Moscou apprehendee.

Transcription

Moscou apprehendee.
Moscou apprehendee.
Du passé avant-gardiste au présent expérimenté.
Mémoire de Veronika Pomazkova.
Sous la direction de
Carola Moujan et Philippe Louguet.
Camondo
2014
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Sommaire.
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Introduction.
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Moscou. Ville expérimentale.
VKhOUTEMAS. ASNOVA. OSA.
Nouvelles typologies d’architectu ww w re sociale.
25
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48
49
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Gorky parc. Témoin avant-gardiste.
VSVKhV.
Le premier des PKiO.
Les années Betty Glan.
Un laboratoire artistique, architectural et urbain.
Le déclin.
55
72
73
76
Le retour de Gorky parc.
Nouvelle direction.
Wowfaus à Gorky parc.
Garage à Gorky parc.
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95
Moscou aujourd’hui.
Nouvelles pédagogies.
Strelka.
MARCH.
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Conclusion.
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Bibliographie.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Introduction
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Ce mémoire est une occasion pour moi de renouer
avec mes propres racines et de réapprendre ma ville
natale, Moscou. Partie il y a 9 ans, à chaque retour je la
reconnais de moins en moins et j’apprends de nouveaux
projets. Mes études ici m’éloignent de mon propre
héritage et m’amène des connaissances nouvelles,
différentes à celles acquises en Russie, simultanément.
C’est avec un regard changé qu’en février 2014 je
débute ma recherche sur le constructivisme russe,
notamment, Konstantin Melnikov. Je ne remercierais
pas assez Philippe Louguet qui m’avoir amené vers ce
chemin. L’époque des années 20 et 30 est très peu
étudiée dans les écoles russes (les cours sur l’histoire
d’art s’arrêtent aux ballets Russes de Diaghilev), et
j’apprends de loin sur les ateliers VKhOUTEMAS. Jusqu’à
mes vingt ans, j’ai dû apprendre plus sur le Bauhaus,
que sur l’avant-garde russe. Cela est certainement lié
au fait que mes parents, comme les parents de toute ma
génération, ont une relation négative avec leur passé
soviétique. Ils n’ont pas la nostalgie de ce qui a pu être
perdu en 1991, ils ont trop souffert de l’idéologie brisée à
la fin de l’URSS...
Introduction.
Предисловие.
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En parallèle de ces recherches, je m’intéresse aussi à
la vie urbaine actuelle de Moscou, je suis au plus près
la chronique de cette ville passionnante. Je me rends
alors compte que ce qui m’anime, l’époque avantgardiste et son héritage, anime aussi d’autres personnes,
souvent de la même génération que moi. En huit mois de
recherches, le débat autour de la maison de Melnikov
et de la tour de Choukhov est très animé. Il l’est toujours
d’ailleurs. En outre, afin d’élargir ma vision et puisque
je m’intéresse aussi à la figure de Rem Koolhaas dans
l’histoire liée de son architecture et l’architecture avantgardiste, je visite la Biennale de Venise en septembre
2014. Je me rends alors compte que le pavillon russe,
en réponse au thème général « Absorbing Modernity.
1914-2014 », invite à réfléchir ce que le passé russe peut
donner au présent commun. Je regarde par la fenêtre du
pavillon présentant l’exposition, fausse foire aux idées
matérialisées, « Fair Enough », et je vois l’écriture en
tubes lumineux « Russia’s past. Our present. »
Ce récit raconte l’histoire pas si lointaine des avantgardes russes croyants en idéologie marxiste et au bien
qu’elle apportera avec leur œuvre à l’humanité. Il est une
histoire de nouveaux lieux pensés pour guérir la société,
d’instruire un nouvel homme soviétique, plus précisément
du parc Gorky. Il apparaît dans ma recherche comme un
témoin de deux époques, celle des années 1920 et 30
et celle de 2010. Il est un lien ici entre Hier et Aujourd’hui
moscovite.
J’essaye de trouver ainsi la place de l’héritage avantgardiste dans Moscou contemporaine.
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Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Moscou. Ville expérimentale.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
жить, чтобы любой
для него годах:
Plans, coupe et façade de DK Rousakov, Melnikov, 1927.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
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ЖИЗНЕННЫЙ И ТВОРЧЕСКИЙ ПУТЬ
Облик клубов Мельникова резко выделялся
среди окружающей застройки. Таким качеством
не обладало тогда большинство новых зданий
клубов. Не случайно именно по отношению к внешнему облику клубов Мельникова использовались
в те годы метафорические оценки как теми,
кому эти клубы нравились, так и теми, кто их
критиковал. Метафора с трудом придумывалась
по отношению к облику других клубов, а оригинальный образ клубов Мельникова как бы провоцировал на его метафорическую оценку. Приведу ряд метафор, использовавшихся тогда в печа-
ти: «Рупор на Стромынке» (клуб имени Русако
ва), «Звезда химиков» (клуб в Дулеве), «Сигара Свободы» (клуб «Свобода»), «Клетка
попугая» (клуб «Буревестник»).
Характерная для клубов Мельникова ориги
нальная форма получена не за счет втискивания
функции в заранее придуманную форму. Необы
ная форма клубов создавалась архитектором
одновременно с внутренней организацией прост
ранства. Причем, как это ни кажется парадоксальным, наиболее сложная композиция
характерна как раз для тех клубов, где Мельник
Plan et façade de DK Bourevestnik, Melnikov, 1929.
Plans d’étages de DK Bourevestnik, Melnikov, 1929.
Couverture de SA, 1926.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
Compositions de l’intérieur des cellules d’habitation de Narkomfin, Moisei Ginzbourg, 1930.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
VKhOUTEMAS. ASNOVA. OSA
Moscou. Ville expérimentale.
Москва. Экспериментальный город.
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Je pense qu’il est important de dresser le tableau
général de la nouvelle scène architecturale russe et
moscovite qui suit la Révolution de 1917, afin d’éclaircir
l’environnement des projets avant-gardistes que je
présente dans cet écrit.
1918 : Moscou redevient la capitale de la Russie,
le projet de faire de Moscou marchande la Nouvelle
Moscou soviétique se met en marche. Durant
les années 20 Moscou ne subit pas de grands
changements formels, mais elle devient un épicentre du
foisonnement des idées nouvelles.
Au début des années 30, le VTsIK (comité central
exécutif panrusse) décide de l’indépendance
administrative et municipale de la ville de Moscou, afin
de propulser le développement de la ville comme une
nouvelle ville-modèle soviétique à travers l’élaboration
de son plan général. Pour cela à partir de 1918 auprès
de Mossoviet (Soviet, organe législatif et exécutif des
délégués élus, de Moscou) sont créés les ateliers
architecturaux avec notamment Alexeï Chtchoussev et
Ivan Joltovsky. Moscou en tant que capital de la Russie
Nouvelle soviétique, portera toujours un fort caractère
symbolique. Son indépendance est nécessaire afin
de relancer plus facilement son économie, aussi pour
que certaines décisions puissent être prises plus
rapidement. Le plan général de Moscou proposera
un nouveau développement industriel et social. Les
architectes élaborent des proposition pour de nouvelles
voies de transport plus larges, prévoie de grandes
zones vertes, quartiers d’habitation ouvrière, etc. Le
travail sur l’utopie de la nouvelle ville soviétique sera
en outre exposé dans le livre de Nikolaï Milioutine,
Sotsgorod. Le problème de la construction des villes
socialistes. Bien que dans l’idéale, la ville soviétique
serait une ville linéaire, les architectes, comme
Chtchoussev et Joltovsky, tiennent à la composition
circulaire de la ville de Moscou, formée depuis des
siècles. Vient alors l’idée de rajouter de nouveau
cercles de circulation qui seront achevés seulement
dans les années 2000. Cependant d’autres architectes,
comme Ginzbourg et Le Corbusier, proposent des
plans généraux beaucoup plus radicaux quant au
développement de Moscou.
Alexeï Chtchoussev, maître de l’architecture
stalinienne, se veut comme un maître de la néorenaissance et du néo-classicisme durant les
années 20. Outre son travail pour le Mossoviet,
il enseigne également à VKhOUTEMAS, Ateliers
supérieurs d’art et de technique, créée en 1920 par un
décret de Lénine, la seule école d’art officielle. Parmi
ses élèves, certains deviennent de grands architectes
soviétiques, Ilya Golosov et Konstantin Melnikov. Vers
1923 trois pôles se créent à la faculté d’architecture
de VKhOUTEMAS : ateliers académiques dirigés
par Joltovsky, Chtchoussev, Vesnin ; ateliers de
gauche unis, OBMAS, dirigés par Ladovsky, Krinsky,
Docoutchaev, prônant le rationalisme comme l’avenir
de l’architecture et de la société ; ateliers d’architecture
expérimentale dirigés par Melnikov et Golosov,
concentrant leur recherche sur la méthode fonctionnelle
comme concept théorique du constructivisme.
Dissous en 1930 avec l’arrivée de la nouvelle
politique soviétique, ces ateliers sont donc le
foyer à des mouvements importants dans l’art et
l’architecture d’avant-garde russe, tels que rationalisme,
constructivisme et suprématisme.
