marchés de taux - BNP Paribas Investment Partners
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sur la gestion d'actifs # 65 Cette publication est susceptible de contenir des termes techniques. Pour cette raison, elle est déconseillée aux lecteurs ne possédant pas d'expérience professionnelle dans le domaine de l'investissement financier. PRINTEMPS 2016 L’asset manager d’un monde qui change ÉDITO L’édition printanière de Perspectives est arrivée Après la rude tempête hivernale de volatilité qui a soufflé sur les marchés au premier trimestre de cette année, les investisseurs retrouvent un environnement plus familier où les valorisations des principales classes d’actifs reflètent les liquidités abondantes injectées par les grandes banques centrales à l’échelle mondiale ces dernières années. Pourtant, les investisseurs seraient bien avisés d’avancer avec précaution et de diversifier leur allocation d’actifs de sorte à éviter une trop grande concentration des risques sur un seul des principaux marchés qui présentent actuellement de fortes disparités. Dans cette édition, nos contributeurs explorent une grande variété de sujets, notamment : les actions mondiales, l’investissement socialement responsable et la réforme des GSE, ces entreprises soutenues par le gouvernement américain. Nous pensons que leurs observations éclaireront les investisseurs en quête de rendement dans les conditions actuelles de marché, en passant en revue différents domaines qui recèlent à la fois des opportunités et des solutions. Nous espérons que cette édition de Perspectives vous aidera à vous orienter dans le dédale des marchés internationaux en constante évolution. Comme à l’accoutumée, n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques ou suggestions. Rédigé en mai 2016 Frédéric Janbon CEO, BNP Paribas Investment Partners I 3 I Mai 2016 - Perspectives SOMMAIRE P.5 P.9 P.10 P.13 P.22 P.26 P.31 Une gestion à La loupe Investir hors des sentiers battus avec les petites capitalisations émergentes Thèmes d’investissement pour 2016 Marchés actions Actions internationales : quelles opportunités en 2016 ? Marchés de taux Q u’advient-il de la réforme des entreprises soutenues par le gouvernement américain ? Obligations structurées 2.0 : les enseignements de la crise Investissement Socialement Responsable Développement humain : répondre aux défis sociétaux Focus De l’indexation smart bêta à l’investissement factoriel Le blog Investor’s corner Sauf indication spécifique, BNP Paribas Investment Partners est la source des données indiquées dans le présent document, à fin avril 2016. Perspectives - Mai 2016 I 4 I UNE GESTION À LA LOUPE Rick Wetmore, CFA Deputy Chief Investment Officer de l’équipe Global Emerging Market (GEM) BNP Paribas Investment Partners Investir hors des sentiers battus avec les petites capitalisations émergentes Rick Wetmore, CFA Deputy Chief Investment Officer de l’équipe Global Emerging Market (GEM) nous parle de la situation actuelle des petites capitalisations sur les marchés émergents mondiaux. L’équipe GEM pilote la stratégie de croissance des actions des marchés émergents mondiaux, toutes capitalisations confondues, ainsi que la stratégie d’actions des marchés frontières. Elle a récemment lancé une stratégie axée sur les actions de petite capitalisation (small caps) des marchés émergents mondiaux. Pourriez-vous nous en dire plus sur les petites capitalisations que vous gérez et la définition que vous en donnez ? Nous gérons une stratégie centrée sur les petites capitalisations des marchés émergents mondiaux et liée à l’indice MSCI EM Small Cap. Selon notre définition, les small caps sont celles qui affichent une capitalisation boursière inférieure à 2,5 milliards de dollars au moment de leur acquisition. Nous pensons qu’une approche de gestion active dans ce segment du marché actions peut offrir de nombreux avantages aux investisseurs. En quoi les petites capitalisations diffèrent-elles des grandes capitalisations sur les marchés émergents mondiaux et quels sont leurs atouts ? Par ses caractéristiques, le segment des petites capitalisations émergentes offre aux investisseurs un potentiel considérable de rendement : large univers d’investissement, I 5 I Mai 2016 - Perspectives UNE GESTION À LA LOUPE inefficiences multiples, profil risque/rendement attractif et diversification par une exposition plus marquée aux sociétés axées sur le marché intérieur. Nous pensons qu’une approche de gestion active dans le segment des small caps émergentes peut offrir de nombreux avantages aux investisseurs. Les small caps des pays émergents sont plus nombreuses et plus diversifiées que celles composant l’indice des marchés émergents. Ainsi, l’indice MSCI Emerging Market Small Cap compte près de 1 900 actions, contre 837 titres pour l’indice standard MSCI Emerging Market. En outre, les données relatives aux petites capitalisations des marchés émergents sont beaucoup moins accessibles que celles relatives à leurs homologues de grande taille. La couverture par les analystes des petites capitalisations émergentes est nettement inférieure à celle des valeurs des marchés développés ou encore des grandes entreprises des marchés émergents. Le nombre moyen d’analystes couvrant les actions de petite capitalisation émergentes représente moins de 25 % du nombre moyen d’analystes s’intéressant aux actions de l’indice MSCI Emerging Markets ou de l’indice S&P 500. Les inefficiences de ce marché offrent également la possibilité de générer de solides performances décorrélées. Les statistiques à la fin février 2016 en témoignent : les small caps ont surperformé en moyenne les marchés émergents dans leur ensemble sur un, trois, cinq et dix ans, et sur huit des dix dernières années calendaires. Ces dix dernières années, les small caps des pays émergents ont enregistré des performances plus élevées que l’univers des actions émergentes au sens large, non seulement dans l’absolu, mais aussi après correction du risque (cf. graphique 1). Graphique 1 : ratios de Sharpe 0.50 0.00 -0.50 -1.00 MSCI EM Small NR USD MSCI EM NR USD -1.50 -2.00 1 an 3 ans 5 ans 10 ans 15 ans Source : Morningstar Direct, au 29 février2016 Les petites capitalisations émergentes sont également un excellent moyen de diversification géographique. Par ailleurs, elles sont moins exposées aux pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) que les grandes capitalisations, notamment au Brésil et à la Russie dont les pondérations sont sensiblement moins élevées. Bien que la contribution à la performance par pays diminue dans les marchés émergents, certaines thématiques continuent de se dégager pour les petites capitalisations de ces régions, notamment : Perspectives - Mai 2016 I 6 I une exposition moindre aux valeurs cycliques mondiales (Brésil et Russie) ; une plus grande exposition aux technologies de l’information (Taïwan) ; une plus grande exposition aux pays affichant un compte courant excédentaire. Les small caps des économies émergentes tirent profit de leur orientation locale et de leur indépendance relative vis-à-vis de l’intervention de l’État. Ainsi, les économies émergentes se développent plus rapidement que les marchés développés, et l’indépendance relative des entreprises de petite capitalisation par rapport aux interventions des autorités publiques leur permet de se concentrer sur le rendement délivré aux actionnaires plutôt que sur la réalisation des objectifs stratégiques de leur gouvernement. De surcroît, les petites entreprises indépendantes possèdent généralement un esprit d’entrepreneuriat plus développé, précisément parce qu’elles ne peuvent pas compter sur l’aide de leur gouvernement ou sur la diversité de leurs activités. Les entreprises publiques (entreprises détenues par l’État) forment une grande partie de l’indice MSCI Emerging Market, notamment dans des pays comme la Chine et l’inde. Bien souvent, ces entreprises n’agissent pas dans le meilleur intérêt des actionnaires minoritaires et peuvent détruire intentionnellement la valeur pour les actionnaires pour des motifs stratégiques ou pour servir l’intérêt national. Les statistiques du Fonds monétaire international montrent que le rendement des actifs des entreprises non gouvernementales est systématiquement nettement supérieur à celui UNE GESTION À LA LOUPE des entreprises publiques. Or l’indice des petites capitalisations des marchés émergents est beaucoup moins exposé aux entreprises détenues par des États. Compte tenu des possibilités de génération d’alpha que présentent les small caps des marchés émergents, les investisseurs qui s’en désintéressent risquent d’assumer un coût d’opportunité non négligeable. Quels sont vos principaux critères pour identifier et évaluer les opportunités offertes par les petites capitalisations émergentes ? Dans la mesure où il est beaucoup moins facile d’obtenir des informations sur les petites capitalisations des marchés émergents que sur leurs homologues de grande taille, les recherches dans cet univers d’investissement exigent plus d’efforts. Dès lors, il faut se rendre plus souvent sur place et nouer des liens plus étroits avec les dirigeants des entreprises afin de comprendre leur stratégie, leurs défis, mais aussi les subtilités de la comptabilité locale. Notre processus d’investissement fondamental est axé sur la recherche d’entreprises de qualité, dotées de solides modèles économiques, capables d’accroître la valeur pour les actionnaires de manière pérenne par la différenciation ou un avantage concurrentiel à long terme. Nous pensons que cette approche convient particulièrement bien à l’univers des petites capitalisations émergentes. Outre les visites locales et les rencontres avec les équipes de direction menées par notre équipe basée à Boston, nous bénéficions du savoir-faire du réseau BNP Paribas Investment Partners qui compte plus de 200 spécialistes de l’investissement, opérationnels sur de nombreux marchés émergents importants tels que la Chine, l’Inde, le Brésil, la Corée du Sud et la Turquie. Ces partenaires locaux nous offrent une compréhension unique des pratiques de gestion et de gouvernance des entreprises ainsi que de la dynamique des différents secteurs. Le talent de l’équipe de gestion de portefeuille de Boston à déceler sur les marchés émergents des sociétés de petite capitalisation en pleine croissance encore ignorées, combiné aux connaissances locales de nos équipes de terrain, nous fournissent un atout de taille pour investir sur ce marché. Quels secteurs du marché des petites capitalisations jugez-vous particulièrement intéressants et quels sont les principaux moteurs de performance ? Selon nous, le secteur qui illustre le mieux l’efficacité de l’orientation locale est celui des biens de consommation