Conséquences des changements climatiques sur les femmes
Transcription
Conséquences des changements climatiques sur les femmes
56 LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS RMF31 Conséquences des changements climatiques sur les femmes l’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement Bien que les changements climatiques affectent tout être humain, leurs effets ne sont pas les mêmes pour les hommes et pour les femmes. Les changements climatiques accentuent les inégalités, renforçant ainsi les différences entre hommes et femmes quant à leur vulnérabilité et leur capacité de réponse face à ces changements. En cas de catastrophe naturelle, les femmes souffrent ou décèdent plus souvent que les hommes, pour de multiples raisons: soit elles n’ont pas été prévenues de la catastrophe à venir, soit elles ne savent pas nager, soit encore elles n’ont pas le droit de quitter leur domicile sans être accompagnées. Lorsque les femmes pauvres perdent leurs moyens de subsistance, elles glissent plus profondément dans la pauvreté ; en outre, les inégalités et la marginalisation dont elles sont victimes à cause de leur sexe sont encore plus prononcées. Les diverses responsabilités familiales des femmes les rendent plus vulnérables au changement environnemental, que les conséquences des changements climatiques exacerbent. Elles sont touchées dans leurs différents rôles familiaux: subvenir aux besoins alimentaires, veiller sur la santé, s’occuper des autres et participer aux revenus. Plus il est difficile d’accéder aux besoins essentiels et aux ressources naturelles logement, nourriture, terres fertiles, eau et carburant - plus les femmes ont du travail. La sécheresse, la déforestation et l’irrégularité des pluies signifient pour les femmes qu’il faudra travailler plus durement pour trouver les ressources nécessaires à la subsistance de la famille. Dans de telles situations, les femmes ont moins de temps pour occuper un emploi rémunéré, poursuivre leur éducation ou une formation, ou encore s’investir dans des organes administratifs. Les filles abandonnent souvent l’école afin d’aider leur mère à aller chercher du bois ou de l’eau. Les conflits nés du manque de ressources naturelles accentuent les inégalités entre hommes et femmes, alors que la réinstallation des personnes a de graves conséquences pour les réseaux de soutien social et les liens familiaux - des mécanismes qui sont cruciaux pour les femmes et pour leur capacité à faire face aux difficultés. Les femmes peuvent toutefois devenir des agents du changement et ainsi contribuer aux stratégies d’adaptation des moyens de subsistance; en outre, les catastrophes naturelles peuvent offrir aux femmes une opportunité unique de remettre en question et de changer leur statut au sein de la société. Les stratégies locales d’adaptation aux changements climatiques offrent des leçons de grande valeur. Plusieurs études dans des régions où les inondations posent de nombreux problèmes ont mis en lumière les différents mécanismes et stratégies de réponse et d’adaptation utilisés par les femmes, tels que : ■■ se déplacer vers des lieux plus sûrs : vers des régions plus élevées, construire des abris temporaires, rehausser le seuil de leur logement, et migrer ■■ sauver leur capital : essayer de conserver les graines et de déplacer bétail et autres animaux vers des lieux de plus haute altitude ■■ adapter leur alimentation : sauter des repas ou manger de la nourriture non traditionnelle ■■ conserver la nourriture afin de la consommer en temps plus difficiles ■■ économiser de l’énergie : utiliser des technologies associées aux énergies alternatives ■■ adapter les pratiques agricoles : par exemple, cultiver des variétés de plantes qui résistent à la sécheresse ou aux inondations, pratiquer la culture séquentielle ou la culture intercalée, utiliser de nouvelles méthodes d’irrigation, cultiver des aliments qui se vendent plus facilement ou faire l’élevage d’animaux différents (au Bangladesh : canards au lieu de volailles) ■■ gagner de l’argent ou économiser : travailler en tant qu’ouvrière agricole, emprunter de l’argent auprès de créanciers, économiser une partie de ses revenus, ou vendre du bétail ou de la volaille ■■ s’organiser et agir collectivement : par exemple, établir des groupes et des réseaux d’entraide communautaire, mettre en commun les économies ou créer un système de travail en groupes. L’environnement politique n’a pas encore intégré les différences entre hommes et femmes quant à la