Magisteruppsats Traduire la culture sociopolitique Étude de
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Magisteruppsats Traduire la culture sociopolitique Étude de la traduction française de noms propres liés à l’organisation politique et sociale en Suède Författare: Candice Roccasalva Handledare: Chantal Albepart-Ottesen Examinator: Liviu Lutas Termin: HT15 Ämne: Facköversättning SV-FR Nivå: avancerad, 15 hp Kurskod: 4FR32E Abstract The purpose of the present essay is to study the difficulties of translating, into French, Swedish proper names with a connection to the socio-political organisation of the country, i.e. names of Swedish national institutions and governemental bodies, unions and political parties as well as national and local non-profit organisations, and to discuss, in context, the validity of the various possible translation methods. The source texts used as primary material are excerpts from the book Porr, horor och feminister by Swedish author Petra Östergren (2006) in which she intends to offer a historical and at the same time critical insight into the debate about pornography and prostitution in Sweden. Drawing on both the skopos theory of Vermeer and Reiss and the theories about the translation of cultural elements developed by Swedish scholar Brynja Svane, the author of this essay will, as a first step, analyse the text type, skopos and target audience of both the source texts and the target texts, and, as a second step, sort out all instances of the chosen proper nouns according to the translation method used to render them. The motivations behind each translation choice, above all in accordance with the skopos of the texts but also with the stylistic requirements of the target language, will then be discussed and evaluated in details. Mots-clés Mots culturels, mots conceptuels, expressions référentielles, expressions référentielles culturellement spécifiques, images culturelles, noms propres, noms d’institutions, noms d’organisations, skopos, étrangéisation, domestication, egennamn, namn på institutioner, kulturella ord, referentiella uttryck, kulturspecifika referentiella uttryck. Remerciements Je tiens tout d’abord à remercier Petra Östergren pour sa disponibilité et sa patience face à mes nombreuses questions ; je remercie également ma camarade Audrey Chanson et ma directrice de mémoire Chantal Albepart-Ottesen pour leurs commentaires lors de l’élaboration de ce mémoire ; un grand merci enfin à Andrew Crayford et à Susanna Forsberg pour leurs encouragements et leur optimisme indéfectible. 1 4FR32E Candice Roccasalva TABLE DES MATIERES 1 Introduction 3 1.1 But de l’étude 1.2 Présentation des textes sources 1.3 Méthode et délimitation de l’étude 3 4 5 2 Cadre théorique 7 2.1 Traduction des références culturelles : pluralité des théories 2.2 Méthode d’analyse des « images culturelles » par Brynja Svane 2.2.1 Type de texte, fonction et skopos 2.2.2 Type de référent 2.2.3 Procédés de traduction possibles 7 9 10 12 13 3 Analyse et discussion 14 3.1 Type de texte, fonction et skopos 3.1.1 Dans les textes sources 3.1.2 Dans les textes cibles 3.2 Remarques sur les problemes de classification 3.3 Procédés de traduction choisis 3.3.1 Résultats quantitatifs 3.3.2 Omissions 3.3.3 Équivalences 3.3.4 Transferts 3.3.4.1 Transferts combinés à une autre méthode de traduction 3.3.4.2 Transferts simples 14 15 17 19 20 20 22 26 31 31 34 4 Conclusion 37 5 Bibliographie 40 6 Annexes 44 Annexe I : Liste des noms propres étudies et de leur traduction 44 2 4FR32E Candice Roccasalva 1 Introduction À l’heure de l’Europe, le rendu des noms d’unités administratives des pays membres s’est imposé comme un enjeu traductologique majeur. Cependant, si grâce au Code de rédaction interinstitutionnel de l’Union européenne, les traducteurs ont à leur disposition tout un arsenal multilingue d’équivalents pour les noms d’institutions et d’organismes actifs au niveau européen, les choses se compliquent considérablement lorsque l’on passe au niveau national, voire local. Dans son étude sur la traduction des noms d’institutions qu’il a réalisé à partir de textes disponibles en ligne, John Humbley (2006) le démontre bien : le recours à la traduction se fait plus systématique au plan international et européen, alors qu’au niveau national et local, le choix d’y recourir ou non peut