de base, qui se caractérise par un potentiel bénéficiaire stable et un rendement sur capital investi généralement élevé (ROIC). Dans les pays émergents, les entreprises du secteur des biens de consommation dotées d’une marque forte ont connu une forte croissance de la demande au cours des 15 dernières années, tirée par la hausse des revenus et l’essor de la classe moyenne. Dans ce secteur, les sociétés les mieux gérées ont pu générer un solide retour sur capital investi, bien souvent en progression d’année en année. Ces entreprises qui opèrent généralement dans des secteurs bien structurés pour dégager des bénéfices, présentent un potentiel de création de valeur à long terme, d’autant plus que croissance solide et rendements élevés riment avec réinvestissements. Le profil de rendement des small caps émergentes de plusieurs secteurs, qui s’est révélé nettement meilleur que celui des grandes capitalisations dans ces mêmes secteurs, témoigne bien de cette dynamique sur les 15 dernières années (cf. graphique 2). Graphique 2 : secteur des biens de consommation de base sur les marchés émergents : performance des actions de petite capitalisation par rapport à celle des actions de grande capitalisation 700 600 MSCI EM Small Cap Consumer Staples 500 400 300 200 MSCI EM Consumer Staples 100 0 02/01 02/02 02/03 Source : FactSet, MSCI 02/04 02/05 02/06 02/07 02/08 02/09 02/10 02/11 02/12 02/13 02/14 02/15 I 7 I Mai 2016 - Perspectives UNE GESTION À LA LOUPE Cette amélioration des performances s’observe également dans d’autres secteurs. Les secteurs plus cycliques notamment, comme les matériaux et la finance, affichent un historique de rendement similaire. Le meilleur parcours signé par les plus petites capitalisations est le signe que les entreprises publiques sont moins présentes sur ce segment et que les acteurs les plus flexibles et les plus orientés vers le marché se voient offrir des opportunités plus intéressantes qu’auparavant. Selon vous, à quel risque les actions de petite capitalisation seront-elles principalement exposées dans les 12 prochains mois et comment les investisseurs peuvent-ils gérer ce risque ? Les potentielles hausses de taux par la Réserve fédérale américaine constitueront selon nous l’une des plus importantes menaces pour les actions de petite capitalisation des marchés émergents dans les 12 prochains mois. Qui dit taux d’intérêt plus élevés aux États-Unis, dit fuite des capitaux au détriment des marchés émergents. Un moyen efficace pour contrer ce risque de fuite des capitaux consiste à investir dans un portefeuille diversifié de titres sélectionnés pour leurs moteurs de performance, tels que les marchés finaux en croissance, les titres de propriété intellectuelle exclusive ou les marques reconnues. Nous constatons que les entreprises affichant une bonne rentabilité financière et viables économiquement sont généralement celles capables de renforcer leur position sur le marché dans une conjoncture économique défavorable. En effet, ces entreprises tendent à tirer le meilleur parti des périodes difficiles en reprenant des parts de marché à leurs concurrents en situation de faiblesse. Par ailleurs, les entreprises dans lesquelles nous investissons sont généralement plus solides financièrement de sorte qu’elles dépendent moins du financement externe pour exercer leurs activités et se développer. Il est fort probable que dans les 12 prochains mois, sous l’effet des politiques mises en place par les banques centrales, des tensions politiques et des conditions économiques en général, les actions des marchés émergents traversent une phase de volatilité. Malgré cela, nous comptons poursuivre notre processus et notre discipline d’investissement, en choisissant des sociétés de qualité, suffisamment robustes financièrement pour faire face aux éventuelles turbulences économiques à venir et se développer de façon pérenne. Les périodes d’incertitude et de volatilité forment le terreau des plus belles opportunités sur les marchés émergents, car elle permettent aux investisseurs de générer de la valeur sur le long terme en investissant dans des entreprises bien gérées, sous-valorisées et affichant une croissance durable. Note : une exposition significative sur une région (Asie ex Japon), les marchés émergents ou un nombre limité de titres, est susceptible d'engendrer une volatilité supérieure à la moyenne en raison d'un haut degré de concentration, d'incertitudes accrues résultant de la moindre quantité d'informations disponibles, de la moindre liquidité ou d'une plus grande sensibilité aux modifications des conditions de marché (conditions sociales, politiques et économiques). Certains marchés émergents sont moins sécurisés que la plupart des marchés développés internationaux, les opérations et services d'exécution, règlements et conservations pour le compte des fonds investis sur les marchés émergents peuvent supporter un degré de risque plus élevé. Perspectives - Mai 2016 I 8 I Nos solutions d'investissement pour 2016 Découvrez les 9 thèmes d'investissement qui, selon nous, correspondent aux priorités des investisseurs cette année LA QUÊTE DE RENDEMENT CONTINUE AVEC … Les solutions clé en main : tirer parti de la volatilité 1 Les produits de taux : se libérer des contraintes Privilégiez le revenu : la quête du rendement et du revenu 2 3 TROUVER DES OPPORTUNITÉS DANS UN CONTEXTE DE FAIBLE CROISSANCE ET DE RENDEMENTS BAS Investissement socialement responsable : donnez un sens à l’épargne de vos clients Retraite : préparer sa retraite dès aujourd’hui Petites et moyennes capitalisations : relevez votre stratégie d'investissement Factor investing : une troisième voie entre la gestion active et la gestion passive 4 7 Sociétés européennes : nous croyons à l’Europe 5 6 Marchés émergents : Asie : porte d’entrée vers le monde émergent 8 9 VISITEZ NOTRE SITE WWW.BNPPARIBAS-IP.COM POUR DÉCOUVRIR CE QUE CES THÈMES PEUVENT VOUS APPORTER EN TERMES D’OPPORTUNITÉS ET DE SOLUTIONS D’INVESTISSEMENT I 9 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS ACTIONS Sander Zondag Directeur des investissements OBAM/ Actions mondiales BNP Paribas Investment Partners Actions internationales : quelles opportunités en 2016 ? Alors que les marchés d’actions ont connu un début 2016 pour le moins chaotique, nous avons interrogé Sander Zondag, Directeur des investissements OBAM/Actions mondiales, sur la manière dont les bénéfices des entreprises devraient évoluer dans les différentes régions, sur les principaux moteurs de la croissance bénéficiaire et sur les secteurs qui devraient être les plus (et les moins) attractifs pour les investisseurs cette année, à la lumière des valorisations des entreprises et des marchés. Quelles sont vos perspectives concernant les bénéfices des entreprises à l’échelle mondiale en 2016 ? À mon avis, le rythme de croissance du PIB mondial restera atone, et les États-Unis et l’Europe devanceront de nombreux marchés émergents. La croissance des résultats des entreprises affichant généralement un rythme légèrement supérieur à celle du PIB, je tablerais sur une croissance bénéficiaire mondiale de l’ordre de 5 à 6 % en moyenne cette année, ce qui est faible à l’aune de la tendance historique. Perspectives - Mai 2016 I 10 I Quelles seront, selon vous, les différentes tendances régionales en termes d’évolution des bénéfices ? En ce qui concerne les actions des pays développés, je pense que de nombreuses entreprises américaines (hors énergie/matières premières et hors exportations) disposent des fondamentaux adéquats pour défendre leurs taux de croissance bénéficiaire, tandis que les entreprises européennes et japonaises devraient profiter de la reprise économique en cours, même si elle reste timide. C’est sans doute au sein des pays émergents que les contrastes seront les plus marqués. La Russie et le Brésil sont particulièrement fragilisés. Tous deux sont frappés de plein MARCHÉS ACTIONS fouet par la baisse des prix du pétrole et de la demande de métaux, et pour l’instant, il n’y a guère d’amélioration en vue sur ce front. La Russie fait par ailleurs l’objet de sanctions économiques, tandis qu’au Brésil, les problèmes politiques internes n’aident pas l’économie à se remettre sur les rails. Dans l’ensemble, le tableau est plus favorable en Asie émergente, même si les perspectives globales de l’économie la plus influente de la région, la Chine, sont plus incertaines : s’il existe des raisons d’espérer, certains points noirs demeurent. Chez les investisseurs, la peur d’un « atterrissage brutal » de l’économie chinoise est encore bien présente. Quel que soit l’objectif officiel de croissance du PIB, nous pensons que le taux réel sera probablement de 4 à 5 % cette année, même si certains secteurs sont déjà en récession. Les « locomotives traditionnelles » du secteur manufacturier, comme la sidérurgie et le transport maritime, pâtissent de surcapacités au moment où l’économie chinoise se réoriente vers la consommation et les services. Ces secteurs devraient bien résister cette année, mais ils ne représentent que 40 % environ du PIB chinois. Ils ne peuvent donc pas à eux seuls compenser la tendance à la baisse observée dans de nombreux segments industriels. En comparaison, les entreprises indiennes devraient globalement enregistrer une meilleure croissance bénéficiaire cette année, grâce aux réformes gouvernementales propices aux affaires, à l’augmentation des investissements en infrastructures et à la hausse continue du pouvoir d’achat d’une classe moyenne en plein essor. Je pense qu’en Asie, la croissance bénéficiaire sera plutôt positive, même si les économies fondées avant tout sur les exportations risquent de connaître des hauts et des bas : bien qu’elles devraient profiter de la faiblesse de leurs monnaies, elles subiront probablement une baisse de la demande intérieure. Si je devais choisir deux régions qui me semblent particulièrement bien placées en termes de croissance bénéficiaire potentielle, je miserais sur l’Inde et les pays de l’ANASE. À mon avis, les vrais gagnants seront issus des secteurs technologique et financier cette année. Quels seront selon vous les principaux moteurs de la croissance bénéficiaire cette année ? Les principaux moteurs de la croissance bénéficiaire ne changent pas : volumes, capacité de fixation des prix, fluctuations des cours des devises, réduction des coûts, fusions et acquisitions. Ce qui importe, c’est le degré d’influence de chacun de ces éléments sur une année donnée. Comme nous l’avons vu, la croissance des volumes est étroitement liée à celle du PIB qui, selon nous, restera atone en 2016. L’inflation est faible et devrait le demeurer au moins cette année, ce qui empêche la plupart des entreprises d’augmenter leurs