vulnérabilité et la capacité d’adaptation. Les questions environnementales, y compris les politiques, lois et programmes, ne sont pas adaptés aux besoins différents des hommes et des femmes. Alors qu’il existe de nombreuses preuves du lien direct entre les relations hommesfemmes et les conséquences des changements climatiques ou l’adaptation à ceux-ci, la participation des femmes aux structures et aux processus décisionnaires reste trop faible. Les débats, processus et mécanismes liés aux changements climatiques au niveau national adoptent rarement une stratégie efficace pour les hommes et les femmes, et l’on voit toujours très peu d’exemples de stratégies d’adaptation financées par des programmes bilatéraux et multilatéraux qui soient ciblées sur les femmes. L’occasion unique de faire évoluer les rôles féminins traditionnels qui se présente lors des catastrophes est ainsi souvent ratée. Il est possible d’évaluer plus largement la vulnérabilité des femmes face aux changements climatiques grâce aux Programmes nationaux d’action pour l’adaptation aux changements climatiques (PANA)1 et en évaluant le degré de vulnérabilité face aux risques naturels. De nombreux PANA mettent l’accent sur la vulnérabilité des femmes et l’importance de l’égalité des sexes en général. Cependant, peu d’entre eux décrivent comment les femmes sont touchées par les changements climatiques, et encore moins comment les transformer en instigatrices et actrices du changement. Les activités prioritaires de nombreux PANA ne comprennent aucune femme parmi leurs contributeurs et groupes cibles. Alors que les PANA prennent en compte la question de la différence des sexes, il reste encore beaucoup de travail à effectuer afin de généraliser cette démarche au sein des politiques sur les changements climatiques. Pour atteindre ce but, les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)2 et les stratégies de réduction de la pauvreté (SRP)3 pourraient être utilisés comme documents de référence. Les groupes issus de la société civile jouent un rôle important dans la mobilisation et l’action en soutien aux groupes marginalisés et dans la prise en compte des questions de justice et d’égalité; ainsi jouent-ils un rôle prépondérant pour renforcer la réactivité selon les sexes face aux changements climatiques, améliorant en même temps la sécurité humaine. RMF31 LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET LES DÉPLACEMENTS La distribution inégale des conséquences des changements climatiques pourrait être améliorée, grâce à une plus grande inclusion des femmes et l’adoption d’une démarche prenant en compte la différence des sexes en ce qui concerne l’adaptation et la prise de décision face aux changements climatiques. En outre, une plus grande inclusion permettrait de prendre de meilleures décisions, réduisant ainsi les conséquences néfastes pour la communauté entière et renforçant en outre la sécurité humaine. Cet article est tiré de Gender, Climate Change and Human Security (« Sexe, changements climatiques et sécurité humaine »), un rapport publié en 2008 par l’Organisation des femmes pour l’environnement et le développement (WEDO www.wedo.org), en association avec ABANTU pour le développement (www.abantu-rowa.org) au Ghana, ActionAid au Bangladesh (www.actionaid. org/bangladesh/) et ENDA (www.enda. sn) au Sénégal. Auteurs: Irene Dankelman, Khurshid Alam, Wahida Bashar Ahmed, Yacine Diagne Gueye, Naureen Fatema et Rose Mensah-Kutin. Le rapport complet est disponible en ligne, sur www.wedo. org/library.aspx?ResourceID=269 Pour accéder à de plus amples ressources sur la question de la différence des sexes face aux changements et catastrophes climatiques, veuillez consulter le Gender and Disaster Network en ligne, sur : www.gdnonline.org. 1. http://unfccc.int/national_reports/napa/items/2719,php 2. www.un.org/millenniumgoals/ 3. www.imf.org/external/NP/prsp/prsp.asp Communiquer les changements de risques Maarten van Aalst Les communications sur les changements climatiques sont cruciales pour aider à la gestion efficace des risques en cas de catastrophes. Les changements climatiques augmentent les risques de catastrophes, en particulier pour les personnes les plus vulnérables. Plutôt que lancer de nouveaux programmes en réponse spécifique à ces nouveaux risques, le défi est de les intégrer à notre travail humanitaire. La communauté internationale doit comprendre et accepter que les démarches traditionnelles en réponse aux catastrophes ne sont plus d’actualité. En collaboration