La politique étrangère contemporaine du Viêt Nam Le
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La politique étrangère contemporaine du Viêt Nam Le
Asia Centre Conference series étude La politique étrangère contemporaine du Viêt Nam Le pragmatisme économique : entre anciennes tensions et nouvelles affinités Hien Do Benoit Pour Asia Centre à Sciences Po Septembre 2009 Le pragmatisme économique comme clé de voûte de la politique étrangère « We have no eternal allies and no perpetual enemies. Our interests are eternal and perpetual, and those interests it is our duty to follow » (Lord Palmerston – 1848) La politique étrangère d’un pays vise, conventionnellement, à promouvoir les intérêts nationaux de ce pays ou plus exactement la perception qu’en a le gouvernement en place. Ces intérêts peuvent donc évoluer ou demeurer stables à long terme. 71 boulevard Raspail 75006 Paris - France Tel : +33 1 75 43 63 20 Fax : +33 9 74 77 01 45 www.centreasia.org [email protected] siret 484236641.00029 Pour « continue » qu’elle soit, l’histoire du Viêt Nam a été dominée par une série de ruptures fondamentales. Si la politique du đoi moi – « renouveau » –, entérinée en 1986 lors du VIe congrès du Parti communiste, faisait figure de tournant et de pari pour l’avenir, elle représentait aussi la solution de la continuité pour le régime en place. En matière de politique étrangère, l’objectif du đoi moi était de « créer un environnement international le plus favorable à l’œuvre de construction et de défense de la Patrie »1, c’est-à-dire améliorer l’image ternie du pays dans le monde au lendemain de l’affaire cambodgienne, mais plus profondément redéfinir l’identité nationale collective. Le Viêt Nam a ainsi opté pour une politique étrangère axée sur la 1 Comme l’a exprimé en 2005 l’ancien vice-Premier ministre Vũ Khoan. recherche de soutiens financiers étrangers, indispensables à sa sécurité, et sur l’intégration volontariste de l’économie internationale par la diversification et la multilatéralisation des relations extérieures. Soucieuse d’améliorer la marge de manœuvre nationale, cette politique est menée dans un espace international complexifié. L’analyse de la politique étrangère vietnamienne contemporaine exige donc de placer les paramètres nationaux dans l’évolution de la situation internationale. C’est au-delà des idéaux - comme la promotion du socialisme de marché – et des objectifs ponctuels – tels que l’exploitation de nouveaux espaces de solidarité, la dynamisation de la coopération régionale, une meilleure maîtrise des systèmes d’organisations internationales – que sont mises en place les méthodes d’action vietnamienne. Dès lors, quelle est la politique étrangère du Viêt Nam depuis le đoi moi ? Comment doit-on comprendre la politique vietnamienne de « diversification et de multilatéralisation des relations internationales » au tournant des années 1990 ? Cette étude analysera dans une première partie la refondation de la politique extérieure vietnamienne et le rôle joué par l’ASEAN dans ce repositionnement. Puis l’on cherchera à définir les motivations et enjeux des relations tissées entre le Viêt Nam et ses voisins asiatiques d’une part, avec le reste du monde d’autre part. Dans un contexte de crise économique et de recompositions, les grandes orientations décidées à la fin des années 1980 semblent être brouillées, entre anciennes tensions et nouvelles affinités. Le pragmatisme économique peine d’ailleurs à atteindre ses objectifs et à suivre une logique d’équilibre diplomatico-politique déjà fragile. I. Les faux-semblants d’une ASEAN comme espace d’intégration direct ? Le « congrès du renouveau » s’est tenu en 1986 au moment où une détente graduelle entre les couples de grands acteurs s’opérait : Etats-Unis-URSS, Etats-UnisChine, et URSS-Chine. Cette détente allait inscrire la politique étrangère vietnamienne dans le sens d’un profond réajustement. Le rapprochement et l’intégration dans l’espace sud-est asiatique, s’imposa alors comme le meilleur moyen pour ramener le Viêt Nam sur la scène internationale, mais a rapidement laissé place à une évolution mitigée. A. Le repositionnement du Viêt Nam dans le monde nouveau via l’ASEAN L’entrée dans la modernité. La crise de la fin des années 1980 a montré aux dirigeants vietnamiens que les critères d’éligibilité pour accéder à l’espace mondial, avaient changé. Le 20 mai 1988, le bureau politique du VIe congrès adopte la résolution 13 « Maintien de la paix et développement économique »2, qui portait les signes d’une vision nouvelle des relations internationales et de la manière dont le Viêt Nam devait s’y inscrire. Cette vision est officialisée plus tard (1991) avec la politique de « multilatéralisation et de diversification » des relations extérieures. A propos de cette résolution, Nguyen Co Thach, alors membre du Bureau politique et ministre des Affaires étrangères, précisa que l’interdépendance économique mondiale ayant réduit les risques de guerre, une « économie forte », une « capacité de défense appropriée » et une « coopération internationale élargie » étaient désormais garantes de la sécurité du pays 3. Cette vision des relations internationales a, en quelque sorte, brisé la distinction faite jusque-là entre « amis » et « ennemis », entre « indépendance » et « interdépendance ». La politique étrangère vietnamienne entrait dans la modernité. Un nouveau vocabulaire révélateur. L’usage d’un nouveau vocabulaire politique illustrait la prise de conscience du décalage du discours antérieur avec l’évolution nationale et internationale. Il n’est théoriquement plus question de désigner l’« ennemi » direct du peuple vietnamien, ni d’être guidé par la question « qui gagne contre qui ». Par principe, les relations internationales doivent être libérées de tout « déterminisme ». Et si le marxisme-léninisme est toujours invoqué en politique intérieure, il disparaît du vocabulaire diplomatique. La politique étrangère vietnamienne va tenter de réconcilier les deux options : communisme et modernité ; la nouvelle conjoncture internationale étant même parfois présentée comme « favorable à la construction du socialisme », pour laquelle le Viêt Nam avait préconisé, en 1991, une « coopération sur un pied d’égalité » avec « tous les pays, quel que soit leur régime politique, sur la base des principes de coexistence pacifique ». 