Outre ces ateliers éducatifs et l’atelier du projet
de Moscou auprès de Mossoviet, les architectes
dans les années 20 ont la possibilité de se regrouper
et former des associations autogérées. Cela
permet aux artchitectes de penser librement sur la
nouvelle idéologie et son expression spatiale. Les
plus importants de ces associations sont ASNOVA,
association de nouveaux architectes, et OSA,
société des architectes contemporains. ASNOVA est
formée en 1923 par Nikolaï Ladovsky, enseignant
à VKhOUTEMAS, elle devient le bastion pour les
architectes rationalistes russes s’opposant aux
architectes constructivistes et fonctionnalistes de
OSA, officialisé en 1925. Cette association compte
parmi d’autres Alexandre Vesnin, Moisiei Ginzbourg,
Ilia Golosov, Ivan Leonidov, Konstantin Melnikov. Elle
est la seule à avoir un périodique, SA, Architecture
Contemporaine, dans laquelle les architectes exposent
leur méthode nouvelle de pensée architecturale, la
méthode de la création fonctionnelle. Ils ont la foi
dans l’esthétique de la machine et la subordination de
l’architecture à une commande sociale nouvelle.
19
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
En outre de projets d’architecture nouvelle
soviétique, les débats sur l’urbanisme et la vie en
communauté, SA publie les projets de Le Corbusier. Le
livre Vers une architecture de Le Corbusier est lu par les
jeunes architectes, la Russie continue de s’intéresser
à l’évolution de la pensée contemporaine occidentale.
En 1925 Moisei Ginzbourg publie son ouvrage Style
et Époque qui est un manifeste de l’architecture
constructiviste et une sorte de réponse au Vers une
architecture.
Les nouvelles typologies d’architecture sociale.
Moscou. Ville expérimentale.
Москва. Экспериментальный город.
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Dans les années 20 et début d’années 30 les
architectes constructivistes et rationalistes réfléchissent
sur les nouveaux modes de vie, en continuité avec
la nouvelle philosophie communiste. La recherche
d’architectes aboutit à la création de nouvelles
typologies d’espaces publics ou communs : DK
(maison ou palais de culture), dom-kommouna (maison
commune), fabrika-koukhnia (fabrique-cuisine), PKiO
(parc de culture et de loisir).
Initialement DK, ou les clubs d’ouvriers occupent
d’anciens hôtels particuliers abandonnés ou
nationalisés comme suite à l’arrivée du nouveau
pouvoir. En 1926, la construction de bâtiments
spécifiquement pensés comme des DK, est une
commande gouvernementale et sociale. Les profsoïouz,
unions professionnelles, sont les clients directs des
projets de DK auprès d’architectes. Les premiers DK
à Moscou sont construits par Melnikov et sont encore
utilisés de nos jours, souvent en continuité avec leur
passé, comme des lieux d’éducation supplémentaire,
des clubs artistiques du week-end. En deux ans, il
dessine sept clubs d’ouvriers dont cinq sont réalisés.
Pour Melnikov, la non-ressemblance avec d’autres
architectures et la transparence de l’activité à l’intérieur
des DK sont les idées principales quant à leur
conception extérieure. Quant à l’intérieur (et c’est lui
qui donne le dessin définitif de la façade), les DK ne
peuvent pas être un simple assemblage d’une grande
salle utilisée pour les fêtes ou réceptions importantes,
avec de petites salles fermées ; le tout assemblé par
un couloir. Melnikov veut rompre dans son architecture
avec l’enfermement et propose avec les DK une
architecture polyvalente composée de successions ou
juxtaposition de salles qui peuvent s’assembler ou se
séparer selon le besoin.
Autre trait important de l’architecture de DK de
Melnikov ainsi que de son architecture en générale,
est un appel à de nouvelles technologies. Pour
Melnikov, comme pour d’autres architectes de
l’époque, l’Architecture (avec un grand « A ») est le
plus grand des arts, la technologie doit être au service
de l’Architecture. Lors de construction des bâtiments
de DK, les ingénieurs et les ouvriers de l’époque sont
obligés de surmonter des défis lancés par l’architecte.
Cela ne veut pas dire que l’architecte est un artiste
ignorant, dessinant des projets irréalisables, mais plutôt
un maître qui demande de se surpasser, connaissant
les limites du réalisable. Pour Melnikov l’Architecture
ne doit en aucun cas se substituer à l’ingénierie, dans
les années 60 c’est ce qu’il reprochera à l’architecture
contemporaine. Le but premier de l’architecte selon
Melnikov est une recherche permanente d’espaces
véritablement nouveaux, jamais vus, ni sentis. Seule
cette méthode donne le droit d’appeler le travail d’un
architecte « son œuvre ».
Un autre architecte qui dessine énormément de
clubs ouvriers à l’époque est Leonidov. La méthode
fonctionnelle qui est en cours de définition chez les
architectes constructivistes dans les années 20 trouve
un autre de ses aspects dans l’œuvre de Leonidov. Il
tente de créer un système de modules de DK selon la
demande et le besoin de profsoïouz. Selon la pensée
constructiviste à chaque fonction correspond une forme
la plus adaptée. Ainsi pour chaque activité, telle que
cinéma, cantine, ateliers artistiques, sport, cours de
théâtre, studio de chorégraphie, etc., Leonidov dessine
une forme. Le client selon ses besoins devient un acteur
dans la conception du futur bâtiment. Dans l’idéale
après avoir défini chaque forme et leur assemblage,
l’architecte se met en arrière-plan et il ne reste plus
que le client et le constructeur. Ce système s’inscrit
alors dans l’histoire du préfabriqué en architecture.
L’architecture ici est pensée comme une industrie avec
ce qu’elle peut apporter du bien à l’humanité.
Les constructivistes dans leurs recherches élaborent
également une nouvelle manière de vivre selon la
théorie marxiste : les dom-komouna. L’exemple le plus
connu est le Narkomfin de Moisiei Ginzbourg construit
entre 1928 et 1932 à la demande du commissaire des
21
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Finances, Nikolaï Milioutine. Cette architecture est
pensée comme un condensateur social, menant les
gens vers une cohabitation harmonieuse. À travers son
œuvre, Ginzbourg soulève aussi la question de la place
d’une femme dans une société. L’architecture libère
ici la femme de sa tâche ménagère de tous les jours ;
émancipée elle aura le temps de travailler et de se
mettre au même niveau que l’homme dans la société.
Une autre manière du vivre ensemble, inventé dans
les années 20 est la fabrika-koukhnia. D’une part ces
bâtiment sont une ode à l’industrie comme moteur
de développement vers un futur meilleur, d’autre part
ils offrent un espace outre le travail et la maison, où
se crée un lien social. L’échelle de ces bâtiment est
parfois impressionnante et aujourd’hui l’idée d’une telle
industrialisation de la cuisine paraît sous un autre angle.
La conception de fabrika-koukhnia amène encore une
fois les architectes à l’idée de construction à partir de
module : grande salle pour les banquets, plus petite
pour le repas quotidien, le vestiaire, la caisse. Dans
les années 20 l’idée du préfabriqué passionne les
architectes et elle sera poursuivie sous une forme moins
idylliques dans les années d’après-guerre.
Moscou. Ville expérimentale.
Москва. Экспериментальный город.
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Travaillant dans les conditions de grand changement
politique, économique et social, juste après la Grande
Guerre et la Révolution, les architectes avant-gardistes
ont peu de moyens pour la réalisation de leurs projets.
Ils sont amenés à construire avec des matériaux
pauvres dans des délais restreints. Melnikov dit luimême qu’ils étaient parfois amenés à construire
avec des ordures, des bâtiments de grande valeur
artistique mais d’aucune valeur matérielle. Souvent les
bâtiments de l’époque ne sont même pas faits pour
durer. Dans les rêves d’architectes ils ne construisent
que de l’éphémère en attendant une grande montée
économique quand ils pourront tout refaire à neuf.
Malgré les restrictions, le courage et l’inventivité de
l’époque ont peu de limites.
Outre la création de nouvelles typologies de
bâtiments sociaux, les architectes avant-gardistes
élaborent de nouveaux outils pour penser l’architecture.
La compréhension du fait que l’architecture ne peut être
pensée qu’en prenant compte tout acteur et utilisateur
est nouvelle. La conception va au-delà de recherche de
formes nouvelles, elle recherche de nouvelles manières
de vivre seul, ensemble, en société et pour un bien
commun. En complément de la pensée architecturale
occidentale, la pensée avant-gardiste russe donne
ses propres réponses, encore importantes à étudier
aujourd’hui de mon point de vue.
En 1932 les divers groupements d’architectes sont
supprimés. Le domaine d’architecture sera désormais
organisé selon les principes de la production
industrielle : organisation en chaîne (architectes en
chef et les sous-architectes de différents « gardes »),
établissement de projets types (tels que les habitations
de masses, par exemple) et standardisation maximale
de la production. SSA, union d’architectes soviétiques,
regroupe désormais les architectes ayants droit de
poursuivre l’activité professionnelle. Ils deviennent
tous employés de l’état. Avec l’instauration du réalisme
socialiste comme seul courant d’art possible, en
peinture, sculpture et littérature, l’architecture se
trouve, elle aussi, fortement contrôlée. À la place de
courants divers pensés et tournés vers un futur imaginé
avec l’avènement de l’homme nouveau soviétique
vient l’architecture stalinienne, néo-classique et
monumentale, forte en symboles à la gloire de l’Union
soviétique.
