Allocution de Bernard Murat, Président du SNDTP
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Allocution de Bernard Murat, Président du SNDTP
Allocution de Bernard Murat, Président du SNDTP, 29ème présentation à la Presse - 2ème partie de saison 2014-2015 Théâtre de Paris – mardi 13 janvier 2015 Mesdames et Messieurs, Chers Confrères, et chers amis, J’aurais souhaité, vous l’imaginez bien, vous présenter nos vœux dans un tout autre contexte. L’actualité dramatique de ces derniers jours m’oblige à vous dire combien nous sommes consternés et bouleversés par les évènements qui se sont succédés depuis ce sombre mercredi 7 janvier. Nous le sommes à titre personnel, comme tout individu civilisé, face à la cruauté et au déferlement de la haine, de l’intolérance et de la barbarie. Mais nous le sommes aussi comme femmes et hommes de théâtre, et à ce titre farouchement attachés à la liberté de création et d’expression, forcément solidaires de celles et ceux qui sont à la pointe de ce combat, jusqu’au prix de leurs vies. Dans toutes ses déclinaisons, des plus tragiques au plus légères, tour à tour impertinent ou provocant, le théâtre, lieu d’expression des libertés, est l’une des marques les plus anciennes et les plus solides des sociétés civilisées, tout simplement parce que le théâtre nous représente, dans toutes nos parts d’humanité. En ce sens, tant pour les artistes que pour les spectateurs, le théâtre constitue une forme de résistance muette et digne face à l’obscurantisme et à la barbarie, et je veux croire que ce sentiment profond nous habite tous aujourd’hui. Et le spectacle émouvant et grandiose de ces foules rassemblées pour dire non au fanatisme et à la barbarie, message rassurant sur la capacité d’un peuple à se rassembler quand l’essentiel est en jeu, exprimait bien cette forme de communion et d’universalité à laquelle le théâtre nous convie depuis 3000 ans, au-delà de nos différences multiples ; n’oublions pas ces moments, et n’oublions pas ces victimes, connues ou anonymes qui, bien malgré elles, en auront été les révélateurs. Et dimanche 11 janvier, dans cette foule unifiée, me revenait en mémoire la phrase de Hugo dans « Choses vues » à propos de la révolution de 1848 : « souvent la foule trahit le peuple », et bien dimanche 11 janvier, cette foule était le peuple ! Le peuple de France. Page 1 sur 6 Permettez-moi donc, et malgré tout, de vous adresser nos vœux les plus sincères et les plus chaleureux, en ce début d’année 2015 et à l’occasion de ces 29 è rencontres du théâtre privé, en vous souhaitant mille motifs de satisfactions, au plan personnel comme au plan professionnel. Ces vœux s’adressent bien entendu à nos théâtres, à leurs directeurs et à toute la communauté artistique, administrative et technique qu’ils abritent, qui continuent, avec audace et opiniâtreté, à vous présenter chaque année une palette de spectacles que nous sommes heureux de vous dévoiler. Je tenais à saluer la présence, parmi eux, de nouveaux adhérents, je veux parler du Théâtre d’Edgar, dirigé par Luq HAMET et du Funambule-Montmartre, dirigé par Sandra EVERRO et Julien HETEAU ; bienvenus à ces jeunes directeurs, dont l’arrivée nous conforte dans l’idée que le Théâtre privé demeure un modèle attractif, capable d’affronter la dureté des temps, y compris pour des salles de jauge modeste. Vous l’avez appris ces dernières années, mon tempérament et mes responsabilités ne me portent pas vers la complainte ou le déclinisme ; sans tomber dans un optimisme béat, je m’efforce, en lien avec notre Comité directeur, de conserver une vision juste des choses et des évènements et d’apprécier sereinement les tendances. Sur ce point, et comme l’an passé, j’observe que l’année 2014 aura permis au théâtre privé de consolider ses positions, avec certaines évolutions significatives. Selon les indicateurs convergents de la SACD et de l’ASTP, on peut avancer qu’en 2014, le théâtre privé aura connu à Paris une légère amélioration de ses recettes (dans une fourchette qui devrait se situer entre 2 et 4 %), en conservant sensiblement le même nombre de spectateurs payants, mais avec une baisse non négligeable du nombre de représentations, une légère hausse du prix moyen de places (autour de 32€) et surtout un meilleur taux de remplissage des spectacles. De fait, nous observons que la pratique des 7 représentations hebdomadaires est de moins en moins la norme, et qu’en dehors de leur cœur de métier, soit les programmations théâtrales en longue durée, nos théâtres s’efforcent de diversifier leurs affiches pour conserver d’indispensables marges de manœuvre. Signal positif, nous avons observé ces derniers mois un rééquilibrage dans les fréquentations de nos spectacles et une atténuation du fossé entre de trop rares succès et la masse de ceux qui ne trouvaient pas leur public. Ainsi, plus d’une quinzaine de nos spectacles ont régulièrement dépassé, parfois de beaucoup, les 60 % de fréquentations payantes au cours des derniers mois, et il