2 Giữ vững hoà bình, phát triển kinh tế. 3 Nguyễn Cơ Thạch, « Những chuyển biến trên thế giới và tư duy mới của chúng ta » [Les changements dans le monde et notre nouvelle pensée], Quan hệ quốc tế [Relations internationales], janvier 1990, p. 6-7. L’indissolubilité du lien politique étrangère / développement économique / sécurité est clairement établi au forum de Davos de février 1990 par Võ Văn Khoan, alors Premier ministre. A cette période, le pays présente de plus en plus fréquemment sa politique de priorité au développement économique comme la meilleure preuve de son attachement à la paix et à la stabilité. Cette stratégie est bien comprise par ses partenaires : ses voisins s’accordent volontiers à penser qu’un Viêt Nam économiquement intégré serait plus en mesure de bénéficier de la sécurité collective et contribuerait mieux à la stabilité de l’espace commun qu’un Viêt Nam isolé sur la scène internationale. Ces options diplomatiques restent valides aujourd’hui. Bilan : Choisir l’intégration au sein de ASEAN constituait pour le Viêt Nam l’option la plus accessible, sinon la meilleure. Pour un temps, l’ASEAN est devenu, par défaut, l’axe structurant de la diplomatie vietnamienne : en effet, la disparition de l’URSS ne clarifiait nullement l’environnement international et complexifiait inutilement les choix diplomatiques du pays. Ainsi, en dépit de sa position peu confortable sur les dossiers de la normalisation de ses relations avec la Chine et les Etats-Unis, le Viêt Nam a su bénéficier des retombées de l’évolution des rapports de force entre ces deux pays. Chemin faisant, le Viêt Nam considérait de plus en plus le rapprochement avec l’ASEAN comme une « tendance naturelle » à renforcer. « Nos rapports avec […] les pays de l’ASEAN se sont transformés, la défiance et l’hostilité cédant la place aux relations normales d’amitié et de coopération qu’entretiennent ordinairement tous les pays avec leurs voisins » estimait Vu Khoan, alors vice ministre des Affaires étrangères (1992). B. Des embarras dans la définition d’une stratégie d’intégration au sein de l’ASEAN… Le 28 juillet 1995, la République socialiste du Viêt Nam est devenue le septième membre de l’ASEAN. Cette intégration d’un pays important (près de 70 millions d’habitants) illustre la volonté de l’Association de s’ancrer dans la partie continentale de l’Asie du Sud-Est pour former, enfin, la « famille réunie » ; côté vietnamien, elle traduit la volonté de privilégier les critères de développement économique en s’arrimant à une zone « triomphante ». Se trouvant désormais face à la situation concrète des règles du jeu internes à l’ASEAN, ainsi que dans l’attente des résultats générés, le Viêt Nam comme chaque membre du groupe, poursuit ses objectifs, propose des solutions. Le Viêt Nam s’adapte à la tendance de l’ASEAN de « thinking multilaterally but acting bilaterally »4. Un certain embarras, voire une déception apparaît quant à la gestion des dossiers concrets touchant aux intérêts souverains du pays. Car même si le statut de membre de l’ASEAN rapporte au Viêt Nam des bénéfices politiques relatifs à sa réinsertion dans la communauté internationale, comme en témoignent les résultats de nos entretiens dans le pays, et même si le pays n’attend peut-être que peu de son intégration régionale au début des années 1990, la crise économique et financière de 1997 a profondément modifié la situation et la perception du triomphe des membres fondateurs de l’ASEAN. 4 Comme le remarque Amitav Acharya 2 Sur le plan économique, le premier aperçu dégagé est celui d’une intégration plutôt décevante dans l’espace dit « de prospérité et de coopération ». Au-delà de la fragmentation économique qui est loin de favoriser la convergence des économies nationales, leurs éléments de ressemblance ne sauraient qu’accentuer le conflit d’intérêt réel ou latent entre elles. La part du commerce vietnamien avec l’ASEAN se stabilise entre 21 et 22 % jusqu’en 1999 et commence sa descente à partir de 2000 (avec une moyenne de 16 % pour la période 2001-2008) ; en outre, l’ASEAN ne représente que 22,3 % du montant des capitaux investis au Viêt Nam pour la période de 1988 à 2005. Dans le domaine politico-sécuritaire, le constat est aussi instructif (et décevant) : derrière une perception certainement réaliste de la coopération régionale, se faufilent d’ambitieuses réflexions. Un mois après son adhésion, l’élite politique vietnamienne ne manquait pas d’exposer sa vision générale vis-à-vis de sa nouvelle famille régionale et l’impact de son statut sur ses relations extérieures, notamment celles nouées avec son grand voisin chinois, toujours marquées par une méfiance instinctive5. Le colonel Vũ Xuân Vinh, alors directeur général des Relations extérieures au ministère de la Défense, résumait l’ambiguïté de la position vietnamienne au sein de l’ASEAN : « Dans l’ASEAN, nous efforçant de mettre au profit de la construction nationale les avancées scientifiques, techniques et économiques [régionales] et toute occasion de coopération, nous rencontrons toutefois des difficultés quant à l’inégalité du niveau [de développement] et la différence du système idéologique ; il nous est difficile de nous y intégrer complètement. », tout en continuant ainsi : « il est nécessaire de construire avec nos partenaires un mécanisme de coopération visant l’exploitation et le maintien de la sécurité régionale ainsi que la protection de l’environnement écologique. Il est utile d’étudier des mécanismes de visite mutuelle des forces, des bâtiments de la marine puis graduellement jusqu’aux mécanismes d’entraînement commun [des troupes], d’échange d’information, de dialogue bilatéral et multilatéral, de participation aux forums de sécurité régionaux, y compris d’échange de ‘livre blanc’ quand l’occasion se présente […]. Après notre entrée dans l’ASEAN et la normalisation de nos relations avec les Etats-Unis, il nous faut, en paroles et en actions, faire comprendre à la Chine que tout cela ne vise en aucun cas à la contrer. […] Nous n’avons pas d’illusions [dans notre capacité] de changer sa ligne politique, mais [espérons] à tout le moins profiter de l’opinion publique pour rendre son attitude moins brutale, moins crue et limiter en partie les aspects négatifs »6. Le facteur chinois tend à être davantage exacerbé, en raison des liens d’interdépendance de ce monde globalisé, dans les grands projets d’intérêt national du Viêt Nam, qu’il s’agisse de sécurité, d’économie, voire de culture. Cette méfiance est aussi renforcée par les faits et justifie une 5 Voir l’article de Zachary Abuza, « The lessons of Le Kha Phieu : changing rules in Vietnamese politics », Contemporary Southeast Asia, vol. 24, n°1, avril 2002, Singapour, p. 121-146. 6 Vũ Xuân Vinh, « Kết hợp đấu tranh ngoại giao với đấu tranh quân sự trong thời kỳ đổi mới » [La combinaison du combat diplomatique et du combat militaire à l’époque du renouveau], in Actes de colloque, 50 năm ngoại giao Việt Nam dưới sự lãnh đạo của Đảng Cộng sản Việt Nam [Cinquante ans de la diplomatie vietnamienne sous la direction du Parti communiste du Viêt Nam], Institut des relations internationales, le 22 août 1995, p. 44-47. « obsession à faire contrepoids à la puissance chinoise »7. Le Viêt Nam partage désormais avec certains Etats membres de l’ASEAN une crainte commune de la politique chinoise en mer de Chine méridionale, officialisée par la loi maritime adoptée le 25 février 1992 par le parlement chinois. Mais de nombreux paradoxes semblent empêcher l’ASEAN d’être un véritable mur de protection, comme l’espérait l’élite dirigeante du pays. Effectivement, la politique d’une Chine « en transition » depuis la mort de Deng Xiaoping8 ne manque pas d’inquiéter, non seulement parce qu’elle est accompagnée d’une intense modernisation de ses forces armées depuis le milieu des années 19809, mais aussi parce qu’elle est entreprise par une diplomatie ambiguë – à côté de ses déclarations sur le règlement pacifique des différends et la coopération avec ses voisins pour la stabilité et la sécurité régionale, la Chine montre une attitude intransigeante quant à ses revendications de souveraineté et met plus d’une fois les différentes parties devant le fait accompli ; la loi de février 1992 en est un exemple probant. Une coopération limitée et difficile à établir. Concrètement, dans le dossier concernant la souveraineté territoriale, l’ASEAN et son Forum de sécurité (ARF) n’ont pas permis de régler directement les contentieux frontaliers bilatéraux entre ses membres, ni les conflits en mer de Chine du Sud, zone maritime particulièrement importante dans la politique de défense et de sécurité globale à long terme du Viêt Nam. Les résultats de son mécanisme de dialogue restent au niveau des déclarations de bonnes intentions qui ont peu de valeur juridique, et aucune contrainte légale. Nuln’ignoreleseffortsdéployéspouraboutiràunedéclaration commune en juillet 1992 entre les parties de l’ASEAN, dont chacune a ses propres intérêts et sa vision de la sécurité, puis à une déclaration de bonne conduite des parties en mer de Chine méridionale en novembre 2002, cette fois incluant également la Chine. Avec un statu quo souhaité par la majorité des parties concernées10, mais difficilement 7 Benoît de Tréglodé, « Le Viêt Nam et les dilemmes d’une ‘ouverture raisonnée’ », in François Godement (ed.), Asie : Chine, Indonésie, Japon, Malaisie, Pakistan, Viêt-Nam…, Les études de la Documentation française, Paris 2004, p. 61-82. 