niveau DCEM 3 et aux internes du service des urgences. Cet enseignement
comprend l’apprentissage sur un mannequin, puis la réalisation d’au moins 2 intubations
réelles au cours de leur stage hospitalier. Une évaluation est réalisée après la formation de 8
étudiants.
4 étudiants en DCEM 3, au cours de leur stage de réanimation médicale, et 4 internes du
service des urgences ont participé volontairement à l’enseignement sur mannequin et ont tous
réalisé dans les 4 mois suivants, au moins 2 intubations trachéales (minimum 2, maximum 4)
soit au bloc opératoire, soit au cours de leurs gardes formatrices, sous le contrôle d’un
médecin sénior.
Le mannequin est un réel apport pédagogique pour l’enseignement de l’intubation trachéale.
Tous les étudiants sont favorables à la poursuite de ce type d’enseignement.
Mots clés : Pédagogie, intubation, urgentistes, mannequin, internes en médecine
Key words: endotracheal intubation, emergency physicians, airway management, training,
mannequin-base simulator, residents
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Introduction
L’intubation endotrachéale est indispensable dans de nombreuses situations en anesthésie, en
réanimation, en médecine d’urgence pré hospitalière et aux urgences d’un hôpital.
Les indications les plus fréquentes rencontrées en médecine d’urgence et en réanimation sont
les insuffisances respiratoires aiguës, les comas, les intoxications médicamenteuses, les arrêts
cardiaques, les états de choc, la nécessité d’une ventilation artificielle…
Ce geste est souvent envisagé par les étudiants et les internes en médecine avec une
appréhension disproportionnée par rapport à sa simplicité gestuelle. Une formation initiale
théorique et surtout pratique est le pré requis indispensable à la pratique de ce geste. Les
étudiants et les internes en médecine ont la possibilité de suivre une formation sur le mode du
compagnonnage au bloc opératoire. Cela suppose, à l’heure actuelle, soit de réaliser un stage
en anesthésie-réanimation ou au Samu, soit une démarche volontaire de la part de l’étudiant.
La mise en place du Diplôme d’Etude Spécialisé en médecine d’urgence et la « séniorisation »
des Urgences rendent l’enseignement de l’intubation endotrachéale indispensable pour les
médecins urgentistes.
Nous proposons depuis mai 2006, l’enseignement de l’intubation endotrachéale aux étudiants
de médecine de niveau DCEM 3, au cours de leur stage de réanimation médicale, et aux
internes du service des urgences de l’hôpital Ambroise Paré. Cet enseignement comprend un
enseignement dirigé par petit groupe avec apprentissage sur un mannequin, puis la réalisation
d’au moins 2 intubations réelles au cours de leur stage hospitalier. Une première évaluation
est réalisée en septembre 2006, après la formation de 8 étudiants.
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Matériel et méthodes
1) Objectif de l’étude
L’apprentissage de l’intubation endotrachéale est proposé aux étudiants de médecine de
niveau DCEM 3, au cours de leur stage de réanimation médicale, et aux internes du service
des urgences de l’hôpital Ambroise Paré. L’évaluation de la faisabilité de l’enseignement, du
temps nécessaire, de l’intérêt des étudiants pour ce type d’apprentissage, est réalisée après la
formation de 4 étudiants DCEM 3 en réanimation et de 4 internes en médecine d’urgence.
2) Méthodologie de l’étude
Cette étude a été réalisée de mai à septembre 2006. Les 4 étudiants de médecine au cours de
leur stage de réanimation médicale et les internes du service des urgences de l’hôpital
Ambroise Paré ont été invités à participer à cette étude. L’enseignement de l’intubation
trachéale a été effectué en 2 temps :
-
Un enseignement dirigé par groupe de 2 étudiants avec apprentissage sur un
mannequin.
-
La réalisation d’au moins 2 intubations au cours de leur stage, au bloc opératoire et/ou
dans le service de réanimation au cours des gardes. Ces intubations réelles ont été
supervisées par l’anesthésiste en charge du patient au bloc opératoire ou le médecin de
garde en réanimation médicale.
