Les baleines à bec confondent les sonars et les orques !

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Les baleines à bec confondent les sonars et les orques !
Les baleines à bec confondent les sonars et les orques !
Par Claire Peltier, Futura-Sciences
Le comportement des baleines à bec face aux sonars des bateaux laisse supposer qu'elles se
sentent menacées, comme elles le sont par l’orque, leur prédateur naturel. Pour protéger ces
Mammifères marins d'une panique, les sonars devraient donc se faire plus discrets à l'avenir.
Parmi les pollutions d'origine humaines, l'une est invisible et inodore : le bruit. Les productions
sonores sont particulièrement perturbantes en mer puisque le son se propage mieux dans un milieu
liquide. Les Mammifères marins utilisent justement les propriétés intéressantes du bruit dans l’eau à
des fins alimentaires. Ils sont pourvus d’un système d’écholocation (à l’image des chauves-souris)
qui leur permet de détecter la présence d’une proie avec beaucoup plus d’efficacité que leurs autres
sens (visuel, olfactif…) ne pourraient le faire.
Ce système est basé sur l’émission par l’animal d’un son d’une fréquence particulière, renvoyé
comme un écho par la cible vers le Cétacé qui pourra alors l’analyser. Suivant l’orientation de
l’écho, mais aussi sa netteté ou son intensité, l’animal peut en conclure la nature de la proie ainsi
que sa position dans l’espace.
Des baleines échouées à cause des sonars
Malheureusement, les sonars (sound navigation and ranging) des bateaux destinés à repérer la
présence de navires ennemis ou de bancs de poissons utilisent le même principe. L’innocuité de ces
sonars pour les Mammifères marins est ainsi de plus en plus remise en doute, notamment depuis
l’inhabituel échouage et la mort de Baleines à bec de Blainville (Mesoplodon densirostris) en 2000,
qui aurait coïncidé avec d’importants exercices des sonars de l'US Navy.
Mais le lien est difficile à prouver, en particulier du fait que l’on ne sait pas grand-chose de leur
comportement. Pouvant plonger plus d’une heure à plus d’un kilomètre de profondeur, les baleines
à bec savent en effet se faire discrètes et mystérieuses. Afin de mettre en évidence l’éventuelle
nuisance provoquée par les sonars sur ces animaux, des scientifiques du Woods Hole
Oceanographic Institution aux États-Unis ont utilisé deux méthodes complémentaires permettant
d’analyser leur comportement en réponse aux fréquences émises par l’activité humaine.
En temps normal (A), la baleine à bec reste longtemps à environ 1 kilomètre de profondeur. Si elle entend des sonars (B) ou le son d'un orque (C), la baleine à bec
se met à l'abri à 500 mètres de profondeur avant de remonter à la surface. © Plos One
La Navy chasse les baleines
La première est une approche « opportuniste », consistant en l’enregistrement des réponses des
baleines aux fréquences des sonars émises lors des exercices de la Navy. Alors que les « cliquetis »
(les sons utilisés pour l'écholocation) des baleines sont détectés par des microphones sous-marins
avant l’exercice, ils sont soudainement éteints dès le début de l’entraînement, indiquant que les
baleines stoppent leur chasse et se réfugient dans une zone non polluée par le son.
Selon les résultats parus dans la revue Plos One, dès l’arrêt du sonar, les baleines reviennent
progressivement chasser dans le périmètre. L’enregistrement du trajet effectué par un mâle portant
une balise satellite montre plus précisément sa sortie de la zone au cours de l’exercice militaire, puis
son retour, deux à trois jours plus tard.
Sonar ou orque ?
La seconde approche, expérimentale cette fois, a consisté à repasser des bandes d’enregistrements
de sonars, ou des sons émis par des baleines tueuses (orques), puis à suivre une dizaine de baleines à
bec dotées d'un appareil enregistreur (du son, de la position, de la profondeur). Face à ces deux
types sonores différents, les baleines réagissent de la même façon, en arrêtant de produire les
fréquences d’écholocation et donc de chasser, et remontent légèrement pour finalement rester vers
500 mètres de profondeur jusqu’à leur prochaine prise d’air en surface.
Ce comportement typique de protection, qui se produit dès que le niveau sonore du sonar atteint 142
décibels, indique que les baleines à bec se sentent menacées par ces fréquences comme elles le sont
naturellement par les orques. Si la majorité des Cétacés semble savoir quel comportement adopter
face à ces sons, il n’est pas impossible que certaines paniquent et aillent s’échouer sur les plages.
Pour protéger les Mammifères marins, il serait donc judicieux de respecter un niveau sonore des
sonars plus faible que celui actuellement admis...
POUR EN SAVOIR PLUS
Dossier sur les cétacés :
Sommaire
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
Les cétacés, nos cousins des mers
Anatomie et physiologie des cétacés
Sonar et pollution sonore de la mer
Classification des Cétacés : les mysticètes
Classification des Cétacés : les odontocètes
Le béluga
Les migrations des cétacés
La chasse à la baleine
Tourisme : whalewatching
Ecologie et protection
Les dauphins de Ras Samadaï
Pour aller plus loin
http://www.futura-sciences.com/fr/doc/t/zoologie-1/d/cetaces_782/c3/221/p1/#xtatc=INT-220