Conséquences des changements climatiques sur les femmes

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Conséquences des changements climatiques sur les femmes
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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS
RMF31
Conséquences des changements
climatiques sur les femmes
l’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement
Bien que les changements climatiques affectent tout être humain,
leurs effets ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour
les femmes.
Les changements climatiques accentuent les
inégalités, renforçant ainsi les différences
entre hommes et femmes quant à leur
vulnérabilité et leur capacité de réponse face
à ces changements. En cas de catastrophe
naturelle, les femmes souffrent ou décèdent
plus souvent que les hommes, pour de
multiples raisons: soit elles n’ont pas été
prévenues de la catastrophe à venir, soit elles
ne savent pas nager, soit encore elles n’ont
pas le droit de quitter leur domicile sans être
accompagnées. Lorsque les femmes pauvres
perdent leurs moyens de subsistance, elles
glissent plus profondément dans la pauvreté ;
en outre, les inégalités et la marginalisation
dont elles sont victimes à cause de leur
sexe sont encore plus prononcées.
Les diverses responsabilités familiales
des femmes les rendent plus vulnérables
au changement environnemental, que les
conséquences des changements climatiques
exacerbent. Elles sont touchées dans leurs
différents rôles familiaux: subvenir aux
besoins alimentaires, veiller sur la santé,
s’occuper des autres et participer aux revenus.
Plus il est difficile d’accéder aux besoins
essentiels et aux ressources naturelles logement, nourriture, terres fertiles, eau et
carburant - plus les femmes ont du travail. La
sécheresse, la déforestation et l’irrégularité
des pluies signifient pour les femmes qu’il
faudra travailler plus durement pour trouver
les ressources nécessaires à la subsistance
de la famille. Dans de telles situations, les
femmes ont moins de temps pour occuper un
emploi rémunéré, poursuivre leur éducation
ou une formation, ou encore s’investir
dans des organes administratifs. Les filles
abandonnent souvent l’école afin d’aider leur
mère à aller chercher du bois ou de l’eau.
Les conflits nés du manque de ressources
naturelles accentuent les inégalités entre
hommes et femmes, alors que la réinstallation
des personnes a de graves conséquences
pour les réseaux de soutien social et les liens
familiaux - des mécanismes qui sont cruciaux
pour les femmes et pour leur capacité à faire
face aux difficultés. Les femmes peuvent
toutefois devenir des agents du changement
et ainsi contribuer aux stratégies d’adaptation
des moyens de subsistance; en outre, les
catastrophes naturelles peuvent offrir aux
femmes une opportunité unique de remettre en
question et de changer leur statut au sein de la
société. Les stratégies locales d’adaptation aux
changements climatiques offrent des leçons
de grande valeur. Plusieurs études dans des
régions où les inondations posent de nombreux
problèmes ont mis en lumière les différents
mécanismes et stratégies de réponse et
d’adaptation utilisés par les femmes, tels que :
■■ se déplacer vers des lieux plus sûrs :
vers des régions plus élevées, construire
des abris temporaires, rehausser le
seuil de leur logement, et migrer
■■ sauver leur capital : essayer de
conserver les graines et de déplacer
bétail et autres animaux vers des
lieux de plus haute altitude
■■ adapter leur alimentation :
sauter des repas ou manger de la
nourriture non traditionnelle
■■ conserver la nourriture afin de la
consommer en temps plus difficiles
■■ économiser de l’énergie : utiliser
des technologies associées aux
énergies alternatives
■■ adapter les pratiques agricoles : par
exemple, cultiver des variétés de
plantes qui résistent à la sécheresse ou
aux inondations, pratiquer la culture
séquentielle ou la culture intercalée, utiliser
de nouvelles méthodes d’irrigation, cultiver
des aliments qui se vendent plus facilement
ou faire l’élevage d’animaux différents (au
Bangladesh : canards au lieu de volailles)
■■ gagner de l’argent ou économiser :
travailler en tant qu’ouvrière agricole,
emprunter de l’argent auprès de créanciers,
économiser une partie de ses revenus,
ou vendre du bétail ou de la volaille
■■ s’organiser et agir collectivement : par
exemple, établir des groupes et des
réseaux d’entraide communautaire,
mettre en commun les économies ou
créer un système de travail en groupes.
L’environnement politique n’a pas encore
intégré les différences entre hommes
et femmes quant à la vulnérabilité et
la capacité d’adaptation. Les questions
environnementales, y compris les politiques,
lois et programmes, ne sont pas adaptés aux
besoins différents des hommes et des femmes.
