micmag-systema

Transcription

micmag-systema
Desordeiro cutural & social
Europa & América Latina
Systema Solar "Frekuensia Kolombiana" autogérée !
Systema Solar, groupe colombien qui mélange
samplers electro et musiques folkloriques
d’origine afro-colombienne est né d’un projet
socioculturel. Retour sur une belle aventure.
Par Mathilde Estrangin et Iris Sergent (Crozon,
Finistère)- Photo © Vaness La Déraille
Micmag : vous êtes très impliqués dans le thème de l’autogestion, Micmag aimerait en savoir un
peu plus…
Daniboom : depuis le début du processus de création de Systema Solar, la proposition est à
mettre en lien avec un design de promotion. Le documentaire que vous avez vu, Frekuensia
Kolombiana, est né au sein d’une fondation qui s’appelle Intermundos. Intermundos promeut la
possibilité pour des communautés du monde entier de se rencontrer et d’améliorer les
dynamiques et les possibilités d’expression de chacune d’entre elles. Le documentaire s’est fait
justement pour que d’autres personnes se rendent compte de ce qui se passe en Colombie,
pour rechercher des moyens, pour améliorer les conditions de vie. Et de cette même manière,
Systema Solar, comme projet, comme proposition musico-visuelle, est connectée à une
stratégie d’entreprise qui a pour esprit l’autogestion et de se développer dans le contexte des
musiques indépendantes. Aujourd’hui, après cinq ans de fonctionnement, ce qui a été exploré,
montre que c’est un chemin possible, mais dur et fort à assumer. Cependant, c’est la voie dans
laquelle nous nous sentons assez à l’aise et sur laquelle nous continuons de parier (…) Et ça, c’est
notre quotidien, et nous sommes liés par ce point de vue-là : ce n’est pas seulement une
proposition dans laquelle on fait de la musique pour faire de la musique, que pour le show -bien
que cela en fassent partie-mais c’est inévitablement connecté à un feeling de changement à
partir de chacun d’entre nous. (…)
Micmag : et concrètement, comment cela se passe-t-il ? Quels sont les résultats ?
Indigo : des résultats : dans un premier temps, nous avons une entreprise enregistrée au Registre
du Commerce, ceci afin de pouvoir faire n’importe quel type de contrat, pour obtenir des
moyens.
Daniboom : et aussi pour pouvoir décider nous-mêmes. Ne pas attendre que quelqu’un nous dise
quel est le chemin à suivre. Et prendre des décisions, même délicates. Et même si elles amènent
à commettre des erreurs, elles restent, de toute façon des décisions qui sont au cœur du projet.
Il faut aussi préciser la manière dont nous nous sommes rencontrés : tout est né à partir de projets
autogérés, indépendants, comme Intermundos et Frekuensia Kolombiana et le Festival de
musique électronique indépendante Bogotrax qui fut aussi important dans la rencontre des
membres du groupe. (…)
Micmag : vous considérez-vous comme les descendants de Bolivar ? Et de son idée d’unité des
peuples ?
Daniboom : non, il ne s’agit pas de faire des théories politiques. L’unité des peuples c’est
important surtout dans le sens d’appartenance et le sentiment de savoir qu’on peut prendre
des décisions par soi-même, pour son environnement, pour son peuple et pour ses conditions
de vie. Mais ce n’est pas tant, comme tu le dis, en nous mêlant à des théories politiques anciennes.
On est plus dans le maintenant et ici !
Micmag : l’autogestion est liée au thème des droits d’auteur, pouvez-vous nous en dire plus ?
Indigo : nous avons décidé qu’une personne se concentrerait sur ce sujet. Elle nous a appris, nous
avons appris à nous bouger, et elle nous à aider à comprendre cette nouvelle étape de l’échange
d’informations de l’espèce humaine, à quoi sert Internet et comment est née cette histoire des
droits d’auteur, etc. Quand on promeut une loi en Colombie et dans le monde, les cartes sont
bougées par les gouvernants pour protéger, exclure, avoir une incidence sur la gestion de
la connaissance. Dans notre cas, au-delà du dépôt des chansons, vu que nous utilisons des
samplers –ce fut d’ailleurs une tâche intéressante que de demander l’autorisation et de rentrer
dans ce débat- nous nous sommes rendus compte aussi qu’il y a une espèce, même si on ne le
veut pas, de militantisme de la protection pour mettre en évidence quand cela ne bénéficie
pas à tout le monde.
Daniboom : nous essayons aussi de trouver, au sein du groupe, une manière de donner un sens aux
droits d’auteur, à ce qu’ils représentent juridiquement et de regarder sur quels points cela peut
être juste/injuste pour certains membres / non membres du groupe. Parce que le droit d’auteur
est une chose très stricte : qui a fait la musique ? Qui a écrit les paroles ? On mise plutôt sur un
jeu de répartition. On le développe, on en parle, et on l’invente au fur et à mesure pour voir où
cela nous mène et pour être plus à l’aise et plus dans l’unité. Je crois que c’est vraiment pour cela
qu’on le fait.
Micmag : êtes-vous coauteurs ?
Daniboom : oui, nous sommes coauteurs. Ca dépend de chaque chanson. Certains apportent plus
que d’autres, c’est-à-dire qu’il y a plein de situations différentes. Nous parlons aussi
d’appropriation collective. C’est intéressant car s’il y a une chanson écrite par l’un d’entre nous
et que des améliorations sont apportées, à qui revient le droit d’auteur ? Et cela veut dire que
nous pouvons reproposer et repenser la distribution de la propriété.
Indigo : de la même façon, il faut penser à la diffusion au public. A quoi cela mène de dire "je vais
te poursuivre car tu utilises ma chanson", ça montre comment tu deviens reproducteur de
l’iniquité ou promoteur de l’option ouverte de partager le savoir, la culture. (…)
Daniboom : oui, quand tu achètes un CD commercial, si tu lis les petites phrases, ça dit : "écoutez
le seulement avec vos casques". Ils insinuent "diffusion publique interdite", "copie interdite", "prêt
interdit"… en fait, tout est interdit ! Ils autorisent seulement l’achat et l’écoute avec des casques.
Donc, si tout le monde suivait ces indications, il n’y aurait pas vraiment de musique. La fête
n’existerait pas vraiment, ni la musique d’ailleurs. Nous jouons, misons et changeons aussi ces petits
textes. Au lieu de dire "prêt interdit", on dit que tout est permis mais que "si ça te sert à quelque
chose, rappelles-toi de nous". Si c’est pour un usage non commercial, c’est fait pour être utilisé !
Indigo : même les radios, qui sont des médias communautaires ou alternatifs, doivent aussi, de
manière ponctuelle, payer beaucoup d’impôts pour diffuser de la musique. C’est un débat que
nous avons entre nous. Moi, je fais partie d’une association de radiodiffusion communautaire et
nous participons à un événement à Baranquilla qui explique aux gens qu’ils peuvent vraiment
avoir une incidence sur les décisions qui sont prises. Souvent, les gens pensent que les lois sont
faites d’en haut et qu’ils n’en font pas partie. Nous, comme groupe et comme entreprise
musicale, nous pouvons dire "les émissions de radio sont des médias alternatifs et
communautaires, ils peuvent utiliser ces chansons parce que leurs objectifs ne sont pas
commerciaux". Ça n’a aucun sens de dire qu’il faut qu’ils payent. Ce qu’il faut continuer à
promouvoir, c’est que les choses ne se ferment pas. De fait, ils ne vont pas y arriver, mais ça
dérange pas mal !

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