8 Voir Jean-Luc Domenach, « La Chine peut-elle encore s’effondrer ? », Pouvoirs, n°81, avril 1997, p. 7-20. 9 Malgré sa restructuration et sa modernisation, l’armée chinoise reste la plus grande armée du monde avec son effectif de 2,5 millions de personnes. Le budget de la défense a doublé entre 1990 et 2000. Les dépenses officielles en matière de défense sont de plus de 20 milliards de dollars en 2002 ; elles sont officieusement estimées entre 35 et 65 milliards (Damon Bristow, « China’s PLA Modernisation and Regional Concerns », Asian Defence Journal, Malaisie, juillet-août 2002, p. 5-7). En 2007, les chiffres officiels ont doublé pour atteindre 44,94 millards de dollars, principalement utilisés pour l’augmentation salariale des militaires et la mise à niveau de l’armement. L’intérêt de la Chine pour la mer est porté par l’extraordinaire développement économique de ses régions côtières dans les années 1980, à la suite de la politique de modernisation préconisée en 1979 par Deng Xiaoping. Aujourd’hui, le rythme de la croissance économique nationale, tous les besoins qu’il exige et le florissant commerce extérieur avec l’Amérique et l’Europe, clé de son développement, font de l’ouverture vers la mer une nécessité stratégique. 10 A ce sujet, le premier ministre Phan Văn Khải a exprimé clairement le point de vue vietnamien lors de l’ouverture du VIe sommet de l’ASEAN à Ha Noi : « Etant un pays riverain de la mer de l’Est, nous y souhaitons profondément la stabilité sur la base de la volonté commune de toutes les parties concernées de procéder aux négociations aboutissant à une solution fondamentale et durable pour les contentieux concernant la souveraineté sur les archipels, conformément à la loi internationale, notamment à la Convention 3 maintenu sur un fond de déclarations peu contraignantes, les tensions dans cette zone multiplient les incertitudes. La situation régionale est d’autant plus délicate qu’en aucun cas, la coopération en matière de sécurité au sein de l’ASEAN ne doit provoquer d’inquiétudes et attiser la méfiance de la part de ses voisins, la Chine en particulier, vis-à-vis d’un éventuel « bloc » contre eux. La coopération est dans ce sens cernée par des contours flous quant à la définition des objets de discussion aux forums de sécurité. Il semble que cette question de « champ d’application » a partiellement réduit le niveau d’engagement des parties en 2002 en une simple déclaration, au lieu d’un code structuré de règles et principes plus stricts11. Cette coopération se révèle également limitée dans les actions face à la Chine et à d’autres acteurs mondiaux. Il semble en tout cas difficile d’envisager une coopération poussée en matière diplomatique et en matière de défense en particulier alors que les crises internes se multiplient (Thaïlande, Malaisie…), que les écarts de développement économique s’amplifient, et surtout que les perceptions divergent sur l’utilité de cette diplomatie régionale. Pour le seul Viêt Nam, les points de vue sont encore partagés au sommet même de l’Etat quant à la montée en puissance de la Chine, (menaces ou opportunité pour le Viêt Nam ?), et au rôle des puissances extérieures en matière de défense régionale. Bilan : Opposant les intérêts de la Chine et de plusieurs Etats en Asie du Sud-Est (Brunei, Malaisie, Philippines, Viêt Nam, mais aussi Taiwan), la question de la mer de Chine du Sud constitue un conflit d’intérêt principalement entre la Chine et le Viêt Nam. Cela justifie en partie les efforts particuliers de Hanoï en faveur du processus de règlement pacifique des problèmes dans cette zone maritime. Ainsi, malgré plusieurs complications récentes12 et une ASEAN assez silencieuse, le Viêt Nam est satisfait de l’absence de risques d’affrontements armés majeurs et de cet état « d’entente cordiale ». Les déclarations de bonne conduite obtenues avec la Chine au sein de l’Association des Nations Unies sur le droit maritime de 1982, et à la déclaration de l’ASEAN sur la mer de l’Est de 1992. En attente d’une telle solution, [il nous appartient de] maintenir provisoirement le statu quo, de ne pas compliquer davantage la situation, d’éviter d’utiliser et de menacer d’utiliser la force, d’établir la coopération sous les formes appropriées convenue par toutes les parties concernées. ». Extrait du discours du premier ministre vietnamien à l’ouverture du VIe sommet de l’ASEAN, Ha Noi 15 décembre 1998. 11 La Chine a rejeté le projet de code de bonne conduite conjointement préparé par le Viêt Nam et les Philippines pour une réunion de l’ASEAN en novembre 1999, d’une part parce qu’elle considérait que ce code tendait à cristalliser le statu quo, or la Chine revendiquait sa souveraineté sur l’ensemble des îles Spratly, et d’autre part, parce qu’elle refusait de voir le code appliqué à d’autres zones que l’archipel Spratly, or le Viêt Nam souhaitait y impliquer le problème des Paracels. La Chine était contre toute internationalisation d’une question sur laquelle elle a longtemps refusé de négocier en face-à-face avec l’ASEAN en tant qu’unité. Entretiens à Ha Noi les 9, 14 et 18 avril 2003. 12 La décision chinoise (non confirmée de source gouvernementale) en décembre 2007 de créer une unité administrative dénommée Sansha en mer de Chine méridionale a été à l’origine de manifestations inédites, à forte participation étudiante, qui se tenaient devant les représentations diplomatiques chinoises à Ha Noi et Ho Chi Minh Ville. Des pétitions ont également circulées au sein de la communauté des Vietnamiens à l’étranger. A cet égard, Pékin n’a pas manqué de manifester son mécontentement auprès des dirigeants de Ha Noi. sont à ce titre d’une grande importance pour le pays. C. … à l’adoption d’une approche souple et flexible Avec l’ASEAN et ses règles spécifiques, le pragmatisme politique vietnamien impose désormais une approche souple et flexible de la question sécuritaire dans la construction d’une « diplomatie préventive ». Parallèlement, le pays se lance à la recherche d’alternatives susceptibles d’optimiser les gains obtenus du processus multilatéral au sein de l’ASEAN, en multipliant démarches et initiatives d’interaction. D’où la perception d’une diplomatie agitée qui fait feu de tout bois. Une diplomatie au croisement des méthodes. Le Viêt Nam s’emploie à valoriser les avantages d’une interaction entre son bilatéralisme diversifié et le multilatéralisme souple. Le bilatéralisme vietnamien ne se limite pas aux frontières de l’ASEAN ; visant