Christian Baudelot et Roger Establet, L`élitisme républicain

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Christian Baudelot et Roger Establet, L`élitisme républicain
MASTER « Métiers de l’éducation et de la formation »
Spécialisé « Encadrement et Conseil en Education »
Option : « Encadrement des Missions Educatives et Sociales »
Fiche de lecture
Pour M. Dubreucq
Par Thomas Bunz
UE 31
Année 2013/2014
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L’élitisme Républicain : l’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, par
Christian Baudelot et Roger Establet dans la collection : La République des idées, édition du
Seuil, 2009.
Quelques mots sur les auteurs : Christian Baudelot est un sociologue Français, spécialiste
de l’éducation et de la sociologie du travail. Professeur émérite de sociologie au département
de sciences sociales de l’Ecole Normale Supérieure à Paris, il est également chercheur au
Centre Maurice Halbwachs (CNRS/EHESS/ENS). Il a publié un certain nombre d’ouvrage
dont « L’école capitaliste en France » (Maspero, 1971), « Le niveau monte » (Seuil, 1989), et
« Allez les filles (Seuil, 1992) avec la collaboration de son condisciple Roger Establet. Ce
dernier est également un sociologue Français spécialiste de l’éducation. Il est actuellement
professeur émérite à l’Université de Provence.
Idée générale de l’ouvrage : Tandis que l’école figure au centre de leurs
préoccupations, les auteurs profitent cette fois-ci des enquêtes de PISA1 pour analyser le
système éducatif Français. En effet le point cardinal de l’ouvrage est qu’il exploite un
exercice de comparaison à l’échelle internationale pour dresser les limites de l’école
française. Il ressort de ces enquêtes un bilan peu flatteur pour la France qui se singularise par
les scores médiocres des élèves français.
La problématique se découvre assez rapidement: malgré la démocratisation scolaire le
système éducatif français serait trop sélectif et ce constat serait le corollaire de l’élitisme
républicain. Il semblerait que nous vivons en pleine contradiction dans un pays qui se veut
égalitaire par la tradition de son action publique mais ou la réalité sociale est franchement
inégalitaire.
D’ailleurs l’hypothèse principale en découle immédiatement : en France, « l’école est
à l’image de la société qui l’entoure, une société qui se pense plus juste et plus égalitaire que
beaucoup d’autres alors qu’elle est restée, en pratique, élitiste et inégalitaire (…) alors que
partout ailleurs, tout porte à penser que l’élite est bonne, novatrice et abondante si la masse est
bien formée et l’échec, le plus rare possible ». Ainsi, les enquêtes PISA tendent à démontrer
qu’au sein du système scolaire, l’efficacité et la justice sociale, doivent fonctionner de
concert.
Du point de vue de la démarche méthodologique, les deux auteurs tentent tout
d’abord d’éprouver la validité des enquêtes PISA, en démontant leur construction et en
rappelant les biais qu’incombe ce genre de travaux notamment quant aux biais
d’échantillonnage. Ces derniers permettent de rendre prudent dans l’utilisation directe des
classements. Par ailleurs, afin de vérifier leur thèse, les deux auteurs confrontent les résultats
des enquêtes PISA avec des résultats d’enquêtes nationales. Le croisement des enquêtes tend
à corroborer le constat d’une école française jugé médiocre. Nous allons tenter de décrire les
chapitres de l’ouvrage comme suit.
1. Qui à peur de PISA ?
Tandis que les enquêtes PISA démontrent que la France se situe dans la moyenne des
pays de l’OCDE, le plupart des responsables politiques les négligents et les enseignants s’en
méfient. En effet, si la France devance les USA elle n’en demeure pas moins un élève assez
médiocre par rapport à la Finlande, la Corée du Sud, le Canada et l’Australie. Ce constat
alarmant explique les réticences des enseignants et des politiques à l’égard des enquêtes
PISA. D’une part les médias ne font que retenir le palmarès général qui demeure assez
1
Le programme international pour le suivi des acquis des élèves. Ces enquêtes sont publiées tous les trois ans,
elles évaluent les systèmes éducatifs des 30 pays de l’OCDE et aujourd’hui d’une cinquantaine d’autres.
