FORUM De plus en plus élitistes

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FORUM De plus en plus élitistes
A 12
LA PRESSE MONTRÉAL DIMANCHE 22 JUILLET 2007
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FORUM
André Desmarais > Président du conseil d’administration
Guy Crevier > Président et éditeur
Philippe Cantin > Vice-président à l’information et éditeur adjoint
Éric Trottier > Directeur de l’information
André Pratte > Éditorialiste en chef
É D I TO R I A L
L’eau qui tue
cipe encore plus loin en offrant les
cours gratuitement aux familles à
faibles revenus.
Cela dit, les cours de natation
obligatoires ne sont pas la seule
solution à envisager si on veut
[email protected]
réduire le nombre de noyades. Les
plus récentes statistiques montrent
NATHALIE COLLARD
que les jeunes enfants représentent environ 7 % des victimes au
a proposition de la coroner pays. La population la plus à risAndrée Kronström d’obli- que se trouve chez les hommes,
ger tous les Québécois à en particulier ceux de 15 à 24 ans.
suivre un cours de natation C’est leur témérité qui les met en
et de sécurité aquatique a du bon. danger. Les rapports du coroner
En effet, bien des drames auraient des dernières années racontent
pu être évités si seulement les vic- plusieurs histoires de jeunes homtimes avaient su nager ou encore mes imprudents qui ont pris des
si elles avaient mieux analysé le risques, d’hommes partis seuls
danger d’une situation.
dans une embarcation, sans gilet
L a coroner propose que le de sauvetage.
ministère de l’ Éducation chaLes campagnes de sensibilisapeaute les cours. Cette option tion doivent les cibler davantage.
pourrait cependant compliquer
I l faut également être plus
les choses pour rien (imaginons vigilants. Dans 75 % des cas, les
jeunes enfants qui se sont
noyés au Canada au cours
On ne le répétera
des dernières années avaient
été laissés quelques instants
jamais assez, on n’est
sans surveillance. Un jeune
gardien de 17 ans qui laisse
jamais trop prudents
un enfant de 3 ans dans la
lorsqu’on se trouve avec piscine « seulement » quelques minutes ; un enfant qui
des enfants à proximité s’éloigne
pendant une fête
d’un plan d’eau.
de famille et qu’on retrouve
noyé quelques heures plus
ta rd… On ne le répétera
un instant des cours de natation jamais assez, on n’est jamais trop
holistiques !). D’abord, toutes les prudents lorsqu’on se trouve avec
écoles du Québec ne sont pas des enfants à proximité d’un plan
équipées d’une piscine. Ensuite, d’eau. Les enfants doivent être aviles horaires des écoles primaires sés de ne JAMAIS s’approcher de
sont déjà bien chargés. Enfin, bien l’eau sans la présence d’un adulte
des écoles peinent déjà à respecter et ce, même s’ils savent nager.
le nombre d’heures d’éducation Même la baignoire peut s’avérer
physique prescrit par le Ministère. un endroit dangereux pour un
Pourquoi ne pas plutôt confier jeune enfant et ce n’est pas être
cette responsabilité à la Croix- névrosé ou paranoïaque que de le
Rouge, qui a déjà une solide répéter ad nauseam.
Outre les campagnes de sensiexpérience dans ce domaine ? On
pourrait ainsi fixer un âge limite, bilisation encourageant une plus
6 ans par exemple, auquel tous les grande prudence et une meilleure
petits Québécois devraient savoir surveillance des enfants, il faut
nager. On pourrait même exiger faire connaître les services déjà
une preuve (certification, attesta- existants. Plusieurs propriétaires
tion, à la manière du permis de l’ignorent mais la Croix-Rouge
plonger) pour avoir le droit de fait gratuitement des visites de
participer à des sorties de groupe sécurité pour vérifier les installaà la piscine, au lac, etc.
tions de piscines résidentielles. Ce
Le coût d’une telle obligation ? À service doit être mieux connu de la
l’heure actuelle, le gouvernement population.
fédéral offre un crédit d’impôt
On ne pourra jamais empêcher
aux parents dont les enfants sont tous les drames et les incidents,
inscrits à une activité physique c’est une évidence. Mais les noyaou sportive. Les cours de natation des accidentelles sont des drames
sont admissibles à ce crédit. Le encore plus insoutenables quand
gouvernement provincial pourrait on sait que tout n’a pas été fait
faire de même et pousser le prin- pour les éviter.
L
LA BOÎTE AUX LETTRES
/// Pour nous écrire : [email protected]
Tannés ?
