Le temps nu/dossier 8.08

Transcription

Le temps nu/dossier 8.08
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Le temps nu -
Pasolini
un émoi chorégraphique
création les 18-19 et 20 mars 2016 au Théâtre du Galpon/GE
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conception/chorégraphie/ scénographie/ melissa cascarino
scénographie et lumière/ yann marussich
danse/ mehdi duman - olivia ortega - noémi alberganti - melissa
cascarino
musique live/ gwenaëlle chastagner angei
création musicale électroacoustique/ paul clouvel
création cinéma live/ alexis jacquand
costumes/ toni teixeira
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oeil extérieur/ Lucie Eidenbenz
photo/Toma Knezovic
administration / Frédérique Guérin
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durée/ 100’
une production VelvetBlues
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« Le
temps nu -
Pasolini »
est un émoi chorégraphique où
le corps hérétique
et politique , en
proie à la violence
d’un désir viscéral,
est abordé à partir
de la puissance du
trouble qu’il suscite….
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compagnie VelvetBlues
rue Antoine Carteret, 21
CH 1202 Genève
078 6114931
[email protected]
www.velvetblues.ch
http//: vimeo.com/melissacascarino
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La compagnie velvetBlues a été fondée par Melissa cascarino en
2011 à Genève.
Cette création rassemble Olivia Ortega, Noémi Alberganti, Mehdi
Duman et Melissa Cascarino, tous danseurs-chorégraphes trentenaires établis à Genève. Cette équipe est aussi rassemblée autour
de la création « Floyd » en novembre 2015 à la Maison de Quartier
de La Jonction. Pour Le temps nu, se joint à cette équipe de danseurs Yann Marussich pour la scénographie, construction de décors
et création lumière, Toni Teixeira à la création des costumes,
ainsi que la musicienne Gwenaëlle Chastagner Angei qui a collaboré
à plusieurs reprises avec Yann Marussich et Melissa Cascarino.
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Avant-propos
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L’oeuvre de Pier-Paolo Pasolini (1922-1975) - poète,écrivain,
linguiste, critique, journaliste, cinéaste - est immense,
protéiforme, panoramique, avant-gardiste, hors du commun et
extrêmement contemporaine… Elle est à remettre en perspective
dans le contexte actuel de la société.
En conséquence, melissa cascarino propose une recherche en
plusieurs temps autour de l’oeuvre de Pier Paolo Pasolini.
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Le temps nu - création proposée dans ce dossier, se situe
dans une recherche polymorphe en 5 formes.
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1ère forme /Tempo Nudo / errance collective philosophique
dans la nuit du 1er au 2 novembre 2015 (40 ans de l’assassinat de Pier Paolo Pasolini à Ostia…)au Circo Massimo de Rome.
Réalisation d’images d’archives…
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2ème forme / Le temps nu / création 2016 / Théâtre du GalponGenève
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3ème forme / Petrolio / projet lié à la lecture intégrale de
l’oeuvre posthume éponyme, testament philosophique débordant
et irréductible / migration collective
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4ème forme / Corps pauvres / une écriture collective d’un
poème chorégraphique et cinématographique intrinsèquement lié
au corps politique pasolinien.
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5ème forme / Actes impurs / convocation de différents artistes dans le cadre d’une résidence de recherche autour de
la notion d’acte impur chez Pier Paolo Pasolini…
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Introduction
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Le corps chez Pasolini
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Le temps nu est axé sur la question du corps chez Pasolini.
Dans cette recherche, les prismes au travers duquel le corps
est autopsié est celui de la violence, du trouble et de la
poésie.
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La
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violence elle-même prenant différentes formes.
Tout Pasolini est à comprendre dans le cadre d’une sémiologie
dont le corps est la clef.
Pour Pasolini, la violence du néo-capitalisme ou société de
consommation est d’avoir réduit les corps à n’être qu’un modèle imposé et écrasant. Toute l’ouvre de Pasolini cherche à
tirer le corps d’un oubli et à l’évoquer sous toutes ses
formes, le célébrer… Et c’est aussi en faire une arme pour
les luttes à mener.