prix. Cependant, certaines sont mieux placées que d’autres en termes de capacité de fixation des prix et peuvent, par exemple, recourir à des techniques dites d’upselling, en incitant leurs clients à acheter des produits plus chers. La monnaie locale d’une entreprise peut avoir un impact considérable – positif ou négatif - sur ses résultats. L’appréciation du dollar a ainsi érodé les bénéfices réalisés à l’étranger par des entreprises comme Apple Inc. Si cette dernière est l’exemple-même de l’entreprise jouissant d’une forte capacité de fixation des prix en raison de l’attrait et de la qualité de ses produits, ses ventes en Europe et dans les pays émergents ont baissé en USD. Graphique 1 : croissance bénéficiaire de l’indice S&P 500 au T1 2016 20 % Énergie Matériaux Industrie Techno. de l'info. S&P 500 Conso. de base Finance Santé -60 Services aux collectivités -40 Conso. cyclique -20 Télécoms 0 -80 actuel* à fin 2015 -100 Source : FactSet Les bénéfices par action américains ont cependant été soutenus par les programmes de réduction des coûts, le niveau modeste des salaires et de substantiels programmes de rachat d’actions. Les entreprises américaines ont généralement une longueur d’avance sur les entreprises européennes et du reste du monde dans l’utilisation des technologies (automatisation, cloud computing, etc.) à des fins de réduction des coûts opérationnels et marketing, ce qui leur permet d’améliorer leurs marges et leurs résultats. Bien que le marché du travail américain soit l’un des plus flexibles au monde, la résorption progressive du sous-emploi devrait entraîner une hausse des salaires, ce qui pourrait commencer à éroder les bénéfices. I 11 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS ACTIONS À mon avis, l’activité de fusions-acquisitions continuera de soutenir la croissance bénéficiaire ; de nombreuses opérations de prises de contrôle et de fusion ont déjà eu lieu, comme l’an dernier. Néanmoins, le décalage entre le moment où une entreprise est achetée et celui où la transaction porte ses fruits est généralement supérieur à un an, si bien que les fusions-acquisitions de 2016 n’influeront pas nécessairement sur les résultats de cette année. Dans l’environnement actuel de faible croissance économique et de faible inflation, les entreprises des pays développés comme des marchés émergents peinent à générer une croissance organique. Et comme de nombreuses entreprises occidentales disposent d’une abondante trésorerie et profitent de taux d’intérêt bas, le moment est venu pour elles d’identifier des cibles de rachat abordables qui puissent constituer de bons compléments stratégiques à leurs activités existantes. Pensez-vous que le potentiel de bénéfices des grandes et des petites capitalisations soit très différent ? Je vois des gagnants et des perdants dans les deux camps. Les grandes capitalisations présentent généralement le plus grand rayon d’action à l’international, ce qui leur permet d’exploiter de nombreux marchés, mais elles sont aussi plus vulnérables au risque de change et aux réalités économiques et (géo)politiques de ces marchés. Ainsi, la plupart des grandes capitalisations cotées au S&P 500 ont pâti de la vigueur du dollar. D’un autre côté, le secteur technologique mondial est dominé par de grandes sociétés américaines qui jouissent en fait d’un monopole dans les solutions informatiques recherchées par les entreprises et les consommateurs du monde entier. Ces grands groupes devraient enregistrer une solide croissance bénéficiaire nominale grâce à leur offre unique de produits et de services. Au-delà du secteur technologique, je pense que les moyennes capitalisations américaines surperformeront les grandes, car elles sont moins vulnérables au risque de change et plus exposées aux marchés américains, dont le développement demeure plus rapide. En Europe aussi, les moyennes capitalisations devraient faire mieux que les grandes capitalisations, dans la mesure où elles sont plus à même de profiter d’un redressement de l’économie régionale. Les grandes capitalisations européennes devraient toutefois profiter de la faiblesse de l’euro par rapport au dollar, même si elles risquent d’être pénalisées par le ralentissement de la demande dans les pays émergents. C’est donc un tableau en demi-teinte. Sur les plans sectoriel et industriel, identifiez-vous de grandes tendances en termes de croissance bénéficiaire susceptibles de séduire les investisseurs ? Oui, là encore, plusieurs gagnants et perdants se profilent en 2016. Du fait de la faiblesse des prix des matières premières et de l’énergie ainsi que de l’environnement volatil, l’énergie, les matériaux de base et les services aux collectivités devraient enregistrer une croissance bénéficiaire à peine positive, voire négative. Les grandes économies poursuivant leur lente reprise, les résultats des entreprises dans la consommation de base et la consommation cyclique, ainsi que dans la santé, devraient afficher une croissance modeste, proche de leur moyenne historique. Mais à mon avis, les vrais gagnants seront issus des secteurs technologique et financier cette année. Dernière question, comment transposez-vous vos prévisions relatives aux perspectives bénéficiaires mondiales dans vos portefeuilles ? Comme nous l’avons vu, les entreprises des secteurs technologique et financier, ainsi que de la consommation cyclique, devraient enregistrer la meilleure croissance bénéficiaire. Plus précisément, il s’agit d’entreprises à même de fixer les règles, qui n’ont pas de réels concurrents à l’échelle mondiale et qui présentent généralement une base de coûts faible et une solide capacité de fixation des prix. Ces entreprises peuvent profiter des progrès technologiques en développant leur potentiel d’applications et en s’adressant à de nouveaux segments de clientèle d’entreprises et de particuliers. Dans le secteur financier, plutôt que les banques traditionnelles, nous préférons les sociétés de services financiers offrant de meilleurs moyens de paiement (commerce électronique, cartes) sur un segment qui continue de croître fortement dans le monde entier. Nous nous intéressons aussi aux segments de consommation, et notamment aux entreprises proposant des produits uniques, qui leur confèrent une solide capacité de fixation des prix. Je pense par exemple aux spécialistes des produits alimentaires biologiques, qui profitent d’une demande croissante de la part des consommateurs, mais aussi aux distributeurs, qui ont réussi à s’adapter au commerce électronique, ont ainsi étendu leur rayon d’action et peuvent récolter les fruits d’une meilleure efficacité tant sur le plan opérationnel que marketing. Perspectives - Mai 2016 I 12 I MARCHÉS DE TAUX Qu’advient-il de la réforme des entreprises soutenues par le gouvernement américain ? John P. Carey, CFA Responsable des produits structurés FFTW Au lendemain de la crise financière, le débat public aux États-Unis a débouché sur un constat : la préférence politique de nombreuses administrations avait encouragé la propriété foncière et des investissements immobiliers dans une telle mesure qu’elle ne tenait plus compte de la capacité des ménages à rembourser leur emprunt hypothécaire. En fin de compte, les contribuables avaient conservé la majorité des risques liés à cette allocation de capitaux inefficace compte tenu de la garantie gouvernementale implicite qui couvrait Steven Friedman Stratégiste d’investissement senior BNP Paribas Investment Partners les engagements des entreprises soutenues par le gouvernement (GSE) telles que la Federal National Mortgage Association (Fannie Mae) et la Federal Home Loan Mortgage Corporation (Freddie Mac). Peu surveillées, sous-capitalisées et nationalisées dans les faits, les GSE furent la première cible des réformes financières dès la fin de la récession. En 2011, l’administration Obama décida de démanteler les GSE à terme, opérant une volte-face remarquable par rapport au soutien traditionnellement apporté par les Démocrates aux GSE considérées comme un moyen pour rendre le logement abordable. I 13 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS DE TAUX Malgré la forte dynamique et la volonté manifeste des deux partis de réformer la politique gouvernementale du logement, force est malheureusement de constater que le statut des GSE a très peu changé depuis la crise. Dans cet article, nous passons en revue les difficultés liées à la refonte du rôle des GSE, les réformes que nous prévoyons dans les années à venir et les implications pour les titres adossés à des créances hypothécaires d’agence (MBS). Dans l’ensemble, nous nous attendons à ce que la réforme des GSE reste dans les tiroirs du politique, nous voyons des possibilités de compromis dans des domaines qui ne changeraient pas fondamentalement le rôle des GSE en tant qu’assureur d’emprunts hypothécaires et anticipons peu voire aucun obstacle au maintien de la garantie des GSE à concurrence d’environ 5 000 milliards de dollars de MBS d’agences. Enfin, la mise en œuvre des changements sera probablement étalée sur une longue période. Ce contexte de réforme marginale et le risque très limité de voir quelconque changement apporté à la garantie des GSE devraient permettre aux investisseurs de garder les yeux braqués sur l’évolution des taux d’intérêt, sur la perspective d’offre de prêts hypothécaires et sur les changements qui pourraient être apportés à la politique de réinvestissement de la Réserve fédérale si la politique monétaire continue à se normaliser. Les efforts de réforme ne devraient, selon nous, déboucher sur une diminution ni des émissions de MBS d’agences ni de la liquidité de marché. Perspectives - Mai 2016 I 14 I Une réforme aux priorités concurrentes Pour les spécialistes de l’immobilier résidentiel et des dirigeants politiques, le statut actuel des GSE donne matière à réflexion. Plusieurs années après la crise financière, les GSE restent sous tutelle et la grande majorité des nouveaux prêts hypothécaires sont assortis de la garantie d’une GSE, exposant les contribuables au risque d’un repli du marché du logement. En outre, certains affirment que les GSE créent une incertitude parmi les émetteurs en maintenant des normes très restrictives applicables à la garantie et en se retournant contre les émetteurs de prêts improductifs. Compte tenu du brouillard qui entoure le futur statut des GSE, il se pourrait que les fournisseurs de capitaux ne veuillent plus investir dans des solutions alternatives pour le logement. Malgré ses défauts, le régime a été maintenu à cause du fossé qui sépare les deux partis politiques et qui restreint l’espace de compromis. La principale pierre d’achoppement concerne le rôle du gouvernement dans le financement des logements. Pour de nombreux