L’enseignement dirigé de l’intubation orotrachéale standard comprend :
-
le rappel de l’anatomie des voies aériennes supérieures
4
-
le matériel requis (annexe 1)
-
les conditions de sécurité à réunir
-
la pré oxygénation préalable avec ventilation au masque facial
-
la technique en insistant sur la position de la tête du patient, les 3 axes à aligner pour
visualiser la glotte, la position de l’opérateur, la tenue du laryngoscope
-
les précautions d’hygiène à respecter, l’utilisation des solutions hydro-alcooliques, le
port de lunettes de protection et de gants, l’utilisation d’un masque de protection FFP2
(si le patient est suspect d’une infection respiratoire contagieuse), l’utilisation de
matériel à usage unique
-
les précautions à prendre (protection des dents…)
-
la confirmation de l’intubation trachéale
-
les incidents et les accidents
-
l’appel à une aide en cas d’intubation difficile non prévue en situation d’urgence
Les recommandations de la XVIIIème Conférence de consensus en réanimation et médecine
d’urgence «Quel abord trachéal pour la ventilation mécanique des malades de réanimation ?»
(1998), et le chapitre « intubation trachéale » du livre Réanimation médicale, CNERM,
Editions Masson 2001, servent de documents de référence à cet enseignement. (1, 2)
L’enseignement dirigé se poursuit par une séance d’entraînement sur mannequin. Les
étudiants sont par groupe de 2, avec un enseignant. Le temps réservé à cet enseignement
dirigé est de 45 minutes à 1 heure, pour permettre à chaque étudiant d’effectuer
individuellement les manipulations sous contrôle de l’enseignant. La technique de l’intubation
oro trachéale standard sur le mannequin est d’abord décrite puis montrée par l’enseignant,
avant de la faire réaliser par chaque étudiant. L’enseignant doit ré expliquer le geste au fur et
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à mesure des difficultés rencontrées par l’étudiant. Il corrige les erreurs, et le geste est répété
jusqu’à ce que l’ensemble soit parfaitement exécuté et maîtrisé par l’étudiant, sous contrôle
permanent de l’enseignant. Le mannequin est une tête d’intubation adulte AMBU. Les notions
concernant la conduite à tenir devant une intubation difficile ne sont pas enseignées.
Dans un deuxième temps, au cours de leur stage, les étudiants et les internes doivent réaliser 2
intubations orotrachéales réelles. Les internes du service des urgences sont encouragés à aller
au bloc opératoire ou ils sont encadrés par le médecin anesthésiste responsable du patient.
L’intubation orotrachéale se fait au bloc opératoire en situation réelle, contrôlée et
programmée. Les patients sont sélectionnés par l’anesthésiste et n’ont pas de signes de risque
d’intubation difficile détectés lors de la consultation d’anesthésie. Le geste se pratique à partir
des techniques et principes acquis et validés lors des entraînements sur mannequins sous la
surveillance du médecin anesthésiste, avec toutes les conditions de sécurité pour le patient.
Les étudiants du service de réanimation peuvent soit aller au bloc opératoire, soit pratiquer les
intubations au cours de leurs gardes formatrices, dans le service de réanimation, sous le
contrôle et la responsabilité du médecin « sénior » en charge du patient. Les étudiants sont en
possession d’un carnet de stage (annexe 2), distribué en début de stage, sur lequel ils
consignent au fur et à mesure les gestes techniques qu’ils ont pratiqués au cours de leur stage
(intubation, pose d’une voie veineuse périphérique, d’une sonde gastrique, d’une sonde
urinaire, d’un cathéter artériel, réalisation d’une ponction lombaire, d’un gaz du sang artériel,
d’un massage cardiaque externe…) ou auxquels ils ont assisté (trachéotomie, échographie
cardiaque, transport intra-hospitalier d’un patient, endoscopie digestive…). Le carnet de stage
est contrôlé à la fin du stage. Le stage dure 4 mois. Les étudiants ont 4 à 5 gardes formatrices
par mois. Les étudiants et les internes ont été revus et interrogés en septembre 2006, afin
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d’évaluer l’utilité du mannequin comme outil de formation et leur satisfaction globale pour ce
type d’enseignement.