Alors qu’il existe de nombreuses preuves
du lien direct entre les relations hommesfemmes et les conséquences des changements
climatiques ou l’adaptation à ceux-ci, la
participation des femmes aux structures et
aux processus décisionnaires reste trop faible.
Les débats, processus et mécanismes liés aux
changements climatiques au niveau national
adoptent rarement une stratégie efficace pour
les hommes et les femmes, et l’on voit toujours
très peu d’exemples de stratégies d’adaptation
financées par des programmes bilatéraux et
multilatéraux qui soient ciblées sur les femmes.
L’occasion unique de faire évoluer les rôles
féminins traditionnels qui se présente lors
des catastrophes est ainsi souvent ratée.
Il est possible d’évaluer plus largement
la vulnérabilité des femmes face aux
changements climatiques grâce aux
Programmes nationaux d’action pour
l’adaptation aux changements climatiques
(PANA)1 et en évaluant le degré de
vulnérabilité face aux risques naturels. De
nombreux PANA mettent l’accent sur la
vulnérabilité des femmes et l’importance de
l’égalité des sexes en général. Cependant, peu
d’entre eux décrivent comment les femmes
sont touchées par les changements climatiques,
et encore moins comment les transformer en
instigatrices et actrices du changement. Les
activités prioritaires de nombreux PANA
ne comprennent aucune femme parmi
leurs contributeurs et groupes cibles.
Alors que les PANA prennent en compte la
question de la différence des sexes, il reste
encore beaucoup de travail à effectuer afin
de généraliser cette démarche au sein des
politiques sur les changements climatiques.
Pour atteindre ce but, les objectifs du
Millénaire pour le développement (OMD)2
et les stratégies de réduction de la pauvreté
(SRP)3 pourraient être utilisés comme
documents de référence. Les groupes issus
de la société civile jouent un rôle important
dans la mobilisation et l’action en soutien
aux groupes marginalisés et dans la prise en
compte des questions de justice et d’égalité;
ainsi jouent-ils un rôle prépondérant pour
renforcer la réactivité selon les sexes face
aux changements climatiques, améliorant
en même temps la sécurité humaine.
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LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS
La distribution inégale des conséquences
des changements climatiques pourrait être
améliorée, grâce à une plus grande inclusion
des femmes et l’adoption d’une démarche
prenant en compte la différence des sexes
en ce qui concerne l’adaptation et la prise de
décision face aux changements climatiques.
En outre, une plus grande inclusion
permettrait de prendre de meilleures
décisions, réduisant ainsi les conséquences
néfastes pour la communauté entière et
renforçant en outre la sécurité humaine.
Cet article est tiré de Gender, Climate
Change and Human Security (« Sexe,
changements climatiques et sécurité
humaine »), un rapport publié en 2008
par l’Organisation des femmes pour
l’environnement et le développement
(WEDO www.wedo.org), en association
avec ABANTU pour le développement
(www.abantu-rowa.org) au Ghana,
ActionAid au Bangladesh (www.actionaid.
org/bangladesh/) et ENDA (www.enda.
sn) au Sénégal. Auteurs: Irene Dankelman,
Khurshid Alam, Wahida Bashar Ahmed,
Yacine Diagne Gueye, Naureen Fatema et
Rose Mensah-Kutin. Le rapport complet
est disponible en ligne, sur www.wedo.
org/library.aspx?ResourceID=269
Pour accéder à de plus amples ressources sur
la question de la différence des sexes face aux
changements et catastrophes climatiques,
veuillez consulter le Gender and Disaster
Network en ligne, sur : www.gdnonline.org.
1. http://unfccc.int/national_reports/napa/items/2719,php
2. www.un.org/millenniumgoals/
3. www.imf.org/external/NP/prsp/prsp.asp
Communiquer les changements de risques
Maarten van Aalst
Les communications sur les changements climatiques sont
cruciales pour aider à la gestion efficace des risques en cas
de catastrophes.
Les changements climatiques augmentent
les risques de catastrophes, en particulier
pour les personnes les plus vulnérables.