l’équilibre dans les relations extérieures, il s’active également auprès des grands acteurs mondiaux. Cette démarche s’effectue non seulement au niveau national, mais aussi à travers les dialogues « ASEAN + 1 » que l’Association mène avec ses partenaires extérieurs. Une amélioration sensible de la fluidité du processus de règlement des conflits bilatéraux depuis l’intégration dans l’ASEAN peut être remarquée, en observant les questions frontalières. Au début des années 2000, le comité des frontières du gouvernement – créé aussitôt après la réunification du pays13 – a été transféré sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères. Ce transfert illustre l’évolution de la perception nationale de la sécurité. Ce comité reste un acteur clé de la diplomatie bilatérale aux côtés du département de l’ASEAN. Les échanges multipliés dans le cadre de l’ASEAN ont donné au Viêt Nam de nombreuses occasions de dialoguer avec ses partenaires dans un même esprit d’accommodation – notamment ceux avec lesquels le pays a des contentieux à résoudre, comme le Laos, le Cambodge, la Malaisie, la Thaïlande, les Philippines, l’Indonésie -, et avec la Chine. Ce bilatéralisme facilite dans une certaine mesure l’aboutissement des négociations comme l’accord entre le Viêt Nam, les Philippines et la Chine signé le 14 mars 2005 à Manille portant sur la prospection conjointe des ressources pétrolières dans la zone agréée en mer de Chine du Sud. Les enjeux maritimes sont devenus stratégiques pour Hanoï14, et pas seulement parce que les quatre cinquièmes de son commerce extérieur empruntent la voie maritime. 13 Le comité des frontières du conseil des ministres a été fondé par l’arrêté 188/CP le 6 octobre 1975, quelques mois après la réunification du pays. 14 Avec son rapprochement et son intégration en Asie du Sud-Est, le Viêt Nam met l’accent sur l’importance des mers et régions côtières. A son VIIIe congrès en 1996, le PCVN résume dans sa résolution : « La zone maritime et côtière constitue l’espace stratégique pour l’économie, la sécurité et la défense ». La directive 20-CT/TW du 22 septembre 1997 le confirme en prolongeant : « La zone maritime, archipélagique et côtière constitue l’espace stratégique ayant un rôle décisif pour le développement de notre pays, étant une potentialité et un atout important pour la cause d’industrialisation et de modernisation ». En effet, dès 1993, un document important du Bureau politique a mis l’accent sur l’objectif stratégique dans l’œuvre d’édification et de défense nationale visant à faire du pays un Etat maritime fort (voir la résolution du Bureau politique 03-NQ/ TW en date du 6 mai 1993 portant sur « les missions de développement de l’économie maritime dans les années à venir »). 4 L’intégration à l’ASEAN garante de l’unité nationale et de l’assainissement interne. Utilisant toujours davantage le registre du langage de l’ASEAN, la première étape pour Hanoï a consisté à défendre l’esprit et le code de bonne conduite régionale ; c’est dans ce sens qu’il faut comprendre le soutien actif du Viêt Nam aux différents dossiers sensibles de l’Association, comme son engagement dans la rédaction de la Charte de l’ASEAN (2007). Simultanément, le Viêt Nam cherche à renforcer la stabilité politique et l’unité nationale, considérées comme les meilleurs atouts d’une stratégie globale pour la sécurité du pays. Il semble que la confiance du peuple est remise à l’honneur dans le processus de défense nationale et de défense du régime. Ce qui peut briser la confiance du peuple et nuire à l’unité nationale pourrait même venir de l’intérieur du Parti, censé être leur « seul garant ». Le général Lê Kha Phiêu, nommé en décembre 1997 au poste de secrétaire général du Parti et connu également comme « Monsieur Anti-corruption », mit en garde contre une crise de confiance du peuple, estimant que « la démocratie au sein du Parti n’étant pas fortement mise en valeur, le développement de la démocratie dans la société est impossible ». Il dénonce l’individualisme, la corruption, la bureaucratie comme étant les pires maladies susceptibles de paralyser le Parti communiste. Cet « assainissement interne » n’est pas dénué d’arrièrepensées. Les problèmes internes risquent de miner les « forces internes », mais aussi les « forces externes ». Face aux diverses affaires impliquant des membres haut placés du Parti et de l’Etat, les réactions des investisseurs étrangers et des pourvoyeurs de fonds ont été vives et appellent des réponses concrètes. La détermination du Parti et le culte de l’amour-propre sont plus que jamais sollicités pour effacer cette « humiliation nationale »15. Ce qui explique que le Xe congrès en avril 2006 ait abouti à un remaniement dans l’organisation et le fonctionnement du Parti. Un Viêt Nam intégré pour assurer la sécurité du pays. Géographiquement et humainement, le Viêt Nam est un Etat sans homogénéité que son étirement nord-sud rend très vulnérable. Nul n’ignore que la sécurité globale du pays ne s’envisage qu’en considération de celle de ses voisins sud-est asiatiques, et surtout de celle de ses voisins immédiats que sont le Laos et le Cambodge. Sa fragilité et ses problèmes de sécurité sont aussi issus de sa réunification récente, de son isolement et de l’enjeu qu’il a représenté durant la guerre froide tant entre les blocs qu’entre les deux puissances communistes. C’est désormais au sein de l’ASEAN que le Viêt Nam doit anticiper et prendre les initiatives lui permettant d’assurer au mieux sa sécurité nationale dans sa dimension globale. Le Viêt Nam comme moteur et pacificateur de la région. Dans la partie continentale de l’ASEAN et au sein de la sousrégion du Mékong, le Viêt Nam est sans conteste l’un des pivots géographiques, économiques et démographiques. La stabilité politique dont il bénéficie jusqu’à présent pourrait également constituer un atout indéniable dans une région animée, par des instabilités socio-politiques majeures. C’est dans le cadre de projets aséaniens et de nouveaux 15 A ce sujet, voir l’article de la vice-présidente de la commission des Relations extérieures de l’Assemblée nationale, Tôn Nữ Thị Ninh, « Mối quan hệ giữa tham nhũng với dân chủ và dân tộc » [Le lien entre la corruption, la démocratie et le peuple], Tạp chí Cộng sản [Revue Communiste], n°109, 2006. espaces de solidarité sous-régionaux en suivant l’exemple de la Thaïlande16 que le Viêt Nam pourrait réactiver ses affinités avec le Cambodge, le Laos mais aussi le Myanmar, ceux qui forment le groupe des nouveaux entrants sur la scène régionale. Dans cette perspective, le Viêt Nam retrouve son rôle de grand frère, d’initiateur. Viêt Nam, Cambodge, Laos, Myanmar, Thaïlande : de nouveaux espaces de solidarité et de croissance. Au début des années 1990, avec la marche des trois pays vers l’intégration régionale, la solidarité entre le Cambodge, le Laos et le Viêt Nam s’est inscrite dans un nouveau cadre. Encore grandement entretenue par les liens étroits entre les personnalités au sommet de l’appareil politique17 cette solidarité s’est vue renforcée à travers des projets de coopération ASEAN. Le projet du Viêt Nam, pays hôte du VIe sommet de l’ASEAN (décembre 1998), de développer les régions pauvres situées au long du couloir Est-Ouest de la sous-région du Mékong, traversant non seulement le Viêt Nam mais aussi le Cambodge, le Laos, le Myanmar et la Thaïlande, a été introduite dans le programme d’action de l’Association à l’issue