Cour d`Appel de Versailles 14 janvier 2014

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Cour d`Appel de Versailles 14 janvier 2014
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 82E
6ème chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 JANVIER 2014
R.G. N° 13/01435
AFFAIRE :
Société D’EXPERTISE
COMPTABLE
SYNDEX
COMITE CENTRAL
D’ENTREPRISE
THALES AVIONICS
C/
SAS THALES
AVIONICS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire
entre :
Société D’EXPERTISE COMPTABLE SYNDEX
22 rue Pajol
75018 PARIS
Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel JULLIEN de l’AARPI
INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de
VERSAILLES - N° du dossier 20130249
Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au
barreau de PARIS
COMITE CENTRAL D’ENTREPRISE THALES AVIONICS
18 avenue du Maréchal Juin
BP 49
92362 MEUDON LA FORET CEDEX
Ayant pour avocat postulant Me Emmanuel JULLIEN de l’AARPI
INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de
VERSAILLES - N° du dossier 20130249
Ayant pour avocat plaidant Me Béatrice BURSZTEIN, avocat au
barreau de PARIS
APPELANTS
Décision déférée à la
cour : Jugement rendu le
14 Février 2013 par le
Tribunal de Grande
Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 12/12294
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à:
Me Emmanuel JULLIEN
Me Martine DUPUIS
****************
SAS THALES AVIONICS
18, avenue du Maréchal Juin BP 49
BP 49
92362 MEUDON LA FORET CEDEX
Ayant pour avocat postulant Me Martine DUPUIS de la SCP
LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, avocat au barreau de
VERSAILLES - N° du dossier 1351691
Ayant pour avocat plaidant Me Aurélien BOULANGER de l’AARPI
GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure
civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 04 Octobre 2013
les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale
LOUÉ WILLIAUME, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour,
composée de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
FAITS ET PROCEDURE
Le 31 janvier 2012 le Comité d’Entreprise a chargé le cabinet d’expertise
SYNDEX de l’assister pour l’examen des comptes annuels de 2011 et des
comptes prévisionnels 2012, comprenant notamment l’analyse de l’emploi et des
rémunérations. Des documents ont été sollicités pour que l’expert-comptable
effectue sa mission. Les 3 et 5 avril 2012 certains de ces documents ont été
adressés par la société et le 22 mai 2012 elle a envoyé sous la forme d’un fichier
excel un fichier des rémunérations du personnel. Des éléments complémentaires
ont été adressés le 4 juin, la société indiquant qu’elle ne souhaitait pas
communiquer d’autre document mais qu’elle autorisait l’expert a accéder aux
fichiers de l’entreprise dans ses locaux . Au cours de la réunion du 4 juillet 2012
le cabinet SYNDEX a présenté son rapport sur les comptes annuels 2011 et les
prévisionnels de 2012.
La société d’expertise comptable SYNDEX et le Comité central
d’entreprise THALES AVIONICS ont saisi le tribunal de grande instance de
Nanterre le 7 décembre 2009 en assignant à jour fixe la société THALES
AVIONICS pour voir juger que les analyses menées par l’expert sont conformes
aux dispositions des articles L 2325-35 et L 2325-36 du code du travail,
constater l’existence des informations et documents demandés dans ce cadre et
ordonner à la société de compléter l’information de la société d’expertise
comptable en lui remettant une extraction de la base de données du personnels
des actifs présents au 31 décembre des années 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011
soit cinq fichiers comportant avec un certain nombre de données, injonction
assortie d’une astreinte. La société THALES AVIONICS demandait de juger
les prétentions irrecevables à tout le moins mal fondées et de débouter les
demandeurs.
Le tribunal de grande instance de Nanterre le 14 février 2013 a jugé les
demandes recevables mais a débouté la société d’expertise comptable SYNDEX
et le Comité central d’entreprise THALES AVIONICS et a mis à leur charge
une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de
procédure civile.
La cour est régulièrement saisie d’un appel de la société d’expertise
comptable SYNDEX et le Comité central d’entreprise THALES AVIONICS.
