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Lettre circulaire no 6 : août 2009 La Grisi Siknis : « la folle maladie » des miskitos.... Les Miskitos sont une population d'Amérique centrale, vivant sur la côte Est du Nicaragua et au Sud du Honduras. Ils seraient actuellement au nombre de 150'000 à 200'000 .Ils sont issus d'un métissage entre les indigènes Bawihka du Nord du Nicaragua et les esclaves africains échappés des territoires britanniques des Caraïbes. La grisi siknis (« folle maladie » en miskito) est une maladie qui serait due à un virus, qui jusqu'à récemment apparaissait uniquement chez les Miskitos et qui affecte principalement les jeunes femmes célibataires. En rouge, région où vivent les miskito, Internet, Wikipedia Selon les croyances des Miskitos cette maladie mentale est liée à la « possession » par un esprit maléfique qu'ils se doivent d'exorciser. C'est un rituel syncrétique entre l'animisme et la religion chrétienne ( ils ont été évangélisés par les Moraves au XIXème siècle). Depuis quelques années, des cas de cette maladie ont également été détectés chez des descendants d'espagnols. Les symptômes de la maladie peuvent varier d'une personne à l'autre, mais il y a certains traits caractéristiques : Ce sont généralement des adolescentes âgées de 15 et 18 ans qui sont possédées (les cas de maladie chez les personnes plus âgées sont beaucoup plus rares). La « possession » est précédée par de longues périodes d'anxiété, de peurs irrationnelles et de colères, de nausées, de maux de tête, de difficultés respiratoires, d’ hystérie, et d’ états frénétiques. Puis vient la « possession » qui est généralement très violente (il peut d'ailleurs y avoir plusieurs possessions lors de la même journée). Lorsque ces personnes sont en transe, leurs forces sont décuplées. Elles sont capables de soulever des poids bien supérieurs à la normale. Les possédées vont s'évanouir en étant proches d’un état comateux, tomber sur le sol avec des convulsions, puis, par intermittence, se mettre à 1 Lettre circulaire no 6 : août 2009 courir dans tous les sens1., comme le raconte cette mère dans l'extrait qui suit : « For four months, my children were affected," said Mrs Emberto. I couldn't sleep or eat. My daughter was just running around like a maniac. She tore off all her clothes. One time, she fell into the well while suffering an attack. " (BBC News, N. Fell, 20 avril 2009) . Lorsque la crise atteint son paroxysme, il se peut que les possédées prennent des armes (machettes, bouteilles,...) et les brandissent en courant et en attaquant les villageois qu'elles croisent sur leur chemin. Elles ne sentiront aucune douleur et ne se souviendront de rien. Elles sont capables de parler différentes langues, ont des visions (notamment des actes sexuels) et manifestent de la violence à l’encontre de l’esprit qui les a possédées. Elles voient souvent parmi les personnes qui les entourent des démons et des monstres. Certaines personnes rapportent qu'elles ont vu l'esprit qui a pris possession de leur corps. La possession par l'esprit peut durer de quelques heures à plusieurs mois ou années, sans forcément passer en états de transe au quotidien. Si la maladie n'est pas traitée rapidement, elle peut être contagieuse et s'étendre à toute une communauté, ce qui conduit à des hystéries collectives. Elle est considérée alors comme une épidémie. En mars dernier, il y a eu une épidémie dans le Nord du pays et plus de 80 nouveaux cas de Grisni Siknis auraient été détectés. Les scientifiques n’ont pas d'explications, et cela serait la plus grosse épidémie depuis 2003. Les médecins traditionnels parlent de « malédiction ou de magie noire ». Beaucoup de villages ont été concernés, leurs habitants ont été bien apeurés (un révérend évangélique de la région a dit que ce phénomène était un signe de la fin des temps) et les mesures suivantes ont été prises : un prêtre catholique a pratiqué de l'exorcisme préventif et les guérisseurs ont distribué des amulettes à tous les petits enfants. Les écoles ont été fermées. Le chef du département des médecines traditionnelles de la région aurait demandé de l'aide au gouvernement à Managua afin de traiter la « grisi siknis » comme les autres épidémies, mais sans succès, car jusqu'à présent, elle est encore considérée comme « la folie des indiens miskitos». Comme on peut le constater, sur le plan scientifique les causes de cette maladie sont incertaines, voire inconnues. Des médecins ont essayé de faire des analyses de sang, sans rien détecter d'anormal au niveau clinique, et ont également administré des 1 Ce qui serait très caractéristique de la possession du grisi siknis selon P. Dennis. En effet, les autres manifestations de la possession (tremblements, visions,...) sont similaires à d'autres cas de transe observés dans le monde. 2 Lettre circulaire no 6 : août 2009 médicaments aux patients qui ont redoublé de violence dans leur crise. Les médecines occidentales n’ont aucun effet contrairement aux traitements des médecines traditionnelles locales, qui utilisent des plantes et de la sorcellerie. Pour soigner ces jeunes filles, les guérisseurs utilisent des mélanges d'herbes lors d'une cérémonie de nettoyage puis exorcisent les esprits. C'est uniquement les guérisseurs de la communauté qui pourront ramener la paix dans la communauté. Pour les chercheurs, il existerait deux théories différentes mais pas forcément contradictoires : Pour certains, cette maladie serait la manifestation de la pauvreté, de la malchance, du désespoir ou du stress (pour les femmes) dans la culture miskito (il y a eu par exemple beaucoup de cas après le passage de l'ouragan Félix de 2007). Pour d'autres, cela serait une sorte de rituel de passage pour les jeunes filles qui passent à l'âge adulte et qui doivent attirer sexuellement un homme tout en restant vierges et pures dans la société et qui leur permettraient, par le biais de cette transe, de maintenir l'équilibre. Quelle que soit l'explication que l'on donne à cette manifestation, cette maladie est redoutée par la population locale, car elle est extrêmement contagieuse et occasionne des frais très importants pour amener à la guérison (des centaines de francs sont nécessaires), cela dans une région qui est une des plus défavorisées du pays. The Latin Americanist, 29 avril 2009 Membres d'une communauté cherchant à maîtriser une fille possédée. 3