Des Principes Vivants ?

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Des Principes Vivants ?
 Le monde frappe à notre porte et a besoin qu’on lui ouvre sous peine d’assèchement »
Joseph Campbell
Des Principes Vivants ?
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Comment sortir des relations toxiques et devenir une organisation vivante, fertile et féconde,
source d’innovation et de performance continue ?
Comment nous renouveler pour agir ensemble différemment dans ce monde ?
Ces questions bousculent nos organisations déjà très chahutées par un environnement économique
complexe où règne l’incertitude. Face à ces enjeux, je ressens la nécessité de vous inviter à un
nouveau voyage : oser transformer la quête du héros solitaire des mythes de jadis en une quête du gout
et du plaisir de vivre l’aventure collective de ce XXI siècle ; faire le choix d’avancer ensemble, dans le
complexe et l’incertain, en partageant une structure de pensée solide, fondée sur des principes au
service de la collectivité. Ces principes sont ceux qui régissent la vie sur Terre depuis des millions
d’années. Ils ont fait la preuve de leur compétence à maintenir la vie du plus grand des systèmes
vivants, la « Nature » à travers ses mutations successives.1
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Comment nous inspirer de ces principes du vivant pour renouveler notre état d’esprit et choisir
une nouvelle dynamique de création collective au sein de nos organisations ?
Le principe fondamental d’unité du Vivant est au cœur de la dynamique d’un système vivant. Celuici est un ensemble d'éléments en interaction continue qui s’organisent en fonction d'une finalité et qui
évoluent dans le temps. Ainsi dans une organisation qui elle-même est un système vivant, composé
d’êtres humains, « tout est lien » et « tout évolue ».
Ces deux principes essentiels se déclinent en de nombreuses « lois » particulièrement pertinentes pour
accompagner une personne, une équipe ou l’ensemble d’une organisation dans son évolution et
l’ouvrir à la coopération.
Je présenterai ici brièvement le premier principe : « Tout est lien ».
Il nous est difficile au quotidien, de nous sentir proche et en lien avec ceux qui nous entourent dans le
monde du travail. Pourtant lorsque nous observons la vie d’une forêt, d’un jardin, d’un paysage, ce
principe du lien qui unit tous les éléments qui les composent nous paraît évident. Il en est de même en
ce qui concerne les idées : les notions de liens interactifs, de circularité et de connexion sont assez
largement connues par les acteurs influents du monde du travail.
Mais lorsque les crises successives suscitent plus de peur que d’espoir, les sentiments d’isolement et
de repli s’accroissent. En dépit des progrès inouïs des nouvelles technologies et des outils
collaboratifs, beaucoup se sentent seuls à porter les projets, et élèvent des murs pour se protéger
d’ennemis qu’ils perçoivent comme de plus en plus nombreux. Les systèmes se referment et le risque
de destruction collective grandit. Cet écart entre la connaissance et son impact sur nos émotions nous
renvoie à la coupure entre la pensée et les émotions.
- Et si renouveler son état d’esprit passait par le renouvellement de l’ensemble de nos liens ?
1 Janine Bernyus : « Quand la nature inspire des innovations durables – le Biomimétisme », 2011
Se relier à soi : tête - cœur - corps
La plupart du temps les intentions qui engendrent les décisions sont nobles ou du moins raisonnables.
Pourtant les résultats sur le terrain ne sont pas souvent au rendez-vous. La primauté de l’action-crise se
traduit par une course effrénée, course dépourvue de « sens » où l’ensemble des collaborateurs s’agite
et, comme le hamster dans sa roue, tourne en rond pour ne produire que des résultats insuffisants pour
résoudre la crise et… la course continue.« Ce n’était pas mon intention » est une phrase que j’entends
souvent en guise de justification.
En revanche lorsque chacun peut apprécier la cohérence entre intention, décision et action demandée,
même les idées nouvelles se mettent courageusement en œuvre, souvent avec enthousiasme. Ainsi la
cohérence interne, tête-cœur-corps redonne à chacun son intégrité et libère son potentiel de création.
Le plaisir de se sentir entier crée la disponibilité et l’ouverture, qui permettent à leur tour d’entrer dans
l’innovation. On sort des boucles routinières pour accéder au plan de tous les possibles. Chacun
retrouve sa liberté créatrice par la métamorphose en mouvement de son référentiel.
Devenir innovateur, c’est aussi redonner du souffle à la société, c’est la sortir de sa sclérose due au
recyclage d’idées obsolètes. Pour aller plus loin, il nous reste à élargir le « tout est lien », à nos
échanges avec les autres. En effet, notre potentiel créatif se renforce lorsque nous pratiquons le « tout
est lien », « en miroir »2 et en résonance au sein d’une équipe qui partage le même choix : renouveler
ensemble notre état d’esprit pour réussir ensemble à sortir des phases « chaotiques ».
