Transformer le DRH

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Transformer le DRH
Pour transformer l’entreprise, transformer
le DRH
Par L'Atelier de l'Emploi, le 21 mars 2014, dans la catégorie : Les analyses de l’atelier de
l’emploi
Tags : compétences, flexibilité, nouvelles technologies, recrutement
ANALYSE. Le salon Solutions RH, principal rendez-vous de toute la communauté RH,
vient de fermer ses portes. Au détour des allées, entre stands et salles de conférences, ont
surgi de nombreuses innovations en matière de développement des compétences ou
gestion des talents... mais aussi du grain à moudre pour repenser la fonction RH, alors
que l'entreprise n'a jamais semblé autant muter.
Lire Salon Solutions Ressources Humaines : à quoi ressemblera la fonction RH de demain
?
Faut-il transformer le DRH pour transformer l’entreprise ? Philippe Canonne (DRH
Groupe Fnac), Marc François-Brazier (ex VP RH, Essilor International) et Sébastien Van Dyk
(Directeur du développement et de l’innovation, ManpowerGroup), appelés à en débattre, en
conviennent : si le changement est de manière classique une caractéristique essentielle de la
vie de l’entreprise, les choses sont en train de… changer. Accélération et plus grande criticité
: la nouvelle nature, le rythme effréné et la profondeur des mutations que sont appelées à
connaître les entreprises leur imposent de se réinventer. Et en son sein, c’est l’ensemble de la
DRH, fonction “plus transversale que jamais” (S. Van Dyk) qui, elle aussi, mue et s’attaque
à cette nouvelle donne… et l’impulse ?
L’entreprise de demain, c’est maintenant
Il ne s’agit pas, comme le souligne Marc François-Brazier, de s’adapter dans un “périmètre
connu”. Puisque “tous les cadres vont changer”, et tous les repères être bouleversés, il ne
s’agit plus seulement de se plier aux divers événements “critiques” (fusions, acquisitions,
baisses ou hausses soudaines d’activité, rapide variation de conjoncture, restructuration) que
peut connaître l’entreprise. Il s’agit, au-delà de bâtir une entreprise adaptable – “agile” -, de
refonder d’authentiques stratégies d’anticipation.
D’une part, et il y a ici aussi consensus, l’impressionnant mouvement de raccourcissement des
cycles et l’ère de l’urgence confèrent à la dimension RH un rôle de plus en plus nécessaire.
Mais au-delà de l’accompagnement du changement “critique”, le besoin d’un
accompagnement RH de mutations plus profondes se fait ressentir. Philipe Canonne évoque la
fin à venir de la notion de durée du travail… voire de celle d’”entreprise”. La fin du travail tel
que nous le connaissons, prophétisée par de nombreux experts, crée en effet une entreprise
“poreuse, à géométrie variable” (M. François-Brazier).
Sébastien Van Dyk fait le bilan de ce qui constitue les trois grandes transformations connues
par l’entreprise :
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L’intensification de la globalisation : Les deux-tiers des effectifs des entreprises du
CAC 40 travaillent à l’étranger. Avec des déséquilibres qui appellent à de nouveaux
accompagnements : EDF réalise ainsi 46% de son chiffre d’affaires à l’étranger, quand
81% de ses salariés sont dans l’Hexagone. Et le mouvement touche aussi les ETI…
La normalisation de la révolution numérique : phénomène devenu concret pour
l’entreprise et le collectif, la “digitalisation” de l’entreprise touche les outils, process,
compétences… et l’activité.
Les profondes mutations du corps social. Elles sont nombreuses et ont des
implications concrètes sur le rôle de la fonction RH : l’arrivée de la (pseudo)
génération Y, une population active plus féminisée, l’ouverture à des valeurs de
développement durable ou d’économie sociale, etc
Anticiper les nouveaux métiers… et les
anciens qui évoluent
À la gestion de l’urgence s’agrège ainsi celle du temps long, ajoute Marc François-Brazier.
Où l’on retrouve cette tension entre pression du cycle court et impérieuse nécessité de
l’anticipation, qui, paradoxalement, “devient de plus en plus difficile”. Pour l’ancien DRH
d’Essilor International, c’est en amont qu’il faut travailler, ce qui nécessite d’être “le plus
proche possible du business et de l’activité”, de développer une grande “sensibilité à
l’environnement pour y détecter les signaux faibles”.
Lire L’obsolescence programmée de nos compétences : la course contre la montre
Ces fameux métiers que les recruteurs s’arrachent alors qu’ils n’existaient pas il y a
encore quelques années ne sont pas le seul défi. Se focaliser sur les nouveaux besoins peut
s’avérer trompeur : l’évolution des compétences et des métiers, moins évidente à identifier,
est pourtant cruciale. Tant pour le recrutement que sur le développement des compétences
internes, un des éléments clés devient la “plasticité d’apprentissage” : recruter des profils sur
leur “adaptabilité” plutôt que sur une compétence technique ou même de savoir-être, et
développer des outils qui permettent d’“apprendre à apprendre” et de développer
des “mécanismes cognitifs d’apprentissage”.
Le DRH, enfin business leader ?
Comment porter cette double-culture de l’adaptabilité et de l’anticipation ? La marqueemployeur et les “RH 2.0″ constituent “la face immergée de l’iceberg de la transformation
RH”, écrivait récemment un directeur du recrutement dans une tribune : au-delà des nouvelles
tactiques numériques de recrutement, l’essentiel, pour la DRH, est désormais de “savoir
porter la stratégie”.
Lire L’organisation, nouveau territoire des DRH
Sébastien Van Dyk ne dit pas autre chose : “la transformation consiste à réussir à décliner
l’enjeu business de la conduite du changement en enjeu RH”. En d’autres termes, mieux
articuler les besoins du business et les besoins RH, et plus encore, faire des besoins RH,
jusque-là bien souvent “en bout de course”, un des piliers, dès le départ, des stratégies
d’entreprise. Les questions de ressources humaines n’ont-t-elles pas par exemple été l’une des
premières préoccupations après la récente annonce de l’éventuel achat, par Numéricable, de
SFR ?
Le ROI de la cartographie des compétences
Encore faut-il décliner ces besoins RH, au regard des ressources et compétences
nécessaires, en enjeux business. Les questions d’“organisation design” - l’organisation au
sens large, précise Marc-François Brazier : organigramme et structure, mais aussi
compétences et culture d’entreprise – et la conduite du changement ne sont pas la seule tâche
de la DRH, qui doit aussi “être suffisamment convaincu et capable de porter ces convictions
auprès de la direction”, poursuit Sébastien Van Dyk . C’est là tout l’enjeu d’une DRH qui
sort de sa tour d’ivoire pour devenir partie prenante dans la stratégie d’entreprise, et même
définir une structure cible pour celle-ci…
La conduite du changement n’est que le support de la transformation RH, et la DRH a tout
intérêt à savoir formaliser ses besoins, pré-requis devenu indispensable pour argumenter,
auprès des directions générales, sur l’incidence des besoins RH sur la stratégie d’entreprise.
En d’autres mots : les risques RH sont des risques pour le business, et si une cartographie des
compétences ne semble pas au premier regard des plus stratégiques, il faut savoir la défendre
et montrer en quoi elle peut rendre plus profitable l’entreprise. D’où une fonction RH qui,
face à la complexité et ces impératifs de passerelle avec le business, requiert de plus en plus
des process permettant d’objectiver les besoins ainsi que des compétences de gestion de
projet. DRH 2.0 : la révolution est en marche !