Le corps est abordé à partir de sa puissance et du trouble
qu’il suscite. Il s’annonce comme auréolé d’un charme irrationnel, avec la violence d’un désir viscéral, il est parcouru d’une intensité de qualification toujours ambigüe…
C’est au niveau du corps que se produisent simultanément la
plus intime communication et la plus intime incommunicabilité. « Ce qui toujours parle en silence est le corps » dimension sacrale et mystique…
Le corps est événement et affect: il déborde constamment ses
limites dans la tentative de projection hors de soi des intensités qui le parcourent. Il est au plus consistant de sa
réalité lorsqu’il est offrande. Ce n’est que lorsqu’il se replie et se ferme qu’il se détériore.
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Pier Paolo Pasolini célèbre le corps pauvre, le corps sousprolétaire. Ce corps pauvre est le corps beau qui est opposé
au corps vulgaire. Mais le corps vulgaire chez Pasolini,
c’est le corps bourgeois, conforme et consumériste que la société de consommation, le second fascisme a généré. La vulgarité pour Pier Paolo Pasolini est le « moment de pleine vigueur du conformisme ». Dans Petrolio, il va jusqu’à expliciter l’idée d’une
mutation des corps , mutation corporelle,
« même la réalité des corps innocents a été violée par le
pouvoir de la société de consommation ».
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Nico Naldini, son cousin très proche, écrit en écho « cette
violence sur les corps est devenue l’événement le plus macroscopique de la nouvelle ère de l’Humanité ».
Dans cette oeuvre posthume, Pasolini réaffirme cette prédominance du corps en la portant encore plus loin: le corps décide toujours avant le sujet / vivre et penser selon le corps
est un moyen de « se porter au-delà de la réalité factice du
moi ». Le corps précède la pensée.
On trouve tout au long de son oeuvre l’exaltation du caractère dionysiaque de l’être, mais toujours dans un enchevêtrement métaphysique et cosmique en lien avec le corps sacrificiel, le corps mythique. Ainsi ce chiasme fameux «
seul le
mythique est réel et seul le réel est mythique ».
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Toujours dans cette oeuvre posthume Petrolio, apparaît clairement le paradigme de la dégradation… Dégradation qui vient
entacher le corps d’irréalité, d’humiliation… Le corps en
proie à la torture, le corps-excrément (on pense au corps-détritus de La classe morte, pièce de théâtre de Kantor
Le point culminant de ce paradigme de la dégradation et de
l’humiliation, fruit du fascisme et du second fascisme de la
société consumériste, prend la figure de son dernier film
« SalÒ, ou les 120 journées de Sodome » ou l’enfer hédonique
de la société consumériste.
Thèmes et intentions
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Proposer un travail chorégraphique fondé sur l’oeuvre de Pasolini et inscrit dans un temps fort du Théâtre du Galpon
dont la thématique s’articule essentiellement sur la question
de la violence et des limites, induit la nécessité de définir
ce que cette proposition artistique n’est pas.
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Je pose donc cette 1ère réalité: le temps nu ne sera pas une
version chorégraphique de « Salò ou les 120 journées de Sodome ».
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Bien que je sois tout à fait en accord avec ce que disait Pasolini de la pornographie - à savoir qu’elle n’était pas du
côté de son cinéma, mais du côté de ce que la société consumériste inflige aux corps - la démarche de cette recherche ne
s’inscrit pas dans une retranscription de l’art cinématographique, poétique et politique de l’oeuvre de Pasolini par
l’art chorégraphique et la danse contemporaine.
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Chaque fois que je lis Pasolini ou que je vois son cinéma,
que je l’écoute en interview, je suis touchée à vif, je suis
écorchée, mise à nu, une plaie ouverte sur le monde.
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La violence de la sincérité de Pasolini est incomparable.
Elle transperce, elle est inhabituelle. Pasolini est cru,
poignant, précis, révolutionnaire. Sa sincérité est inhabituelle parce que non-accompagnée de couleurs psychotiques et
obscurantistes. Une sorte d’absence d’égo, une distance, une
sensibilité d’une acuité extrême et subtile, clairvoyante.
Pasolini n’a pas la noirceur destructrice et inextricable
d’Artaud. Bien qu’ils aient en commun une pensée dont le
corps et les forces qui le possèdent sont au centre (le corps
sans organes chez Artaud), Pasolini est lumineux et clairement ancré dans le monde qui lui était contemporain. Bien
qu’il remette en question, qu’il lutte, qu’il renverse les
pouvoirs établis, qu’il critique, qu’il invente de nouveaux
paradigmes troublants et qu’il mette le corps et la politique
au coeur du tout, Pasolini n’est pas à côté du terrain vague,
il est dedans, pleinement dedans, avec une grâce et une force
transcendantales.