de cette rencontre. Cette initiative, soutenant logiquement la politique sociale vietnamienne de réduction de la pauvreté et de développement du transport, du tourisme et du commerce dans les provinces du centre du Viêt Nam, est d’autant plus logique que les contestations et troubles ruraux sur le sol vietnamien pourraient aussi affecter d’autres régions frontalières du Cambodge et du Laos. Une solidarité trilatérale renforcée par des projets dans le cadre de l’ASEAN pour le développement est donc désirée et souhaitable. Le Viêt Nam voit dans la formation de nouveaux espaces de solidarité sous-régionaux des avantages certains, même s’il semble que le pays les saisit avec beaucoup de prudence. Au Viêt Nam, la distribution des IDE rigidement bipolarisée, au Nord et grandement au Sud, marginalisant le Centre, est d’ailleurs révélatrice du déséquilibre du développement économique qui constitue l’enjeu fondamental de la politique d’aménagement du territoire du pays. Devant garder un œil vigilant sur une graduelle « sudisation »18 économique du Nord, Hanoi tient à saisir, non sans certaines contraintes et contradictions19, les possibilités de développement que pourraient lui offrir ces espaces de coopération sousrégionaux au sein de l’ASEAN. Bilan : Ainsi, parallèlement à la promotion des relations bilatérales avec le Laos et le Cambodge, qui sont actuellement les deux premières destinations des IDE vietnamiens en ASEAN, au travers d’actions dans les domaines de l’éducation, de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie, des télécommunications et des transports, le Viêt Nam vise à approfondir ses liens avec ces deux pays grâce à différents réseaux auxquels ils font partie comme 16 La Thaïlande est en 2005 le premier investisseur étranger au Laos (30 % du total des IDE), le quatrième au Myanmar (6 %), le huitième au Cambodge (5 %) et le neuvième au Viêt Nam (2,7 %). 17 Qu’il s’agisse de Kaysone Phomvihane, de Khamtay Siphandone, de Choummaly Sayasone ou de Somsavat Lengsavat au Laos, de Hun Sen au Cambodge, et de Lê Đức Anh, Đỗ Mười, Võ Văn Kiệt, Phạm Thế Duyệt, Nông Đức Mạnh au Viêt Nam. 18 Andrew J. Pierre. 19 Voir l’article de Andrew J. Pierre, « Vietnam’s Contradictions », Foreign Affairs, vol. 79, n°6, novembre-décembre 2000, p. 69-86.. 5 l’ACMECS20, la MRC21 ou la GMS22. Placé sous le signe du pragmatisme économique, un triangle de croissance est apparu en novembre 2004, en marge du sommet de l’ASEAN à Vientiane. II. Une diplomatie régionale équidistante : entre maintien des relations et création de nouvelles alliances. L’ASEAN ne semble pas être la réponse immédiate et complète à tout besoin, même si, sans elle, le Viêt Nam n’obtiendrait certainement pas les crédits politiques dont il avait besoin. Chacun des gestes du Viêt Nam dans le réseau mondial a vocation, selon les dirigeants vietnamiens, à renforcer son indépendance et son autonomie. Dans quelle mesure une ASEAN solidaire et cohérente pourrait-elle devenir un outil complémentaire pour chacun de ses membres pour envisager son développement au meilleur prix et dans de meilleures conditions ? Dans sa réinsertion internationale, le parcours de la nation vietnamienne n’est pas exempt de difficultés, malgré sa position stratégique en Asie Pacifique. Parmi les pays du Sud-Est asiatique riverains de cette artère maritime, le Viêt Nam reste le pays dont la géographie permet d’exercer un large contrôle sur la mer de Chine du Sud. Le pays a, de surcroît, une frontière commune avec la Chine et, par son histoire, des expériences comportementales inégalées avec l’empire du Milieu. Même si la place du Viêt Nam dans la politique chinoise vers le sud se voit relativisée, dans le contexte actuel, par le renforcement des relations de la Chine avec d’autres pays de l’Asie du Sud-Est comme le Myanmar, et l’Indonésie, le pays pourrait avoir des cartes à jouer sur la scène régionale où ni les Etats-Unis, ni le Japon, ni l’Inde ne veulent voir s’imposer une Chine trop puissante. A. La complexité des relations croisées des puissances mondiales en Asie du Sud-Est La diversification des relations avec l’extérieur s’inscrit dans un contexte de conflits d’influence non seulement entre les puissances régionales, mais aussi mondiales. L’ouverture est donc dictée par un double souci de maintenir une relation équidistante avec ses partenaires et de nouer de nouvelles alliances, permettant d’augmenter sa marge de manœuvre sur la scène internationale. Concurrence pour le leadership régional. Dans l’environnement direct de l’ASEAN, la Chine ne manque pas d’inquiéter les acteurs régionaux non seulement par l’évolution de sa situation nationale mais aussi par la complexité et l’instabilité des relations qu’elle entretient avec les puissances extérieures. La Chine, un marché émergent, est aussi la plus grande usine du monde. Elle a attiré en 2005 (hors Hong Kong) plus de 60 milliards de ������������������������������������������������������ Ayeyawady-Chao Phraya-Mekong Economic Cooperation Strategy. L’organisation de la stratégie de coopération économique Ayeyawady-Chao Phraya-Mékong regroupe le Cambodge, le Laos, le Myanmar, la Thaïlande et le Viêt Nam. 21 Mekong River Commission. La commission du Mékong est fondée le 5 avril 1995 entre le Laos, le Cambodge, la Thaïlande et le Viêt Nam, sur la base des expériences de coopération régionale depuis 1957 au sein du Comité du Mékong des Nations Unies. 22 Greater Mekong Subregion. La sous-région du Mékong élargie comprend le Cambodge, la Chine (province de Yunnan), le Laos, le Myanmar, la Thaïlande et le Viêt Nam. dollars d’IDE, contre moins de 25 milliards pour l’ASEAN23. Le « défi économique » chinois est à ce titre réel pour l’Association en perte de ses avantages comparatifs et pour les principaux acteurs régionaux comme le Japon avec lequel la Chine entretient une relation fluctuante de rivalité pour le leadership régional24. Les paramètres de ce duel sont également conditionnés par les relations qu’entretiennent la Chine et le Japon avec les puissances extérieures. Ainsi, le renforcement du traité de sécurité nippo-américain en avril 1996, lors de la visite de Bill Clinton à Tokyo, n’a fait que renforcer la vision chinoise d’un containment dressé contre elle et a été suivi par la signature sinorusse d’un « partenariat stratégique pour le XXIe siècle »25. Le Japon a toute raison de rester prudent. D’autant que la Corée est loin de devenir un acteur de poids. L’Inde, grande démocratie et « géant du high tech », s’apprête à déployer et renforcer tous les dispositifs qu’elle possède pour tenter de devenir la porte d’entrée d’une Asie montante et faire entendre sa voix dans la gouvernance mondiale26. Les liens spéciaux qu’elle noue avec les EtatsUnis dans les opérations de maintien de la paix27 et la lutte anti-terroriste l’ont rapprochée de l’Asie de l’Est et du SudEst28, sans pour autant stabiliser ses relations avec la Chine. Les Etats-Unis s’intéressent à la configuration des forces dans les relations régionales. La montée en puissance de la Chine fait l’objet d’interprétations divergentes. Les uns considèrent sa puissance potentielle comme un des défis les plus importants de la politique sécuritaire américaine. Les autres estiment que l’influence géopolitique de la Chine n’est pas nécessairement incompatible avec les intérêts stratégiques de Washington, que les Etats-Unis et la Chine ont besoin l’une de l’autre dans leur stratégie pour le développement et la sécurité. Ainsi, les relations américaines avec les puissances régionales sont plutôt fluctuantes et ne s’inscrivent pas dans une logique stratégique nettement définie. Consolidation par les pays Océaniques et par la Russie de leur présence dans la région. Alors que les Etats-Unis sont appelés à définir leur nouveau rôle en Asie, les grands acteurs venant d’Océanie – l’Australie et la NouvelleZélande – continuent à consolider leur place dans les relations régionales, non seulement au travers d’échanges commerciaux et d’investissements avec la région, mais aussi par la gestion et le règlement des conflits régionaux. Dans le contexte du déplacement des conflits d’influence vers l’Asie Pacifique, la Russie accorde, elle aussi, une importance particulière à la place qu’elle peut dans la région. Sa stratégie asiatique semble prendre la forme, depuis les visites de son président dans la région29, d’un ��������������������������������������������������������������� 38 milliards d’après le Joint Media Statement of the Ninth ASEAN Investment Area (AIA) Council Meeting. 