La dictée de la rentrée93 KB04/10/2013, 13:31

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LE BOUILLEUR DE CRU
Dans les années soixante-dix, à quelque deux cents mètres de l'école
d'Hermival-les-Vaux, près d'un terrain embroussaillé bordé par la
Paquine, dès l'automne s'installait un personnage hors du commun :
le bouilleur de cru, équipé de son alambic qu'il acheminait d'un village
à l'autre.
Sa venue était guettée par tous ceux qui possédaient un verger, si petit
fût-il. Lors de la cueillette, on séparait les fruits abîmés, voire talés,
des bons qui étaient mis à macérer dans des tonneaux où ils
fermentaient ; le moût viendrait ensuite emplir l'antique cucurbite
pansue, dont les parois noircies seraient léchées par les flammes d'un
feu d'ormeau, de frêne ou de prunellier.
Le moment venu, il ne restait plus au cultivateur qu'à charger les fûts,
les dames-jeannes et les cornues tarabiscotées sur la carriole tirée par
un cheval bai.
Mais voici que la machine fume, suffoque, glougloute. Du chapiteau
qui coiffe la chaudière, des vapeurs enivrantes s'échappent vers un colde-cygne, gagnent le serpentin où elles se refroidissent, se
condensent : l'eau-de-vie distillée s'écoule, encore chaude...
Au XIXe siècle, l'obtention d'un acquit, transmissible de père en fils,
autorisait fermiers et métayers à produire leur « goutte ». Ce privilège
fut souvent remis en cause : quelques motifs intransigeants
qu'économistes et hygiénistes aient allégués, les ayants droit, non
convaincus du bien-fondé de ce diktat, durent bientôt renoncer à
siroter leur(s) tord-boyaux, sauf à payer une taxe jugée prohibitive.
Texte inspiré d’une dictée du même titre de Madame Christiane Bachelier et agrémenté
de noms de lieux locaux.

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