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Ses intelligences, sensibilités, compétences et connaissances
multiples - qu’elles soient d’essence linguistique, politique, poétique, cinématographique,analytique, métaphysique,
philosophique, anthropologique ou indéterminée - tracent
chaque fois des lignes si pures, si tranchantes, si précises
et si irrévocablement taillées dans la chair du monde et au
ras du corps… C’est une pensée transcendantale et un corps
immanent.
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Quand Pasolini s’exprime, son corps s’ancre dans une désinvolture, « l’élégance sans nom de l’humaine armature » (Baudelaire), une beauté de corps pauvre, celle dépossédée d’arrogance, mais empreinte d’une confiance toute infantile. (Moravia, grand écrivain et ami de Pasolini était convaincu que
Pasolini avait réussi à contenir en lui de manière assez
puissante l’enfant qu’il avait été…)
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Pasolini est finalement exactement ce corps pauvre qu’il encense, qu’il célèbre, qu’il analyse, qu’il conceptualise.
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Il est effectivement l’antithèse du corps bourgeois et
conforme, l’antithèse de la sophistication qui place le
centre du corps dans ses contours , le corps réductible et limité que le conformisme sociétal a produit, le corps écrasé
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par la monumentale bêtise de cette société de consommation
moderne.
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Il est exactement ce corps qui déborde ses limites, le poids
du corps ancré dans le présent, dans une sorte de symbiose
parfaite entre corps et esprit.
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Lui-même revendique cette sincérité et ce paradigme de
l’enfance qu’il n’aurait pas quitté…
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Ce que je veux extraire et faire transpirer de son oeuvre
dans cette recherche chorégraphique, c’est donc ce corps en
proie à la violence d’un désir viscéral,le corps en proie au
trouble et aux émois les plus informulables, la puissance de
ce corps qui toujours cherche à déborder ses limites, qui
tente d’être inaliénable, affranchi, libre, qui cherche à résister politiquement et sexuellement, qui cherche à poétiser
ses tensions…
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Quand Pasolini arrive à Rome en 1950,il découvre la facilité
des rencontres érotiques ,mais cet éros pose à Pasolini la
question des « tensions entre le passage à l’acte et l’inspiration poétique ». « Je ne peux que rester fidèle à la monotonie du mystère ».
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Toute l’oeuvre de Pasolini se situe au ras du corps, ancré au
corps, mais à la fin de sa vie, bien plus encore,le corps est
tout et dit tout.
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Ce précepte étant posé,le danseur-chorégraphe ne peut que
faire la tentative d’entrer en matière et de mettre en perspective…
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Ce projet n’est pas non plus un biopic chorégraphique de Pasolini, comme peut l’être le film récemment sorti d’Abel Ferrara (« Pasolini »)
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La
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création
Extraire le corps de l’oeuvre pasolinienne et créer
contre-champs, voire un hors-champs sauvage et hérétique.
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Nous chercherons à créer une expérience hérétique ( « l’expérience hérétique » Pasolini/1954), un empirisme poétique…
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//4 matières/ 4 prismes de recherche sur la violence chez Pasolini vont s’enchevêtrer//
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1) Le corps en proie à la violence d’un désir viscéral: creuser dans les plis et replis des corps en proie aux troubles
et aux émois les plus informulables, à la violence des élans
qui entrainent le corps à déborder ses limites.
Le corps-offrande, le corps sacrificiel, le corps poétique,
le corps en exil… Le corps en proie à la violence d’un désir
viscéral.
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2) le corps politique et hérétique, le corps dans la lutte,
le corps sous-prolétaire, le corps pauvre, « jeter MON corps
dans la lutte », le corps résistant,(le frère de Pasolini,
Guido, de deux plus jeune que lui, est mort à 20 ans dans un
combat pour la résistance…)
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3) Le corps soumis et aliéné à la violence de la société
consumériste, à l’hégémonie d’un conformisme sociétal, en
proie à ce « second-fascisme » et à « l’enfer hédonique de la
société consumériste », l’enfer fasciste de la république de
Salò…
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4) Le corps poétique et mythique.
De cet enchevêtrement empirique, vont émerger des paradigmes
autres, nouveaux et inattendus.
A la manière de Pasolini, nous allons laisser se créer dans
la recherche, des espaces ouverts, comme pour suggérer le 1er
paradis de Petrolio, « l’horizon indéfiniment ouvert, antérieur
aux interdits, favorisant toutes les conjonctions, un espace
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antérieur aux interdits, qui précède la différentiation
sexuelle… »
Une sorte d’ « espace lisse du nomadisme » de Deleuze.