Républicains, réduire la socialisation du risque de crédit hypothécaire et l’implication du gouvernement dans les marchés des capitaux demeure une priorité, alors que la plupart des Démocrates au Congrès continuent de voir dans le gouvernement un acteur important (d’où les GSE) dans la promotion du caractère abordable des logements. Par ailleurs, au sein de chacun des deux partis, la meilleure méthode pour atteindre les objectifs politiques respectifs ne fait pas l’objet d’un consensus. De nombreux Démocrates reconnaissent que les GSE constituent un outil peu efficace et potentiellement très coûteux pour assurer l’accès abordable au logement. Par exemple, les pressions sur les GSE avant la crise pour qu’elles soutiennent les débiteurs à faible revenu ont incité les entreprises à prêter à des segments du marché plus risqués, augmentant ainsi la note finale pour le contribuable. De l’autre côté du Parlement, les Républicains, surtout au Sénat, prennent de plus en plus conscience des défis que pose la reprivatisation ou le démantèlement des GSE : une telle décision entraînerait en effet une forte hausse des taux hypothécaires pour les emprunteurs. Malgré le bien-fondé philosophique de la réduction du rôle des GSE, la hausse des coûts d’emprunt pour les propriétaires immobiliers pourrait donc compromettre les chances de réélection de nombreux Républicains, poussant le parti à adopter une approche plus centriste. D’ailleurs, la réforme des GSE est passée au second plan : certaines des mesures prises par les GSE et leur régulateur, la Federal Housing Finance Agency (FHFA), ont permis d’alléger la prise de risque des entreprises. Ces mesures comprennent notamment des normes de souscription plus strictes pour les prêts hypothécaires qui répondent aux critères et des frais de garantie plus élevés facturés aux emprunteurs. En outre, la FHFA a contraint les GSE à accélérer le processus d’assainissement de leurs portefeuilles en cours afin d’alléger leurs engagements vis-à-vis des contribuables. Les GSE ont également réduit leur risque de portefeuille en émettant de nouveaux instruments qui permettent aux investisseurs de prendre part dans le risque de crédit de pools de référence de prêts hypothécaires garantis par les GSE. Enfin, on planche actuellement à la mise en place d’une plateforme commune de titrisation qui, entre autres, inciterait les garants du secteur privé à venir sur ce marché. Dans l’hypothèse du maintien des mesures progressives de réduction des risques au niveau des GSE et de promotion de la participation du secteur privé, la probabilité d’une réforme plus ambitieuse pourrait s’éloigner. Si les GSE ont atténué leurs risques depuis la crise financière, elles ont également généré des recettes pour le gouvernement. En effet, les dividendes en espèces versés au Département du Trésor dépassent en cumulé le montant des fonds placés sous tutelle. Ce phénomène s’explique par le durcissement des normes de souscription, par des recouvrements plus élevés que prévu et par une reprise des émissions de MBS d’agences. Comme la tutelle produit des recettes publiques, la dynamique de réforme pourrait ainsi s’essouffler. MARCHÉS DE TAUX Un espace de compromis Même si la dynamique de réforme ralentit et si des différences philosophiques entre les deux partis les empêchent d’atteindre tous les objectifs en matière de financement des logements, quelques « principes directeurs » émergent et libèrent une marge pour négocier un compromis sur la réforme des GSE dans les années à venir. Les deux parties s’accordent sur le point de départ : le statu quo n’est pas une solution, car presque tous les risques liés à l’émission hypothécaire sont supportés par le contribuable. De ce constat de départ découle un deuxième principe : une plus grande implication du secteur privé permettrait de réduire les risques du contribuable tout en assurant au candidat propriétaire un accès stable à des charges hypothécaires abordables. Ces postulats ouvrent la voie à un accord sur les points suivants : allègement continu, voire accéléré, des portefeuilles conservés par les GSE. Ce point ne requiert pas l’approbation du pouvoir législatif et, d’ailleurs, la FHFA poursuit son travail dans cette direction ; maintien des efforts déployés par les GSE afin de permettre aux investisseurs de prendre part au risque de crédit lié aux prêts hypothécaires garantis par les agences gouvernementales. Ces structures de transfert du risque de crédit (CRT) contribuent à un objectif clé des Républicains, à savoir la réduction de l’exposition du contribuable aux GSE. Précision importante : le marché CRT peut poursuivre son développement sans changement législatif ; poursuite des travaux sur la plateforme commune de titrisation visant à réduire la mainmise des GSE sur le processus de titrisation, à réorienter les GSE vers l’activité de garantie et à stimuler le retour des capitaux privés vers les assurances hypothécaires ; développement d’un système de partage des pertes en vertu duquel les assureurs privés prennent à leur charge une partie des pertes encourues sur les prêts hypothécaires garantis par les GSE. Celles-ci pourraient ainsi évoluer vers le rôle de garant de soutien en cas de pertes supérieures à un seuil déterminé. L’avenir et ses implications pour les marchés Nous pensons que le chantier de la réforme des GSE ne va pas progresser sensiblement à l’approche des élections présidentielles. Même après, les manœuvres pour réduire les risques liés aux GSE n’auront d’autre dessein que de reléguer cette réforme au second plan de l’agenda politique. Pourtant, le caractère intenable du système de financement des logements, qui repose presque entièrement sur les épaules du secteur public (donc du contribuable), laisse penser qu’il y aura changement à long terme, bien que progressif et timide. Il convient de noter qu’aucune des propositions actuellement sur la table n’affaiblirait la garantie sur les MBS d’agences en circulation. Dès lors, nous ne prévoyons aucun amendement au profil de crédit du marché des MBS d’agences. En d’autres termes, nous ne voyons que peu ou pas de distinction entre le profil de risque de crédit des bons du Trésor et celui des MBS d’agences. Par ailleurs, les efforts de réforme ne devraient selon nous déboucher sur une diminution ni des émissions de MBS d’agences ni de la liquidité de marché. En attendant la mise en œuvre d’une réforme aboutie, les GSE resteront la seule interface possible entre les propriétaires immobiliers et les investisseurs finaux de MBS garantis. Cet article a été initialement publié en juin 2015. I 15 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS DE TAUX Dominick J. DeAlto Chief Investment Officer, Fixed Income BNP Paribas Investment Partners Obligations structurées 2.0 : les enseignements de la crise De nombreux facteurs sont à l’origine de la crise financière de 2007-2008, mais il est communément admis que l’implosion du marché immobilier et des valeurs mobilières adossées à ce secteur a constitué l’un des principaux éléments déclencheurs. Comme une grande partie de ces valeurs mobilières sont échangées sur le marché obligataire, nous avons pensé qu’il pourrait être utile de passer en revue les sous-secteurs de l’univers des obligations structurées afin d’évaluer leur état de santé actuel et de voir si elles présentent les mêmes risques qu’il n’y a pas si longtemps. Les obligations structurées, ou collatéralisées, correspondent à une catégorie « fourretout » utilisée pour définir tout titre dont les flux de trésorerie sont adossés à plus d’une valeur mobilière (généralement un ensemble de valeurs mobilières similaires), et dont les valorisations dépendent d’un actif ou d’un groupe d’actifs servant de garantie. Les obligations structurées peuvent présenter des formes diverses et sont présentes à travers de très nombreux secteurs, mais je parlerai ici plus précisément de celles qui concernent l’immobilier, car ce sont celles qui ont le plus marqué les esprits et les portefeuilles des investisseurs, particuliers et institutionnels. Perspectives - Mai 2016 I 16 I On a beaucoup critiqué l’usage de dettes garanties, plus spécifiquement d’obligations adossées à des créances hypothécaires et d’obligations collatéralisées, pointées du doigt pour avoir précipité la crise financière. À l’époque, les créances hypothécaires semblaient MARCHÉS DE TAUX constituer des garanties attrayantes au regard de la hausse des prix de l’immobilier, mais les conditions de l’économie et des marchés ont entraîné une hausse des défauts, des saisies et des risques liés au remboursement que les modèles financiers n’avaient pas prédit avec exactitude. Beaucoup d’investisseurs s’intéressant plus aux flux de revenus qu’à l’état de santé réel des crédits sous-jacents ont développé une grande dépendance aux avis des agences de notation, chargées en quelque sorte d’approuver leurs placements. En définitive, la demande élevée a conduit à un usage excessif de l’effet de levier en vue d’acheter toujours plus, alors que les fondamentaux continuaient à se détériorer. Pour remettre les choses en perspective, le graphique 1 montre que les obligations structurées (représentées par les barres bleu foncé) se sont mieux comportées que d’aucuns pourraient le croire par rapport aux autres principaux secteurs de spreads dans l’univers obligataire. Ce sont en effet les obligations d’entreprise et la dette des marchés émergents qui ont subi les plus lourdes pertes. Graphique 1 : performance relative des secteurs obligataires en 20081 0 -500 US Agy MBS -1 000 -1 500 -2 000 -2 500 -3 000 -3 500 -4 000 -4 500 Global ABS Eur IG* Corp -1,343 -1,434 US IG* Corp -1,988 Emerging Markets Debt -2,842 Global CMBS -3,063 US High Yield Corp. -3,832 2008 Eur High Yield Corp -4,080 * IG : investment grade Sources : Barclays, FFTW 1 La performance relative correspond à l’écart entre la performance totale des titres et un portefeuille de bons du Trésor de même maturité. Le fait de regrouper tous les types de titres autour d’une mesure commune aide à comparer des secteurs de spreads présentant des sensibilités très différentes aux taux d’intérêt et à la courbe des taux. Définition des sous-secteurs d’obligations structurées Avant d’entrer plus en détail dans la performance historique des obligations structurées, il est préférable de les subdiviser en plusieurs sous-secteurs. Titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) pass-thru des agences américaines – S’il arrive que les banques prêtent directement l’argent des dépositaires à des emprunteurs dans le cadre de prêts adossés à des biens immobiliers (créances hypothécaires), les établissements bancaires vendent le plus souvent les créances hypothécaires qu’elles ont émises à une agence