« Écoutez !... » N’êtes-vous pas
tannés d’entendre si souvent cette
réponse à une question ? Que ce
soit à la radio ou à la télé, quand
un journaliste ou un animateur
pose une question, on répond la
plupart du temps par « Écoutez ! »
et l’on donne ensuite la réponse.
Exemple : « Que pensez-vous
de cette situation ? » Réponse :
« ÉCOUTEZ, je trouve cela
aberrant. »
Louise Bouchard
Trois-Rivières
Moteurs au ralenti
Jeudi 12 juillet, 17 h, angle
Amherst et Sherbrooke, il fait
beau et chaud. En attendant le
feu vert sur la piste cyclable, je
remarque que la voiture de police
stationnée juste à côté dégage
énormément de chaleur. Le
moteur tourne, mais les lumières
ne sont pas allumées, pas plus
que les gyrophares. De l’autre
côté de la rue, il y a une autre
voiture de police dont le moteur
tourne. Au milieu de la rue, deux
agents règlent la circulation.
Je sourcille, mais sans plus. Je
vais au parc La Fontaine, fais
des courses et repasse par là une
bonne heure et demie plus tard.
Oui, une grosse heure et demie.
Les deux mêmes agents, les deux
mêmes voitures, les deux mêmes
moteurs qui tournent. Cette
fois, je ne peux m’empêcher de
le faire remarquer aux agents,
qui me répondent qu’« il y a
plus urgent » et qu’ils ont « autre
chose à faire ». Super, mais
considérant qu’il y a plusieurs
milliers de voitures qui tournent
au ralenti chaque jour à Montréal
(notamment les voitures de
police, de la Ville, de taxi, dont
les moteurs tournent près de 24
heures par jour), je crois qu’il est
plutôt « urgent » de trouver des
solutions.
Marie Lachance
Montréal
Des vacances écolo
À défaut de pouvoir, comme
il se doit, prendre la route des
vacances, assouvir n’importe
où mais ailleurs le besoin de
décrocher du cours habituel des
choses, je me défais un matin du
fil de l’information en continu et
autres entraves technologiques
pour m’assoir, un bon livre à la
main, au jardin dans le fauteuil
à voyager dans l’espace-temps.
J’entre dans la splendeur des
hémérocalles et des dahlias,
j’assiste à la lutte de territoire
entre maïs et vrilles grimpantes,
au combat de gladiateurs entre
araignées et pucerons. J’observe
Tchi-Tchi, le chat, tapi sous les
fougères, ébahi par le nombre
des oiseaux babillant autour de
la mangeoire, et le chien, Touffu,
truffe en alerte, qui débusque
les parfums les plus furtifs.
Puis je plonge dans mon polar,
émergeant à Phoenix Arizona
pour assister à l’autopsie de
monsieur X. décédé d’une mort
suspecte. Le héros a eu peur, le
héros a eu chaud et je suis avec
lui, si loin de chez moi. C’est le
cri d’un merle dans l’amélanchier
qui me ramène ici, sous le ciel
de Montréal, dans l’Est, où le
soleil de fin d’après-midi jette
son or sur la vigne sauvage et
les hydrangers. Je n’ai pas brûlé
d’essence, je ne suis pas fatiguée
et ce fut encore une fois un très
beau voyage.
France Marcotte
Montréal
André-Philippe Côté, Le Soleil
DROITS RÉSERVÉS
OPINION
De plus en plus élitistes
Peut-on imaginer des Jeux olympiques d’été se tenir de nouveau
dans des villes de taille moyenne comme Montréal et Amsterdam ?
S Y LVA I N L E F E B V R E
E T R O M A I N R O U LT
Les auteurs sont
respectivement directeur
et administrateur du Groupe
de recherche sur
les espaces festifs (GREF)
au département de
géographie de l’UQAM.