2
réducteur et occulte la qualité de la méthodologie2 ses enquêtes tant les questionnaires, la
représentativité des échantillon que dans la prise ne compte du contexte social. Si ces
enquêtes cherchent à mesurer la capacité des élèves à mobiliser leurs connaissances, il n’y a
rien d’étonnant à ce que des responsables de l’éducation nationale restent suspicieux. D’une
part ils associent le modèle de l’évaluation aux politiques néolibérales et d’autre part ils
jugent les épreuves PISA mal adaptées aux compétences de nos élèves car le système français
met l’accent sur la transmission des savoirs. Les deux auteurs jugent ces critiques inadéquates
tout d’abord parce que ces observations permettent de s’interroger sur notre système
d’acquisition de connaissance ensuite parce que ce constat n’est pas neuf. En France d’autres
statistiques exprimaient déjà, une forte part d’élèves en situation d’échec scolaire.
Corolaire de leur ouvrage de 1989, « le niveau monte » est également confirmé par les
enquêtes PISA, tout en restant insuffisant. Pour le haut, la part des jeunes qui accèdent à
l’université n’a cessé d’augmenter, pour le bas la proportion toujours trop grande d’élèves
sortant sans diplôme et de moins en moins grande. Cependant, si le niveau monte les écarts se
creusent entre le haut et le bas. D’après les enquêtes PISA et les auteurs, la France se
distingue par une élite de mieux en mieux formée et un volume d’élève à la traine qui
s’accroit.
Ainsi, plutôt que d’avoir peur de ces enquêtes, elles nous aident à analyser notre
système éducatif afin d’en cerner les points forts et les points faibles. De plus le contraste
avec d’autres pays permet de voir ce qui relève de l’école ou de l’environnement extérieur.
2. Egalité, efficacité : même combat.
Si en France l’on aime très souvent opposer les intérêts de la masse à ceux d’une
minorité d’élites, les enquêtes PISA tentent de déconstruire cet antagonisme. Alors que pour
certain, démocratisation rime avec baisse de niveau et sacrifice de l’excellence pour la
médiocrité, d’autres pensent que l’élitisme serait la forme d’une nouvelle aristocratie qui
consisterait à privilégier une minorité au détriment de la masse. Pourtant, le rapport PISA
nous montrent que le destin de l’un et tributaire du destin de l’autre.
En effet, si la proportion d’élèves en situation échec scolaire est très importante au
point de représenter un quart des jeunes français de 15 ans, la France ne trouve pas de
consolation à travers son élite. Ces derniers ne nous permettent même pas d’atteindre le
ventre mou du classement des pays de l’OCDE. Même si les résultats français ne sont pas
nouveaux il y a une tendance à la dégradation. Pourtant « le volume de l’élite scolaire est
inversement proportionnel au volume de l’échec scolaire et donc « moins il y a cancres, plus
il y a d’excellents élèves ». Donc, la généralisation et la massification de l’école ne mènent
pas à une baisse de niveau, d’ailleurs les enquêtes démontrent que la réduction des écarts
entre le haut et le bas n’est pas juste un facteur de réussite moyenne mais aussi des
performances de l’élite.
D’ailleurs les auteurs restent optimistes car c’est un luttant contre l’échec scolaire et
en focalisant les efforts sur l’école de masse que l’on pourra dégager une école performante et
juste à la fois.
3. Redoubler ne sert à rien, vive le tronc commun !
Selon les enquêtes PISA, la France se singularise par le record de la pratique du
redoublement. Tandis que ce dispositif a longtemps été défendu au nom de l’intérêt des élèves
2
Ces enquêtes internationales PISA s’appuies sur des observations continues des performances des élèves de 15
ans indépendamment de la classe qu’ils fréquentent.
