TRAVAIL FORCÉ : LE TÉMOIGNAGE DE TROIS JEUNES INDIENS

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TRAVAIL FORCÉ : LE TÉMOIGNAGE DE TROIS JEUNES INDIENS
Interview - 08 Lio et Sinclair, membres du jury de Nouvelle Star
N° 2 511
0,48 €
ISSN 1288 - 6939
JEUDI 21 FÉVRIER 2008
J. Tissot
DÈS 14 ANS - L’ ACTUALITÉ EN 10 MINUTES PAR JOUR > SAUF DIMANCHE ET LUNDI
Événement - 02-03
TRAVAIL FORCÉ : LE TÉMOIGNAGE
DE TROIS JEUNES INDIENS
France - 04-05
Neuf policiers se sont suicidés depuis début 2008
Monde - 06-07
Cuba : après 49 ans au pouvoir, Fidel Castro se retire
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> CONTEXTE
Participe au prix Clara : http://www.playbacpresse.fr/page.9.enfants.php
L’Onu estime qu’en
Inde, le travail des
enfants représente 20 %
de la richesse du pays.
1
À New Delhi, des enfants
sont exploités au profit de
l’artisanat local et de
marques de vêtements.
C’était le cas d’un
atelier employant des
enfants pour GapKids.
Suite à une enquête
2
ÉVÉNEMENT 03
Le blog du rédacteur en chef : http://blogdurec.lactu.com
du journal britannique
The Observer, la police
et une ONG indienne
ont libéré récemment
ces mineurs, parfois
âgés de 10 ans. L’actu
a rencontré quelques-uns
de ces enfants.
Gap s’est dédouané de
toute responsabilité :
son fournisseur indien,
qui avait fait appel à un
sous-traitant non autorisé,
a été exclu. Les chemises
brodées de perles n’ont
pas été mises en vente.
3
> CHIFFRES
Opération sauvetage
d’enfants exploités
CLÉS
60
millions
Une ONG organise, avec la police indienne, des descentes
dans des usines employant illégalement des enfants.
D
13 heures par jour
à broder des chemises
Ils ont travaillé dans un atelier de broderie à New Delhi.
Trois Indiens âgés de 10, 13 et 14 ans témoignent.
LES FAITS
l y a quelques semaines,
75 enfants indiens ont
été évacués de l’usine de
broderie dans laquelle
ils travaillaient, à New
Delhi (Inde). L’actu les a rencontrés au Mukti Ashram, où
une ONG les prend en charge
avant leur retour chez eux.
Mohammed, Akbar, Sufian et
les autres viennent du Bihar.
I
ILS ONT DIT
• Akbar, 14 ans : « J’ai quitté
mon village il y a trois ans.
Jeudi 21 février 2008
actu2511_2_3.indd 2-3
Mon grand frère m’a emmené
dans une usine de broderie à
New Delhi. On travaillait de
8 h à 22 h, avec une seule
pause pour le déjeuner. On
dormait et mangeait dans
l’atelier. Le dimanche, on était
autorisés à faire un tour
dehors. Mais on était parfois
obligés de travailler, quand il
y avait une grosse commande.
La première année, on est
apprenti. On touche 50 roupies [ndlr : 0,85 euro] par
semaine. Au bout d’un an, je
gagnais 1 000 roupies par
mois, puis 1 500. Mon frère
envoyait l’argent à mes
parents. Je ne sais pas pour
qui on travaillait. Après plusieurs heures de travail, nos
yeux pleuraient. Un jour, mon
œil s’est infecté. Si l’un de
nous ne pouvait plus travailler,
il ne voyait pas de docteur. Il
était renvoyé. »
• Mohammed, 10 ans : « L’année dernière, un monsieur est
venu dans mon village. Il a dit
à mon père qu’à New Delhi, je
pourrais gagner de l’argent
pour faire vivre ma famille.
Mon père n’a pas de travail
régulier. Il m’a donné au monsieur. Je n’avais pas d’ami à
l’atelier. J’étais le plus …
« APRÈS DES HEURES DE TRAVAIL, NOS YEUX PLEURAIENT.
