le-cercle-de-famille..

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le cercle familial au XVIIIe siècle par Fabrice Conan
Le sentiment de valeur personnelle va faire place au sentiment de filiation généalogique au18e S
La Camera Oscura – Van Loo 1764 Nal Gal Washington
Lagillière – Mme Jassaud et ses enfants - Abeville musée Boucher Perthes
Portrait d’une famille – JB Van Loo – Louvre
Naître et vivre… la mortalité infantile
En finançant directement l’Hospice des enfants trouvés de Paris et en aidant les hospices de province qui
accueillaient les enfants abandonnés, le pouvoir royal poursuivait deux objectifs conformes à la morale
religieuse : prévenir l’infanticide et protéger l’honneur des familles contre l’infamie de la bâtardise. Ces enfants
étaient-ils tous bâtards ? Pour les autorités, la question ne se posait pas : « La distinction entre bâtards exposés et
légitimes abandonnés, n’a point lieu parce que, quand ces derniers sont abandonnés, ils sont réputés bâtards. »
Or le nombre des abandons augmente considérablement dans le deuxième tiers du siècle. On enregistre à Paris
3 150 enfants abandonnés en 1740, 5 032 en 1760 et 7 676 en 1772. L’augmentation peut s’expliquer par une
meilleure gestion de l’accueil, en particulier l’installation des tours aux portes des hôpitaux qui fait
pratiquement disparaître l’exposition des nouveau-nés sous les porches des églises. Elle tient aussi au transfert
(clandestin) des enfants trouvés des hospices de province vers Paris, réputé mieux équipé et pourvu pour les
recueillir. Abandons augmentent en période de crise économique.
La naissance – Dandré-Baron – Louvre
Après accouchement on conseille 4 jours de jeûne, puis 2 bouillons et mouillettes et 2 cuillerées de gelée. Au
bout de 10 jours , une tasse de café a la crème. William Cadogan en 1748 écrit un essai sur éducation, où il
dénonce l’emmaillotage.
En 1770, un sur dix atteint dix ans ; à Rouen, les 9/10 meurent avant un an.
La mauvaise qualité des nourrices (car mal payées), les dangers du transport des nouveau-nés, la médiocrité
sanitaire des hospices expliquent entre autres cette terrifiante surmortalité contre laquelle les milieux éclairés se
sont mobilisés. Ceux qui abandonnaient leurs enfants étaient-ils conscients de ces risques ? Jean-Jacques
Rousseau se justifie d’avoir abandonné les cinq enfants que lui avait donnés Thérèse Levasseur en affirmant :
« Je choisis pour mes enfants le mieux ou ce que je crus l’être ». Son aveu d’inconscience relève de l’hypocrisie.
Mais il est vraisemblable que les milieux populaires tentés d’abandonner un enfant ignoraient qu’il le
condamnaient pratiquement à mort.
Louis-Philippe, duc de Valois, au berceau 1774 Lépicié vente Orléans 2015 rares sont les pères qui vont
apporter de l’attention à leur progéniture. cela ne se verra que dans les couches sociales très aisées.
le rôle des pouvoirs publics
Desbois de Rochefort, curé de Saint-André-des-Arts, écrit à l’article enfants de l’Encyclopédie : « Beaucoup de
parents ont actuellement l’idée que leur enfant sera au moins aussi bien traité à l’hôpital que dans leur obscur
réduit. » Confier un enfant à l’hospice n’était même plus le renoncement du désespoir. C’était accepter
l’assistance de l’État, prêt à prendre le relais pour décharger les pauvres d’une tâche familiale trop lourde à
assumer.
Le succès des lettres de cachet de familles illustre également la dérive d’une procédure d’intervention du
pouvoir royal qui s’est trouvé entraîné, par la demande sociale, à prendre en charge bien au-delà de ses
ambitions initiales la résolution des conflits familiaux. Sur 2 692 personnes arrêtées dans le quartier des Halles
entre 1738 et 1754, d’après le registre de l’inspecteur Ponsot, plus de la moitié l’ont été « par ordre du Roi ».
Les lettres de cachet « pour affaires de familles » répondaient en principe à l’obligation que se faisait le roi,
comme nous l’avons vu plus haut, de protéger l’honneur des familles. Les demandes n’émanent plus
exclusivement des « personnes de qualité »; elles atteignent les milieux de la boutique et de l’artisanat.
L’ivrognerie et les violences d’un mari, « l’inconduite » d’une épouse et surtout ce qu’Arlette Farge et Michel
Foucault appellent les « conflits au seuil » (l’insubordination d’un enfant qui dilapide son héritage ou s’apprête à
conclure un mariage inacceptable), tout est bon pour obtenir après une enquête des plus légères l’envoi à
Bicêtre d’un parent qusi gêne.
Le rôle des nourrices Elisabeth Badinter note l’apparition de l’amour maternel au cours du XVIIIe siècle. Ce
sentiment, note-t-elle, va se répandre chez les femmes de la bourgeoisie, si la femme aisée commence à garder
ses enfants près d’elle, l’ouvrière ou l’épouse du petit artisan ont besoin d’envoyer les leurs à la campagne. En
1692 James Locke dans ses Pensées sur l’éducation, milite pour l’allaitement (Ainsi, Girogiana duchesse
Devonschire allaite. )
Mme Mercier et sa famille 1731 – Jacques Dumont – Louvre la nourrice de Louis XV
Le cercle intime et l’enfant L’idée du mariage amoureux et plus seulement de raison progresse. Au 18e s
apparaît sentiment et cercle intime. Au 18e siècle l’héritage de la femme lui restait propre, a partir du 16e s
accaparement du mari. L’enfant surtout à la campagne est associé à la vie courante de la famille et est témoin
de tout.
