Les parents avouent la mort de Loan, victime de violences
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Les parents avouent la mort de Loan, victime de violences
FAITS DIVERS Aujourd’hui en France Lundi 1er septembre 2014 13 Les parents avouent la mort de Loan, victime de violences ENQUÊTE. Christelle Mourlon et Cédric Danjeux ont reconnu avoir menti. Leur bébé de 4 mois n’a pas été enlevé. Le couple l’avait enterré près d’un étang dans la Creuse. Peu de temps avant, il avait subi des maltraitances. La réaction d’une avocate spécialisée n Christelle Mourlon, la mère de Loan. (DR.) LE SCÉNARIO de l’enlèvement du petit Loan imaginé par ses parents a vite volé en éclats. Quelques heures après leur placement en garde à vue samedi soir, ils craquaient face aux gendarmes de la section de recherches de Limoges (Haute-Vienne) qui les ont conduits, pas à pas, vers des aveux rapides, grâce à une approche psychologique très étudiée. Christelle Mourlon, 24 ans, et Cédric Saint-Sulpice-les-Champs (Creuse), hier. C’est près de cet étang qu’a été retrouvé le corps de Loan, enfoui dans un sac plastique. Danjeux, 30 ans, ont admis que le petit garçon « avait été victime de violen- provisoire au petit Loan. Son cadavre plus liés que ce qu’ils veulent bien cet enfant. » Le petit Loan était sans ces », sans doute plusieurs jours avant était enfoui dans un sac en plastique à nous dire », décrypte le procureur. doute, au vu de son état de santé, « un qu’ils ne déclarent la disparition de proximité de l’étang de la Salma, au Quant à la date exacte de la mort du bébé en difficulté, très solliciteur pour l’enfant, enlevé selon leur témoignage lieu-dit de la Morlaix, que l’on atteint nourrisson, le magistrat a assuré être des parents dont l’exaspération a été initial par un mystérieux inconnu le au bout d’un chemin pierreux. « Ils incapable de la donner, précisant atteinte et certainement débordée ». 27 août, à la base de loisirs de Chéné- disent l’avoir enterré tous les deux », seulement que les « faits dataient de « L’enfant pleurait trop » pour ses parailles où le couple explique Sébastien bien avant le mercredi, jour de la dé- rents, selon le magistrat. Enfin, le mapassait la soirée. Le Farges, le procureur claration de disparition de l’enfant ». gistrat a indiqué qu’à deux reprises corps du bébé de « Les rôles de l’un et de de la République de Pour le procureur, l’enfant est décé- des témoins ont fait état de violences 4 mois a été retrou- l’autre sont beaucoup plus Guéret. « Ils sont en- dé à la suite de « violences volontaires subies par cet enfant opéré début juilvé, hier, enterré à liés que ce qu’ils veulent suite rentrés à leur ayant entraîné la mort sans intention let d’une malformation de l’aorte. proximité d’un domicile et ont éla- de la donner ». Il ne voit pas, en effet, Quant aux services sociaux, il a estibien nous dire » étang, sur les indiboré un scénario », a « de volonté immédiate d’homicide ». mé qu’ils « sont allés jusqu’au bout de Sébastien Farges, procureur cations des paprécisé le magistrat. Et il réfute l’argument d’une « puni- ce qu’ils pouvaient faire ». de la République de Guéret rents, entendus « Le père s’attri- tion qui a mal tourné », avancé par le Hier soir, les gendarmes tentaient tous deux séparément. Leur garde à bue des violences déterminantes père selon une source proche de l’en- encore d’établir une hiérarchie des vue a été prolongée. dans la mort de l’enfant. La mère quête. « Je ne peux pas parler de puni- responsabilités de chacun. Une autopC’est un étang privé fermé par une confirme peu ou prou ce scénario, tion envers un enfant de 4 mois », sie de l’enfant aura lieu ce matin. Cette grille, perdu au milieu de la campagne mais on peut aujourd’hui se poser des tranche le magistrat avant de revenir affaire sera désormais confiée au pôle bocagère paisible de Saint-Sulpice-les- questions sur son implication. Les rô- sur les parents : « Ils ont eu des gestes d’instruction criminelle de Limoges. Champs, qui a donc servi de sépulture les de l’un et l’autre sont beaucoup déplacés qui ont conduit à la mort de JEAN-MARC DUCOS (AFP/Thierry Zoccolan.) Saint-Sulpice-les-Champs (Creuse) De notre envoyé spécial Pénaliste depuis vingt et un an, Isabelle Steyer est