24 Jean-Marie Bouissou, « Le Japon et la Chine : amour, haine et géostratégie », Politique étrangère, n°2, 1996, p. 315-326. 25 Idem. 26 Christophe Jaffrelot, « Inde : la puissance, pour quoi faire ? », Politique internationale, n°113, automne 2006, p. 233-248. 27 au travers d’un accord de partenariat global signé le 18 juillet 2005. �������������������������������������������������������������� Arabinda Acharya, « India and Southeast Asia in the age of terror : building partnerships for peace », Contemporary Southeast Asia, 28/2, août 2006, p. 297-321. 29 En septembre 2000 au Japon ; au début de 2001 au Viêt Nam et en Inde pour conclure un partenariat stratégique ; en décembre 2002 en Chine puis en Inde ; en août 2003 en Malaisie ; en novembre 2006 au Viêt Nam en marge du sommet de l’APEC. 6 co-développement à nouer avec les acteurs régionaux. La Chine comme le Japon ne voient pas d’inconvénient à la participation russe aux processus régionaux mais semblent pourtant privilégier le bilatéralisme dans leurs relations avec la Russie : Moscou peut ainsi se trouver impliqué dans le règlement des conflits de puissance régionaux. L’activisme de l’ASEAN dans ses coopérations bilatérales tente de préserver la fragile balance des forces. Garder l’équilibre semble être non seulement le maître-mot de l’ASEAN mais aussi la condition de la réussite de la réinsertion vietnamienne. Cette politique se concrétise au travers d’un mécanisme de dialogue bilatéral établi avec les acteurs extérieurs et par la diversification des interactions de l’Association au sein des nouveaux espaces interrégionaux. Les dialogues séparés avec chacun de ses partenaires extérieurs permettent à l’ASEAN de mieux identifier les dossiers de coopération prioritaires, de ne pas être trop exposée aux différends et surtout d’optimiser les avantages qu’elle est en mesure de tirer d’une relation avec chacun d’eux. Sur le plan politique et sécuritaire, plusieurs de ses partenaires de dialogue ont adopté les principes du Traité de Bali dans leurs relations avec l’Asie du Sud-Est ; la participation de la Chine et de l’Inde en octobre 2003, du Japon en juillet puis de la Corée et de la Russie en novembre 2004, de l’Australie en décembre 2005, mais aussi de la France, premier pays de l’UE à le faire, en janvier 2007, est une étape régionale importante en faveur de la paix et de la sécurité. Sur le plan économique, pour « séparés » qu’ils soient, les dialogues interagissent également au niveau de leur avancement. Les Etats-Unis ne se laissent pas dépasser par cet activisme. Après avoir nommé un ambassadeur auprès de l’ASEAN pour renforcer les liens bilatéraux, les Etats-Unis ont signé le 25 août 2006 à Kuala Lumpur avec l’ASEAN l’accord cadre pour le commerce et l’investissement. Cette coopération devrait également permettre à terme d’accélérer le processus APEC auquel une bonne partie de pays de l’Asie du Sud-Est participent. Bilan : Au sein des projets de coopération interrégionaux (ASEAN+3, ASEM, Sommet de l’Asie de l’Est), l’ASEAN espère agrandir son marché, utiliser le cadre extérieur pour impulser la compétitivité interne et renforcer la cohésion de l’ensemble des activités régionales. « Nous devons avoir une maison plus grande pour nous assurer que l’ASEAN restera au cœur des choses », justifie le porte-parole de la diplomatie indonésienne, Marty Natalegawa, quant à l’ouverture de l’Association. B. La stratégie vietnamienne : la combinaison bilatéraliste-multilatéraliste Face à tous ces mouvements d’extension des interdépendances de l’ASEAN, Hanoi cherche à optimiser les avantages d’une approche multiple (bi- et multi-latérale). Avec, pour objectif, de renforcer son positionnement dans la région et dans l’espace mondial. Relations bilatérales : les avantages comparatifs du Viêt Nam Partant des relations qu’a nouées et qu’entretient le Viêt Nam avec certains acteurs de la scène internationale, nombre d’observateurs considèrent qu’on pourrait les analyser comme des « avantages comparatifs » du Viêt Nam, par rapport à d’autres membres de l’ASEAN, permettant au pays de faire entendre sa voix et de consolider sa position dans les affaires régionales. Dans cette perspective, l’accent est mis sur les relations entre le Viêt Nam et la Chine, d’une part, et celles entre le Viêt Nam et l’Europe de l’Est, notamment la Russie, d’autre part. Le Viêt Nam est le seul pays de l’Association, de par son histoire ancienne et contemporaine, à avoir des liens particuliers avec ces deux grands acteurs de la scène internationale. L’« ancienneté » dans ces relations pourrait augmenter la capacité vietnamienne d’anticipation des comportements d’acteurs, et pourrait profiter à l’ASEAN, augmentant ainsi le degré d’influence du Viêt Nam sur l’Association. Chine : une exclusivité vietnamienne ? Les échanges multiples entre les membres de l’Association et la Chine, relativisant « l’exclusivité vietnamienne »30, ne donneraient certainement pas du jour au lendemain à ces Etats sud-est asiatiques une connaissance approfondie de l’Empire du Milieu. En outre, cette relation particulière, amicale ou conflictuelle, avec son voisin chinois est entretenue dans les négociations sur les contentieux qui restent encore à régler. A ce titre, « l’achèvement du bornage des frontières en février 2009 est un événement historique important dans les relations entre le Vietnam et la Chine», a affirmé le vice-ministre des Affaires étrangères Vu Dung. En outre, la continuité et l’intensité des échanges entre les Partis communistes vietnamien et chinois jouent, dans une certaine mesure, un rôle structurant et stabilisant dans les relations entre les deux Etats : les visites de hauts dignitaires ne faiblissent d’ailleurs pas. Europe de l’est et Russie. Même constat, moins émotionnel, avec l’Europe de l’Est que l’ASEAN commence à mieux connaître grâce au processus ASEM. Ici aussi, le Viêt Nam, ancien membre du bloc socialiste, a déjà acquis un certain savoir-faire. La Russie qui, elle seule, ne saurait prendre le relais de l’URSS dans tous les domaines de coopération avec le Viêt Nam, définit pourtant un cadre relationnel global, en concluant avec cet Etat du Sud-Est asiatique un partenariat stratégique en 2001. Les avantages de ces relations bilatérales pourraient mettre en valeur la position vietnamienne dans l’ouverture de l’ASEAN vers l’extérieur. Diversification et multilatéralisation de la diplomatie vietnamienne Parallèlement, le Viêt Nam essaye de trouver dans la diversification et la multilatéralisation de ses relations extérieures un moyen de rééquilibrer ses rapports avec l’ASEAN, dont chaque membre a ses propres préférences d’ordre de politique étrangère, et d’augmenter sa marge lorsqu’un conflit d’intérêt risque de s’ouvrir entre l’Association et l’extérieur. L’ambition de Hanoi est d’apparaître comme un élément médiateur et régulateur reconnu. Les relations avec les Etats-Unis tiennent un rôle important dans la politique étrangère vietnamienne : l’objectif est l’apaisement « constructif » après le traumatisme de la guerre. La poursuite de la « normalisation » des relations avec cette puissance s’est concrétisée au tournant des années 2000, non seulement par l’affichage de la volonté du régime vietnamien de promouvoir l’Etat de 30 Entretiens à Singapour en septembre 2003. 