Par conclusions visées le 18 septembre 2013, auxquelles il est
expressément fait référence, ils demandent à la cour :
- de rejeter les fins de non recevoir soulevées par l’intimée
- d’infirmer le jugement
- et de juger que les analyses menées par l’expert comptable dans le cadre
de sa mission d’assistance en vue de l’examen des comptes annuels de l’exercice
2011 et des comptes prévisionnels 2012 sont conformes aux dispositions des
articles L 2325-35 et L2325-36 du code du travail
- de constater l’existence des informations réclamées dans ce cadre par
le cabinet SYNDEX et ordonner à la société THALES AVIONICS de
compléter l’information de la société d’expertise comptable transmise le 22 mai
2012 sous format Excel en lui remettant une extraction de la base de données
du personnel des actifs présents au 31 décembre des années 2007, 2008, 2009,
2010 et 2011 en un ou plusieurs fichiers comportant les éléments suivants :
- matricule (ou identifiant numérique individuel) constant en cas de fichiers
multiples,
- établissement de rattachement (Valence, Meudon, Toulouse, Vendôme, CSC,
Brelandière, Le Haillan),
-2-
- sexe,
- âge,
- ancienneté,
- pourcentage de temps de travail par rapport à un temps plein,
- catégorie socioprofessionnelle : ingénieur et cadre, agent de maîtrise,
technicien, administratifs, ouvrier,
- régime horaire: pour les mensuels : 34,65h ou 33,3h et pour les ingénieurs et
cadres : base 35h, forfait heures ou forfait jour,
- type de contrat : CDD-CDI-contrat professionnalisation-stagiaire,
- LR (soit niveau de responsabilité, selon la terminologie employée au sein du
groupe Thales),
- niveau-position,
- coefficient Convention Collective,
- Famille Professionnelle,
- Sous-Famille professionnelle,
- salaire de base de décembre de l’année N,
- salaire de base annuel de l’année N,
- prime d’ancienneté de décembre de l’année N,
- part variable des mensuels (PVSO) perçue au titre de l’année N,
- part variable ingénieurs et cadres cible pour l’année N,
- part variable ingénieurs et cadres perçue au titre de l’année N (comparable à
la cible),
- autres primes éventuelles (exceptionnelles, ...) perçues au titre de l’année N
(avec indication du type de prime),
- d’assortir cette injonction assortie d’une astreinte de 15 000 euros par
jour de retard à partir du 8ème jour suivant la signification de la décision et se
réserver de liquider cette astreinte et leur allouer à chacun la somme de 2 000
euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société THALES AVIONICS, intimée, par conclusions visées le 30
août 2011,auxquelles il est expressément fait référence, demande à la cour de
les déclarer irrecevables en leurs demandes, subsidiairement les en débouter et
en tout état de cause les condamner chacun à lui verser la somme de 1500
euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 24 septembre 2013.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les fins de non recevoir
- Par des motifs pertinents que les débats devant la cour n’ont pas altéré
et qu’il convient d’adopter les premiers juges ont écarté la fin de non recevoir
tirée du défaut d’intérêt à agir du comité central d’entreprise et de la société
SYNDEX, dès lors que l’expertise a eu lieu mais en l’absence des documents
demandés par l’expert comptable et qui sont l’objet du présent litige.
- En cause d’appel l’intimée considère également que les appelants sont
irrecevables en raison d’une demande qu’elle estime nouvelle par rapport à celles
de première instance. Si le comité central d’entreprise et la société SYNDEX
sollicitent désormais en appel la communication en un ou plusieurs fichiers des
éléments extraits de la base de données du personnel tandis qu’ils sollicitaient
devant les premiers juges que cette communication s’effectue en cinq fichiers,
il ne s’agit que d’une précision portant sur les modalités de communication du
support des informations sollicitées, informations qui demeurent identiques à
celles demandées en première instance. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’une
prétention nouvelle dès lors qu’elle tend effectivement aux mêmes fins que
celles soumises aux premiers juges, le fondement juridique étant au demeurant
le même. Par application des dispositions de l’article 565 du code de procédure
civile les demandes des appelants sont donc jugées recevables.
-3-
Sur le bien fondé des demandes de communication de documents
C’est à juste titre que les premiers juges ont rappelé qu’il appartient au
seul expert-comptable désigné par le comité d’entreprise en application des
dispositions de l’article L 2325-35 du code du travail, de déterminer les
documents utiles à sa mission. Les dispositions des articles L 2325-36 et 37 du
même code précisent en effet que cette mission porte sur tous les éléments
d’ordre économique, financier ou social nécessaire à la compréhension des
comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise et que pour opérer tout
contrôle ou toute vérification entrant dans sa mission l’expert-comptable a accès
aux mêmes documents que le commissaire aux comptes.
pas.
En revanche, il ne peut exiger la production de documents qui n’existent
En l’espèce, il est constant que la délibération adoptée par le comité
central d’entreprise le 31 janvier 2012 a confié à l’expert comptable l’analyse
notamment de l’emploi et des rémunérations sous l’angle suivant :
“Rémunération : Cartographie des salaires par rapport au mini de la
convention collective de la métallurgie en fonction du type de contrat par site.
Depuis 2007 comparaison de la politique salariale cumulée avec le
pouvoir l’achat pour tous les salariés.