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Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Gorky parc. Témoin avant-gardiste.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
Pavillon Makhorka, Konstantin Melnikov, 1923.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Konstantin Melnikov devant pavillon Makhorka, 1923.
À droite : esquisses pour le pavillon de l’URSS à Paris, 1925.
VSVKhV, 1923.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
VSVKhV, vers 1925
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
VSVKhV sur le plan de Moscou, 1927.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Schémas du lien entre TsPKiO et Moscou, Dolganiv, VKhOUTEIN, 1929.
TsPKiO, plan du parterre, Konstantin Melnikov, 1928.
Clubs d’enfant, années 1930.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Gloriette sur la berge de Moskova, vers 1935.
Vue aérienne sur le restaurant Shestigrannik, années 30.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
Vue aérienne sur le restaurant Shestigrannik, années 30.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Attraction Descente en spirale et Tour de parachute, 1932.
Sculpture de la Fille à la Pagaie, Ivan Chadr, 1936.
TsPKiO Gorky, 1931.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Amphithéâtre sur l’eau, Alexandre Vlasov, 1932.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Patinoire à Gorky parc, 1937.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
VSVKhV
Gorky Parc. Témoin avant-gardiste.
Парк Горького. Свидетель авангарда.
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L’histoire du parc de loisir et de culture de Gorky
commence en 1922 quand le VTsIK décide d’y installer
la première VSVKhV, exposition panrusse d’agriculture,
d’artisanat et d’industrie (équivalent des expositions
universelles en Europe).
Le territoire de 100 hectares donné pour cette
exposition n’est pas exploité, c’est une décharge de
la ville de Moscou malgré son emplacement proche
du centre historique. L’architecte principal choisi par
le comité central de l’exposition, Joltovski, travaille à
ce moment sur le plan général de la ville de Moscou
et a l’idée de transformer ce territoire en un espace
vert populaire. L’organisation et la construction de
cette exposition précurseur de VDNKh (Exposition
d’accomplissements d’économie du peuple) prennent
8 mois, temps record pour l’époque, comportent 255
constructions. Les pavillons temporaires jouent le rôle
principal quant à la forme plastique et artistique de
l’exposition. Ils sont majoritairement construits en bois,
matériau pauvre, sont dessinés par des architectes de
courants esthétiques différents : allant de l’éclectisme au
constructivisme. Cette exposition est une occasion pour
les architectes contemporains d’exprimer spatialement
les nouvelles idées exposées sur le papier.
Parmi les pavillons, Mashinostroïenie (construction
d’automobile), aussi appelé Shestigrannik (Hexagone),
et Makhorka (tabac), sont particulièrement intéressants.
Le premier est le seul préservé de nos jours, le deuxième
est dessiné par Konstantin Melnikov et obtient un grand
intérêt auprès d’architectes de l’époque.
Le pavillon Shestigrannik est dessiné par Joltovsky,
Kokorin et Parousnikov. Son plan reprend la forme
d’un hexagone. Chaque côté de cette géométrie est
un pavillon indépendant, l’ensemble encerclant un
patio avec une fontaine au milieu. Cette composition
spatiale permet une circulation fluide dans l’espace
d’exposition. Six entrées permettent une séparation de
flux de visiteurs. Son patio intérieur d’une forme très
géométrique sera apprécié par la suite. Le pavillon
deviendra fin des années 20 une grand restaurant
populaire avec une terrasse calme et fermée. Ce
pavillon est le seul construit en béton armé, seule sa
méthode constructive lui permet de rester en vie jusqu’à
aujourd’hui. Son état actuel est tout de même alarmant.
En 1999, la mairie de Moscou signe un arrêt afin de
restaurer ce bâtiment de valeur indéniable.
Le pavillon Makhorka, comme je l’ai déjà fait
remarquer, a été dessiné par Konstantin Melnikov, il est
son premier projet construit. Makhorka se démarque
considérablement des autres constructions par sa
composition complexe et dynamique de volumes, de
vitrages en angle, d’un grand escalier en colimaçon
ouvert à l’extérieur, entrant dans un volume en
porte-à-faux, le tout en bois. Dans son article sur
l’exposition, Moisei Ginzbourg (un des plus grands
architectes constructivistes, fondateur du groupe OSA,
Organisation des architectes soviétiques) écrit : « Dans
le département des traitements se distingue à son
profit le pavillon “Makhorka” (de l’architecte Melnikov).
Certainement il est une pensée, la plus fraîche et
originale, interprétée tout à fait organiquement en bois ».1
Quant à Melnikov, il écrit sur son projet : « 1) les volumes
se sont déplacés des supports, 2) l’escalier extérieur
ouvert a des marches-consoles, 3) transparence du
vitrage d’angle. <...> Les volumes se sont élevés, et la
taille misérable du pavillon a glorifié l’Architecture avec
un langage nouveau, celui d’EXPRESSION. <...> Je ne
voulais pas voir de toitures dans mon œuvre (...) Nous
ne savions pas construire la charpente pour les toits
plats, comme résultat, les toitures sont toutes déplacées
depuis la façade principale, constituant un jeu impétueux
de formes 2.»
Dans la conception de ce projet, Melnikov applique et
vérifie une approche tout à fait nouvelle quant à l’image
artistique d’un pavillon d’exposition. Avec des moyens
très restreints, Melnikov lance un défi constructif :
jamais personne en Russie n’a travaillé comme lui la
construction en bois traditionnelle. L’idée très actuelle
encore aujourd’hui, d’utiliser la tradition pour en faire
quelque chose de cordialement nouveau, anime
l’architecte. Par la suite cette approche est développée
par Melnikov dans le projet du pavillon de l’URSS à
l’Exposition internationale des Arts décoratifs de 1925
à Paris. Pour l’occident cette exposition est la première
occasion d’une observation de la production de la Russie
Nouvelle soviétique.
1 KHAN-MAGOMEDOV Selim, Konstantin Melnikov, Moscou, Stroïizdat,
1990, p. 59
2 Op. cit., p. 71
47
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Le premier des PKiO
Gorky Parc. Témoin avant-gardiste.
Парк Горького. Свидетель авангарда.
48
La création de DK et de complexes sportifs ainsi que
l’amélioration de parcs et de squares existants durant
les années 20 à Moscou, font émerger une nouvelle
typologie d’espace publique : PKiO, parc de culture et
de loisir. En mars 1928 Mossoviet décide de la création
du premier de ces parcs à la place de VSVKhV. Ce
lieu, nommé TsPKiO, parc central de culture et de
loisir, devient alors un laboratoire d’expérimentation,
le programme des futurs parcs de culture et de loisir
s’invente et se vérifie in situ et in vivo.
L’ouverture de TsPKiO est très positivement valorisée
par la presse. Pour les journalistes, ces PKiO sont une
des tendances principales de la reconstruction socialiste
des villes. Ils vont former un homme nouveau pendant
son temps de repos. Voici une citation (un peu longue)
d’un des articles, intitulé « Monument d’une époque » :
« Le Parc est une affaire véritable de notre époque. Le
Parc doit résoudre un certain nombre d’équations de
l’époque. Déjà aujourd’hui il est devenu un centre attirant
vers lui des centaines de milliers d’ouvriers de Moscou.
Quand il sera décoré architecturalement et organisé
culturellement, il deviendra alors un véritable centre de
travail culturel de toute la ville, organisant en lui toute la
vie culturelle. Le Parc sera répandu sur un vaste espace.
Grandissant, il changera l’apparence de Moscou.
Devenant le centre architectural de Moscou, le Parc
résout le problème de la ville du futur. Le déploiement
du Parc prendra deux-trois décennies. Toutes les
constructions actuelles en bois seront démolies et
remplacées par des aménagements capitaux. Le
Parc aura les principales institutions culturelles : les
plus grands théâtres, cirques, planétariums, espaces
d’exposition. L’architecture est au premier plan. Tous
les arts doivent être au service de l’architecture. Le
Parc deviendra un monument grandiose de l’époque.
Le travail sur le Parc est étroitement lié au travail sur le
problème de mode de vie. C’est à l’échelle grandiose
que la question de l’organisation de loisir de centaines
de milliers d’ouvriers est posée. Diriger la distribution
de temps, occuper des centaines de milliers d’hommes,
leur donner la possibilité de se reposer et de se divertir
culturellement, détruire imperceptiblement les habitudes
et les traditions bourgeoises, leur apprendre de se
réjouir et d’œuvrer ensemble, systématiquement, à
chaque pas, sans le pédantisme officieux éduquer en
eux l’homme nouveau ; c’est cela la tâche principale des
organisateurs et des dirigeants du Parc. Tous les arts
doivent se mettre au service de cette tâche 3.»
Les attentes de moscovites sont grandes envers
ce parc tout à fait nouveau. Ils ne restent pas passifs
dans sa création et souvent pendant les « soubbotniki »
(travail social libre du samedi), il viennent dans le parc
pour aider avec sa construction et n’hésitent pas de
parler de leurs idées aux profsoïuz et plus directement à
l’administration du parc.