7 droit et d’apaiser les tensions bilatérales sur les questions sensibles comme les droits de l’homme et la démocratie, mais aussi par l’intensification des rencontres de haut rang. En 2009, les Etats-Unis sont un partenaire commercial de premier plan pour le Viêt Nam : 20 % de leur production y sont exportés et jusqu’à 60 % de la production textile (2008). Les relations militaires bilatérales ont réellement décollé en novembre 2003 avec la visite du ministre de la défense Phom Văn Trà. Quelques mois plus tard, en 2005, le premier ministre Phan Văn Khoi était en visite aux EtatsUnis. Fin 2006, en marge du sommet de l’APEC à Hanoi, George W. Bush, accompagné d’un millier d’hommes d’affaires et politiques, était en visite d’Etat au Viêt Nam, inaugurant une vague d’investissements américains massifs. Le projet d’investissement de Intel d’un montant d’un milliard de dollars allait accompagner le Viêt Nam dans ses premiers jours au sein de l’OMC, dont le pays obtenait officiellement le statut de membre en janvier 2007. Dans ses relations avec le Japon, principal allié des EtatsUnis dans la région, le Viêt Nam obtient des résultats également intéressants. En octobre 2006, le jeune Premier ministre Nguyen Tan Dũng était en visite au Japon, devenant ainsi le premier hôte étranger de son homologue Shinzo Abe. Il a également rencontré l’empereur japonais et est intervenu devant les deux chambres du parlement japonais, un honneur réservé seulement une fois par an à un chef d’Etat étranger. C’est une chose rare, car en ce qui concerne les pays asiatiques du Sud-Est, seule la présidente des Philippines Gloria Arroyo a jusqu’alors eu cet honneur. Le resserrement des liens avec l’Inde s’opère intensément au début des années 2000. La coopération se renforce notamment dans le domaine scientifique et technologique. Bilan : La perception différente des membres de l’ASEAN des enjeux internationaux aboutit à une configuration. Cette complexité pourrait affecter la conduite de la politique étrangère du Viêt Nam à plusieurs égards. Les relations que nouent les pays du sud-est asiatiques avec les Etats-Unis dans le combat anti-terroriste et une préférence affichée par des membres à la présence américaine sur le théâtre asiatique pour faire contrepoids à la Chine, compliquent la tâche du Viêt Nam dans ses relations avec la Chine. L’équilibre délicat dans les relations avec les Etats-Unis d’une part et avec la Chine d’autre part, risque à tout moment d’être brisé. Quant à la Chine, elle ne manquerait pas de moyens pour rappeler son voisin vietnamien « à l’ordre » : la coupure de l’aide financière chinoise annoncée à la suite de l’accueil de Taiwan au sommet de l’APEC, organisé à Ha Noi en fin 2006, en est un exemple probant. C. Le bilan mitigé d’une politique menée dans un contexte d’incertitude Des partenaires internationaux à rassurer face aux problèmes internes. Après sept années de « décollage » spectaculaire de l’économie vietnamienne, l’année 2008 a été plus difficile : on a observé un brusque assombrissement de la situation économique du pays dû au mouvement haussier des prix du pétrole conjugué à l’incontrôlable crise alimentaire mondiale, entrainant une inflation à deux chiffres. Le montant record des IDE enregistrés en 2008 (plus de 60 milliards de dollars pour l’Asean, dont 8 milliards pour le Vietnam 31) n’a donc rien résolu en soi. Le gouvernement ����������������������������������������������������������������� selon les Statistiques ASEAN « Foreign direct investments net inflow, intra- and extra-ASEAN » http://www.aseansec.org/Stat/ nouvellement restructuré (depuis l’été 2007) n’a guère vu sa tâche facilitée puisqu’il est non seulement en proie à une série de défis socio-économiques tels la lutte contre l’inflation mais doit aussi faire face à des catastrophes et épidémies en tout genre ainsi que des problèmes environnementaux. Le Premier ministre Nguyen Tan Dũng a délivré devant l’Assemblée nationale, au mois de mai 2008, un discours de politique économique ; il en faudrait néanmoins plus pour ramener la confiance. En effet, terre d’accueil d’investissements internationaux connue pour sa stabilité politique, le pays n’en cesse pas pour autant d’être mis en garde, tant par les faiblesses de son administration que par les dysfonctionnements de son mode de gestion. La confiance est également à gagner du côté de la société vietnamienne. A partir des premiers mois de l’année, des grèves importantes, qui ont parfois revêtu un caractère violent assez inhabituel, se sont multipliées dans les zones industrielles, impliquant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de travailleurs qui, en raison de l’inflation, réclamaient des augmentations salariales. Parallèlement, les revendications de nature foncière, même si elles ont été moins commentées dans la presse, n’en sont pas moins importantes en ampleur. A ce titre, les manifestations de catholiques initiées en décembre 2007 ont attiré le plus l’attention de la communauté internationale. La société vietnamienne est donc à la recherche de points de repère et de stabilité. Les Hanoïens n’oublieront sans doute pas de sitôt le mois d’août 2008, marqué non seulement par un remaniement majeur du personnel au commandement de la zone militaire de la capitale32 mais aussi par l’élargissement officiel de Hanoi. La capitale du pays, dont la superficie se voit ainsi quasiment quadruplée avec l’inclusion de Ha Tay (Vinh Phuc) et de quatre autres communes, fait désormais partie des 20 plus grandes capitales du monde ; cet élargissement n’est pas sans poser aux autorités de véritables questions de gestion. Une situation interne qui rend les relations diplomatiques plus délicates. C’est dans ce cadre de configurations nationales délicates que les dirigeants vietnamiens doivent veiller à ce que leurs positions dans les différents dossiers internationaux et leurs relations avec l’extérieur, notamment avec les grands partenaires ne compliquent pas davantage les perspectives de développement et de sécurité nationales. Dans cet esprit, on observera que les visites officielles se sont multipliées en 2008 vers les grandes capitales d’Asie, d’Europe et d’Amérique. Une stratégie diplomatique de maintien des relations à égale distance avec les grandes puissances est donc suivie avec beaucoup de soin. Elle présente l’avantage de ménager les susceptibilités des partenaires : le facteur idéologie est minoré au profit des considérations réalistes du développement. Ainsi, entre tensions d’ordre politique et potentialités économique, les relations extérieures sont délicates à conduire pour les élites vietnamiennes. Qu’il s’agisse des nouvelles affinités tissées avec Washington à l’occasion de la visite du Premier ministre vietnamien aux Table25.pdf 32 Le 28 juillet 2008, le premier ministre Nguyễn Tấn Dũng a signé six décisions portant sur le remaniement du personnel au commandement de la zone militaire de la capitale. Evénement sans précédent, ce changement concerne simultanément les cinq généraux aux plus hauts postes de cet important commandement de l’Armée populaire vietnamienne. 