gouvernementale (GNMA) ou quasi-gouvernementale (Fannie Mae ou Freddie Mac). Ces agences regroupent des milliers de créances similaires, puis elles les revendent au public sous forme d’obligations (connues sous le nom de certificats de transfert de prêts ou pass-through). Les paiements du principal et des intérêts des créances hypothécaires individuelles sont ensuite distribués au porteur d’obligations MBS émises par l’agence. Surtout, les paiements du principal et des intérêts sont garantis par l’agence émettrice de l’obligation, si bien qu’en pratique, le risque de défaut est négligeable. Comme les créances hypothécaires peuvent faire l’objet d’un remboursement anticipé (ou d’un refinancement) à tout moment et sans pénalité, l’investisseur est exposé à une optionalité qui peut lui être défavorable. Ce « risque » de remboursement anticipé est le principal élément qui dicte la valorisation des MBS, et il dépend en premier lieu de l’orientation et de la volatilité des taux d’intérêt, et non de la valeur du bien immobilier. Obligations sécurisées – Les obligations sécurisées sont adossées aux flux de trésorerie générés par des créances hypothécaires ou des prêts du secteur public (généralement en Europe). Leur structure est identique à celle d’autres obligations pass-through, mais elles demeurent inscrites au bilan consolidé de l’émetteur, qui est souvent un établissement bancaire. Comme d’autres titres liés au secteur immobilier, les obligations sécurisées sont adossées à un ensemble d’actifs, mais dans la mesure où elles sont toujours considérées I 17 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS DE TAUX comme des obligations de l’émetteur, l’investisseur bénéficie de ce que l’on appelle le « double recours » en ayant la possibilité d’un recours contre ce dernier. C’est en réalité ce mécanisme de sécurité supplémentaire qui permet aux obligations sécurisées de conserver des notations élevées même quand les émetteurs sont basés dans les pays d’Europe périphérique les plus en difficulté. Titres adossés à des actifs (ABS) – Les ABS sont des titres financiers adossés à un prêt, un bail ou une créance sur des actifs autres que des biens immobiliers et des actifs adossés à un bien immobilier. D’un point de vue structurel, un ABS est assez similaire à un MBS, à ceci près que sa garantie est formée d’actifs tels que des crédits automobiles, des baux, des dettes de cartes de crédit, des créances d’entreprises, des redevances, etc. et non un crédit adossé à l’immobilier. Seule exception, celle du marché des prêts sur valeur marchande d’un bien immobilier (home equity loan), qui correspond à une ligne de crédit revolving sécurisée en second rang par un bien immobilier. Le risque de ces titres est simplement celui lié à la qualité globale du principal et des paiements d’intérêts. Par conséquent, l’analyste d’ABS doit absolument comprendre quelle est la source des paiements et la nature de la garantie. Titres adossés à des créances hypothécaires commerciales (CMBS) - La structure de ce soussecteur du marché est similaire à celle des MBS : il se compose d’ensembles de créances adossées à des biens immobiliers commerciaux. Dans une transaction sur CMBS, un grand nombre de créances portant sur des biens immobiliers variés en termes de taille, de type et d’emplacement est regroupé et transféré à une fiducie (trust). Celle-ci émet une série d’obligations présentant des caractéristiques variables en termes de rendement, de duration et de rang de paiement. Chaque mois, les intérêts perçus à partir des créances regroupées en « pools » sont payés aux investisseurs, en commençant par ceux qui détiennent les obligations les mieux notées et jusqu’au paiement de tous les intérêts courus relatifs à ces obligations. Puis, les intérêts sont versés aux porteurs des obligations de la tranche de notation suivante, et ainsi de suite. Le même principe s’applique pour le paiement du principal. On qualifie souvent cette structure de paiement séquentiel de « cascade ». Comme les titres ne bénéficient pas de la garantie d’une agence, les principaux facteurs qui déterminent leur valorisation sont la qualité du pool de crédit, la qualité du collatéral sous-jacent et le rang des titres dans la structure en cascade. Performance des sous-secteurs Penchons-nous à présent sur la performance des principales obligations structurées : le tableau 1 illustre leur parcours sur l’ensemble de l’année 2008. Tableau 1 : performance des sous-secteurs en 2008 Secteur principal Sous-secteur MBS -2,55 % Government National Mortgage Association (GNMA) -3,85 % Federal Home Loan Mortgage Corp (FHLMC) -2,41 % Federal National Mortgage Association (FNMA) -2,33 % US ABS EUR ABS CMBS Obligations sécurisées Sources : Barclays, FFTW Perspectives - Mai 2016 I 18 I Rendement excédentaire 2008 -22,23 % Carte de crédit -19,53 % Crédit automobile -12,20 % Prêt sur valeur nette immobilière (Home equity loan) -46,62 % -5,02 % -32,74 % -4,25 % MARCHÉS DE TAUX Il apparaît évident que les secteurs qui bénéficient des meilleures garanties de crédit et/ou structurelles (MBS et obligations sécurisées) se sont beaucoup mieux comportés pendant la crise. De plus, les MBS figurent parmi les marchés les plus vastes au monde, et leur liquidité a donc largement contribué à leur performance. Au contraire, les secteurs qui ont connu le plus de difficultés ont été ceux dont le principal risque concernait la qualité des emprunteurs sous-jacents et celle du collatéral. Avec l’effondrement du marché immobilier, les home equity loans et les CMBS ont été les plus vulnérables. Par souci d’équité, le tableau 2 représente les mêmes secteurs et leur performance un an plus tard, en 2009, et prouve tout le mérite des investisseurs qui ont su garder leur sang-froid. En effet, ceux qui n’ont pas cédé à la panique et n’ont pas vendu leurs titres ont été récompensés par un net rebond l’année suivante. Tableau 2 : performance des sous-secteurs en 2009 Secteur principal Sous-secteur MBS Rendement excédentaire 2009 4,82 % Government National Mortgage Association (GNMA) 4,94 % Federal Home Loan Mortgage Corp (FHLMC) 4,79 % Federal National Mortgage Association (FNMA) 4,82 % US ABS 24,96 % Carte de crédit 30,36 % Crédit automobile 25,26 % Prêt sur valeur nette immobilière (Home equity loan) 21,06 % EUR ABS CMBS Obligations sécurisées Les secteurs qui bénéficient des meilleures garanties de crédit et/ ou structurelles (MBS et obligations sécurisées) se sont beaucoup mieux comportés pendant la crise. 4,09 % 29,06 % 4,18 % Sources : Barclays, FFTW À noter que les CBMS et les home equity loans n’ont pas effacé la totalité de leurs pertes en 2009, contrairement à la plupart des autres sous-secteurs : ce retard est dû au fait qu’il a fallu plusieurs années pour que les prix immobiliers cessent de chuter et pour que les effets de la grande récession s’estompent. En fait, c’est en 2010 que les défauts et les saisies ont été les plus nombreux, mais les titres se sont quand même nettement redressés en 2009 grâce aux mesures exceptionnelles déployées par la majorité des banques centrales pour assurer la liquidité des marchés. Depuis 2009, les CMBS et les home equity loans poursuivent leur rebond. Changements depuis 2008 Comme dit l'adage, « Dupe-moi une fois : honte à toi ; dupe-moi deux fois : honte à moi ». Et puisque nous continuons d’investir sur le marché des obligations structurées, nous devons nous poser la question : la situation de 2008 peut-elle se reproduire ? Pour faire court, nous pensons que l’immobilier n’est pas à l’abri d’un nouveau fléchissement, mais que le marché de la titrisation a connu de nombreux changements qui limiteraient le niveau des pertes par rapport à 2008. Voici une description de quelques-uns de ces changements. Propriété - En théorie, le risque de défaut pour les MBS garantis par Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC) est légèrement supérieur à celui des titres garantis par Ginnie Mae (GNMA) parce que ces agences ne font techniquement pas partie du gouvernement fédéral américain. Toutefois, quand l’immobilier s’est écroulé en 2008, le gouvernement fédéral a placé FNMA et FHLMC sous administration judiciaire, faisant ainsi de facto bénéficier leurs obligations de la garantie totale des pouvoirs publics. Il leur a également fourni des aides de I 19 I Mai 2016 - Perspectives MARCHÉS DE TAUX plusieurs centaines de milliards de dollars. Comme GNMA, Fannie Mae et Freddie Mac sont responsables du bon fonctionnement du marché immobilier (puisqu’elles financent plus de 90 % des créances hypothécaires depuis le krach) et sont à ce titre trop importantes pour que les pouvoirs publics les laissent faire défaut. Levier financier – Comme indiqué plus haut, les investisseurs avaient largement eu recours à l’effet de levier pour financer l’achat de titres avant la crise, et les transactions pour compte propre des banques dans leur activité de courtage ont généré des positions très endettées. Contrairement à la situation de 2007, les achats sur marge sont devenus quasiment inexistants car les nouvelles exigences comptables ont rendu cette pratique inintéressante sur le plan économique, et la vague de désendettement se poursuit à travers le monde. D’autre part, la loi Dodd-Frank a nettement réduit les capacités de transaction pour compte propre des banques et des courtiers. Nous pensons que l’immobilier n’est pas à l’abri d’un nouveau fléchissement, mais que le marché de la titrisation a connu de nombreux changements qui limiteraient le niveau des pertes par rapport à 2008. Conditions de crédit - Dans les années précédant la crise (2000-2006), le boom du marché immobilier américain a entraîné une forte hausse des octrois de crédits à risque, et comme ces derniers étaient assortis d’exigences plus faibles, leur croissance exponentielle a naturellement causé une dégradation des conditions de crédit sur l’ensemble du marché des prêts hypothécaires. De plus, les prêts « no document » (pour lesquels il n’était demandé aucune attestation de revenus ou preuve de possession d’actifs) étaient devenus courants, contribuant à détériorer la qualité globale du marché. Alors que progressait la demande en obligations structurées adossées à l’immobilier, les émetteurs ont fini par privilégier la quantité à la qualité, en grande partie parce que tous les prêts étaient sortis de leurs bilans en l’espace d’un ou deux mois, regroupés dans une structure, puis vendus. Après la crise, quand ce mécanisme de transfert a disparu et que les prêteurs ont été contraints de conserver les créances, ils ont naturellement renoué avec des pratiques de crédit beaucoup plus prudentes. Il se peut bien sûr que les conditions de prêt s’assouplissent à nouveau, mais le fait qu’il