l`obligation d`entretien des propriétaires de centres commerciaux

Transcription

l`obligation d`entretien des propriétaires de centres commerciaux
Jurisprudence
Me Caroline Tremblay, Gilbert Simard Tremblay, s.e.n.c.r.l.
L’obligation
d’entretien des
propriétaires
de centres
commerciaux :
récent arrêt de la Cour d’appel
Depuis quelques années, les centres commerciaux à grande surface
ont fait leur apparition dans le paysage québécois. Dans un arrêt récent1,
la Cour d’appel s’est prononcée sur les obligations d’entretien et de
sécurité des propriétaires de ce genre d’établissements et sur le fardeau
de preuve à rencontrer afin que leur responsabilité soit retenue.
Le 15 mars 2008, Mario Castro, accompagné de sa fille, se rend au centre
commercial. Une fine couche de neige recouvre le sol. Alors qu’il marche
dans l’allée centrale entre deux rangées de voitures, il perd pied, glisse
et se blesse.
À la suite de sa chute, M. Castro a poursuivi le propriétaire du centre
commercial, alléguant que ce dernier avait fait preuve de négligence
en omettant d’épandre de l’abrasif dans les sections glacées du stationnement. Le propriétaire a appelé en garantie M.Y. Desjardins inc., à qui
il avait confié l’entretien du stationnement.
Jugement de la Cour supérieure
La preuve faite au procès a révélé que le stationnement du centre
commercial comporte approximativement 1 200 places. En hiver,
l’entretien des aires de stationnement est confié à M.Y. Desjardins inc.
Des agents de sécurité sont également sur place afin d’assurer,
notamment, que les trottoirs et le stationnement sont sécuritaires.
Si un endroit semble glacé, ils ajoutent de l’abrasif. S’ils constatent que
la surface glacée est grande, ils doivent, selon la procédure, téléphoner
à leur supérieur afin qu’un représentant de M.Y. Desjardins inc.
vienne ajouter de l’abrasif.
Quant à la journée du 15 mars 2008, l’agent de sécurité sur place a
témoigné n’avoir rien remarqué d’anormal dans le stationnement.
Son rapport ne fait état d’aucun épandage supplémentaire d’abrasif.
Le représentant de M.Y. Desjardins inc. témoigne que lorsqu’il doit
entreprendre la tâche de déneiger ou de déglacer chez les clients, il
commence toujours par le centre commercial, car tant le magasin
d’alimentation que le restaurant qui sert les petits déjeuners exigent
que le stationnement soit sécuritaire très tôt le matin. M. Desjardins
a également témoigné se rendre chez chacun de ses clients durant les
chutes de neige. Les équipes déployées restent sur place jusqu’à ce que
la neige cesse de tomber. Finalement, lorsque les équipes ont terminé le
déneigement et l’épandage d’abrasif, M. Desjardins revient sur chacun
des sites pour s’assurer de la sécurité des lieux.
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Obligation
d’Entretien
La juge Arcand rappelle que pour que la responsabilité du propriétaire
soit engagée, il n’est pas suffisant de prouver que la chute résulte de la
présence de glace sur la chaussée, il faut également établir que l’entretien
des lieux est déficient.
La juge de première instance conclut que M. Castro n’a pas rempli
son fardeau de preuve, soit d’établir la faute du centre commercial ou
celle de M.Y. Desjardins inc. La preuve porte plutôt sur le fait qu’il
savait que la chaussée était glissante, admettant l’avoir constaté avant de
descendre de son véhicule. De plus, selon la juge, M. Castro aurait dû
redoubler de prudence, car il était chaussé de souliers. Ainsi, elle rejette
le recours de M. Castro, concluant que sa chute n’est qu’un malheureux
accident pour lequel le centre commercial et M.Y. Desjardins inc. ne
peuvent être tenus responsables.
Décision de la Cour d’appel
Devant la Cour d’appel, M. Castro plaide que la juge Arcand lui a imposé
un fardeau qui n’était pas le sien. Il est d’avis qu’à partir du moment où
il est établi que le stationnement était glacé, qu’il n’y avait pas d’abrasif
et qu’aucun changement de température ne s’est produit dans les jours
précédant la chute, il revenait aux intimés de démontrer, de manière
prépondérante, le bon entretien des lieux.
Selon la Cour d’appel, la juge de première instance n’a pas erré au
chapitre du fardeau de la preuve. Il n’existe aucun renversement du
fardeau de la preuve et aucune présomption légale ne peut découler de la
seule présence de glace sur un terrain de stationnement. La responsabilité
du propriétaire ne peut résulter que d’une faute commise par lui ou ses
préposés, et il appartient au demandeur de faire la preuve d’un lien de
causalité entre la faute et l’accident dont il est victime.
1
2
La Cour d’appel est d’avis qu’il ressort de la preuve faite en première
instance qu’il y avait de la glace à l’endroit où l’appelant a chuté, mais
pas partout dans le stationnement, ce qui aurait pu être un indice
de mauvais entretien. La présence d’une plaque de glace dans un
stationnement de 1 200 places où se produit un va-et-vient constant de
véhicules ne permet pas de conclure à un mauvais entretien, puisqu’il
est manifestement impossible de déglacer chaque centimètre de
la surface. Conséquemment, la Cour d’appel rejette le pourvoi de
M. Castro et confirme la décision de première instance.
Conclusion
Comme l’écrivait l’honorable juge Taschereau dans l’affaire Garberi2 :
Dans notre pays, où les intempéries de nos saisons sont fréquentes, où
la température hivernale présente des soudaines variations, on ne peut
évidemment pas s’attendre sur nos trottoirs à la sécurité dont bénéficient
ceux qui vivent sous des ciels plus cléments.
En raison de la nature même de nos hivers, les chutes sur des plaques
de glace sont malheureusement monnaie courante et ne découlent pas
nécessairement d’un entretien déficient. Dans l’arrêt Castro, la Cour
d’appel rappelle que ne sera pas suffisante la seule preuve de la présence
de glace et de l’absence d’abrasif. Il devra également être mis en preuve
que le propriétaire a été négligent dans l’entretien du stationnement.
Autrement, il ne pourra être tenu responsable des dommages subis à
la suite d’une chute.
The English
version of
“Let’s Talk
Case Law” is
available at
chad.ca/chronicles
Castro c. 4258649 Canada inc., 2013 QCCA 917.
Garberi c. Montréal (Cité de), [1961] R.C.S. 408.
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