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et même de l’homogénéité des classes, le rapport PISA soulignent les effets néfastes de cet
outil de sélection et de hiérarchisation précoce. En effet, cette enquête internationale démontre
que le redoublement est inutile puisque la grande majorité des élèves en retard parviendront
très difficilement à rattraper le niveau de performance des élèves à l’heure. De plus il n’assure
même pas le rattrapage des redoublants, car les élèves de 15 ans ayant redoublés obtiennent
de moins bon résultat que les élèves de 14 ans. D’après les auteurs, « le redoublement permet
de produire de l’échec en masse. Mais il ne parvient pas à produire une grande quantité de
sujets d’élite. C’est pire en bas, mais pas terrible en haut ». En France aussi, les études
statistiques allaient dans ce sens. D’une part l’allongement des études qu’il suggère
n’améliore non seulement pas le niveau des élèves mais en plus il contribue à la fabrication de
groupe de niveau, homogène et faible. Ce moyen d’instaurer une différenciation entre des
élèves initialement situés sur une même ligne, trouve également un écho auprès de
l’orientation scolaire.
Pourtant d’après l’enquête PISA, les pays de l’OCDE qui ont les meilleurs résultats ne
pratiquent aucune différenciation précoce des élèves. Ceux pratiquant la politique des groupes
de niveau enregistrent des résultats moindre que les autres et même si les meilleurs
deviennent meilleurs, les faibles ne progressent pas. Alors que celui sans groupe de niveaux
obtient des résultats globaux supérieurs même si les meilleurs auraient pu davantage
progresser. Les deux auteurs concluent que les systèmes pratiquant une différenciation
précoce sont les plus inégalitaires et les moins efficaces. De plus les enquêtes PISA plaident
en faveur de la construction d’un tronc commun et d’établissement ou la diversité sociale soit
représentée.
4. L’égalité sociale au service de la réussite scolaire.
Alors que la France est l’un des pays ou la méritocratie républicaine semble la plus
fortement revendiquée, les enquêtes PISA nous dévoilent que c’est aussi celui ou la
prédestination est la plus prégnante. Si nul n’ignore que les enfants d’ouvrier réussissent
globalement moins bien que les enfants de cadres, un système méritocratique devrait pouvoir
distinguer les talents sans préserver les privilèges liés à la naissance. Pour la première fois, le
caractère élitiste du système éducatif français apparaît au grand jour à travers une étude
comparative internationale. La France est donc l’un des plus inégalitaire des pays un sorte de
« paradis de la prédestination sociale ». Ces enquêtes nous dévoilent qu’il y’a des pays qui
arrivent à diminuer le degré de nécessité du soutien familiale et qui réussissent à réduire les
écarts préexistants entre les capitaux culturels des mieux fournis et ceux qui en sont démunis.
Par ailleurs ces enquêtes révèlent que la France est l’un des pays ou son enseignement
se réalise pour une part importante dans le foyer des élèves. Les auteurs parlent ainsi, de
« connivences implicite » entre le milieu familial et la culture scolaire qui expliqueraient les
bons résultats des enfants d’enseignants.
Les auteurs attribuent ce résultat au fait que notre école encourage la reproduction des
élites en survalorisant la culture humaniste classique qui échappe bien souvent à la grande
majorité des élèves.
5. Moins une société est inégale, meilleure est son école.
Ces enquêtes tendent également à démontrer que l’école n’est pas responsable de tous
les maux et que celle-ci doit composer avec des inégalités qui préexistent au sein de la
société. Ainsi, le niveau de richesse du pays, la composition sociale de sa population, la
position du système scolaire au sein de la société, sont autant d’éléments impactant le système
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éducatif dans son ensemble. Toutefois, les comparaisons internationales permettent de
distinguer deux vecteurs favorables aux bons résultats : Richesse économique et homogénéité
sociale. Les résultats sont d’autant meilleurs que les inégalités sociales sont faibles et les
écarts sont resserrés entre les moins bien lotis et les très bien lotis.