existe des règles de rétention des risques et la suppression du trading pour compte propre devrait empêcher qu’une crise pareille à celle de 2008 se reproduise. Nous savons maintenant a minima vers quoi nous devons tendre. Le graphique 2 présente l’impact de conditions de crédit plus restrictives sur le marché des créances hypothécaires résidentielles. Graphique 2 : impact du durcissement des conditions de crédit immobilier résidentiel 0,60 probabilité de défaut 0,50 2007 0,40 2014 0,30 0,20 0,10 0,00 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 âge du crédit hypothécaire (en mois) Sources : Kaplan-Meier Default Probability Study, FFTW De même, l’aspect commercial du marché des créances hypothécaires a subi d’importantes transformations. Les conditions de souscription des prêts classiques en 2005-2007 étaient incroyablement souples : ainsi, au sein des pools, le pourcentage de créances souscrites sur la base de prévisions de flux de trésorerie (pro forma) plutôt que des flux actuels ou historiques s’est mis à croître au fil des ans avant le krach, tout comme la proportion de prêts sans amortissement du capital (interest-only). Dans l’exemple d’une transaction historique de 7,6 milliards de dollars sur les titres GSMS 2007-GG10, des CMBS émis en 2007, le revenu net d’exploitation moyen pondéré des prêts à l’émission dépassait de 28 % le revenu des dernières enregistrées et le pourcentage de prêts « interest-only » avec paiement du principal à échéance atteignait 80 % au sein du pool de collatéral. Aujourd’hui, les revenus nets d’exploitation, la taille du prêt rapportée à la valeur du bien (LTV) et les conditions d’accès aux crédits interest-only sont beaucoup plus élevés. De plus, les agences de notation ont elles-aussi durci leurs critères. Face à la crise, elles ont réagi en imposant aux tranches qu’elles notaient des niveaux de subordination plus élevés. Dans l’exemple de Perspectives - Mai 2016 I 20 I MARCHÉS DE TAUX la transaction sur les titres 2007 GG10, la subordination de la tranche notée BBB était de 3,75 % contre une moyenne de 7,6 % pour les opérations effectuées via des véhicules ad hoc (conduit deals). Enfin, dans la plupart des secteurs immobiliers, les prix sont entièrement remontés depuis la crise financière. Environnement réglementaire – La commission des opérations de Bourse américaine (SEC) et cinq autres agences fédérales viennent d’approuver un règlement conjoint en vertu duquel les sponsors de certains types de titrisation doivent conserver un niveau minimum d’exposition au risque de crédit, tout en n’ayant plus la possibilité de transférer ces risques ou de les couvrir. Depuis l’effondrement des marchés de la titrisation en 2007 (notamment des obligations adossées à des créances hypothécaires résidentielles subprime) et la crise financière mondiale, la loi Dodd-Frank impose aux agences fédérales des secteurs de la banque, des valeurs mobilières et de l’immobilier d’adopter et de mettre en œuvre des règles obligeant les sponsors des nouveaux véhicules titrisés à conserver au moins 5 % du risque de crédit des actifs transférés, vendus ou transmis à une tierce partie. En forçant les sponsors de titrisation à garder des intérêts en jeu, on rapproche ces intérêts de ceux des investisseurs et les sponsors sont ainsi incités à s’assurer de la qualité des actifs sousjacents en menant une enquête de due diligence appropriée et en appliquant des procédures de souscription adéquates lors de la sélection de ces actifs. La disposition imposant aux sponsors de conserver une partie des risques a pour objectif de pénaliser l’émetteur en cas de dégradation des créances titrisées, ce qui représente une motivation non négligeable. Le règlement Volcker, qui fait partie de la loi Dodd-Frank, interdit aux banques de pratiquer la négociation pour compte propre à court terme de divers types de valeurs mobilières, et notamment les obligations structurées, les produits dérivés et les options portant sur ces instruments, au motif que cette activité ne profite pas aux clients des établissements bancaires. Autrement dit, les banques ne peuvent pas utiliser leurs propres capitaux pour augmenter leurs bénéfices avec ces instruments. Réforme de la méthodologie de notation - La SEC a adopté de nouvelles exigences applicables aux agences de notation en vue d’améliorer la gouvernance, d’empêcher les conflits d’intérêts et d’accroître la transparence pour rehausser la qualité des notes attribuées par les agences et le niveau de responsabilité de ces dernières. Les nouveaux règlements et amendements, qui imposent 14 exigences réglementaires en vertu de la loi « Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act », s’appliquent aux agences de notation enregistrées auprès de la SEC en tant qu’organisations de notation statistique reconnues sur le plan national (NRSRO). Conclusion Pour conclure, les obligations structurées forment encore un vaste pan de l’univers des produits d’investissement obligataire et sont bien représentées au sein des indices de référence les plus utilisés. Les obligations structurées représentent actuellement 12,1 % de l’indice Barclays Global Aggregate et 28,6 % de l’indice Barclays U.S. Aggregate. Grâce à diverses initiatives, le profil de risque de ces secteurs s’est amélioré. En tant qu’investisseurs, nous avons toujours su que la qualité des fondamentaux est un facteur primordial, tout comme le fait de disposer d’experts dans les domaines dont sont issus les actifs sous-jacents. Nos experts ont appris à reconnaître les signes indiquant une dégradation des marchés. Et pour finir, ceux d’entre nous qui ont résisté à la crise de 2008 ont appris que le calme est toujours le meilleur allié dans les périodes de grande panique. I 21 I Mai 2016 - Perspectives INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE Giordano Beani Gestionnaire de portefeuille senior actions mondiales ISR BNP Paribas Asset Management Développement humain : répondre aux défis sociétaux L'expansion rapide de la population mondiale, l'allongement de l'espérance de vie, l'augmentation massive de l'urbanisation, la raréfaction des ressources naturelles, et plus particulièrement de l'eau propre, comptent parmi les défis majeurs susceptibles d'affecter la qualité du développement humain et social à l'avenir. Les sociétés dont le cœur de métier consiste à apporter des réponses à ces défis sont bien placées pour générer une croissance vigoureuse au cours des prochaines décennies. Dans cet entretien, Giordano Beani nous explique comment, en tant que thème d'investissement ISR (Investissement Socialement Responsable), le développement humain offre le potentiel non seulement de bénéficier des avantages de cette croissance, mais également de contribuer au développement social durable et à l'amélioration de la qualité du niveau de vie. Perspectives - Mai 2016 I 22 I INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE En tant que thème d'investissement, que signifie le « développement humain » Dans ce contexte, le « développement humain » est fondé sur le concept selon lequel — face à l'ampleur des défis sociétaux et environnementaux mentionnés ci-dessus — il est de la plus grande importance que nous, c'est-à-dire la race humaine, soyons capables de prendre soin de nous- mêmes afin d'être en bonne condition mentale et physique pour nous occuper à la fois de notre planète et de notre avenir. Nous voyons le développement humain comme un thème qui comprend principalement deux composantes. Tout d'abord, la satisfaction des besoins humains fondamentaux, ce qui signifie donner au plus grand nombre de personnes un accès à : une alimentation de bonne qualité, en quantité raisonnable et à un coût modéré ; de l'eau potable et des installations sanitaires ; des normes d'hygiène minimales ; des soins de santé de base à des prix acceptables ; l’éducation et la formation. En tant que thème d'investissement, il signifie aussi participer à la résolution des problèmes sociétaux de l'humanité : recherche de nouvelles solutions à des problématiques telles que le vieillissement démographique, le développement et la commercialisation de nouvelles générations de médicaments, et l'objectif d'une croissance responsable et durable de l'économie et des infrastructures. Pouvez-vous nous donner une idée de l'ampleur de certains des enjeux à traiter ? En 2050 — c'est-à-dire dans moins de deux générations —, la population mondiale aura augmenté de 2,3 milliards, soit autant de personnes qui, comme les 7,2 milliards de personnes actuelles, auront besoin de nourriture, d'eau, d’hygiène, de logement, de revenus, de soins de santé et d'éducation. Plus de 70 % de la population sera citadine. Une personne sur cinq aura plus de 60 ans. Rien qu'aux États-Unis, les dépenses de soins de santé vont grimper à 6 000 milliards de dollars, soit environ un tiers du PIB total actuel du pays. D'ici 2030 — dans moins d'une génération —, si les tendances actuelles se poursuivent, plus de 3,2 milliards de personnes seront en surpoids ou obèses. Il est clair que ces défis s'appliquent non seulement au monde développé mais également aux pays qualifiés d'émergents, qui connaîtront proportionnellement la plus forte croissance de l'urbanisation avec les problématiques connexes, ainsi sans doute qu'un besoin proportionnellement plus élevé d'accès à l'éducation, à de meilleures conditions de vie et à des soins de santé et des médicaments à un coût abordable. Graphique 15 : croissance de la population mondiale (chiffres effectifs entre 1800 et 2010, prévisions pour la période 2010 - 2050) En milliards 10 Population mondiale en 2050 - 9,5 milliards 9 8 Population mondiale actuelle (2015) - 7,2 milliards 7 6 5 4 3 Population mondiale totale 2 1 0 1800 1850 1900 1950 2000 2050 Source : US Census Population Clock, US Census Bureau, au 2 novembre 2015 I 23 I Mai 2016 - Perspectives INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE Graphique 16 : population de personnes de 65 ans et plus dans les pays de l'OCDE % de la population 45 1960 40 1980 2000 2030 2050 35 30 25 20 15 10 5 0 Australie Le potentiel de performance du développement humain en tant que thème d'investissement est loin d'être épuisé. Canada France Grèce Italie Japon Norvège OCDE Source : OCDE, novembre 2015 Quelles sont les principales thématiques sous-jacentes de l'approche d'investissement axée sur le développement humain ? Le concept du développement humain s'articule autour de huit stratégies durables qui peuvent être regroupées en trois grandes catégories : 1.Croissance et vieillissement démographique (besoins d'une population vieillissante, accès à l'éducation, aux services financiers et à des protections) ; 2.Santé et nutrition (nourriture saine et répondant