Les années Betty Glan
En 1928 Konstantin Melnikov dessine le parterre de
TsPKiO et son projet est réalisé grandeur nature avec le
travail bénévole des Moscovites. Seulement la fontaine
imaginée par Melnikov n’est pas réalisée. Celle-ci
devait être une composition aqua-architecturale qui ne
devait « avoir besoin d’aucune forme sculpturale. Les
gens se promènent sous les jets d’eau étincelants»4.
L’organisation du parc Gorky garde encore aujourd’hui
une grande partie du dessin initial de Melnikov. En
1928 le futur Gorky parc ouvre ses portes, mais il n’est
pas encore terminé. En 1929 Mossoviet souhaitant le
développement de ce parc à espoir national, invite
Betty Glan, âgée seulement de 25 ans, en tant que
directeur du parc. Arrivant à ce post important, elle n’a
pas forcément beaucoup d’expérience (administration
durant deux ans d’un DK), mais elle a beaucoup d’envie,
d’idées et d’énergie.
Betty Glan reste directrice de TsPKiO jusqu’en 1937.
Les années de sa direction sont appelées « l’époque
d’or » du parc, à ce moment on l’appelle « combinat
culturel d’altération de la conscience », « université
verte », « club à ciel ouvert », « propagandiste du
nouveau mode de vie ». En effet, la classe ouvrière et
l’intelligentsia moscovites et d’autres villes soviétiques
viennent passer du temps dans ce parc. Les enfants et
les adolescents peuvent choisir l’atelier correspondant à
leur centre d’intérêt (cela va des sciences précises aux
arts plastiques), venir jouer à toute sorte de « balls » :
football, handball, volleyball, cricket, tennis, ping-pong,
3 KHAN-MAGOMEDOV Selim, L’architecture de l’avant-garde soviétique.
2ème livre : problèmes sociaux, Moscou, Stroïizdat, 2001, p. 655
4 Op. cit., p. 651
49
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Gorky Parc. Témoin avant-gardiste.
Парк Горького. Свидетель авангарда.
50
pétanque, etc. Plusieurs attractions sont aussi proposées
dans le parc : une descente en spirale sur des tapis
et une tour pour des sauts en parachute entre autres.
La politique soviétique tente à supprimer la famille
en tant qu’unité de société ; les PKiO y jouent pour le
gouvernement un rôle important. Différentes classes
se croisent dans le PKiO, font des activités ensemble,
partagent les tables communes pendant les repas et
les encas. Aujourd’hui ce lieu serait appelé un tiers lieu,
tel qu’il est défini en 1980 par Ray Oldenburg. PKiO est
un véritable laboratoire social, ses créateurs en ont la
conscience comme le montrent les écrits de l’époque. Le
Gorky parc, comme je l’ai déjà remarqué est le premier
de PKiO, il devient ainsi un modèle pour tous les autres
parcs qui seront aménagés dans les villes soviétiques.
L’idéologie socialiste soviétique trouve en PKiO une
expression spatiale.
Betty Glan invite tout d’abord deux jeunes
scénographes, frères Stenberg, qui seront par la
suite célèbres par leurs affiches de cinéma. Ils
recherchent essentiellement ce que l’on appellerait
aujourd’hui l’identité graphique du parc. Toutes les
constructions existantes sont peintes initialement en
rouge révolutionnaire ce qui ne les met pas en valeur
selon Betty Glan. Les Stenberg durant plusieurs mois
cherchent une nouvelle palette ainsi que des solutions
peu couteuses quant à la décoration des allées
(n’oublions pas que la Russie Soviétique a très peu de
moyens à ce moment). En 1931, l’ensemble du parc
devient plus clair : les Stenberg choisissent le blanc, le
bleu clair, le beige et le jaune citron comme couleurs
principales. Une autre idée de frères Stenberg est de
repenser la décoration du parc les jours de fête par
des drapeaux rouges. Ils créent ainsi un système de
drapeaux de tailles, formes et couleurs différentes
s’éloignant du symbole révolutionnaire. « Le plus
beau était tout de même le décor vert et floral du parc
combiné avec les fontaines, les étangs, les ruisseaux, les
cascades. Le soir la verdure, l’eau, les sculptures, le tout
illuminé habilement, paraissaient tout à fait différemment
que le jour : le tout devenait mystérieux et féérique »5
Une grande importance dans la décoration du parc
est donnée à la sculpture. Architecte Alexandre Vlasov
(qui deviendra plus tard l’architecte générale de Kiev,
5 GLAN Betty, Gorky parc, le début de l’histoire, Moscou, Parc Gorkogo,
2013, p. 44
puis de Moscou) décore la place centrale du parc,
les berges. Il imagine aussi un ensemble sculptural
autour de l’étang des Pionniers : des cygnes en marbre
et des grenouilles-fontaines. D’autres sculptures sont
commandées auprès d’atelier de musée des Beaux Arts :
des copies en plâtre, faute de moyens, de sculptures
antiques. Malheureusement jadis important, l’ensemble
du décor sculptural n’est pas parvenu à nos jours. Seules
quelques unes de sculptures de l’époque sont restées,
trouvées et restaurées en 2011.
Un laboratoire artistique, architectural et urbain
À l’initiative de Betty Glan, en 1929 EL Lissitzky
crée des ateliers architecturaux au sein de TsPKiO.
Ils sont ouverts aux étudiants et aux jeunes diplômés
de VKhOUTEIN (VKhOUTEMAS renommé en 1926).
Ces ateliers donnaient des idées et des projets
supplémentaires afin d’améliorer le parc. Dès sa création
le TsPKiO n’est jamais figé, il est en évolution continue.
Jusqu’en 1932 El Lissitzky guide les jeunes architectes
dans leur processus créatif, puis il est succédé à la
recommandation de Joltovsky, par Alexandre Vlasov.
Joltovsky le trouve talentueux et connaît son intérêt pour
la culture de parcs et de jardins.
Dans les années 30, Alexandre Vlasov dessine et
supervise la réalisation d’un certain nombre de projets :
théâtre d’été pour 20 mille spectateurs, amphithéâtre
sur l’eau pour 700 personnes, le premier rideau d’eau, le
musée du travail. Il continue aussi de décorer les étangs
et les fontaines. En 2011 lors de la réhabilitation du parc
certaines de ses idées sont reprises et réalisées. En
1937 lors d’une exposition internationale à Paris Vlasov
obtient le « Grand prix » pour son travail au sein de
TsPKio.
En outre de l’architecture de Vlasov, le cinéma le
plus populaire jusqu’à la Seconde Guerre mondiale se
trouve sur le territoire du parc, dessiné par un architecte
brésilien. Pour que les adultes puissent passer un
moment tranquille et agréable, des écoles et des
crèches d’un jour sont aussi organisées dans le TsPKiO.
Cette idée sera reprise également en 2011.
En 1931 le TsPKiO obtient le nom de Maxime Gorky,
le célèbre écrivain du réalisme soviétique.
51
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Le déclin de Gorky Parc.
En 1937 Betty Glan est arrêtée avec son mari et elle
passera 17 ans dans des camps pour des fautes qu’elle
n’avait jamais faites. Son départ marque la fin d’une
époque pour le parc : les directeurs qui la succèdent
n’ont plus la même énergie et le même enthousiasme
envers ce lieu. Le parc continue d’exister tel qu’il a été
imaginé à son origine et peu à peu il ne correspond plus
à l’époque dans laquelle il existe. À partir des années 80
des attractions chinoises commencent à prendre leur
place sur le territoire du Gorky parc. En 1990 une partie
de parc est même sous-louée à des entrepreneurs qui
montent, entre autres, un complexe grandiloquent de
divertissements appelé Tchoudograd (Ville Magique)
avec un prix de tickets exorbitant. D’autres locataires
sans autorisation spécifique et puisque personne ne leur
en demande une, construisent une quantité importante
de kiosques préfabriqués qui prolifère sur le territoire
du parc. TsPKiO perd à ce moment son âme, son idée
originale ne correspond plus à son état physique. Après
la chute de l’URSS en 1991, le parc continue d’exister
de cette manière, les sculptures des années 30 sont soit
parfois cassées, parfois volées. La direction du parc ne
s’occupe plus d’évolution de parc, de son unité, elle ne
fait que gagner de l’argent avec son passé glorieux et
son emplacement central en sous-louant des espaces.
Gorky Parc. Témoin avant-gardiste.
Парк Горького. Свидетель авангарда.
52
53
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Le retour de Gorky Parc.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Vue sur Tchoudograd à Gorky parc, 1998.
Gorky parc, 2011.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Pavillons de cafés, location sportive, Wowhaus, 2011.
Cinéma en plein air, Wowhaus, 2011.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
La patinoire, Wowhaus, 2012.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Aménagement de l’étang des Pioniers, Wowhaus, 2012.
Aménagement des berges de la Moscova, Wowhaus, 2013.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Pavillon de Garage à Gorky Parc, 2012.
Pavillon estival de Garage, 2013.
Pavillon Shestigrannik, 2007.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Restaurant Vremena Goda, 2012.