Comparaison de l’évolution de la part variable avec les résultats des
affaires, des Bus, de THAV.
Emplois : GPEC bilan des mouvements et des repositionnements et des
formations liés,
Cartographie par famille et sous-famille professionnelle”.
Cette délibération n’a pas été contestée.
Dans ses conclusions la société THALES AVIONICS reconnaît qu’elle
dispose des informations issues de la base de données du personnel des actifs,
informations dont l’expert-comptable demande la communication. Le seul fait
que la communication de ces informations s’effectue sous la forme de fichiers
électroniques, dès lors qu’il ne s’agit que d’un support de transmission de ces
données, ne revient pas à confectionner un document. Au surplus la société
THALES AVIONICS a d’ores et déjà commencé à envoyer à l’expert
comptable, le 22 mai 2012, un certain nombre de données sous cette forme.
C’est pourquoi la demande des appelants est fondée et il convient d’y faire droit
sauf en ce qui concerne le prononcé d’une astreinte qui n’apparaît pas nécessaire
en l’espèce.
En cause d’appel l’intimée n’invoque pas de moyen tiré d’une atteinte à
la vie privée des salariés ou à la sécurité de l’entreprise. En tout état de cause il
sera rappelé que les missions de l’expert-comptable ont pour corollaire son
obligation légale de secret et de discrétion qui lui impose de ne faire des
informations ainsi communiquées aucun usage contraire aux droits
fondamentaux des salariés ni aux intérêts de la société.
Tenue aux dépens de première instance et d’appel la société THALES
AVIONICS versera au comité central d’entreprise THALES AVIONICS une
somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure
civile et la même somme à la société d’expertise comptable Syndex. Elle est
déboutée de sa demande à ce titre.
-4-
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à la
disposition des parties au greffe et rendu en dernier ressort,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions SAUF en ce
qu’il a jugé les demandes recevables ;
Statuant à nouveau,
ORDONNE à la société THALES AVIONICS de compléter
l’information de la société d’expertise comptable Syndex transmise le 22 mai
2012 sous format Excel en lui remettant une extraction de la base de données
du personnel des actifs présents au 31 décembre des années 2007, 2008, 2009,
2010 et 2011 en un ou plusieurs fichiers comportant les éléments suivants :
- matricule (ou identifiant numérique individuel) constant en cas de fichiers
multiples,
- établissement de rattachement (Valence, Meudon, Toulouse, Vendôme, CSC,
Brelandière, Le Haillan),
- sexe,
- âge,
- ancienneté,
- pourcentage de temps de travail par rapport à un temps plein,
- catégorie socio professionnelle : ingénieur et cadre, agent de maîtrise,
technicien, administratifs, ouvrier,
- régime horaire : pour les mensuels : 34,65 h ou 33,3 h et pour les ingénieurs
et cadres : base 35 h, forfait heures ou forfait jour,
- type de contrat : CDD-CDI-contrat professionnalisation-stagiaire,
- LR (soit niveau de responsabilité, selon la terminologie employée au sein du
groupe Thales),
- niveau-position,
- coefficient Convention Collective,
- Famille Professionnelle,
- Sous-Famille professionnelle,
- salaire de base de décembre de l’année N,
- salaire de base annuel de l’année N,
- prime d’ancienneté de décembre de l’année N,
- part variable des mensuels (PVSO) perçue au titre de l’année N,
- part variable ingénieurs et cadres cible pour l’année N,
- part variable ingénieurs et cadres perçue au titre de l’année N (comparable à
la cible),
- autres primes éventuelles (exceptionnelles, ...) perçues au titre de l’année N
(avec indication du type de prime) ;
CONDAMNE la société THALES AVIONICS aux dépens de première
instance et la DÉBOUTE de sa demande en application de l’article 700 du code
de procédure civile ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la société THALES AVIONICS aux dépens d’appel et
à verser au comité central d’entreprise THALES AVIONICS la somme de 1500
euros (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l’article 700 du code
de procédure civile et la somme de 1 500 euros (MILLE CINQ CENTS
EUROS) en application de l‘article 700 du code de procédure civile à la société
d’expertise comptable Syndex ;
DÉBOUTE la société THALES AVIONICS de sa demande au titre
de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
-5-
ORDONNE la distraction des dépens pour ceux le concernant au profit
de Maitre Emmanuel JULLIEN de l’AARPI JFR AVOCATS en application de
l’article 699 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
- arrêt prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les
parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au
deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
- signé par Mariella LUXARDO, conseiller faisant fonction de président,
et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la
minute.
Le GREFFIER,
Le PRÉSIDENT,
-6-