avec les personnes les plus exposées, les acteurs humanitaires œuvrent d’ores et déjà à se préparer, à réduire les risques et à apporter une réponse aux dangers naturels. Face aux changements climatiques, nous devons simplement faire plus encore, et de manière plus intelligente, en passant de la phase de réponse au risque à celle de l’éducation au risque, et en tirant parti des informations climatiques pertinentes. Les solutions peuvent se trouver dans des systèmes d’alerte rapide, dans des logements capables de résister aux tempêtes ou dans des moissons pouvant survivre dans des sols rendus salins par l’infiltration due à la montée du niveau des mers ou des inondations côtières. Ou dans des mesures courantes : enseigner aux enfants comment se comporter en cas d’urgence, les plans d’évacuation, les équipes d’action, les sorties de secours, les calendriers des catastrophes, planter des arbres sur les collines et en bordure de mer pour contrer les glissements de terrains et les ondes de tempête. En vérité, bon nombres de ces stratégies d’adaptation aux changements climatiques sont indiscernables de la gestion des risques conventionnelle. La différence essentielle ne réside pas dans les résultats mais dans le processus ; dans un climat en perpétuel changement, nous devons réévaluer les types de risques, et communiquer pour répondre à ces changements dans les risques plutôt que nous préparer contre des catastrophes telles que nous avons connues par le passé, ou encore d’attendre avant de répondre au nombre croissant régulièrement de catastrophes. Des travaux innovants de la part de la Croix-Rouge samoane ont montré que l’adaptation aux changements climatiques dans le Pacifique ne consiste pas seulement à construire des digues très coûteuses. Le processus commence avec la communication interne, la réévaluation des priorités et aussi en repensant les stratégies et les démarches. Lorsqu’il a entrepris de répondre à cette question, Maka Sapolu, responsable de la Croix-Rouge Samoane pour la préparation aux changements climatiques et aux catastrophes, a animé des ateliers avec son personnel et des volontaires sur les deux îles principales de Samoa. Ils ont discuté de la nature des changements climatiques, de leur signification pour leurs populations, et de quelle manière la Croix-Rouge pourrait les aider à y faire face. Ils se sont ensuite réunis avec les leaders communautaires et le gouvernement afin d’établir comment les changements climatiques peuvent être intégrés à la gestion des catastrophes. Le processus a créé de nouveaux contacts avec le Département de Météorologie, de Santé Environnementale, le Bureau National de Gestion des catastrophes, les Services des Eaux et les ONG. Des objets de préoccupation communs ont été vite établis, les pénuries croissantes d’eau, par exemple. Samoa détient des statistiques météorologiques parmi les plus anciennes au Pacifique et celles-ci indiquent une montée régulière des températures, ainsi qu’un déclin des chutes de pluie. Les entretiens dans la communauté ont aussi confirmé que la pénurie d’eau était devenue une question importante, et les départements gouvernementaux en ont fait une priorité-clé. L’une des étapes les plus pratiques de la société Nationale de la Croix-Rouge a été d’aider à l’interprétation des informations et des alertes météorologiques. Pratiquement chaque village da Samoa a des termes différents pour le nord, le sud, l’est et l’ouest, ce qui rend problématique le déclenchement d’alertes ou la direction des populations vers les abris en cas d’urgence. La Croix-Rouge samoane aide désormais à l’interprétation des informations et des alertes météorologiques. La Croix-Rouge samoane a organisé une représentation dramatique, des spectacles de marionnettes et des concours d’affiches dans les écoles, incorporant les changements climatiques et la réduction des risques en cas de catastrophe. D’autres sociétés de la Croix-Rouge ont aussi organisé des concours d’affiches dans les îles Salomon et Tuvalu dans le Pacifique. Les progrès scientifiques et technologiques récents ont causé une croissance remarquable dans le développement des prévisions, ce qui peut contribuer à la réduction de l’impact négatif des conditions attendues. Avec des prédictions allant de prévisions saisonnières de moussons importantes, aux changements dans les chutes de pluie dus aux changements climatiques, l’humanité fait face à deux nouveaux défis : non seulement à se préparer pour les conditions climatiques prévisibles, 57