Projet de réhabilitation de OMA, Rem Koolhaas et Form pour Garage, 2012.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Plan de Moscou. 2014
Gorky Parc
Neskouchny Sad
Leninsky Gory
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Plan de Gorky Parc, 2014
- monuments de l’époque de l’URSS
- constructions de Wowhaus, 2011-2014
- centre pour la culture contemporaine Garage, 2012-2013
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Nouvelle direction.
Le retour de Gorky Parc.
Парк Горького. Возвращение.
72
En 2008 TsPKiO fête ses 70 ans, beaucoup d’artistes,
essentiellement de vieux artistes sont invités à cette
fête pauvre et non pas digne du passé de ce lieu. De
1992 à 2010, le maire de Moscou reste inchangé : Youry
Loujkov. Il est une figure politique que beaucoup de
personnes n’apprécient guère aujourd’hui. Faut-il avoir
suffisamment de recul historique pour pouvoir réellement
comprendre le bien et le mal qui a pu être fait durant
son « règne » ; cependant c’est justement pendant ses
années que le Gorky parc voit son déclin.
En 2010 Moscou a enfin un nouveau maire et c’est
à ce moment-là que le département de Moscou décide
de changement de la direction de TsPKiO. C’est un
jeune député, Sergueï Kapkov, âgé seulement de
36 ans, qui occupe alors durant presque deux ans
le poste de directeur. Fin 2011 son directeur adjoint,
Olga Zakharova, prend sa place toujours suite à la
décision prise par le département de Moscou. Sergueï
Kapkov devient alors chargé de culture de la ville de
Moscou alors que Olga Zakharova devient la deuxième
femme-directeur de TsPKiO depuis sa création. Les
années 2010 et 2011 seront le début d’une grande
réhabilitation de Gorky parc ainsi qu’à partir de 2013 des
parcs voisins, Neskouchny Sad et Leninsky Gory. Ces
derniers, après le succès de l’opération de Gorky parc,
sont annexés à l’administration de Gorky parc, et sont
actuellement réhabilités par la même direction.
Tout d’abord, un grand ménage est fait sur le
territoire : toutes les constructions non autorisées sont
démolies, le Tchoudograd est enlevé avec toutes
ses attractions chinoises. L’entrée dans le parc est
désormais de nouveau gratuite. La nouvelle direction
du parc souhaite redonner au parc ce qu’il a pu
perdre au cours de l’histoire. D’une part, les bâtiments,
ensembles paysagers et sculpturaux qui restent encore
dans le parc, sont restaurés. D’autre part, un grand
travail de diagnostique historique est fait, notamment,
la consultation et la réédition de l’autobiographie du
premier directeur du parc, Betty Glan. Pour la nouvelle
direction de Gorky parc le plus important est de rajouter
du nouveau, de l’original, d’intéressant dans le parc.
Le parc renouvelé a tout de suite un grand succès.
En espace d’un an, le nombre de visiteurs par jour est
passé de 10.000 à 100.000. Selon la direction, ce succès
n’est pas un effet de mode, mais il est dû à une réponse
adéquate envers la demande sociale formée dans les
années 2000. À savoir, une nouvelle couche sociale de
jeunes actifs, cultivés et créatifs, apparaît.
En accord avec la nouvelle politique de la ville de
Moscou de faire place aux jeunes, à leur énergie, leurs
idées, Gorky parc invite un jeune bureau d’architecture,
Wowhaus, pour la conception de nombreuses
constructions dans le parc. Parmi d’autres, écoclub
pour les enfants, coworking ; sont de nouveaux types
d’espaces publiques à Moscou. D’autres idées sont
puisées dans le passé : cinéma en plein air, différents
clubs de sport, club d’échec, la plus grande des
patinoires artificielles d’Europe.
L’identité visuelle du parc est développée par le
studio le plus important de Moscou, Art.Lebedev, fondé
en 1995. À partir de 2013, le parc édite son journal
officiel où l’on peut trouver des informations pratiques,
les projets à venir du parc ainsi que des statistiques sous
forme ludique.
En 2012 le Centre pour la Culture contemporaine
Garage déménage dans le parc, dans un pavillon
éphémère spécialement conçu par Shigeru Ban. En
2015 Garage déménagera dans le pavillon Shestigrannik
et ancien restaurant des années 60, Vremena Goda,
les deux réhabilités par OMA et Rem Koolhaas en
collaboration avec Form Bureau.
WowHaus à Gorky Parc
Bureau d’architecture Wowhaus est fondé en 2007
par Oleg Chapiro et Dimitry Likin, nés en 1964 et 1966
respectivement. Ces deux architectes ont chacun un
passé différent. À savoir, Chapiro commence sa carrière
comme architecte déclaré à l’union des architectes
soviétiques, Likin quant à lui obtient son diplôme
d’architecte en 1990, mais commence sa carrière
comme rédacteur de différents magazines russes, puis
continue à travailler à la télévision jusqu’en 2007. Ils
sont deux architectes les plus âgés en chef, 19 jeunes
architectes de 25 à 35 ans travaillent au sein du bureau
architectural. Très rapidement, l’agence se spécialise
dans la conception des espaces publics, balayant
toute échelle d’intervention possible. Selon Wowhaus,
73
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Le retour de Gorky Parc.
Парк Горького. Возвращение.
74
l’architecte contemporain revient vers l’universalité : « il
doit facilement passer de l’échelle d’un réverbère à celle
de problèmes de planification d’une ville. » Cette agence
devient connue en 2010 avec leur projet pour l’institut
Strelka de média, design et architecture ; en 2011
presque toutes les nouvelles constructions dans le Gorky
parc leur sont confiées.
Une vingtaine d’édicules dans Gorky parc sont
construits aujourd’hui selon les plans de Wohaus. Je
m’arrête sur la conception des pavillons plurifonctionnels
abritant entre autres, des cafés, restaurants, locations
d’équipement sportif ou encore les clubs d’enfants. Au
delà de la poursuite des idées initiales du parc quant
au caractère éphémère des pavillons, Wowhaus décide
que chacune de leurs constructions serait montable
et démontable. Les membres d’équipe se rendent
compte que dans les conditions contemporaines,
l’architecture répondante à la demande sociale ne peut
plus être pérenne. La pérennité signifie pour eux un
coût supplémentaire. La transportabilité d’architecture
est aussi un avantage prenant en compte la situation
actuelle moscovite, où le coût du loyer n’est pas toujours
assuré. En outre, une construction semi-éphémère1
est plus respectueuse de son environnement, qu’elle
soit installée en zone urbaine ou dans la nature. La
capacité de s’adapter à des conditions météorologiques
très différentes entre été et hivers est un autre point
important à toute architecture moscovite. D’une
part, la fonctionnalité d’un lieu ne doit pas souffrir de
changement de saisons, d’autre part, le choix constructif
doit supporter la variation importante de température.
Même si Wowhaus justifie le choix de construction en
bois comme une tradition historique du parc, ce choix
est aussi une question de cout et de poids. Le socle
en bois, étant un agrandissement extérieur de chacun
des pavillons, il peut s’adapter à tout dénivelé et cache
astucieusement la partie technique indispensable.
Certains sont déployés respectueusement autour
d’arbres ou réverbères, ceux-là étant fixes sur le territoire
du parc. Quant à l’utilisation de la couleur en façade,
nous pouvons percevoir ici l’idée de frères Stenderg.
Elle aide à créer une unité, et apporte de la gaîté à
la géométrie simple des formes architecturales. La
typographie utilisée en façade poursuit, elle aussi, la
1 J’emploie ce terme car, comme exemple, leur projet initialement d’architecture éphémère de Strelka reste en place depuis bientôt 5 ans.
tradition d’architecture avant-gardiste. Le même pavillon
peut aussi bien servir en été à la location de raquettes
de tennis, ping-pong, ballons de foot, etc. ; qu’en hivers
à la location de ski de fond et de luges. Il peut aussi
faire partie intégrante de la grande patinoire : il devient
un abri, un vestiaire, une zone de repos. La patinoire,
installée de mi-octobre à mi-mars, crée un lien tant
social, qu’architectural. Les bousculades deviennent
alors inévitables, les différents édicules, notamment les
kiosques de street food ou les terrasses chauffées de
cafés étant accessibles directement depuis la patinoire.
La patinoire devient itinéraire secondaire et/ou toute
autre : la perception de l’espace change alors une fois
que le flâneur se met en patins.
L’attention est donnée à différents facteurs entrant
en jeux dans une architecture. Le travail de la lumière
simple et efficace rajoute de la magie au lieu aussi bien
en été qu’en hiver. Ce dernier en Russie est toujours
bipolaire : il est une source de joie et de dépression à la
fois. La nuit tombe tôt et la nature humaine supporte mal
le manque de lumière naturelle. Tout de même l’hiver
apporte une multitude d’activités nouvelles dans la ville
et dans la nature. Pour la première fois, l’architecture
publique à Moscou réfléchit et essaye de répondre à ce
thème.
Dans le cadre de développement commun de
Gorky parc, Neskouchny Sad et Leninsky Gory,
l’équipe de Wowhaus réfléchi sur un concept général
d’aménagement des berges de la Moscova sur le
territoire. Pour cela la direction du parc confie aux
architectes cinq points stratégiques sur le parcours
le long de la Moscova entre Gorky parc et Leninsky
Gory. Pour répondre au problème d’absence de
toute infrastructure sur ce territoire, les architectes
élaborent un jeu de construction de différents modules
indépendants. Chacun de ces modules a sa propre
fonction : location de vélos, toilettes, kiosque de street
food et de boissons, abris pour agents de sécurité.