Néanmoins, il n’y a pas de déterminisme absolu et les exceptions des performances
différentes à niveau de richesse et d’inégalité donnée sont la preuve que des marges de
manœuvre sont possibles. L’exemple de la pauvreté reflète bien cette idée : moins il a de
pauvres meilleurs sont les résultats or certains pays pauvres obtiennent des résultats
supérieurs à ceux attendus et inversement des pays riches déçoivent.
6. Les enfants d’immigrés ne font pas baisser le niveau.
Si les enquêtes PISA démontrent que la présence d’immigrés n’influe pas sur l’échec
de l’école et notamment la moyenne, elles montrent aussi que leurs performances reflètent les
capacités d’intégration du système éducatif. Dans le volet de l’immigration la France se situe
au dessus de la moyenne des pays de l’OCDE avec une proportion importante d’enfants
d’immigrés. Et tandis que les pays obtenant les meilleurs résultats aux épreuves PISA sont
souvent ceux qui affichent une faible proportion d’enfants d’immigrés, les pays comptant une
proportion conséquente d’élèves d’origine étrangère, obtiennent aussi de bon résultats. De
même, en matière d’intégration il existe une corrélation entre les immigrés et les autochtones.
Ainsi, plus les autochtones réussissent, meilleurs est la réussite des immigrés. La France grâce
à son école maternelle obligatoire dispose d’un outil efficace en terme d’intégration. Après ce
stade, elle demeure un peu limité tant elle a des difficultés à assurer l’égalité des chances pour
ces enfants comme pour les enfants de classes défavorisées.
7. Supériorité des filles et domination des garçons.
Alors que les écarts entre les filles et les garçons à fortement diminué, ils perdurent
encore aujourd’hui. D’après les deux auteurs, ce constat s’expliquerait par une différence
attitude ou les filles éprouveraient davantage d’anxiété à l’égard des mathématiques, elles
sous-estimeraient leur valeur alors que les garçons la surestiment3. Si les écarts entre filles et
garçons sont faibles et conduit la France à être peu sexiste, elle n’est pas le meilleur élève
pour autant. Les enquêtes PISA révèlent que l’iniquité de traitement qui est infligé aux filles
s’exerce dans tous les pays. Ainsi, les garçons sont plus fréquemment orientés vers les filières
scientifiques, alors que leurs résultats ne les y invitent pas forcément. Les filles demeurent
quant à elle sans conteste dans l’ensemble des pays de l’OCDE plus fortes en compréhension
de l’écrit. D’après les auteurs, il s’agirait d’une mauvaise gestion du capital humain qui
défavorise les filles et mène à un « gaspillage des ressources humaines ». Les auteurs
rappellent qu’« ici aussi justice et efficacité vont de pair, puisque meilleures sont les
performances d’ensemble du système, meilleurs sont les résultats obtenus par les filles ».
Conclusion :
Alors que le bilan semble peut flatteur pour la France et son système éducatif, il
demeure néanmoins attesté par des enquêtes rigoureuses qui conduisent les auteurs à
s’interroger sur celui-ci. Tandis que les systèmes qui ont obtenus de bons résultats sont ceux
qui ont conçu un véritable enseignement de masse conjointement lié à une politique sociale
3
C. Baudelot et R. Astablet, Allez les filles !, Paris, Ed. du Seuil, « L’épreuve des faits », 1992.
5
plus égalitaire, la France s’emploie davantage à un « gaspillage de ressources humaines ».
Entre des élites qui ne sont pas suffisamment importante pour affronter la compétition
internationale et une scolarité à travers les grandes écoles qui les invitent plutôt à rejoindre le
milieu des affaires que de la recherche. Aussi, nous orientons trop de jeunes vers la voie
professionnelle et essentiellement vers des parcours tertiaires à faibles employabilités. Des le
primaire déjà nous gâchons, avec de fort taux d’échec scolaire qui vont indéniablement
impacter le budget de l’état. Même si la France reste dans le cercle restreint des pays riches en
matière d’enseignement, elle doit songer à l’avenir en opérant un certain nombre de
changement au sein de son système éducatif.
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