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Résultats
4 étudiants (sur 4) en médecine en DCEM 3, au cours de leur stage de réanimation médicale,
et 4 internes (sur 5) du service des urgences de l’hôpital Ambroise Paré ont participé
volontairement à l’enseignement et ont tous réalisé dans les 4 mois suivants, au moins 2
intubations trachéales (minimum 2, maximum 4). Les internes du service des urgences sont
tous allés au bloc opératoire ou ils ont été encadrés par le médecin anesthésiste responsable du
patient. Les étudiants du service de réanimation ont réalisé les intubations au cours de leurs
gardes formatrices, dans le service de réanimation, sous le contrôle du médecin sénior en
charge du patient. Toutes les intubations ont été jugées « faciles » et «sans problèmes » par les
étudiants, les anesthésistes et les réanimateurs.
Le temps consacré à l’enseignement dirigé par groupe de 2, a été de 45 à 60 minutes par
séance. 4 séances pour former 8 étudiants ont été nécessaires, soit 4 heures au total.
L’intérêt du mannequin comme outil d’apprentissage est attesté par la satisfaction des
étudiants exprimé en fin de stage. Les étudiants sont tous favorables à la poursuite de ce type
d’enseignement.
Gestes réalisés par les étudiants en réanimation pendant leur stage de 4 mois
MS
MP
TC
AM
Intubation
2
3
2
2
Cathéter artériel
3
4
1
2
Gaz du sang
4
3
3
2
Ponction lombaire
2
1
1
2
Voie veineuse périphérique
1
2
0
0
Sonde urinaire
0
0
0
0
Pleurocathéter
0
1
2
2
8
Intubations réalisées par les internes du service des urgences au bloc opératoire
Intubation
SO
UM
PA
MM
2
2
3
4
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Discussion
La formation initiale à l’intubation trachéale doit comporter une partie théorique et une partie
pratique. La partie théorique doit inclure un enseignement sur l’anatomie normale des voies
aériennes, sur les indications, sur les conditions de sécurité, sur le matériel nécessaire, sur les
règles d’hygiène à observer, sur les signes cliniques évocateurs d’intubation difficile. La
partie pratique doit enseigner les données de base : préparation et vérification du plateau
d’intubation, position de la tête du patient, pré oxygénation, maniement du laryngoscope,
contrôle du bon positionnement de la sonde d’intubation. Un apprentissage avec entraînement
en dehors des situations d’urgence est indispensable. L’utilisation des mannequins est très
répandue dans les écoles d’infirmières. Les simulateurs de vol sont indispensables pour
l’apprentissage des pilotes d’avion. L’utilisation de mannequins intelligents ou simulateurs se
développe actuellement en médecine dans toutes les spécialités (3,4,5). Le simulateur METI
est un moyen discriminant et valide pour apprécier les performances des internes
d’anesthésie-réanimation en situation critique, surtout face à des situations rares, mais
nécessitant une action appropriée et rapide (6). Des mannequins sont maintenant disponibles
pour l’apprentissage de la crico-thyroidotomie d’urgence (7).
L’enseignement initial de l’intubation trachéale doit aujourd’hui faire appel à des mannequins
avant de passer à l’étape ultérieure, c’est à dire la pratique sur le patient, avec supervision par
un sénior. Les séances d’entraînement sur mannequin doivent être organisées sous forme de
travaux dirigés. Le temps réservé à ses travaux doit être suffisant pour permettre à chaque
étudiant d’effectuer individuellement les manipulations sous contrôle de l’enseignant. L’usage
des simulateurs est limité actuellement par le coût élevé des appareils.
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Conclusion
L’enseignement de l’intubation endotrachéale aux étudiants de médecine de niveau DCEM 3,
au cours de leur stage de réanimation médicale, et aux internes du service des urgences est
possible dans notre expérience, grâce à un enseignement dirigé à l’aide d’un mannequin, puis
la réalisation du geste au bloc opératoire ou dans le service de réanimation.