faut se réjouir de cette tendance, en espérant qu’elle se prolonge en 2015. Page 2 sur 6 La concentration de succès sur un trop petit nombre est en effet un mauvais signal, à la fois sur un plan économique, comme révélateur d’une grande vulnérabilité de notre modèle, mais aussi en termes artistiques, dès lors qu’elle focalise l’attention sur un nombre trop réduit de propositions, au détriment parfois de découvertes et d’un renouvellement du répertoire. Les tendances dont nous pouvons faire état à l’échelle nationale sont, à ce jour, moins encourageantes, le Fonds de soutien observant en 2014 une baisse très sensible de ses facturations de taxe sur les exploitations en tournée. Ce n’est pas tant que le public déserte les salles, mais davantage le signe d’une réduction, en volume, des programmations proposées par les principaux réseaux de diffusion, consécutive ellemême à la réduction des budgets alloués par les collectivités territoriales. Raison de plus, nous semble-t-il, pour prêter davantage attentions aux propositions que nous n’avons cessé de formuler depuis plusieurs années, visant à une meilleure prise en compte de nos productions par les réseaux de diffusion subventionnés. Dans ce contexte, le Fonds de soutien demeure plus que jamais un instrument indispensable, non seulement dans son rôle traditionnel d’aide à la prise de risque, mais également par ses apports décisifs au renouvellement de nos programmations ; c’est ainsi qu’en 2014, sur 80 spectacles admis en garantie par le Fonds, 34 auront été aidés sur des créations, soit plus de 40 % du total. Ces chiffres sans précédents méritent d’être connus et témoignent de l’apport décisif de nos adhérents à la découverte de nouveaux auteurs. Ce lien étroit entre la communauté des théâtres privés et le Fonds de soutien a été particulièrement mis en lumière lors du 50 è anniversaire de ce dernier, et nous avons été très sensibles aux propos tenus à cette occasion par Madame Fleur PELLERIN, ministre de la Culture, et Madame Anne HIDALGO, Maire de Paris. L’une comme l’autre ont su rappeler la place éminente du théâtre privé dans le paysage culturel, tout en insistant sur sa complémentarité avec le théâtre public sous toutes ses formes. Si nous ne pouvons qu’approuver de tels propos, encore faudrait-il qu’ils ne restent pas au stade des vœux et que des mesures concrètes puissent faciliter ces croisements; c’est pourquoi nous demeurons en attente des suites de la missions confiées par le ministère de la Culture à notre ami Jackie MARCHAND, directeur de la Coursive, Scène Nationale de La Rochelle, dont nous n’avons, pour le moment, aucun écho. Je l’ai souvent dit ici, notre secteur est avant tout en demande de mesures très concrètes, susceptibles de lever des blocages et de faciliter la circulation et une meilleure diffusion des spectacles. A Paris, comme en régions, dans le secteur subventionné, comme dans le secteur privé, le théâtre demeure encore trop souvent une sortie réservée à une minorité, Page 3 sur 6 alors même que, par essence, le théâtre se doit d’être populaire, au meilleur sens du terme, sans qu’il s’agisse, en aucune façon, de sombrer dans la complaisance ou la facilité. En d’autres termes, nous pensons que la mission d’amener de nouveaux spectateurs au théâtre est une priorité absolue, pour laquelle notre syndicat est prêt à se mobiliser en étroite concertation avec les pouvoirs publics et bien sûr, le Fonds de soutien ; nous devrions d’ailleurs soutenir la proposition que le développement des publics figure en bonne place dans le contrat d’objectif triennal que le Fonds de soutien doit signer avec l’Etat et la Ville de Paris, pour les années 2015 à 2017, avec le bon espoir d’être particulièrement entendus. S’agissant des annonces récentes faites par le ministère de la Culture autour d’un projet d’évolution du cadre de perception des taxes perçues par l’ASTP, d’une part, le CNV d’autre part, il va de soi que nous approuvons les objectifs d’un tel projet s’il s’agit, comme annoncé, de simplifier la vie des redevables et d’améliorer le recouvrement de ces taxes ; en revanche, s’il s’agit à mots couverts d’organiser je ne sais quel regroupement, et d’organiser ainsi la perte d’autonomie fiscale de l’ASTP au nom d’une pseudo rationalisation des circuits de perception, notre syndicat saura s’y opposer avec force et détermination. Autre point d’actualité particulièrement important, la remise des propositions du groupe de concertation sur l’avenir du régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, et les annonces consécutives qu’en a faites le Premier ministre Foncièrement attaché à la sauvegarde du régime, le SNDTP a veillé au cours des derniers mois à nourrir les réflexions engagées, en étroite liaison avec les fédérations d’employeurs du Spectacle, en particulier la FEPS dont il assure actuellement la présidence. Notre syndicat a rappelé l’importance de maintenir un régime spécifique au sein de la solidarité interprofessionnelle, tenant