UN JOUR, MON ŒIL S’EST INFECTÉ… » AKBAR, 14 ANS
> UNIQUEMENT PAR ABONNEMENT
Avant de rentrer chez eux, les
enfants passent quelques
semaines au Mukti Ashram.
Ils y sont soignés, habillés et
nourris.
ENFANTS ILLETTRÉS
Le travail des enfants est un
cercle vicieux. « Les enfants
travaillent parce qu’ils sont
pauvres et ils sont pauvres
d’enfants de
moins de 14 ans
travailleraient
parce qu’ils travaillent, poursuit Bhuwan Ribhu. Un enfant
prend l’emploi d’un adulte,
mais il est moins bien payé
que lui. Et à 16 ans, il est mis
à la porte par l’employeur, qui
prend un nouvel apprenti peu
ou pas rémunéré. L’adolescent
devient alors un jeune adulte
au chômage, illettré et sans
J. Tissot
formation. »
en Inde : vendeurs de
journaux, ramasseurs
de poubelles, marchands
ambulants, employés
de maison, ouvriers dans
des usines, petites mains
dans des restaurants…
L’Inde détient le record
du monde du plus
grand nombre d’enfants
au travail.
75 788
enfants-esclaves
ont été libérés
par l’ONG
J. Tissot
epuis 27 ans, l’ONG
indienne Bachpan
Bachao Andolan (Sauvez l’enfance) se bat pour libérer les enfants exploités. « Des
parents d’enfants disparus
nous alertent. Des gens nous
informent qu’une usine abrite
des enfants. Ensuite, nous
enquêtons et organisons des
opérations de sauvetage avec
la police, explique Bhuwan
Ribhu, un des leaders de cette
ONG. On essaie de ramener
les enfants chez eux, mais ce
n’est pas toujours possible.
Parfois, ils ont quitté leur village à 6 ans. Cinq ans plus
tard, ils ont oublié d’où ils
venaient. » Pour lutter contre
le travail des enfants, il faut
aider les familles. « L’État
donne 20 000 roupies [ndlr :
350 euros] aux parents de
chaque enfant libéré, afin de
les aider à acheter un lopin
de terre ou quelques vaches. »
indienne Bachpan
Bachao Andolan (Sauvez
l’enfance) en 27 ans.
Ici, des jeunes libérés par l’association Sauvez l’enfance.
10 à 35
… jeune et encore apprenti.
En un an, je n’ai parlé que
deux fois à mes parents au
téléphone. »
• Sufian, 13 ans : « J’ai trois
frères et deux sœurs. Ma
famille est très pauvre. Je ne
sais ni lire ni écrire. J’avais
10 ans à mon arrivée à l’atelier. Je suis content de rentrer
chez moi. Avec les 20 000 roupies du gouvernement (lire
ci-dessus), mes parents pourront ouvrir un petit magasin.
Moi, je vais aller à l’école. »
Juliette Tissot (à New Delhi)
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> MOTS CLÉS
Ashram
Refuge. Dans l’Inde ancienne, des ermites vivaient dans
des ashrams dans la montagne ou la forêt, loin de l’agitation du monde. Aujourd’hui
encore, il y a de nombreux
ashrams en Inde. On peut y
faire des retraites, méditer
et pratiquer le yoga.
Bihar
Région du nord-est de l’Inde,
l’une des plus pauvres.
ONG
Organisation Non Gouvernementale. Indépendante de
l’État, elle défend une cause :
droits de l’homme, environnement…
Sous-traitant
Entreprise à qui une autre
a confié l’exécution d’un travail. Elle l’effectuera dans
ses locaux, avec son propre
personnel et sous sa propre
responsabilité.
euros sont versés
aux parents par
un employeur
pour acheter un enfant
et le faire travailler, en
Inde (source : Bachpan
Bachao Andolan).
> LE SAVIEZ-VOUS ?
Quelle est la proportion
d’Indiens de moins
de 15 ans dans la
population ?
32,5 %.
02 ÉVÉNEMENT
Jeudi 21 février 2008
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