aux besoins alimentaires, santé et bienêtre) ; 3.Vie urbaine durable (infrastructures urbaines durables, transports durables, services de l'emploi). Nous avons identifié au sein de la classe d'actifs des actions mondiales des pays développés un univers d'investissement de 293 sociétés. Nous leur appliquons un filtre de critères ISR rigoureux, puis nous retenons celles dont 20 % de leur chiffre d'affaires provient de solutions qui répondent aux besoins mentionnés dans nos trois catégories ci-dessus. Il s'agit donc de sociétés bien gérées et responsables qui contribuent déjà à répondre aux besoins humains fondamentaux et à résoudre les problèmes sociétaux en fournissant, par exemple : Un accès à des besoins fondamentaux tels qu'une alimentation saine (en accroissant la valeur nutritionnelle des aliments, en optimisant l'irrigation, etc.) et les soins de santé (en dédiant une partie significative de leur budget à la recherche et au développement de solutions pour lutter contre les maladies infectieuses et en produisant des médicaments génériques afin que les populations des pays émergents puissent obtenir des médicaments beaucoup moins chers) ; Des produits et/ou des services qui contribuent à satisfaire des besoins sociétaux importants (accès à l'éducation, à l'information, au logement, à l'insertion dans le marché du travail, etc.) et des besoins environnementaux (urbanisation, infrastructures, transports publics durables, etc.). Un exemple dans le secteur de la santé, qui représente la pondération la plus élevée dans notre univers d'investissement, serait Eli Lilly, dont 40 % des revenus proviennent du traitement du diabète, l'une des maladies généralement liées à de mauvaises habitudes alimentaires. Près de 400 millions de personnes souffrent aujourd'hui de diabète, mais seules 6 % d'entre elles sont bien traitées. Dans dix ans, selon les estimations, la maladie pourrait toucher 10 % de la population mondiale ; il s'agit donc d'un problème qui va croissant et qui affecte aussi bien les pays développés que les régions en développement. Un autre exemple est Shire, dont quelque 40 % des revenus proviennent du développement de traitements de maladies rares traditionnellement négligées par les sociétés pharmaceutiques multinationales. Shire est aujourd'hui l'une des sociétés les mieux positionnées dans ce domaine. Perspectives - Mai 2016 I 24 I INVESTISSEMENT SOCIALEMENT RESPONSABLE Comment intégrez-vous les critères ESG dans votre analyse de la solidité financière des entreprises ? Seules les entreprises respectant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et les valeurs de sécurité sont prises en considération. Par exemple, dans le secteur des soins de santé, en matière de critères sociaux, nous sommes attentifs aux enjeux de disponibilité, d'accessibilité (souplesse du mécanisme de fixation des prix) et à la sécurité des produits (transparence des essais cliniques, étiquetage). S'agissant de la gouvernance, nous examinons notamment les problèmes de corruption, qui étaient endémiques dans ce secteur dans un passé relativement récent ; les pratiques concurrentielles (ententes, violations de brevets) et le lobbying visant les politiques de santé publique. L'aspect le plus important est notre relation avec les sociétés, car il nous permet de tenter d'influencer leur comportement dans le cadre d'un dialogue ouvert. Nous sommes convaincus que les sociétés qui pratiquent une protection de l'environnement, des relations de travail et une gouvernance supérieures à la moyenne sont généralement mieux armées pour affronter les crises, s'adapter aux évolutions de la réglementation et saisir les opportunités de développement qu'apportent les nouvelles technologies. Le thème du développement humain offre-t-il des perspectives de croissance ? Le potentiel de performance de cette approche thématique de l'investissement est loin d'être épuisé. Tous les thèmes que j'ai mentionnés sont des tendances de long terme susceptibles de fournir des sources considérables de croissance aux sociétés qui exercent leurs activités dans ces domaines. Du point de vue de la théorie du portefeuille, la tendance vers une séparation des sources de bêta (risque de marché) et des sources d'alpha (sélection des titres) est très favorable à l'investissement thématique. En effet, outre des performances attendues intéressantes, ce style de gestion fournit également une source de diversification des portefeuilles d'investissement, contribuant ainsi à réduire le risque global et à accroître la performance attendue corrigée du risque. I 25 I Mai 2016 - Perspectives FOCUS Raul Leote de Carvalho Co-responsable de l’ingénierie financière BNP Paribas Investment Partners De l’indexation smart bêta à l’investissement factoriel Ces dernières années, l’intérêt des investisseurs pour l’indexation a conduit les gérants d’actifs à mettre au point de nouvelles formes d’indexation, appelées smart bêta. Raul Leote de Carvalho, coresponsable de l’ingénierie financière à BNP Paribas Investment Partners, explique toutefois que les performances des stratégies smart bêta proviennent de leur exposition à des facteurs connus pour générer une prime positive. Ces primes ont été largement analysées dans la littérature spécialisée. Elles incluent la valeur, la faible volatilité et les petites capitalisations. Raul Leote de Carvalho pense que les investisseurs sont de plus en sensibles aux arguments convaincants en faveur de cette approche, mais qu’ils ont déjà commencé à délaisser les indices smart bêta définis de manière empirique qui leur sont proposés aujourd’hui pour se tourner vers des stratégies factorielles plus efficaces. Perspectives - Mai 2016 I 26 I FOCUS Qu’est-ce que le smart bêta ? Les indices smart bêta, qui reposent sur des approches quantitatives relativement transparentes, se distinguent des indices traditionnels pondérés par la capitalisation boursière et prétendent offrir, grâce à des pondérations alternatives, une meilleure diversification ou une plus grande efficience que les indices traditionnels. Les tests rétroactifs historiques effectués sur ces indices montrent qu’ils offrent souvent de meilleures performances ajustées du risque que les indices pondérés par la capitalisation boursière, mais aussi un risque plus faible. Cela étant, les indices smart bêta ne doivent pas être considérés comme une forme d’investissement passif. La gestion passive peut être utilisée pour répliquer des indices smart bêta, mais les indices eux-mêmes sont une forme d’investissement actif puisque leur stratégie sous-jacente nécessite des hypothèses et des choix subjectifs : ces hypothèses et ces choix déterminent dans quelle mesure il convient de s’écarter du portefeuille pondéré par la capitalisation boursière et à quelle fréquence. Seul le portefeuille pondéré par la capitalisation boursière peut être considéré comme une stratégie réellement passive : c’est le seul portefeuille buy-and-hold qui pourrait en théorie être maintenu à l’équilibre par tout investisseur. Qu’entend-on par « facteurs » ? Les facteurs sont les caractéristiques des valeurs qui sont importantes pour expliquer leur niveau de risque et leur performance. Selon le Modèle d’évaluation des actifs financiers (« modèle CAPM ») des années 1960, la performance d’une valeur devrait être déterminée par un seul facteur, à savoir l’exposition de la valeur au portefeuille de marché, mesurée par une caractéristique connue sous le nom de bêta. Le bêta est calculé en évaluant l’évolution du prix de la valeur par rapport à celle du prix du portefeuille, celui-ci étant généralement représenté par un indice pondéré par la capitalisation boursière. Toutefois, comme cela a été démontré dans de nombreux articles théoriques publiés depuis, les chercheurs ont constaté que le modèle CAPM ne se vérifiait pas empiriquement en cas de test reposant sur les cours historiques des valeurs, plusieurs facteurs étant nécessaires pour expliquer les performances et le niveau de risque de ces dernières. Ces articles montrent que d’autres facteurs jouent également un rôle important. Aujourd’hui, il est communément accepté que des facteurs tels que la valeur, la volatilité, la qualité, le momentum et la capitalisation peuvent également contribuer à expliquer les performances des valeurs. Aujourd’hui, il est communément accepté que des facteurs tels que la valeur, la volatilité, la qualité, le momentum et la capitalisation peuvent également contribuer à expliquer les performances des valeurs. Les différents facteurs : valeur, volatilité, qualité, momentum et capitalisation Les caractéristiques de valeur telles que le ratio cours/valeur comptable ou le ratio cours/ bénéfice d’une entreprise permettent de déterminer si une valeur est plus ou moins chère par rapport aux autres. Il apparaît qu’en moyenne, sur le long terme, les valeurs les moins chères ont tendance à surperformer les autres valeurs, en particulier les valeurs chères. La volatilité est une mesure du risque qui indique dans quelles proportions le cours d’une valeur fluctue. Les valeurs les moins volatiles, dont les cours fluctuent le moins, génèrent des performances au moins égales à celles des valeurs plus risquées, ce qui rend les valeurs à faible volatilité beaucoup plus attractives pour les investisseurs : elles offrent les mêmes performances sur le moyen à long terme, avec moins d’incertitude. Il est par ailleurs établi que les valeurs de qualité supérieure, comme celles des entreprises les plus rentables par exemple, ont tendance à surperformer les autres valeurs, en particulier celles des entreprises les moins rentables. Différents paramètres peuvent être utilisés pour mesurer la rentabilité, comme le rendement des fonds propres par exemple. Les valeurs dont les cours sont les mieux orientés, comme par exemple celles qui affichent la plus forte surperformance par rapport aux autres valeurs sur les 12 mois précédents, ont également tendance à continuer de surperformer. C’est ce que l’on appelle le momentum, ou dynamique boursière. Enfin, les petites capitalisations ont tendance à surperformer les grandes valeurs sur le moyen à long terme. I 27 I Mai 2016 - Perspectives FOCUS Les primes factorielles Les primes factorielles correspondent aux performances des valeurs expliquées par leur exposition à différents facteurs. Les titres value, les valeurs à faible volatilité, les valeurs de qualité, les valeurs à fort momentum et les petites capitalisations affichent en moyenne une prime positive à long terme. Les investisseurs ont tout intérêt à privilégier ces valeurs dans leurs portefeuilles pour profiter des primes factorielles. Inversement, les valeurs chères, risquées ou de moindre qualité ainsi que les valeurs dont les cours sont