Les baleines à bec sont-elles vouées à disparaître ?

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Les baleines à bec sont-elles vouées à disparaître ?
Les baleines à bec sont-elles vouées à disparaître ?
Par Delphine Bossy, Futura-Sciences
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Rarement aperçues, les baleines à bec sont les cétacés les plus mystérieux au monde. On
pourrait les croire indifférentes aux activités humaines mais une grande campagne d'étude de
l'animal, la NOAA révèle que la population des baleines à bec décline de façon inquiétante.
La baleine à bec de travers, Mesoplodon traversii, la baleine la plus rare au monde a été vue pour la
première et dernière fois en décembre 2010. Les scientifiques la pensaient disparue jusqu'à ce qu'on
la retrouve échouée sur une plage de Nouvelle Zélande. Elle appartient à la famille des baleines à
bec, les cétacés odontocètes les plus méconnus du règne. Adeptes des grandes profondeurs, elles
passent le plus clair de leur temps à plus de 1.000 mètres de profondeur et, en outre, ne vivent qu'en
océan hauturier, ce qui les rend presque inexistantes pour l'Homme. Il existe semble-t-il 21 espèces
réparties dans tous les océans, mais elles sont si rarement vues que les connaissances à leur sujet
sont proches du néant.
L'écologie des baleines à bec est un mystère. On ne connait rien de leur cycle de reproduction ni de
leur mode de vie. D'après les autopsies des cadavres échouées sur les plages, il semble que ces
cétacés soient friands de calmars, les étonnants céphalopodes des fonds marins.
Si elles sont méconnues des humains, les baleines à bec seraient semble-t-il en voie de disparition
par leur faute. Durant 17 ans, de 1991 à 2008, des chercheurs du Southwest Fisheries Science
Center de la NOAA, basé à San Diego, ont mené une vaste campagne en mer pour évaluer la
densité et l'évolution des populations. Équipés de 6 bateaux différents, les biologistes ont
échantillonné 6 transects dans le Pacifique, au large des côtes du Canada jusqu'au Mexique.
Les baleines à bec d'Arnoux, Berardius arnuxii, peuvent mesurer jusqu'à 9 m et ont un comportement grégaire. Elles nagent jusqu'à 7 km sous la couverture de
glace et se trouvent partout dans le Pacifique Sud. © Soler97, cc by-sa 3.0
La pollution sonore des océans cause du déclin des baleines à bec ?
Dans un article publié dans la revue Plos One, les chercheurs fournissent une synthèse de leurs
campagnes d'échantillonnages. D'après leur étude, qui se base aussi sur les baleines retrouvées
échouées sur les plages, toutes les espèces sont en déclin. Qu'il s'agisse de la baleine à bec de Cuvier
(Ziphius cavirostris) ou des Mesoplodon, toutes voient leur population se réduire.
C'est précisément l'ensemble des menaces anthropiques qui ont motivé la NOAA à évaluer de la
manière la plus fiable possible l'abondance des espèces. Si l'on en croit les chercheurs Jeffrey Moore
et Jay Barlow, ce déclin est lié aux activités humaines, mais ils ne sont pas en mesure de donner de
réponses claires. En effet, les filets de pêche perdus en mer ou la pêche elle-même ne sont pas en
cause. En revanche, les baleines sont connues pour être très sensibles aux sonars navals.
Ils présentent de fortes réactions comportementales à certains types de sonars actifs, entraînant des
altérations dans leurs déplacements pour de longues périodes après l'exposition, typiquement
plusieurs jours. Dans les cas extrêmes, des effets physiologiques peuvent conduire à la mort ou à
l'échouement. Il est possible que le bruit des bateaux de commerce les gêne également. Enfin, une
autre hypothèse peut être complémentaire : la raréfaction des poissons et des calmars dans les
profondeurs océaniques résultant, expliquent les auteurs, d'une diminution de la concentration en
oxygène induite par l'élévation des températures des océans.
Quelle que soit l'origine des menaces, les baleines à bec sont en danger. Si la tendance de population
des baleines à bec était classée comme inconnue sur la liste rouge de l'UICN, cette étude va
probablement directement les faire monter au rang d'espèce en voie de disparition.