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“Un film profond, fort et poignant qui révèlera au public deux nouvelles et grandes valeurs du cinéma français, Alain Delon et
Annie Girardot, tous deux superbes jeunes premiers à fleur de peau.”
Fuyant la misère, Rosaria et ses quatre fils quittent l’Italie du Sud pour Milan où vit déjà l’aîné Vincenzo. Chacun tente de s’en sortir à sa façon. Mais l’harmonie familiale est rapidement brisée : Rocco et Simone sont tous les deux amoureux d’une jeune prostituée,
Nadia...
FICHE TECHNIQUE
RÉALISATION
LUCHINO VISCONTI
SCÉNARIO ET DIALOGUES
LUCHINO VISCONTI
SUSO CECCHI D’AMICO
VASCO PRATOLINI
PASQUALE FESTA CAMPANILE
ENRICO MEDIOLI
D’APRÈS LE ROMAN DE
GIOVANNI TESTORI
“IL PONTE DELLA GHISOLFA”
PHOTOGRAPHIE
GIUSEPPE ROTUNNO
MUSIQUE
NINO ROTA
DÉCORS
MARIO GARBUGLIA
MONTAGE
MARIO SERANDREI
PRODUCTION
GOFFREDO LOMBARDO
POUR TITANUS
INTERPRÉTATION
ROCCO PARONDI
ALAIN DELON
SIMONE PARONDI
RENATO SALVATORI
NADIA
ANNIE GIRARDOT
MORINI
ROGER HANIN
MME LUISA
SUZY DELAIR
V!NCENZO PARONDI
SPYROS FOCAS
GINETTA
CLAUDIA CARDINALE
CECCHI
PAOLO STOPPA
ROSARIA PARONDI
KATINA PAXINOU
ROCCO E I SUOI FRATELLI
ITALIE 1960 - DURÉE 3H04
SORTIE le 1er AOÛT 2007
MK2 Hautefeuille 6e
(vost)
PRESSE
JEAN-FABRICE JANAUDY
Tél. 01 56 69 29 30
“...Le film commence avec l'arrivée de la pauvre famille à la gare de Milan. A la descente du train nous sentons
la mère et ses fils à la fois perdus et ravis : leur découverte des néons des avenues tout au long du premier trajet en tramway illustre poétiquement cette irruption des paysans au centre d'un univers étranger, scintillant, fascinant, hostile. Après la difficile recherche d'un logis, ces émigrés de l'intérieur connaissent l'existence incertaine des êtres obligés de mendier du travail ; et le soir, dans l'appartement trop petit, c'est la cohabitation tendre
et pesante. La mère dirige la communauté ; à tour de rôle les fils trient les lentilles... Peu à peu la vie s'organise.
D'emblée, la mise en scène de Visconti déploie ses prestiges : avant de s'appuyer sur le montage, la forme cinématographique s'inscrit dans un espace que le cinéaste élit comme aire à l'intérieur de laquelle il orchestre les
mouvements qui lui permettent, dans un même plan-séquence, par l'architecture du décor, les attitudes, la discipline de la direction des acteurs, le dialogue et la profondeur de champ, de traiter la matière dramatique avec
une infinité de nuances.
La présence du jeune Luca, en filigrane, offre la continuité interne du foisonnement des intrigues et ouvre
l'œuvre sur l'avenir. Vincenzo, de son côté, ne sert que de trait d'union entre la Lucanie et Milan, puis il permet
à la famille de découvrir la ville, notamment les milieux de la boxe, après quoi il demeure en retrait. Restent
donc trois frères dont les comportements vont définir les trois voies principales offertes au choix des campagnards brusquement mis en situation de sous-prolétaires citadins (c'est-à-dire offertes au choix de tout individu
soumis à un système hypocritement oppressif).
1) Simone se bat sans s'interroger sur les moyens. Devenu boxeur et amant de Nadia, il se laisse glisser sur la
pente des complicités. Lorsqu'il se promène, à l'heure du thé, devant le parc d'un palace dans l'ambiance sonore de violons langoureux, il touche du doigt l'inégalité sociale révélée dans l'un de ses aspects les plus voyants.
Mais la révolte de Simone tourne court. Ce faible se laisse pervertir par une société tarée. Il finit obsédé par le
besoin d'argent, vagabond, criminel, ayant outragé Nadia et brutalement battu Rocco. Par lui se déchaînent la
violence vaine et le désordre improductif. (J'insiste sur les qualificatifs, car il existe évidemment des violences
utiles et des désordres nécessaires...)
2) Rocco présente l'image inversée de Simone. Doux, sans révolte, il croit que la bonté suffit à changer le
monde. Il éprouve douloureusement son déracinement, nourrit la nostalgie de sa Lucanie natale, terre d'olives
et d'arc-en-ciel, et il n'entrevoit de solution que par le retour au pays de son père. Ce personnage très fellinien
parle bien: “Nous sommes devenus une famille ennemie; nous nous sommes trompés; il faut payer.” Il croit à
la rédemption par le sacrifice et au salut par le pardon. Il parvient à convaincre Nadia qu'elle doit changer de
vie, mais lorsque, au cours de la scène pathétique au sommet du Dôme, il comprend que son amour pour elle ne
peut s'édifier que contre celui de Simone, il renonce à l'assumer parce qu'il ne veut pas faire de mal aux autres.
Visconti (c'est ce qui fait le prix inestimable de son film) montre que l'attitude idéaliste de ce Juste est intenable,
fausse et génératrice de catastrophes. Car, ainsi que le dit Ciro, on ne peut pas toujours pardonner, et la bonté
de Rocco est aussi nuisible que la méchanceté de Simone. “Rocco est un saint, dit-il. Mais dans le monde où
nous vivons, dans la société que les hommes ont créée, il n'y a pas de place pour les saints comme lui. Leur pitié
provoque des désastres.”
3) Ciro, par conséquent, apparaît comme le véritable héros positif de cette œuvre qui devrait s'intituler plutôt
Ciro et ses frères. Ciro refuse de subir passivement l'aliénation en rêvant, comme Rocco, d'un retour au pays
natal et à la couronne des victimes consentantes ; et il refuse également d'être le jouet, puis le complice de l'aliénation, comme Simone. Il est le seul que l'on voit, dans la chambre, plongé dans les livres. Lorsque Luca lui
apporte son casse-croûte sous la pluie au bout du petit pont, il parle de ses cours du soir. Sa révolte devient
féconde. Il apprend à se connaître et à connaître le monde, sachant s'imposer des devoirs et faire valoir ses
droits. Il est le seul qui a gagné une conscience politique ; qui est devenu ouvrier spécialisé et qui vit un amour
serein. Le seul aussi qui est capable d'exposer clairement la morale de leur histoire à Luca et qui peut lui donner son expérience en exemple. Tandis que mugissent les sirènes de l'usine, Ciro marche coude à coude avec ses
camarades ; du paysan qu'il était et que des maîtres traitaient comme une bête, il a fait surgir un homme fort: il
a cessé de ne se définir que par son passé et son présent; il fonde sa dignité sur son devenir. Avec Ciro, l'œuvre
ample de Visconti devient enfin ce qu'elle est : un inoubliable et bouleversant cri de liberté."
Freddy Buache
Le cinéma italien (1945-1979)