Plutôt que lancer de nouveaux programmes
en réponse spécifique à ces nouveaux
risques, le défi est de les intégrer à notre
travail humanitaire. La communauté
internationale doit comprendre et accepter
que les démarches traditionnelles en
réponse aux catastrophes ne sont plus
d’actualité. En collaboration avec les
personnes les plus exposées, les acteurs
humanitaires œuvrent d’ores et déjà à se
préparer, à réduire les risques et à apporter
une réponse aux dangers naturels. Face
aux changements climatiques, nous
devons simplement faire plus encore, et
de manière plus intelligente, en passant
de la phase de réponse au risque à celle
de l’éducation au risque, et en tirant parti
des informations climatiques pertinentes.
Les solutions peuvent se trouver dans des
systèmes d’alerte rapide, dans des logements
capables de résister aux tempêtes ou dans
des moissons pouvant survivre dans des
sols rendus salins par l’infiltration due
à la montée du niveau des mers ou des
inondations côtières. Ou dans des mesures
courantes : enseigner aux enfants comment
se comporter en cas d’urgence, les plans
d’évacuation, les équipes d’action, les sorties
de secours, les calendriers des catastrophes,
planter des arbres sur les collines et en
bordure de mer pour contrer les glissements
de terrains et les ondes de tempête.
En vérité, bon nombres de ces stratégies
d’adaptation aux changements climatiques
sont indiscernables de la gestion des risques
conventionnelle. La différence essentielle
ne réside pas dans les résultats mais dans
le processus ; dans un climat en perpétuel
changement, nous devons réévaluer
les types de risques, et communiquer
pour répondre à ces changements dans
les risques plutôt que nous préparer
contre des catastrophes telles que nous
avons connues par le passé, ou encore
d’attendre avant de répondre au nombre
croissant régulièrement de catastrophes.
Des travaux innovants de la part de la
Croix-Rouge samoane ont montré que
l’adaptation aux changements climatiques
dans le Pacifique ne consiste pas seulement
à construire des digues très coûteuses. Le
processus commence avec la communication
interne, la réévaluation des priorités et aussi
en repensant les stratégies et les démarches.
Lorsqu’il a entrepris de répondre à cette
question, Maka Sapolu, responsable de la
Croix-Rouge Samoane pour la préparation
aux changements climatiques et aux
catastrophes, a animé des ateliers avec son
personnel et des volontaires sur les deux
îles principales de Samoa. Ils ont discuté de
la nature des changements climatiques, de
leur signification pour leurs populations, et
de quelle manière la Croix-Rouge pourrait
les aider à y faire face. Ils se sont ensuite
réunis avec les leaders communautaires et
le gouvernement afin d’établir comment
les changements climatiques peuvent être
intégrés à la gestion des catastrophes. Le
processus a créé de nouveaux contacts
avec le Département de Météorologie,
de Santé Environnementale, le Bureau
National de Gestion des catastrophes, les
Services des Eaux et les ONG. Des objets
de préoccupation communs ont été vite
établis, les pénuries croissantes d’eau, par
exemple. Samoa détient des statistiques
météorologiques parmi les plus anciennes
au Pacifique et celles-ci indiquent une
montée régulière des températures,
ainsi qu’un déclin des chutes de pluie.
Les entretiens dans la communauté ont
aussi confirmé que la pénurie d’eau
était devenue une question importante,
et les départements gouvernementaux
en ont fait une priorité-clé.
L’une des étapes les plus pratiques de la
société Nationale de la Croix-Rouge a été
d’aider à l’interprétation des informations et
des alertes météorologiques. Pratiquement
chaque village da Samoa a des termes
différents pour le nord, le sud, l’est et
l’ouest, ce qui rend problématique le
déclenchement d’alertes ou la direction
des populations vers les abris en cas
d’urgence. La Croix-Rouge samoane
aide désormais à l’interprétation des
informations et des alertes météorologiques.
La Croix-Rouge samoane a organisé
une représentation dramatique,
des spectacles de marionnettes et
des concours d’affiches dans les
écoles, incorporant les changements
climatiques et la réduction des
risques en cas de catastrophe.
D’autres sociétés de la Croix-Rouge
ont aussi organisé des concours
d’affiches dans les îles Salomon
et Tuvalu dans le Pacifique.
Les progrès scientifiques et technologiques
récents ont causé une croissance
remarquable dans le développement
des prévisions, ce qui peut contribuer
à la réduction de l’impact négatif
des conditions attendues. Avec des
prédictions allant de prévisions
saisonnières de moussons importantes,
aux changements dans les chutes de
pluie dus aux changements climatiques,
l’humanité fait face à deux nouveaux
défis : non seulement à se préparer pour
les conditions climatiques prévisibles,
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