mal orientés et les grandes capitalisations affichent en moyenne une prime négative. Les investisseurs ont tout intérêt à éviter ces valeurs et leur prime négative, qui pèserait sur la performance. Il a également été démontré que l’indexation fondamentale tirait sa performance relative de son exposition à différents facteurs. De nombreux articles analysant la source des primes factorielles ont été publiés par les chercheurs ces dernières décennies. Les primes factorielles découleraient du fait que les investisseurs ne se comportent pas comme les théoriciens de la finance le supposaient dans les années 1960, mais aussi du fait que le fonctionnement des marchés n’est pas aussi parfait qu’ils le pensaient. Les hypothèses sur lesquelles repose le modèle CAPM ne sont tout simplement pas pertinentes, ce qui explique que plusieurs facteurs soient nécessaires. Les contraintes en termes d’allocation du portefeuille, la réglementation qui limite ce que les investisseurs peuvent faire, la réticence de ces derniers à recourir, par exemple, à l’effet de levier, la cupidité des investisseurs, leur excès de confiance, les coûts de transaction et même la motivation des investisseurs (qui n’est pas toujours d’optimiser les performances) sont autant de paramètres qui jouent un rôle important et qui contribuent à expliquer l’existence des primes factorielles. Comment expliquer la surperformance des indices smart bêta ? Ces dernières années, nous avons mené des recherches approfondies sur ces stratégies, qui reposent sur des pondérations alternatives. Nous avons été parmi les premiers à montrer que le niveau de risque et les performances des stratégies smart bêta pouvaient s’expliquer presque entièrement par le fait que celles-ci privilégient les valeurs les moins chères, les valeurs les moins volatiles et, parfois, les plus petites capitalisations. Les portefeuilles smart bêta sont exposés à plusieurs facteurs : valeur, faiblesse de la volatilité et petites capitalisations. Comme nous l’avons démontré dans un article publié dans le Journal of Portfolio Management (printemps 2012), le niveau de risque et les performances d’une catégorie de stratégies smart bêta connue sous le nom de risk-based strategies, qui regroupe des stratégies aux noms exotiques tels que « variance minimale », « diversification maximale » et « parité des risques », découlent presque entièrement de l’exposition à ces facteurs. Ce constat a été confirmé plus récemment par un certain nombre d’autres chercheurs. Il a également été démontré que l’indexation fondamentale, autre type de stratégie smart bêta, tirait sa performance relative de son exposition à différents facteurs, en particulier le facteur « valeur ». Les indices smart bêta sont-ils efficaces ? Nos recherches nous conduisent à penser que bien que les stratégies smart bêta soient un bon début pour profiter des primes factorielles, les investisseurs peuvent faire beaucoup mieux. Nous avons démontré que la simplicité des indices smart bêta, fortement mise en avant, avait pour contrepartie une exploitation inefficace des primes factorielles auxquels ils sont exposés. De plus, l’obtention d’une exposition aux facteurs « qualité » et momentum » est beaucoup plus difficile dans le cas des indices smart bêta, notamment en raison du fait que ces derniers n’ont pas été conçus pour tirer pleinement parti des primes factorielles. Lorsque les stratégies smart bêta sont apparues, les sources de leurs risques et de leurs performances étaient peu connues, et les explications sur leur potentiel de surperformance ajustée du risque par rapport aux indices pondérés par la capitalisation boursière étaient vagues et peu convaincantes. Il aura fallu attendre aujourd’hui pour établir clairement que les primes factorielles sont les principaux moteurs de leur surperformance ajustée du risque. De l’indexation smart bêta à l’investissement factoriel Perspectives - Mai 2016 I 28 I Si un portefeuille composé de plusieurs indices smart bêta produit une performance relative en étant exposé à plusieurs facteurs, pourquoi ne pas construire simplement un portefeuille solide exposé aux facteurs souhaités ? Le fait qu’il n’existe qu’une poignée de facteurs connus comme payant une prime constitue un avantage majeur en faveur d’une telle approche : il n’est en effet pas nécessaire d’analyser les centaines d’indices smart bêta qui existent FOCUS aujourd’hui et de faire son choix parmi eux. Autre avantage, les investisseurs peuvent décider des facteurs à inclure dans leurs portefeuilles et définir leur exposition aux facteurs ainsi sélectionnés. Pour un investissement factoriel efficace Les investisseurs peuvent construire des portefeuilles solides avec les expositions factorielles souhaitées. Dans un article publié dans le Journal of Asset Management (mars 2014), nous proposons un cadre efficace qui permet de contrôler l’exposition aux différents facteurs et de capturer leurs primes même après application d’un ensemble de contraintes de portefeuille classiques, comme l’interdiction de recourir à l’effet de levier par exemple. Les risques liés aux différents facteurs (valeur et momentum par exemple) peuvent être contrôlés avec un certain succès et il est possible de prévoir la volatilité des performances des facteurs grâce à une propriété connue sous le nom de clustering (fait que la volatilité a tendance à rester élevée lorsqu’elle est élevée et faible lorsqu’elle est faible). De plus, le contrôle de l’exposition aux facteurs peut permettre d’accroître fortement leur performance ajustée du risque, notamment parce que les primes factorielles ont tendance à être beaucoup plus élevées lorsque la volatilité des facteurs est faible et beaucoup plus faibles, voire négatives, lorsque cette volatilité est élevée. Nous évoquions ce phénomène dans un récent article publié dans le Journal of Investment Strategies (décembre 2014). Le graphique 1 montre la surperformance cumulée, par rapport à l’indice MSCI World (performance nette), d’une stratégie multifactorielle efficiente investissant dans les actions mondiales, obtenue en appliquant cette approche. La performance relative découle de l’exposition aux facteurs « valeur », « qualité », « momentum » et « faiblesse de la volatilité ». Le portefeuille est rééquilibré tous les mois. Dans le graphique 2, nous montrons la performance cumulée de la même stratégie par rapport à celle de l’indice MSCI World, sa référence. Les résultats des deux graphiques s’appuient sur les performances mensuelles totales en USD, brutes de frais. Le risque lié à la tracking error par rapport à l’indice MSCI World est de 4,3 % (annualisé). La performance relative annuelle moyenne basée sur un test rétroactif est de 7,7 % (chiffre annualisé). L’impact du marché et les coûts de transaction n’ont pas été pris en compte. Quel avenir pour les stratégies smart bêta ? Nous pensons que les approches relativement simplistes du smart bêta qui existent aujourd’hui continueront à perdre du terrain. Celles-ci n’ont souvent pas de fondement théorique solide ou reposent sur des hypothèses erronées. Par exemple, il peut être démontré que la stratégie de « diversification maximale » n’est efficace que si toutes les valeurs ont le même ratio de Sharpe, ce qui n’a pas été observé empiriquement ni démontré par la théorie financière. À notre avis, les stratégies factorielles gagneront en popularité. Nous pensons également que les investisseurs prendront conscience que ces stratégies, même si elles peuvent offrir une grande capacité, ne seront jamais aussi liquides que les indices pondérés par la capitalisation boursière et qu’il faut tenir compte de l’impact du marché. In fine, les investisseurs doivent comprendre qu’il leur faut envisager différentes stratégies factorielles, présentant des niveaux de turnover différents, voire une allocation différente du budget de risque aux facteurs et au risque actif qu’ils génèrent pour tirer pleinement parti des primes associées. Pour en savoir plus : Raul Leote de Carvalho, Xiao Lu et Pierre Moulin. “Demystifying Equity Risk– Based Strategies: A Simple Alpha plus Beta Description.” Journal of Portfolio Management. Vol. 38, No. 3 (2012), pp. 56-70. Raul Leote de Carvalho, Xiao Lu et Pierre Moulin. “An integrated riskbudgeting approach for multi-strategy equity portfolios.“ Journal of Asset Management. Vol. 15, (2014), pp: 24-47. Romain Perchet, Raul Leote de Carvalho et Pierre Moulin. “Intertemporal risk parity: a constant volatility framework for factor investing.“ Journal of Investment Strategies. Vol. 4, No. 1 (2014), pp: 19-41. I 29 I Mai 2016 - Perspectives FOCUS Graphique 1 : ventilation de la performance relative d’une simulation de stratégie multifactorielle mondiale à risque maîtrisé exposée aux facteurs « valeur », « momentum », « qualité » et « faiblesse du risque » par rapport à l’indice MSCI World (performance nette, non couverte). 160 % Momentum Valeur Rentabilité Faiblesse de la volatilité Contraintes stratégie multifactorielle à risque maîtrisé 120 % 80 % 40 % 0% -40 % -80 % 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Sources : BNP Paribas Investment Partners, THEAM, MSCI et Exshare, 31 juillet 2014. Les performances hypothétiques comportent de nombreuses limites inhérentes et ont été calculées avec le recul. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Graphique 2 : simulation des valeurs liquidatives pour une stratégie multifactorielle mondiale à risque maîtrisé exposée aux facteurs « valeur », « momentum », « qualité » et « faiblesse du risque » par rapport à l’indice MSCI World (performance nette, non couverte). 600 % 550 % Stratégie multifactorielle à risque maîtrisé 500 % 450 % 400 % 350 % 300 % 250 % Indice MSCI World USD (NR) 200 % 150 % 100 % 50 % USD Libor 1M 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 Sources : BNP Paribas Investment Partners, THEAM, MSCI et Exshare, 31 juillet 2014. Les performances hypothétiques comportent de nombreuses limites inhérentes et ont été calculées avec le recul. Les performances passées ne garantissent pas les résultats futurs. Perspectives - Mai 2016 I 30 I Nos thèmes d'investissement pour 2016 : Retraite Journée internationale de la femme - Pourquoi les femmes sont-elles de meilleurs investisseurs Certains seront peut-être surpris d'apprendre que de plus en plus d'ouvrages et d'études universitaires démontrent... Le scénario catastrophe s'éloigne : le marché reprend espoir 2 mars 2016 Adnan Akant Il y a deux semaines, le marché sombrait encore dans une morosité qui n'avait d'égal que la déprime extrême qui régnait à la mi-janvier. À la mi-janvier et à la mi-février 2016, le Bullish Sentiment Index, qui est publié chaque... 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