Encore une fois, la couleur est utilisée afin de créer une
unité, quant à la lumière, outre son pouvoir symbolique,
elle assure la sécurité des promeneurs la nuit tombée.
75
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Garage à Gorky Parc
Le retour de Gorky Parc.
Парк Горького. Возвращение.
76
Fille d’un millionnaire du pétrole et campagne du
milliardaire Roman Abramovitch, Daria Zhoukova, jeune
femme de 33 ans joue un rôle important dans la vie
artistique de Moscou d’aujourd’hui. Après le divorce
de ses parents quand elle était à peine née, sa mère
part avec elle aux États-Unis, puis à 16 ans elle reçoit
l’invitation de son père de le rejoindre à Londres où elle
étudie la naturopathie. Cette jeune femme est imprégnée
de culture occidentale d’une part et reçoit une éducation
familiale russe d’autre part. En 2007 elle commence son
projet de Centre pour Culture contemporaine « Garage »,
ou GCCC, sponsorisé par Roman Abramovitch. En
2008, le centre s’installe dans le Bakhmetevsy garage
à bus, bâti en 1926 par Konstantin Melnikov et restauré
à l’occasion. Dès le début de ce projet, Zhoukova
montre alors son intérêt pour l’héritage avant-gardiste
et soviétique plus largement. Ce bâtiment à plan libre
offre 8.500 m2 d’espace d’exposition et une hauteur sous
plafond monumentale.
Depuis sa création, le centre se veut un lieu
d’enseignement et d’initiation aux arts plastiques, à
l’architecture, au cinéma et à la musique. En 2008 ce
type de lieu est rare à Moscou. Dans les années 2000
à Moscou, différents clusters culturels se forment :
Vinzavod, Flacon, Arma, Red October, Proekt Fabrika,
Artplay. Selon l’étude de Tatyana Polyakova, diplômée
de Strelka, contrairement aux clusters en Europe
occidentale, les clusters à Moscou ne communiquent
pas avec le voisinage du quartier où ils se trouvent.
Le but de leur création est de proposer un « nouveau
lieu sympathique aux artistes et à la communauté
professionnelle 2.» Garage devient le premier lieu de ce
genre à Moscou, proposant des expositions à prix réduit
et des cours d’initiation à l’art contemporain ouverts au
grand public.
En 2009 Daria Zhoukova présente l’exposition « Un
certain état du monde ? », sélection d’œuvres de
la collection de François Pinault. Ainsi elle s’affirme
comme une figure désormais majeure sur la scène
d’art et de galeries moscovites. Outre un lieu éducatif,
GCCC devient un espace de rencontres et d’échanges
privilégié pour la scène artistique russe.
2 POLYAKOVA Tatyana, Cultural clusters as a social magnet, s.n., 2012,
p.53
Au moment où les travaux de la réhabilitation de
Gorky parc commencent, Roman Abramovitch et
Daria Zhukova montrent leur intérêt et soutiennent
financièrement le grand changement. En 2012, le
Garage déménage dans le Gorky parc, réaffirmant à
une plus grande échelle son rôle dans la promotion et
le développement d’art contemporain et de culture à
Moscou.
GCCC s’installe dans un pavillon éphémère de
2.400 m2 spécialement conçu par Shigeru Ban, sa
première construction en Russie. Fidèle à son approche
architecturale, dans la construction de cet espace
ouvert et lumineux, il emploie des tubes de 6 mètres en
papier recyclé, fabriqués à St-Petersburg. La première
exposition organisée dans cette espace rend hommage
à la tradition des constructions éphémères dans le
Gorky parc au XXe siècle. Elle montre au public pour la
première fois les plans originaux de la VSVKhV gardés
dans les archives du parc.
En 2013, GCCC organise un concours ouvert aux
jeunes architectes russes âgés de 35 ans maximum, afin
de construire un pavillon estival. Les 7 « champignons »
démesurés abritent dans la journée du soleil les visiteurs.
Ils peuvent emprunter des livres dans la bibliothèque
du Garage, les lires confortablement dans des chaises
longues ou fauteuils ; travailler puisque, comme dans
tout le parc, le wi-fi est libre d’accès. Les enfants sont
aussi les bienvenues, tout comme dans d’autres espaces
de Gorky parc, des activités leur sont proposées. Le soir
ces mêmes champignons après avoir absorbés l’énergie
solaire, s’illuminent, offrant une nouvelle vision de ce lieu.
La même année, Form Bureau (une autre agence
d’architecture russe avec une jeune équipe, tous moins
de 35 ans), conçoit pour GCCC le Centre éducatif,
accueillant le public lors de conférences, séminaires et
cours, ouverts à tous à partir de 3 ans.
Pour finir, en 2012 Daria Zhoukova annonce
d’ouverture en 2015 du lieu définitif de son centre
devenant musée d’Art contemporain Garage. La
rénovation du Bakhmetevsy garage de Melnikov lui a
permis le retour sur la scène urbaine moscovite. Toujours
dans la même lignée, Zhoukova décide de la rénovation
des « semi-ruines » de Shestigrannik et de l’ancien
restaurant « Vremena Goda », bâtiment de 5.400 m2 des
années 60, se trouvant juste à côté. Ce projet est confié
à l’agence OMA et Rem Koolhaas en collaboration avec
77
Le retour de Gorky Parc.
Парк Горького. Возвращение.
78
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Form Bureau. Dès ses années d’études, Koolhaas est
fasciné par l’architecture avant-gardiste russe ; Leonidov
et Melnikov sont pour lui, les maîtres d’architecture.
Certes, ces deux bâtiments ne sont pas représentatifs
du mouvement avant-gardiste, mais en quelque sorte
Koolhaas rendrait l’hommage à ses maîtres et leur
héritage. Le 27 avril 2012, le projet de la rénovation
de Vremena Goda est présenté à la presse. Koolhaas
affirme que l’état délaissé depuis deux décennies rajoute
un charme romantique au bâtiment. Le projet sauvegarde
l’état de ruine, vient la soutenir de manière sûre, mais
réversible afin de laisser place aux générations à venir
et leurs idées. Ici non seulement la mémoire du lieu de
restauration populaire est ressuscitée, mais c’est aussi le
récit de son abandon et son contexte historique qui sont
préservés.
Gorky parc est le premier projet social de cette
envergure à Moscou post-soviétique. Aujourd’hui grâce à
sa réhabilitation lancée par un petit cercle de personnes
enthousiastes, Gorky parc reprend sa place d’un
« combinat de nouvelles idées ». Il joue un rôle majeur
dans le loisir actif, culturel, et écoresponsable. Quatre
autres parcs, sans compter les territoires voisinant
Gorky parc, sont en cours de réhabilitation aujourd’hui à
Moscou, mais aussi dans d’autres villes post-soviétiques
en Russie. L’histoire se répète : étant le premier des
PKiO, Gorky parc partage son expérience dans URSS ;
étant le premier à se rénover, il partage de nouveau son
expérience dans la Russie.
79
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Moscou aujourd’hui.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Institut Strelka , vue sur l’île de l’ancienne chocolaterie Octobre Rouge, 2011.
Institut Strelka, 2013.
Narkomfin, 2013, Natalia Melikova.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Narkomfin, 2013, Natalia Melikova.
Moscou appréhendée.
Москва воспринятая.
Narkomfin, 2013, Natalia Melikova.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Projet de rénovation de Narkomfin, Kleinwelt Architekten.
«Narkomfin Now», Daria Zaïtceva.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
«Narkomfin Now», Alexy Piven.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Nouvelle pédagogie moscovite.
Moscou aujourd’hui
Москва сегодня
92
Entre 2010 et 2012, trois écoles privées dans le domaine
d’architecture ouvrent leurs portes. Le fondateur de
MARCH (d’une de ces écoles), Evgueny Asse dans son
interview pour Domus parle de monopole d’éducation
architecturale tenue par MARKhI, institut d’architecture
de Moscou. De 1933 à 2010, elle est la seule à Moscou
qui peut délivre le diplôme d’architecte. Cette école est
créée par un décret de VTsIK suite à la fermeture de
VKhOUTEIN. Comme je l’ai déjà fait remarquer, avant
la fermeture de VKhOUTEIN, trois pôles s’organisent
au sein de cette institution : les ateliers académiques,
les ateliers de gauche unis et les ateliers d’architecture
expérimentale. En 1933 MARKhI est formée à la base
des ateliers académiques. Jusque dans les années 70,
elle reste en négation de l’architecture rationaliste et
constructiviste. À partir du moment où l’architecture
stalinienne sera critiquée, MARKhI donnera aux étudiants
une certaine vision de courants avant-gardistes, sans
rentrer dans le détail de ce qu’ils pourraient apporter
véritablement. Cet institut reste fidèle aux ordres
classiques et sa pédagogie reste conservative encore
aujourd’hui.