compte des discontinuités d’emploi dans le spectacle vivant, tout en affirmant avec force la nécessité de privilégier la politique de l’emploi, sans se limiter à de simples ajustements des conditions d’indemnisation. De ce point de vue, les conclusions du rapport vont dans de bonnes directions : affirmer la priorité d’une politique de l’emploi, responsabiliser tous les acteurs du secteur sur le recours à l’intermittence, légitimer le recours au CDD d’usage et suggérer la création d’un Fonds pour l’emploi, tout cela va dans le bon sens, et ce d’autant que la mission semble parvenue à dégager un consensus sur la méthodologie et le chiffrage des projets sur lesquels les partenaires sociaux sont désormais appelés à travailler. Car en effet, comme le souligne le rapport dans une forme d’humilité qui honore ses auteurs, tout reste à faire, en particulier dans la détermination de nouveaux paramètres susceptibles de garantir la viabilité à long terme du régime. Dans ce contexte, l’annonce par le Premier ministre de sa volonté de sécuriser par la loi l’existence d’un régime Page 4 sur 6 spécifique d’assurance chômage et de la levée du gel de 8% des crédits de la Culture peut certainement renforcer la confiance et à faciliter l’aboutissement des discussions à venir. Le SNDTP entend y prendre toute sa part, dans un esprit d’ouverture et de responsabilité, tout en restant vigilant sur la traduction économique de certaines pistes explorées par la mission. Nous redisons notre opposition à toute augmentation du coût du travail, qui pénaliserait inévitablement l’emploi dans nos entreprises, dans le contexte difficile que nous connaissons déjà. Notre secteur est depuis des décennies impliqué et actif pour sécuriser les conditions d’emploi et les droits sociaux de nos salariés permanents et intermittents. Nos dispositions conventionnelles et celles relevant plus directement des modalités construites avec notre Fond de soutien traduisent notre volonté d'encourager les emplois permanents ou de longues durées. Il serait ainsi paradoxal que notre modèle vertueux et précurseur soit fragilisé par des mesures qui, en oubliant ce qui a déjà été fait dans le Théâtre Privé, aboutiraient à fragiliser nos entreprises. Les responsabilités sociales que nous assumons pleinement supposent aussi que soient garanties la rentabilité et la pérennité de nos entreprises. Notre syndicat démarre par ailleurs cette année 2015 avec des projets et des objectifs importants, qui devraient lui donner un nouveau visage et une assise professionnelle singulièrement renforcée. C’est ainsi qu’une vaste réforme statutaire devrait être soumise à l’approbation de nos adhérents dans les prochaines semaines, visant à élargir sensiblement et définitivement le périmètre de notre représentativité. Notre volonté est en effet de rassembler toutes les entreprises impliquées dans la création, la production et la diffusion théâtrales privées, bien au-delà de la sphère parisienne qui a été pendant des décennies, pour d’évidentes raisons historiques, le cœur géographique de notre métier. Nous sommes en effet convaincus de la nécessité de rassembler les forces, de faire émerger de nouveaux acteurs, de dynamiser les circuits de création et de diffusion entre Paris et les régions, en assumant pleinement une représentativité qui ne se mesure pas seulement en nombre d’adhérents, mais aussi dans la cohésion d’une communauté professionnelle considérée dans son ensemble. Les réflexions que nous avons engagées au sein du comité directeur nous ont amené à la conclusion que les défis de la période actuelle sont trop lourds et trop complexes pour que nous puissions nous contenter de rester dans une forme d’entre soi, qui a longtemps caractérisé le théâtre privé à Paris. Page 5 sur 6 Bien entendu, cette profonde mutation du syndicat sera soumise à l’approbation de nos adhérents au cours d’une assemblée générale prévue fin janvier, et je suis d’ores et déjà persuadé qu’ils auront bien compris les enjeux considérables d’un tel projet. Voilà, chers amis, les quelques points que je tenais à souligner en ouverture de cette 2è partie de saison et nouvelle année, mais mon propos ne serait pas complet s’y j’omettais de vous rappeler que le mandat qui m’a été confié début 2011 à la Présidence du SNDTP s’achève dans quelques semaines. Aussi laissez-moi simplement adresser à tous nos adhérents un message de remerciements pour la confiance qu’ils nous ont témoignée, au Comité directeur, comme à moi-même tout au long de ces quatre années de travaux et de réflexions partagées. A vous tous enfin, je renouvelle mes vœux très chaleureux d’une très belle année 2015, qui devrait, je l’espère, confirmer et amplifier la légère embellie que nous connaissons depuis maintenant deux années. Vous le savez, nos théâtres vous sont largement ouverts, alors n’hésitez jamais à en pousser les portes et à partager ces moments inoubliables qu’ils sauront toujours vous réserver. *** Page 6 sur 6