Se relier aux Autres : du Je au Nous
Le chaos, j’avais interrogé à ce sujet des biologistes. Ils m’on raconté l’histoire de « la bouillie de
chenille » : « As-tu eu la curiosité d’ouvrir le cocon qui abrite la chenille, devenue chrysalide, qu’as tu
trouvé ? ». J’avouais ne l’avoir jamais fait. « Eh bien, ce que tu trouves alors c’est une matière gluante
indéterminée. C’est la représentation la plus exacte du chaos : ce n’est plus une chenille, ce n’est pas
encore le papillon : c’est de la bouillie de chenille ! » Pour comprendre en quoi cette histoire fait sens,
allons voir ce qui permet la métamorphose du papillon3.
Lorsqu'une chenille atteint un certain stade de son développement, elle commence à dévorer tous les
végétaux qui se trouvent autour d’elle. Pendant que la chenille dévore tout sur son passage, à
l'intérieur de sa structure moléculaire, des cellules, appelées "cellules imaginales", jusqu’ici
silencieuses deviennent actives. Lorsque la chenille se suspend pour se transformer en chrysalide, elle
entre dans sa phase « bouillie de chenille » et se transforme en une masse gluante qui n’a plus rien à
voir avec la chenille d’origine. Pendant cette phase, « les cellules imaginales » se regroupent, se
multiplient, et forment des « réseaux imaginaux », qui donnent le schéma du futur papillon. Au fur et à
mesure que les cellules imaginales se multiplient et qu’un nombre suffisant a réussi à établir entre
elles une connexion, ce sont elles qui prennent le contrôle du devenir de la chrysalide et qui à partir
de la bouillie, cocréent le papillon.
Se connecter permet donc d’accomplir le passage à travers le chaos. L’observation de la nature fournit
d’autres sources d’inspiration à ceux qui accompagnent l’évolution d’une organisation : les
organismes tels que la forêt, les bactéries, ou les cellules du corps humain sont aussi le lieu d’une
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L'identification de « neurones miroirs » au cours des années 1990 est due à l'équipe de Giacomo Rizzolatti, directeur du
département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme. La fonction miroir joue un rôle important dans la relation
à l’autre : sympathie, empathie, compassion…
3 Elisabeth Sathouris : « Earthdance living system in évolution », 2000 University Press
infinie complexité d’interactions et de tensions concrètes entre leurs différents éléments. Leurs
principes de fonctionnement obéissent à des lois simples qui ont fait leurs preuves depuis des millions
d’années pour réussir à évoluer en santé. : « la loi de la jungle » n’est pas la seule loi naturelle. En fait,
c’est une représentation limitée des processus d’évolution du vivant. Nous savons aujourd’hui grâce à
Janine Bernyus, que 90 % des processus des systèmes naturels matures, une forêt par exemple, sont
collaboratifs. Ce sont aussi les seuls qui sont plus créateurs de ressources que destructeurs alors que
les systèmes de prédation ou de compétition sont les plus coûteux en performance.
Certes voilà qui nous inspire mais la façon dont se prennent les décisions et dont se fait la circulation
des informations au sein d'écosystèmes naturels, dont la finalité ultime est la reproduction, n'est pas
directement reproductible dans une organisation composée d'êtres humains, dotés de conscience et du
libre-arbitre. Ainsi, les conditions favorables à une dynamique créatrice, comme celles qui
caractérisent le fonctionnement des systèmes vivants, dépendent de la façon dont nous percevons les
liens qui nous connectent à ceux avec lesquels nous devons collaborer pour mettre en œuvre nos
projets professionnels. C'est pour tenir compte de cette spécificité du vivant humain, par rapport
au vivant nature, que nous avons à mobiliser des capacités complémentaires qui transforment notre
relation à notre vie.
Renouveler ses relations
La première instance à mobiliser réside dans notre cerveau qui est capable avec un peu d’entraînement
de transformer une information en conscience. Conscientiser le principe d’interdépendance, qui
caractérise la nature du lien entre toutes les personnes qui travaillent ensemble et en fait l’ensemble de
la communauté humaine, est une étape essentielle de notre développement en tant qu’être humain. Se
rendre compte que nous transgressons ce principe chaque fois que nous éprouvons un sentiment de
solitude devant les pressions, en est une autre.
Pour renforcer cette perception renouvelée de nos interactions, nous avons à transposer les liens
biologiques entre les éléments du vivant nature, en liens sociaux caractérisés par une forme de
l’amour. Un amour fondé sur un éveil à la conscience d’altérité : celui qui considère avec bonheur les
différences de ceux qui nous entourent comme une source de créativité potentielle en temps de crise. Il
nous est alors possible de nous rappeler que tout est lien, de nous ouvrir à la possibilité de relations
renouvelées, purgées des rapports de force toxiques et de découvrir que « le jeu de la différence, loin
d’appauvrir, enrichit. »4. Vivre harmonieusement l’interdépendance d’un NOUS, c’est ne plus
confondre liberté et indépendance. C’est surtout devenir un sujet interdépendant, ni tout puissant ni
tout impuissant, qui se sent « coresponsable » de ce qui lui arrive. Ce sujet renouvelle en continu sa
passion de la vie car il sait choisir des réponses bio créatives.
A suivre
Danièle Darmouni
4 Michel
Maffesoli : L’apocalypse - CNRS Editions 

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