En 2004 j’obtiens mon baccalauréat à Moscou et
malgré mon grand intérêt pour l’architecture, je n’ai pas
la moindre envie de tenter le MARKhI. Il est important
pour moi, de dire un mot sur ce qui était mon éducation
en Russie. À 6 ans je passe une sorte de concours pour
entrer dans l’école n° 1243. Elle fait partie de vieilles
écoles russes, réformées durant les années de l’URSS,
conçues, sans le cacher, afin de produire la classe
intellectuelle. Encore aujourd’hui, le but de ces écoles
spécialisées est de permettre aux élèves sélectionnés de
se développer le plus largement possible. La sélection
à l’âge de 6-7 ans est une question délicate. Je ne peux
que supposer, vingt ans après, que les directeurs de ces
écoles cherchent tout d’abord une chose imperceptible
de première vue dans les enfants, une étincelle de talent
quelconque, je pense. Je grandis dans ma classe avec
des amis talentueux dans un domaine, mais presqu’avec
un handicape dans un autre. Une école normale à
Moscou, aurait considéré la moitié de ma classe comme
tout simplement « attardés ».
En Russie nous n’avons pas peur de soulever
la question de talent ou de don. Dans les livres ou
entretiens que j’ai pu consulter durant ma recherche,
je me rends compte que les architectes russes
reviennent souvent à cette question. De Melnikov à
l’agence Wowhaus, pour eux le talent d’un architecte
est indispensable. Pour Oleg Chapiro, « afin de
créer un objet véritablement réussi et esthétiquement
complet, l’architecte a besoin d’une constante tout à
fait irrationnelle. Cette constante est le pouvoir interne
d’un architecte. Ce que l’on nomme tout simplement
“talent”. Dit plus simplement, l’activité architecturale
n’est pas pour tous 1.» Pour Melnikov l’artiste est « né
artiste pour une raison qui nous est inconnue » 2 et qui
ne sera jamais connue, « la création est un mystère »3.
Cependant si cette voie est donnée à la naissance,
l’homme n’a plus le choix que de la suivre. Cette pensée
revient souvent dans la culture et l’éducation russe.
En revenant vers la question des écoles spécialisées,
ce que j’ai appris de plus important c’est de penser
librement, de voir largement et de ne jamais cesser
d’apprendre. D’une manière ou d’une autre, c’est ce
que nos professeurs nous répétaient tous les jours
durant 10 ans. En 2004, la réalisation de la manière
d’enseignement à MARKhI, mais aussi d’enseignement
dans d’autres écoles supérieures à Moscou, est dure
pour moi. Je comprends alors que je n’aurais pas ma
place dans une institution russe et je suis presque
forcée à partir. Je crois sincèrement ne pas être la
seule : gardant le contact avec quelques-uns de mes
amis d’enfance, je suis leur parcours. Je vois la difficulté
que nous avons tous eu lors de passage d’une école
spécialisée vers une institution supérieure conservative.
Pour Oleg Chapiro de Wowhaus, le système soviéticorusse des écoles supérieures est un véritable
anachronisme qui ne donne pas la clé d’universalité
quant à l’éducation architecturale. Chapiro aujourd’hui
est un des membres du conseil d’administration de
l’institut Strelka.L’ouverture des ces nouvelles écoles est
une tentative d’en finir avec le monopole de MARKhI et
de proposer un enseignement plus libre et expérimental.
1 wowhaus.ru/office
2 KHAN-MAGOMEDOV Selim, Konstantin Melnikov, Moscou, Stroïizdat,
1990, p. 11
3 Op. cit., p. 11
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Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Strelka, un nouveau laboratoire de recherches
urbaines
Moscou aujourd’hui
Москва сегодня
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Cet institut « pour une ville sociale » est fondé en 2009
afin de changer le paysage culturel et physique des
villes en Russie. À travers ses activités éducatives,
Strelka promeut les changements positifs et crée
de nouvelles idées et valeurs. Cette institution est
privée avec une approche éducative expérimentale.
La formation en anglais dure seulement 9 mois et
chaque année de nouveaux thèmes de recherche sont
proposés aux étudiants venant de différentes villes en
Russie et aussi du monde entier. Le programme se
veut multidisciplinaire et il est élaboré afin de booster
l’énergie créative de chaque étudiant. Strelka veut créer
le futur de Russie. Elle apprend la pensée critique, la
recherche créative afin d’aboutir à un projet applicable
à la solution de problèmes réels de villes russes. Outre
la formation de 9 mois, Strelka est un lieu public ouvert à
tous.
L’équipe de l’institut Strelka est majoritairement jeune,
encore une fois, nombreux ont moins de 35 ans. De 2009
à 2013, une de mes amis d’enfance, Alina Vasilenko,
travaille sur le programme éducatif de Strelka, de sa part
j’ai pu apprendre l’énergie dépensée, comme exemple,
à joindre Rem Koolhaas en personnes, afin de le
convaincre venir enseigner à Moscou. Il sera la première
« star » à suivre durant 9 mois l’évolution de travail de
recherches d’étudiants.
Un autre ami d’enfance, Ivan Solomin, et qui ne
connaissait pas Alina avant Strelka, fait partie de la
première promotion d’étudiants. Après avoir fini HSE,
Higher School of Economics, de Moscou, et sans
trouver de travail lui correspondant, il se relance dans
les études. « Russia’s Energy Future. A Case Study of
Biogas » est le résultat de son travail de 9 mois. Même
si Strelka est officiellement « institut de média, design et
architecture », en réalité chaque étudiant prend la voie
qui lui convient et la recherche va au-delà de ces trois
notions. À la suite de ce passage par une approche
nouvelle dans l’éducation, Ivan Solomin se réapprend
et poursuit durant deux ans ses études en architecture
urbaine à Hong-Kong.
MARCH, alternative pour les « survivants » de
MARKhI
En 2012 Evgueny Asse (entre autres, il dirige le pavillon
russe à la Biennale de Venise de 2004 à 2006), ouvre
l’école appelée MARCH, École d’architecture de
Moscou. Elle s’installe dans un des clusters culturels
déjà formés, Artplay. La formation dure deux ans, elle est
proposée aux diplômés en architecture ou urbanisme du
niveau de License. À la sortie de l’école, les étudiants
obtiennent le niveau Master. L’idée de Asse est
essentiellement de proposer une alternative au Master de
MARKhI. Depuis 1987 Asse enseigne à MARKhI et il voit
donc de l’intérieur ce qui marche et ce qui ne marche
pas dans cette école. Quand il donne son interview à
Domus, il parle donc en connaissance de cause. Le
projet de sa propre école se forme depuis plus de 10
ans et d’une manière symbolique, ce projet se réalise en
même temps que les autres projets de cette envergure.
La fin des années 2000 et le début 2010 à Moscou sont
comme une époque de nouveau souffle. La ville arrive
enfin à se relever de la chute d’idéologie soviétique. Elle
retrouve ce qu’elle a pu perdre au cours de l’histoire,
à savoir son énergie créative et expérimentale. Un des
professeurs de MARCH est Alexandre Brodsky, le Maître
de l’architecture de papier russe. « Certaines périodes
de ma vie sont celles quand j’étais artistes, mais je
voulais être architecte. À d’autres moments je pratiquais
l’architecture et je n’avais pas le temps pour être artiste.
Aujourd’hui est un heureux moment quand j’arrive à
combiner les deux. », dit-il. Le moment présent est un
moment important dans l’évolution de la ville de Moscou.
En octobre 2014 les étudiants de MARCH, de MARKhI
et de l’école des Beaux Arts de Stroganov, sont invités
à faire un workshop commun. Le thème de ce workshop
est de faire revenir Narkomfin dans la vie culturelle de
Moscou. Ce workshop vient comme une nécessité d’une
réponse à l’interview du propriétaire actuel de Narkomfin,
Alexandre Senatorov. Il est publié en juillet 2014 dans
le magazine influant à Moscou, Afisha ; et rencontre
directement une grande polémique.
En 2007, après avoir acheté la presque intégralité de
Narkomfin, Alexandre Senatorov décide de le réhabiliter
en « hôtel-boutique ». Cependant les études plus
poussées démontrent l’invalidité de cette idée. Le projet
actuel pour ce bâtiment, classé monument historique,
95
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Moscou aujourd’hui
Москва сегодня
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se trouvant aujourd’hui en état alarmant ; est proche
de ce que ce bâtiment a été à son origine. La partie
habitée de Narkomfin resterait avec des appartements
privés et séparés. Senatorov dit avoir assez d’amis ayant
envie d’acquérir l’habitation dans ce monument avantgardiste. La partie commune de Narkomfin resterait
publique et accueillerait un restaurant et un centre pour
les enfants. La manière de dire des choses et le rapport
nonchalant de première vue envers la restauration fidèle
de Narkomfin, choquent les lecteurs et les spécialistes
d’héritage soviétique. Comme il arrive souvent, tout le
monde est contre, mais ne propose pas une alternative.
C’est dans ce contexte que les étudiants sont amenés à
réfléchir sur le futur de ce dom-komouna.
