Un paysan sans ferme ni terres, ancré sur les bords du lac Léman

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Un paysan sans ferme ni terres, ancré sur les bords du lac Léman
Agriculture paysanne ...des femmes, des hommes, des fermes...
Un paysan sans ferme ni terres, ancré sur les bords du
lac Léman, passionné par l’exercice d’un métier local
et traditionnel : la pêche
Claude est installé sur le port de Thonon, dans sa guérite de
pêcheur, avec sa barque lémanique qui l’emmène chaque jour
relever ses filets et ses nasses pour une récolte aquatique.
Claude Bugnard, pêcheur
professionnel sur le lac Léman
Pour aujourd’hui, oublions la
terre ferme, l’élevage et les
cultures, puisque notre « paysan
du jour » est un « travailleur
d’eau douce », son véhicule
professionnel, un bateau, et son
bâtiment agricole, une guérite
sur le port de Thonon !
Claude me reçoit en début
d’après-midi, alors qu’il a déjà
réalisé une grande partie de sa
journée de travail : parti à 3h du
matin sur le lac, il en est revenu
avec le fruit de sa pêche, l’a
traité (transformé), mis au frais
et commercialisé… Suite à notre entretien, il repartira sur le
lac pour préparer la « récolte »
du lendemain.
Je m’enquiert de son choix de
vie professionnelle…
« La pêche a été l’objet d’une
reconversion il y a 7 ans, me
répond Claude. Je souhaitais un
métier manuel, exercé au grand
air et de manière indépendante.
Je pensais tout d’abord au lac
du Bourget, dont ma famille est
originaire, mais il était moins
difficile de s’installer sur le
Léman, ce que j’ai fait.
L’accès à un local de travail
proche du lac est essentiel
au métier
Comme tout jeune agriculteur
hors cadre familial et non originaire de la région, il faut se faire
sa place, dans un microcosme
local, avec son histoire, ses particularités, ses perspectives...la
plus grande difficulté étant de
trouver un local de travail proche du lac, essentiel pour de
bonnes conditions de travail ».
La guérite de Claude est un
local communal, où il a réalisé
d’importants travaux d’aménagement, notamment dans l’objectif d’accéder à un agrément
sanitaire pour traiter et transformer sa pêche, ce qui lui donne
des débouchés commerciaux
plus intéressants.
Claude m’explique quelques
éléments de réglementation :
« Il n’existe pas de limitations
administratives, de quotas de
pêche. Ce qui est obligatoire,
c’est une licence, appelée aussi
bail de pêche, qui donne un
droit d’accès au lac pour pêcheur professionnel, avec une
limite en nombre d’engins de
pêche, à savoir de filets et de
nasses.
Pour obtenir cette licence, il
faut justifier d’une formation.
En ce qui me concerne, j’ai un
BPREA en pisciculture. En
plus, un système de compagnonnage a été mis en place
depuis peu : on accède à une
licence provisoire en travaillant
pendant 6 mois avec un pêcheur, avant d’avoir un statut
définitif ».
Le statut des pêcheurs, plutôt
ambiguë, se découpe en plusieurs volets : ils sont reconnus
comme agriculteurs pour l’aspect social et commerçants pour
l’aspect fiscal ; quant à l’aspect
réglementaire, ils dépendent du
ministère de l’environnement.
Ils sont obligatoirement adhérents au Syndicat des Pêcheurs
Professionnels, qui permet une
vision collective de la profession, chaque pêcheur respectant
naturellement une zone proche
de son port d’attache, pour les
aspects pratiques.
Mais revenons à nos poissons !
La fera est ma principale
source de revenu
Claude a fait le choix de se spécialiser dans la pêche de la fera,
qui constitue la majeure partie
de son revenu (15 des 20 tonnes
de poissons pêchés en 2011) :
« Les filets dérivants sont placés
en fin d’après-midi, à 4 ou 5
kms du bord, entre deux eaux
avec un système de flotteurs,
car la fera se nourrit de plancton. Puis ils sont relevés le lendemain matin.
Le matériel utilisé n’est pas le
même suivant les différents
poissons et les différents systèmes de pêche ».
Je m’inquiète des populations
et de l’état du lac. Mais Claude
me rassure : « Le milieu aquatique lémanique est plutôt en bon
état écologique, avec des populations de poissons en augmentation, notamment grâce à
l’existence des stations d’épuration régulant le taux de phosphore et à une réglementation
suisse très stricte pour tous les
autres rejets.
Il ne faut pas mettre en péril
la ressource existante
C’est à nous, pêcheurs, de ne
pas mettre en péril la ressource
existante, bien que la pêche soit
de plus en plus efficace. Il est
nécessaire d’adapter l’effort de
pêche aux débouchés et ainsi de
ne pas brader les prix pour nous
garantir un revenu. Sachant que
certaines pratiques ne se font
pas dans cet état d’esprit et tirent les prix vers le bas, et que
la mentalité d’indépendance des
pêcheurs ne permet pas d’imaginer un système coopératif
dans notre métier ».
Le temps de travail de Claude
est, comme la plupart des agriculteurs, très important, avec
une pause en fin d’année, lorsque la saison de pêche de la fera
est fermée (alors que pour la
perche, c’est en mai) et l’une de
ses perspectives est de pouvoir
améliorer ses conditions de travail pour qu’elles soient plus
« confortables ».
Je quitte les bords du lac Léman
avec le plaisir d’avoir récolté les
propos d’un homme passionné
par son métier, et avec quelques
filets de fera sous le bras !
Cathy
Cet article est cofinancé par :
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La pêcherie de Claude
en images
Quelques données
technico-économiques
technico
UTH : 1
SAU : 580 km² d’eau douce à partager
avec la cinquantaine d’autres pêcheurs
français et la centaine de pêcheurs
suisses !
Bâtiments : une guérite sur 2 niveaux,
avec mise aux normes
Cheptel : sauvage, innombrable...
Races : fera (corrégone), perche,
brochet, truite, omble chevalier, lotte,
écrevisse
Alimentation : plancton pour la fera,
les autres poissons étant carnivores
Production : poissons transformés en
filets, parfois fumés
Commercialisation : vente directe sur
place, sur les marchés l’été, aux restaurateurs, aux poissonniers, aux mareilleurs (grossistes)
Matériel : bateau, filets, nasses
(écrevisses et perches), écailleuse et
machine à glace, frigos, tables de
travail.

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