Madame Mitoire et ses enfants – Adélaïde Labille-Guiard – miniature Louvre
Lépicié Quatremère et sa famille v 1780 Louvre Le tableau est un hommage de Nicolas Bernard Lépicié à son
ami Marc-Etienne Quatremère, marchand de drap engagé dans le mouvement janséniste. C'est une rare
expression de la tendresse paternelle, attitude nouvelle à l'égard des enfants en bas âge.
ChardinLe Bénédicité Salon 1740 – Louvre, achat Louis XV Le Bénédicité dit par l’enfant devient symbole
d’union familiale. Le jeu des regards crée un cercle, cercle formel et cercle de la tendresse qui s'intègrent dans
les autres cercles de la composition, celui de la nappe et celui des assiettes. Le thème n'est pas nouveau : c'est
celui d'une mère qui apprend à ses enfants à réciter leur prière avant de se mettre à table. On y voit la piété,
symbole de la prière dite en famille, le sentiment d’enfance par la place du petit récitant, le sentiment de
famille en union autour de la table. C’est aussi le début de la prière publique familiale et plus seulement de
sphère intime et privée.
Callot Ste Famille gravure 1628 Nouveau regard sur la famille du Christ, rôle de Joseph, devient chef de
famille, famille modèle. (Joseph fait boire l’enfant.) On ne voit cette iconographie qu’à partir du 18e!
Lépicié mère nourrissant et leçon lecture – Wallace
Lépicié L’enfant en pénitence Lyon MBA
Boucher conseille à ses élèves des sujets liés à l’enfance, la famille, le cercle intime et la vie privée. Lui-même
s’y essaie dans un registre très rococo, alors que Chardin témoigne de l’éducation
Boucher La collation 1739 - Louvrefamille réunie
Boucher La toilette 1742 – col Thyssen
Boucher La modiste – reste dans l’espace intime
Chardin Jeune enseignante – 1735/36 National GAllery - Londres
Chardin Jeune Gouvernante vers 1739 NG Londres
Chardin La Mère laborieuse v 1740 - Louvre
Familles modestes dès 7 ans l’enfant est en apprentissage jusqu’à ses 18 ans et s’établit.
La sensibilité est érigée en vertu
Cela vient de la littérature anglaise. (Succès de Tom Jones, enfant trouvé, œuvre fait couler les larmes.)
1742, M. de la Popelinière s’écrie « je suis d’une sensibilité à me jeter par la fenêtre »
La nouvelle Héloïse est une exaltation du sentiment. Après 1760 se met en place une véritable épidémie de
moralité !(Comtes moraux de Marmontel et autres).
Noël Hallé Cornélia mère des Gracques – 1779 - Musée Fabre Montpellier Une amie la visitant, orgueilleuse
de ses bijoux, Cornélie veuve et épouse de grands guerriers, montre ses enfants qui sont ses plus beaux bijoux.
Tibère et Gaius ses deux fils auront des destins exemplaires.
Vigée regretta sans doute de ne pas pouvoir développer ce côté savant de la peinture et ses aspects moraux.
S’intéresser enfance est aussi un effet de mode de la bonne société. (Cas de Marie-Antoinette v 1775 et de
Jacques, paysan de Louveciennes, devenu Armand et jeté quelques années plus tard).
Boite ovale scènes de la vie familiale – Perpignan musée Rigaud D’après Fragonard
La mère bien aimée – 1769 Greuze – Madrid collection Laborde Renversée sur un fauteuil face à l’escalade de
caresses des enfants comme des chérubins de Rubens et Murillo. Père rentre de la chasse dans un salon très
estimé. Selon le mot de Mme Geoffrin : « c’est une fricassée d’enfants ». Greuze lui répondit « qu’elle tremble
que je l’immortalise, je la peindrai en maîtresse d’école, le fouet à la main, et elle fera peut à tous les enfants
présents et à naître ».
Portrait d'André Baréty, de sa nièce et de son petit neveu, v 1785 – Grenoble Ambiance intime et réaliste
Le Comte Pierre-Jean de Bourcet et sa famille – 1791 – Landon, Grenoble mise en scène à discours
monarchique et fidélité
Charles-Paul Landon officier de la maison de feu Mgr le Dauphin/1791
Famille Mégret de Sérilly – 1787 – Miniature Jacques Thouron Louvre Ddaprès tableau d’Henri Pierre Danloux
Monseur Olive et sa famille – Marie-Genevière Bouillard – Rennes Nicolas Olive, trésorier des états de
Bretagne et sa femme Marie-Françoise Marchal
Marquise de Louvois et son fils – Louis Landry – Auxerre musée Leblanc-Duvernois
Le comte de Longeron et sa fille 1768 – Carmontelle – Chantilly
Marquise d’Equeville sa fille la bonne et marquis de Joyeuse – Chantilly
Vigée Lebrun et sa fille 1789 - Louvre
Isabey et sa fille 1795 – Louvre il ne s’agit plus seulement Plus d’artiste et sa famille mais de l’artiste et son
enfant, une individualisation qui fleurira au 19e siècle.

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