La réponse sous le titre « Narkomfin Now » est
celle qui attire le plus mon attention. L’équipe de deux
étudiants de MARCH et d’une étudiante de MARKhI, est
la seule à proposer une réponse sensible. Ils n’expriment
pas une négation du projet de Senatorov qui, à mon avis,
a le droit d’être. Le propos de ces trois étudiants est
tel : « la maison c’est le passé, et nous ne comprenons
pas ce qui sera son futur, mais il nous est très important
de matérialiser son état présent tel qu’il est, avant sa
restauration 4.» Malgré son état flagrant, Narkomfin
inspire encore aujourd’hui à la créativité. Chacun
de l’équipe donne une réponse simple et évidente à
l’émotion suscitée chez eux par Narkomfin.
Pour Alexandra Bogdanova l’important est de garder
la trace de ce bâtiment lors de sa future rénovation. Elle
propose alors une œuvre de land art devant la maison.
Selon Daria Zaïtceva, Narkomfin évoque un sentiment de
risque, de défi ; et ce sentiment est semblable pour elle à
celui quand elle pratique la Highline.
4 www.archi.ru/russia/58383/vozvraschenie-doma
Quant à Alexy Piven, dernier membre de l’équipe,
Narkomfin l’intéresse dans son état présent, quand il est
déjà « vieilli, sage et indépendant » Il a tout de même
besoin de soutien. Il imagine alors une performance
avec 8 ballons gigantesques allégeant la fatigue que
Narkomfin a pu accumuler durant son siècle. Cette
réponse symbolique me touche plus particulièrement.
Elle exprime ma propre sensation que j’ai pu avoir en
apprenant sur le présent souvent misérable de l’héritage
avant-gardiste à Moscou. Ces bâtiments, tout comme
les personnes âgées ont été délaissées à la chute
de l’URSS. Aujourd’hui la tendance se renverse, la
rénovation et la réintégration de l’héritage soviétique
dans la vie de Moscou va souvent en parallèle avec la
tentative de la réintégration de vieilles générations dans
la vie contemporaine.5
97
5 j’écris cela en pensant à la réhabilitation d’un des DK récemment à
Moscou. Des cours d’initiation à l’ordinateur et à l’internet sont proposés
gratuitement aux retraités du quartier. Cet exemple est sans précédant à
Moscou. Mais cela est encore une autre histoire.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Conclusion.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Conclusion.
Вывод.
100
Durant mon récit entre le passé avant-gardiste et le renouveau présent de la ville de Moscou, je reviens à la question qui m’anime depuis de nombreux années de mes
études : le patrimoine et sa conservation.
Cette question à Moscou suscite des querelles à ne
plus en finir parmi différents acteur. Elle finissent très souvent de même manière. Le temps que les penseurs de
différents organismes de préservation de l’héritage architectural se battent pour savoir qui est-ce qui a raison ;
un bulldozer arrive dans la nuit et démolit l’héritage en
question. Comme le remarque bien Alexandre Senatorov,
il n’existe pas encore en Russie de « concept défini de ce
qui est véritablement précieux dans les monuments historiques ». Les questions patrimoniales sont si complexes
qu’elles prennent une forme d’une non-action.
Moscou aujourd’hui expérimente avec son passé, son
présent et son futur. L’indécision de certaines structures
administratives donnent une marge à ceux qui sont prêt
à l’action. L’atmosphère artistique de laboratoire de nouvelles idées de l’époque constructiviste est de retour. La
génération de mi-vingtenaires et mi-trentenaires, enfants
de Perestroïka (1985-1991), sont aujourd’hui dans la vie
active de la société.
L’exemple de Gorky parc nous montre plusieurs
choses. Premièrement, cette jeune génération a une capacité réelle d’agir suivant ses idées. Deuxièmement, (et
c’est ce qui m’importe le plus) son histoire montre qu’il
suffit de réanimer son idée originale, l’adapter à l’époque
dans laquelle nous vivons, pour que le parc revive et que
la mémoire de ce lieu ressuscite. Formellement le parc ne
ressemble pas à celui de 1920-30, mais aujourd’hui son
rôle éducatif, sportif, d’un condensateur social, est revenu.
Il est de nouveau dans la vie quotidienne des Moscovites,
il n’est pas oublié et c’est ainsi qu’il est préservé. Les photos de l’époque témoigneront toujours de la forme passée
du parc, l’autobiographie de Betty Glan donnera toujours
le récit de la vie du parc à ses débuts. Seule le retour du
passé vers le présent offre au Gorky parc sa deuxième
vie. Le monument doit s’intégrer dans la vie urbaine
contemporaine pour que sa véritable existence persévère.
Je me répèterais en disant que les architectes
avant-gardistes n’ont pas l’ambition de construire pour
une durée définitive. Il arrive même que leur ambition est
de démolir et refaire à neuf leurs bâtiments « provisoires ».
La question de ce patrimoine humain devient sous cet
angle d’autant plus complexe. La valeur des idées appa-
rues dans les années 20 et 30 ne serait-elle pas plus importante que la valeur matérielle de ce qui a été construit ?
Le savoir, la mémoire d’un élément moteur du passé est
finalement plus important à transmettre aux générations à
venir que sa trace matérielle et donc pérenne.
L’état actuel de Narkomfin lui confère une dimension
nouvelle, celle de grand vécu. Quand il sera refait à neuf,
il va certainement perde cette dimension mystique qu’il a
aujourd’hui. La ville qui se « respecte » ne peut pas accepter d’avoir une telle œuvre mal-vieilli en plein centre.
Cette envie de se débarrasser de refaire une façade
lisse, neuve, avec les nouveaux matériaux, de Narkomfin,
comme d’autres monuments historique ; est finalement
proche de la peur sociale formée au cours de XXe siècle,
de vieillissement naturel et humain.
La culture occidentale a tout de même l’acceptation
de la ruine. Je pense au romantisme, John Ruskin, Arts
& Craft ; mais aussi à la fascination des découvertes Antiques et Égyptiennes. Tout cela a pu donner naissance
à des choses nouvelles. D’autres cultures ont un rapport
d’autant plus étroit avec la ruine. Un arbre qui pousse
au milieu d’un temple peut être signe de Dieu et signe
d’abandon selon la perception culturelle.
Aujourd’hui nous serons amener de plus en plus à la
réhabilitation dans les villes qui ne peuvent plus s’agrandir
dans les situations actuelles économiques. La question
fondamentale de ce qu’est le patrimoine, de ce que nous
laisserons aux génération à venir ne cessera pas de se
poser. Il faut prendre en compte l’ensemble de questions
sous-jacentes afin de pouvoir redéfinir le système actuel
de valeurs.
P.S. Pour anecdote, le critique d’architecture le plus
influent russe, Grigory Revzin, déclare qu’avec le scandale autour de la tour de Choukhov une chose est claire :
les russes ont inventé un nouveau concept quant à la préservation de l’héritage, son déplacement. Il propose alors
de mettre des skis sur tous les monuments pour facilité
leur déplace d’un lieu à un autre, puis à un autre. Ce pèlerinage inversé ne peut qu’être positif puisqu’il apportera
une valeur ajoutée à chaque lieu. En Russie nous rions
toujours de nos malheurs. Cette idée est barbare mais tout
de même elle aussi, peut nous apporter quelque chose.
101
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Pour finir, maintenant que mon travail s’arrête quelques
instants, je peux revoir « Stalker ». Avec la nouvelle
connaissance que j’ai pu acquérir durant cette recherche
sur mon propre héritage, je pourrais certainement voir ce
film sous un angle nouveau pour moi. À savoir, la nature
prenant le dessus sur la ville, elle est la forme la plus
avancée de la ruine. Ce mot au sens négatif prend aujourd’hui une nouvelle valeur positive.
Moscou aujourd’hui
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102
Cadre du film « Stalker » de A.Tarkovsky.
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Bibliographie.
COHEN Jean-Louis, Le Corbusier et la mystique de
l’URSS, Pierre Mardaga éditeur, 1995, 326 p.
ESSAÏAN Elisabeth, Moscou, Portrait de ville, Cité de l’architecture et du patrimoine, 2009, 72 p.
GLAN Betty, Gorky parc, le début de l’histoire, Moscou,
Parc Gorkogo, 2013, 208 p.*
KHAN-MAGOMEDOV Selim, Konstantin Melnikov, Mos
cou, Stroïizdat, 1990, 296 p.*
KHAN-MAGOMEDOV Selim, L’architecture de l’avantgarde soviétique. 2ème livre : problèmes sociaux, Moscou,
Stroïizdat, 2001, 712 p.*
KOOLHAAS Rem, New York Délire, Paris, Éditions Paranthèses, 2002, 318 p.
MILIOUTINE Nikoilaï, Sotsgorod. Le problème de la
construction des villes socialistes, Les Éditions de l’Imprimeur, 2002, Besançon
MURADIVA Tamara, (Re)inhabiting Russian Avant-garde,
Moscou, Archiproba, 2011, 146 p.
BOUSTEAU Fabrice, Pinault met ses artistes au Garage,
Beaux Arts Magazine, 2009, n° 299, pp. 104-109
MOREL Guillaume, Moscou contemporain : carnet de
voyage, Connaissance des Arts, 2010, n°680, pp. 66-73
DOULKINA Inna, Le parc Gorki : passé glorieux, présent
honteux, avenir incertain, Le Courrier de Russie, 28 avril
2011
garageccc.com
www.park-gorkogo.com
www.strelka.com
Moscou appréhandée.
Москва воспринятая.
Remerciements.
Carola Moujan et Philippe Louguet

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