Histoires de rétention

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Histoires de rétention
Histoires de rétention extraites du rapport 2009 de la Cimade
“PING-PONG FRANCE-ALGÉRIE”
(Page 105 du rapport)
M. B. est l’une des victimes trop nombreuses du jeu de “ping-pong” entre la France et l’Algérie. Sa
situation est emblématique de la réalité inacceptable de pratiques consulaires douteuses et d’une
logique du chiffre poussée à l’absurdité.
Monsieur B. a été placé en rétention à Vincennes en 2006. Il n’a alors pas été reconnu par les autorités
consulaires de son pays, le Maroc, faute de document d’état civil. Il a en revanche été reconnu par le
consulat d’Algérie, puis expulsé vers ce pays bien qu’il ne soit pas Algérien. À son arrivée en Algérie,
il a été mis en garde à vue (12 jours) puis en détention (2 mois et demi). À l’issue de son incarcération,
il a été expulsé sous escorte vers la France. Il a alors été incarcéré trois semaines à Marseille et
condamné à deux mois de prison fin 2008 pour infraction à la législation sur les étrangers. Dès sa sortie
de prison, il est renvoyé en Algérie, après s’être vu de nouveau délivrer un laissez-passer par les
autorités algériennes.
Arrivé en Algérie, il est encore une fois interpellé par la police qui l’accuse de s’être frauduleusement
revendiqué de nationalité algérienne. Il est alors maintenu un mois et neuf jours en garde à- vue à Oran,
avant d’être de nouveau expulsé vers la France. Interpellé dès son arrivée à Orly, il est condamné à un
mois de prison et placé en rétention au Mesnil-Amelot à sa sortie, en vue d’une nouvelle tentative
d’expulsion.
Un rendez-vous est déjà pris pour le consulat d’Algérie. M.B. demande l’annulation de ce rendez-vous
pour rencontrer le consulat du Maroc. Cependant, la préfecture refuse cette demande, de crainte que le
consulat du Maroc ne délivre pas de laissez-passer sans pièce d’identité.
Sur nos conseils, M.B. écrit au consulat du Maroc pour prouver sa bonne foi. Il y explique tout son
parcours. « (...) Je me retrouve pris dans une situation inextricable, car on me demande de prouver que
je suis bien Marocain avant de vous saisir, et en attendant, la préfecture continue à organiser une
expulsion vers l’Algérie, bien que j’ai été expulsé deux fois de ce pays, n’étant pas Algérien. Je vous
demande de m’aider. Je risque d’être à nouveau renvoyé en Algérie, et incarcéré. C’est pourquoi je
vous demande si vous pouvez contacter la préfecture du Val-de-Marne pour m’aider à sortir de ce
cauchemar, en acceptant de me recevoir en rendez-vous. »
M. B. a été libéré par la préfecture, avant d’être de nouveau placé en CRA de Bobigny quelques mois
après.
MONSIEUR B. DEL P., BRÉSILIEN.
(Page 157 du rapport)
Le 4 mars 2009, Monsieur B. Del P, brésilien, fait l’objet d’un contrôle routier aléatoire au péage de
Tours alors qu’il allait rendre visite à sa petite amie en Allemagne. Il travaille habituellement pour une
ONG au Portugal et se déplace souvent entre le Portugal et la Guinée Bissau. Il a profité de jours de
congés et d’une possibilité de covoiturage pour se rendre en Allemagne. Les gendarmes du peloton
autoroutier lui demandent de présenter le visa sous couvert duquel il séjourne dans l’espace Schengen.
Monsieur B. Del P., en tant que ressortissant brésilien, est dispensé de visa pour un séjour d’une durée
inférieure à 3 mois. Il présente donc son passeport aux gendarmes pour leur montrer qu’il est arrivé à
Lisbonne le 4 janvier 2009. Malgré cela, les gendarmes estiment qu’il devrait être en possession d’un
visa. Ils estiment qu’une effraction est constituée et placent Monsieur B. Del P en garde-à-vue.
A l’issue de la garde-à-vue, la préfecture d’Indre-et-Loire décide de placer Monsieur B. del P. en
rétention administrative, sur la base d’une décision de reconduite à la frontière. Il est placé au local de
rétention de Tours pendant 48 heures puis il est présenté au juge des libertés et de la détention de Tours
qui décide d’accorder les 15 jours de rétention supplémentaires demandés par la préfecture d’Indre-etLoire. Il est alors transféré au centre de rétention administrative de Rennes.
Lorsque nous rencontrons Monsieur B. del P., il n’est plus possible de contester l’arrêté préfectoral de
reconduite à la frontière puisque le délai de 48 heures dont nous disposions s’est écoulé. Monsieur B.
del P. fait alors appel de la décision rendue par le juge des libertés de Tours. Nous tentons une
négociation avec la préfecture d’Indre-et-Loire, sans succès. La préfecture se borne à répéter qu’elle ne
va pas renvoyer Monsieur au Brésil mais au Portugal.
Nous tentons d’expliquer que la question n’est pas de savoir où il va être expulsé mais plutôt pourquoi
il est privé de liberté alors qu’il n’a commis aucune infraction aux règles régissant l’entrée et le séjour
en France. La préfecture ne veut rien entendre.
Nous saisissons alors le consulat du Brésil qui se montre très réactif. Il se met immédiatement en
relation avec la préfecture d’Indre-et-Loire mais leurs démarches sont aussi infructueuses que les
nôtres. Il faudra attendre que la cour d’appel d’Orléans annule la décision du juge des libertés pour que
Monsieur B. Del P retrouve sa liberté.
Monsieur B. Del P a été privé de liberté pendant 7 jours en toute illégalité.