8 Etats-Unis, impulsant également un renforcement de la coopération en matière de défense et de sécurité, que du rapprochement ostensible avec la nouvelle Administration de Barack Obama33 ou des liens entre Hanoi et son voisin chinois, toute opportunité est exploitée. En l’absence d’une stratégie globale à long terme, toute action menée ne reste qu’un simple produit du consensus trouvé entre différentes tendances à un moment précis. On peut remarquer l’existence d’orientations contradictoires en matière de politique étrangère du pays. La prudence des autorités de Hanoi est manifeste. Elle peut s’illustrer par les positions prises par la diplomatie vietnamienne dans différents dossiers internationaux. Ainsi, la noningérence dans les affaires intérieures d’un Etat souverain constituait l’aiguillon essentiel des autorités vietnamiennes durant leur présidence tournante au Conseil de sécurité des Nations Unies au mois de juillet 2008. Resserrement des relations avec la Chine : quelle indépendance ? Face à l’omniprésent facteur chinois dans les différentes configurations relationnelles avec l’extérieur, les autres contacts noués par le Viêt Nam peuvent apparaître comme des « coups d’épée dans l’eau »34. Coopération militaire. Qu’il s’agisse de l’acquisition d’armement35, de la modernisation de la marine, de l’accueil en visite des bâtiments de la marine étrangère, des déclarations de coopération en matière de défense et de sécurité, ou encore des partenariats, l’impact de toutes ces manifestations semble nettement amoindri face à l’important resserrement des liens entre les deux armées chinoise et vietnamienne (échange de visites de bâtiments de la marine novembre 2008-juin 2009 conjugué avec des patrouilles communes en mer). Un renforcement des relations bilatérales avec la Chine au détriment des liens avec les autres partenaires. La coopération sino-vietnamienne, réaffirmée à plusieurs reprises, notamment lors de la visite en octobre 2008 du Premier ministre vietnamien à Pékin, est d’autant plus évidente que le Viêt Nam rencontre de multiples difficultés dans ses relations avec d’autres partenaires de taille, que ce soit le Japon, les Etats-Unis ou l’Union européenne pour les dossiers économique et/ou relatifs aux droits de l’homme. L’étroite marge de manœuvre vietnamienne et le rôle de l’histoire. Sur un fond de tensions quasi-permanentes en mer de Chine du Sud, le dossier chinois n’est pas pour autant aisé à gérer. Le houleux débat qui dure publiquement depuis quelques mois à l’Assemblée nationale vietnamienne sur les projets de prospection, 33 Les échanges de visites à plusieurs niveaux sont denses en 2009. Lors de son séjour à Ha Noi en avril peu après l’accrochage au large de Hainan entre les bateaux chinois et l’américain USNS Impeccable, le sénateur John McCain n’a pas hésité à rappeler l’importance des relations de défense et de sécurité entre les deux pays et aussi dans le cadre du partenariat stratégique qu’ont tissé les Etats-Unis avec d’autres Etats d’Asie du Sud-Est. Au moment où le procès en faveur des victimes d’agent orange vietnamiens bat son plein, la toute fraîche décision début juin du président Barack Obama de doubler le montant de l’aide américaine (six millions de dollars) destinée à réparer les dégâts de l’agent orange au Viêt Nam constitue un geste bien significatif. 34 Comme l’a confié au début de cette année un ancien conseiller de Nguyễn Văn Linh, défunt secrétaire général du Parti. 35 Radars Kolchuga d’Ukraine, avions Su-30 de Russie, équipements d’EADS franco-espagnols, etc d’extraction et de transformation de bauxite sur deux sites dans les Hauts Plateaux témoigne de l’extrême étroitesse de la marge de manœuvre que possède le gouvernement de ce pays, plus que jamais tiraillé entre intérêts économico-sécuritaires et protocoles politiques dans ses relations avec la Chine. Composées d’une maind’œuvre vietnamienne mais aussi chinoise, ces deux chantiers attirent, chose inédite, l’attention même des généraux de l’Armée populaire. Pour l’incontournable Võ Nguyên Giáp, ces projets auront « un grand impact sur l’environnement écologique, économique, culturel, social, sécuritaire et de défense, ainsi que sur le développement stable et durable du pays »36, tandis que Đông Sĩ Nguyên, le célèbre commandant de la piste Ho Chi Minh, ne voulait voir en aucun cas « ce point essentiel de la défense nationale » ouvert aux éléments étrangers. L’histoire joue, somme toute, un rôle bien plus important qu’on ne le croit dans tous ces processus vietnamiens d’ouverture sur l’extérieur. C’est donc avec prudence qu’il est nécessaire d’observer les nouveaux signaux. En guise de conclusion L’analyse de la politique étrangère contemporaine du Viêt Nam permet de rendre compte d’une particularité : elle est principalement conçue désormais autour d’un mécanisme de captation de capitaux. La politique étrangère se réduisant, dans une certaine mesure, à une politique de coopération, reste révélatrice de la place considérable occupée par des influences et configurations externes. Tout en poursuivant ses engagements régionaux et internationaux, que ce soit dans le cadre de l’ASEAN, évolutive37, plus institutionnalisée38, et dont le Viêt Nam assurera la présidence tournante en 2010, ou dans la perspective post-OMC, le gouvernement vietnamien devrait encore renforcer l’environnement propice aux investissements en mettant l’accent tant sur les infrastructures, la formation, la qualification, que sur les réformes institutionnelles, la transparence et la lutte contre la corruption. Les défis posés par le développement durable, la pauvreté, les inégalités grandissantes entre les riches et les pauvres, l’écart de développement entre les régions du pays et le changement climatique constituent des enjeux socio-économiques non moins pressants pour le pays qui devrait entrer, d’ici 2011, dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire, et quitter celle des pays à faible revenu (classification Banque mondiale). Les logiques socio-économique et polmitique sont étroitement liées, car les réformes nécessitent d’être menées de façon synchronisée et cohérente. Régulièrement présenté comme l’étoile montante de l’Asie ou comme un tigre prêt à se parer des atours d’un dragon, le Viêt Nam s’est engagé dans une dynamique d’opportunité. Sa politique étrangère, bien qu’ayant une marge de manœuvre nécessairement réduite, témoigne d’une volonté véritable de « renouveau». 36 Troisième lettre adressée le 20 mai 2009 au Bureau politique. 37 Au regard de la décision lors de la conférence ministérielle de l’Association à Phuket en juillet 2009 de créer une commission régionale (davantage pour la promotion que pour la protection) des droits de l’Homme. 38 Depuis l’adoption de la Charte en novembre 2007. 9