À la veille des Jeux olympiques
d’été de Pékin 2008 et au moment
où sont construites les installations
olympiques pour ceux de Londres
2012, il apparaît légitime de se
questionner sur le phénomène de
mondialisation qui entoure depuis
plusieurs années l’organisation
des Jeux olympiques d’été. Ainsi
ces Jeux restent-ils universels au
niveau du choix de la ville hôte,
ou doit-on plutôt parler désormais
d’un événement réservé à l’élite
urbaine mondiale devenu vecteur
et symbole du pouvoir de ces très
grandes villes? (…)
Le cahier des charges qui est
imposé désormais aux villes qui
souhaitent se porter candidates
à l’organisation des Jeux, et plus
spécifiquement à ceux d’été, est
devenu d’une complexité affolante
où les exigences organisationnelles
se noient dans un tourbillon de
contraintes structurelles. Même si
le Comité international olympique
(CIO) prône un retour à des Jeux
modestes par leur taille et peu
dispendieux à la suite des diverses
dérives financières enregistrées ces
dernières décennies, il n’en reste
pas moins que le coût d’organisation de ces événements a dépassé
plusieurs milliards de dollars pour
PHOTO ELIZABETH DALZIEL, AP
Les choix de Pékin (notre photo) et de Londres pour accueillir les prochaines
olympiades de 2008 et de 2012 sont en fait les prémices ou les aboutissants
de politiques olympiques dites universelles mais discriminatoires, qui reflètent
des enjeux dépassant largement le seul cadre sportif.
taille, leur coût, et leur spécificité
un grand nombre de villes.
Exigences techniques
En effet, la place laissée aux fédérations sportives internationales et
aux médias au sein du mouvement
olympique ont entraîné une hausse
considérable des exigences techniques au sujet des infrastructures
sous le prétexte d’une amélioration
de la pratique et de la retransmission
des épreuves. Toutefois, un stade de
plus de 60 000 places, une descente
de canoë-kayak artificielle, de multiples arénas de plusieurs milliers
de sièges, couplés à des contraintes
urbaines considérables (moyens de
transport, capacité hôtelière, etc.)
Le coût d’organisation des Jeux olympiques
d’été dépasse plusieurs milliards de dollars pour
les prochaines éditions, ce qui est du jamais vu en
matière de compétitions sportives.
les prochaines éditions, ce qui est
du jamais vu en matière de compétitions sportives.
Mais pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés à ce
stade, il nous faut replonger dans
des logiques plus vastes où s’y
corrèlent le prestige d’une manifestation avec le désir d’affirmer un
territoire à l’échelle mondiale voire
un régime politique particulier
dans le cas, par exemple, de Pékin
et de l’État chinois. À ceci, il est
nécessaire de joindre l’idéologie
olympique menée depuis l’ère de
son ancien président, Juan Antonio
Samaranch, et réaffirmée par son
successeur Jacques Rogge, où l’accent est clairement mis en faveur
d’événements qui excluent par leur
contribuent-ils à un meilleur spectacle au final? La réponse n’est pas
aussi simple qu’il n’y paraît.
Par conséquent, ce système privilégie clairement des mégapoles
mondiales ayant les reins financiers
et surtout des partenaires suffisamment puissants pour mettre en
marche cette machine olympique
(commanditaires privés nationaux
et internationaux), mais surtout un
soutien des institutions publiques,
indispensables désormais pour soutenir ces budgets colossaux.
Dans ce contexte mondialisé,
peut-on encore penser et imaginer
des Jeux d’été s’ouvrir de nouveau
dans des villes comme Montréal,
St. Louis, ou encore Amsterdam,
alors que le dernier mot revient plus
souvent que jamais à des mégapoles internationales qui n’hésitent
pas à débourser plusieurs dizaines
de millions de dollars pour simplement faire la promotion de leur
candidature.
De ce fait, ces batailles de titans
ne laissent que peu de place et d’espoir à des métropoles plus modestes
devenues de simples faire-valoir
lors de ces courses à l’investiture
olympique. Il apparaît donc de bon
ton de se demander si le discours
d’ouverture et d’universalité des
Jeux tenu par les autorités olympiques ne se révèle pas en fait un
trompe-l’œil, qui cache une réalité
moins idéaliste où les rênes sont
tenues par une poignée de villes.
Les choix de Pékin et de
Londres pour accueillir les
prochaines olympiades de
2008 et de 2012 sont en fait les
prémices ou les aboutissants
de politiques olympiques dites
universelles mais discriminatoires qui reflètent des enjeux
dépassant largement le seul
cadre sportif. À l’instar de ces
deux villes olympiques, ce mouvement ne semble pas s’essouffler,
surtout lorsque l’on entend déjà parler d’une éventuelle candidature de
la mégapole tokyoïte pour les Jeux
d’été de 2016.
Toutefois, la hausse de ces coûts
organisationnels aura un jour une
limite, et nombreux sont déjà les
observateurs à se demander comment une seule ville, même Pékin
ou Londres, va pouvoir amortir ces
investissements sans faire payer
les contribuables. La question est
posée mais elle reste en suspens
tant que les instances olympiques
ne choisiront pas de modifier la
direction dans laquelle ils ont placé
leurs modes d’élection des villes
olympiques. (…)