spécialisée dans les affaires familiales. Femmes victimes d’abus sexuels, violences conjugales, enfants maltraités : cette avocate parisienne a une longue expérience de ce type de dossier. Forcément, elle a suivi l’affaire du petit Loan et ses développements. Et le mot de « punition » qu’aurait employé le père du bébé pendant sa garde à vue l’a interpellée. « Si cet homme a parlé de punition pour un bébé de 4 mois, ce serait une explication inédite. Dans les affaires de maltraitances graves sur de jeunes enfants, je n’ai jamais vu ou entendu ça. Evoquer une punition pour un nourrisson aussi jeune, ça n’a pas de sens », commente Me Steyer. Ce mot lui rappelle en tout cas le martyr du petit Bastien, cet enfant de 3 ans que son père avait mis dans une machine à laver, en 2011 en Seine-et-Marne, pour le punir au motif qu’il était turbulent à l’école. Dans les dossiers similaires qu’elle a traités, les couples impliqués dans le décès de leur enfant ne « reconnaissent presque jamais avoir souhaité sa mort », relève encore la pénaliste. « Ils parlent souvent d’accident », ajoute Me Steyer qui retrouve, au vu des premiers éléments rapportés sur le couple de la Creuse, certains traits communs aux parents maltraitants. « Au bout d’un moment, une femme victime de violences conjugales ne peut plus se protéger, ni protéger son enfant, elle ne peut plus rien endiguer. Mais il faudra attendre la suite de l’enquête pour en savoir plus sur le rôle de chacun. » GEOFFROY TOMASOVITCH « Ce sont des bourreaux, c’est indigne » Laurence Bouchet-Dionnet, grand-mère du petit Loan (LP/Jean-Marc Ducos.) Crocq (Creuse) De notre envoyé spécial Crocq (Creuse), hier. La grand-mère de Loan est sous le choc de sa terrible mort. ELLE PRESSENTAIT LE PIRE dès le début de l’affaire. Et elle avait vite deviné le mensonge bancal mis au point par sa fille, Christelle, et son compagnon, Cédric Danjeux. Mais, hier, lorsqu’elle a appris que son petit-fils, Loan, 4 mois, avait été retrouvé mort et enterré, un enfant qu’elle n’a jamais vu ou pu serrer dans ses bras, cette jeune grandmère a porté la main à la poitrine, incapable de respirer. Debout dans sa cuisine, la main appuyée sur un vieux bahut, le souffle coupé au point de pâlir. Christelle, sa fille, avec laquelle les relations étaient difficiles, ne l’avait même pas infor- mé de la naissance de ce petit gar- Mais comment une mère n’a-t-elle çon, le 3 avril dernier… pas pu empêcher cela ? Quand je Laurence Bouchet-Dionnet, pense que lorsqu’elle est venue à la 44 ans, avoue désormais « avoir maison, samedi en début d’aprèshonte de sa fille » car elle est à ses midi, en me disant : On ne sait pas yeux « la complice consentante de où est le petit, elle me mentait enson compagnon, Cédric », et assure core. Aujourd’hui, le pire est là. Une ne « plus la reconnaître au point de tragédie de plus dans notre vie », la renier ». Des confie la grandmots impitoyables de Loan, qui « Comment une mère mère qu’elle renouvelle. dénonce l’idée de n’a-t-elle pas pu Et elle prévient, « punition » évosous le coup d’une quée par le père empêcher cela ? » colère rentrée : de l’enfant. Laurence Bouchet-Dionnet « Ce n’est pas la « Punir un bébé peine qu’ils viennent vers moi. Ce de 4 mois, cela n’a aucun sens, c’est ne sont pas des parents, mais des incompréhensible, surtout quand bourreaux. C’est indigne. » « Cet en- on sait que cet enfant était fragile et fant, ils étaient incapables de l’assu- malade. » Laurence reconnaît « ne mer et de l’élever. Elle, comme lui. pas avoir été elle-même une mère parfaite ou idéale », mais « taper un bébé, [c’est] inimaginable ». Un sentiment partagé par la tante de Christelle, Valérie Bouchet, 39 ans, originaire de Saint-Laurent dans les environs de Guéret, et qui avait vite détecté que sa nièce « n’était pas patiente avec les enfants [et] avait un caractère difficile. Elle n’avait pas la tête sur les épaules pour faire face. Et son compagnon, on sait tous qu’il la martyrisait et la séquestrait. Ce bébé, il n’avait pas sa place chez eux. Il était en danger. Il aurait fallu que les services sociaux le leur enlèvent, mais c’est trop tard », constate la tante, qui veut laisser « une porte ouverte à Christelle, un jour… ». Propos recueillis par J.-M.D.