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La recherche chorégraphique s’appuie aussi sur les mouvements
dans la poésie et le cinéma de Pasolini, les allers-retours
incessants, les allers et venues,la déambulation, la promenade, l’errance, l’itinérance… Le cri, le regard, la course,
l’élan à corps perdu, la fuite, l’immobilité, l’attente…
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La mise en scène et scénographie s’appuient également sur
certaines scènes du cinéma de Pasolini. La mise en espace
principale à laquelle le public est d’emblée convié, est
celle du banquet de mariage… (la référence est celle de
« Mamma Roma » et « Salò ou les 120 journées de Sodome » de
Pasolini bien sûr, mais aussi de temps d’autres scènes mythiques du cinéma, (« viridiana » et « le charme discret de
la bourgeoisie » de Bunuel, « Miseria e nobiltà »….. Référence antique puisque la scène du banquet est aussi biblique
représentée par exempte par la célèbre toile de….
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//Scénographie
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et dramaturgie //
En arrivant au Théâtre, le public reçoit une véritable invitation à un banquet en guise de feuille de salle. Ils entrent
dans une salle de banquet avec de grandes tables formant un U
et des chaises d’un aspect plutôt aristocratique, des nappes
blanches, des verres…
Ces tables autour desquelles les convives-spectateurs
prennent réellement place sont aussi l’espace et la surface
principale de danse… Les danseurs évoluent sur les tables et
en-dessous… Un autre espace est formé en fond de scène , du
côté ouvert du U, cette espace est une alcôve sacrée et profane…
Pas de gradins, pas de public positionné ailleurs, pas de
scène, tout le monde à table pour 100 minutes.
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La lumière de Yann Marussich est composée d’ampoules, de bougies, de sources de lumière proches et directes, intimes… Un
immense chandelier est positionné pour éclairer le banquet.
Aucun projecteur ne sera utilisé. La lumière ( la luce)est un
élément central dans les textes de Pasolini, elle est au
coeur de beaucoup d’émotions, elle est parfois le corps de
l’oeuvre, elle semble faire corps avec les personnages et
leurs émotions, elle semble les envelopper et les transcender. Elle est une dimension poétique très puissante également. « Mentre la luce ardeva sovrana, e il calore quasi ab9
bruniva le cose, nella pace di quel mezzogiorno, così attuale, e che noi sappiamo appartenere al passato… » Petrolio
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La scénographie et dramaturgie sont articulées concrètement
sur l’idée d’installation chorégraphique, d’univers cinématographique, de véritable et réel moment de vie, une réalité
aux allures mythiques qui confèrent à l’espace du banquet une
esthétique très pure et un déploiement des actes chorégraphiques très progressif, tel un long plan séquence. « seul le
mythique est réel et seul le réel est mythique ».
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La matière première de recherche au niveau du corps est celle
du trouble…
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Epilogue
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de la pièce
Les convives-spectateurs ne peuvent quitter l’espace commun
que par une sorte de couloir étroit au bout duquel un autre
espace retient les convives… Sur un mur, ce sont les images
du banquet qu’ils viennent de quitter.. Elles ont été faites
en live par le cinéaste au début du spectacle: des corps, des
mains, des yeux, des pieds, le cinéaste a capturé une essence
physique, poétique et émotionnelle… Le cinéaste a capturé les
corps en présence,pas dans leur anatomie et contour, mais
dans les émois qui les habitent. Le cinéaste a capturé le
trouble…
Ces images sont
restituées en noir et blanc… Une oeuvre de
Bach,(la Passion selon St Matthieu),qui est celle de son premier film « Accatone »… (On pense aussi à son film « L’évangile selon St Mathhieu »)
Les images, Bach et la voix de Pasolini en interview et en
lecture de ses propres poèmes… enfin!!….
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Les seuls textes qui font quelques apparitions dans cette
création chorégraphique sont ceux que Pasolini lit lui-même.
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Seule la
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et celle
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voix de Pasolini se fera entendre…
d’un long cri…
Celle d’un corps déchiré, le sien, retrouvé sauvagement assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur une plage
de Ostia…
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Après la notion de corps dans l’oeuvre de Pasolini, le corps
DE Pasolini lui-même…
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« la révélation sera un hurlement »
Pier Paolo Pasolini
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