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Références
1) Quel abord trachéal pour la ventilation mécanique des malades de réanimation ? XVIII e
conférence de consensus en réanimation. Réan Urg 1998 ; 7 : 435-442
2) Eurin B. Intubation trachéale. Abord des voies aériennes. Réanimation médicale. CNERM.
Masson 2001 ; 261-266
3) Blum MG, Powers T, Sundaresan S. Bronchoscopy simulator effectively prepares junior
residents to competently perform basic clinical bronchoscopy. The Annals of Thoracic
Surgery 2004 ; 78 : 287-291
4) Hesselfedt R, Kristensen MS, Rasmussen LS. Evaluation of the airway of the SimMan fullscale patient simulator. Acta Anaesthesiol Scand. 2005 ; 49 : 1339-1345
5) Mayo PH, Hackney JE, Mueck T. Achieving house staff competence in emergency airway
management : results of a teaching program using a computerized patient simulator. Crit care
med 2004 ; 32 : 2422-2427
6) Lebuffe G, Plateau S, Tytgat H. Intérêt du simulateur d’anesthésie pur l’évaluation des
internes d’anesthésie-réanimation. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation. 2005 ;
24 : 260-269
7) Crico-trainer http://www.laerdal.f/
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Annexes
Annexe1
Quel est le matériel requis pour procéder à une intubation endotrachéale ?
1) Gants et protection faciale et oculaire pour l’opérateur.
2) Système d’aspiration.
3) Sondes d’intubation homologuées de tailles différentes (6 à 8,5) en PVC ou silicone,
avec un ballonnet à basse pression.
4) Laryngoscopes à piles, avec lames courbes de Macintosh 3 et 4 et une lame droite de
Miller.
5) Mandrin souple.
6) Pince de Magill.
7) Ballon permettant de délivrer une FiO2 proche de 1, avec valve unidirectionnelle.
8) Filtre antibactérien entre la valve et le masque facial.
9) Masques faciaux de tailles différentes
10) Canules de Guedel
11) Seringue de 10 ml et un dispositif de fixation de la sonde
12) Seringue de 60 ml à embout conique pour confirmer la position endotrachéale de la
sonde
13) Dispositif de pulvérisation d’anesthésique local
14) Agents anesthésiques et myorelaxants
15) Procédure écrite d’intubation difficile (algorithme décisionnel, personnes à contacter
pour un renfort et emplacement du chariot spécial)
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Annexe 2
Carnet de stage de l’étudiant en réanimation médicale
J’ai fait
-
Une prise de sang veineuse
oui non
-
Poser une perfusion périphérique
oui non
-
Un gaz du sang artériel
oui non
-
Un hémoglucotest
oui non
-
Une analyse d’urines par bandelette
oui non
-
Aspirer un patient intubé
oui non
-
Un ECG
oui non
-
Une ponction lombaire
oui non
-
Poser une sonde urinaire
oui non
-
Poser une sonde gastrique
oui non
-
Un massage cardiaque externe
oui non
-
Une manœuvre de Heimlich
oui non
-
Une manœuvre de libération des VAS
oui non
-
Ventiler un patient avec un Ambu
oui non
-
Surveiller un patient sous ventilation mécanique
oui non
-
Une intubation
oui non
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Je sais interpréter
-
Un bilan hydroelectrolytique sanguin et urinaire
oui non
-
Un gaz du sang artériel
oui non
-
Un hémoglucotest
oui non
-
Une bandelette urinaire
oui non
-
Un ECG
oui non
-
Une radio du thorax
oui non
J’ai assisté
-
A une trachéotomie
oui non
-
A une échographie cardiaque
oui non
-
Au réglage d’un respirateur
oui non
-
A la pose d’un cathéter veineux central
oui non
-
A la pose d’un cathéter artériel
oui non
-
A la pose d’un drain pleural
oui non
-
A la pose d’une sonde d’entraînement
oui non
-
Au transport intra-hospitalier d’un patient
oui non
-
A une endoscopie digestive
oui non
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