dépendre de facteurs aussi divers que la région géographique où se situe l’organisation, son type d’activités ou bien même la conscience qu’elle a de son propre rayonnement. Ce manque de systématisme peut se révéler être un casse-tête pour le traducteur qui, en l’absence d’équivalent officiel, se retrouvera au choix noyé sous une multitude d’alternatives possibles, ou bien, à l’inverse, face à un vide traductologique qu’il lui incombera de remplir de manière adéquate. Quels facteurs viendront alors l’aider dans ses décisions ? Les noms d’institutions et d’organisations représentent plus généralement les systèmes – administratifs, politiques, éducatifs etc. – qui sont le cœur de la culture du pays auquel ils appartiennent, et sont donc par nature autant d’éléments culturels que le traducteur, par la connaissance qu’il a du contexte de production du texte source et du contexte de réception du texte cible, peut être amené à éclairer pour ses lecteurs. Pour ce faire, il ne peut idéalement pas faire l’économie d’une véritable analyse du type de texte à traduire et de la finalité de la traduction, et doit par ailleurs se plier évidemment aux exigences stylistiques de la langue d’arrivée. Nous reprendrons tous ces éléments dans notre étude afin d’illustrer les difficultés potentielles liées à la traduction de ces éléments culturels, mais aussi et surtout afin de discuter de la validité des solutions envisageables en contexte. 1.1 But de l’étude Le but du présent mémoire est d’offrir une réflexion sur les solutions possibles face aux difficultés de traduction, en français, de références culturelles sous forme de noms propres (désormais Npr) ayant spécifiquement trait à la vie sociopolitique suédoise, 3 4FR32E Candice Roccasalva dans deux extraits d’un ouvrage de débat et d’opinion de l’auteure suédoise Petra Östergren, et d’évaluer la qualité de leur rendu en contexte. 1.2 Présentation des textes sources Les deux textes constituant la base de ce mémoire sont extraits d’un ouvrage de la Suédoise Petra Östergren intitulé Porr, horor och feminister (« Porno, putes et féministes », notre traduction) et publié en 2006. Östergren est à la fois auteure, essayiste, journaliste, observatrice de la vie sociale et politique suédoise, ainsi qu’actuellement doctorante à l’université de Lund où elle prépare une thèse en anthropologie sur l’histoire et la fonction du texte de loi appelé sexköpslagen, ou loi suédoise contre l’achat d’actes sexuels (notre traduction). Dans son livre, elle revient sur le débat sur la pornographie et la prostitution en Suède pour en proposer une critique raisonnée. L’ouvrage est divisé en deux parties bien distinctes, l’une sur la pornographie (chapitres 1 à 5) et l’autre sur la prostitution (chapitres 6 à 10). Dans chaque moitié, Östergren propose une présentation à la fois historique et théorique des clés du débat, puis avance ensuite ses propres arguments. Elle entend d’un côté dénoncer ce qui, pour elle, est l’influence négative des « féministes radicaux1 » sur la législation en vigueur en matière de pornographie et de prostitution en Suède, et de l’autre donner une voix aux prostituées en publiant les témoignages – souvent à contre-courant des positions officielles dans le domaine – de certaines d’entre elles qu’elle a rencontrées et interrogées à plusieurs occasions. Nous sommes donc en présence d’un livre aux ambitions multiples, ce qui influence nécessairement le type des textes que nous avons eus à traduire. Les deux textes sources choisis ici (désormais TS1 et TS2) sont tirés de la première partie de l’ouvrage, en l’occurrence du chapitre 1 pour TS1 et du chapitre 3 pour TS2. Ce choix a été motivé par le fait que chacun des textes représente à sa façon la pluralité des approches d’Östergren dans son livre. Nous discuterons plus avant des types de textes concernés et du public cible envisagé dans la section 3.1 1 Après concertation avec l’auteure, il a été décidé d’utiliser ici le masculin générique pour mettre en lumière le fait qu’il s’agit, en Suède, tout aussi bien d’hommes que de femmes, ce qui n’est pas toujours le cas ailleurs dans le monde, certaines associations féministes radicales excluant par exemple les hommes ou les personnes transgenres. 4 4FR32E Candice Roccasalva 1.3 Méthode et délimitation de l’étude Notre étude s’appuie donc sur la traduction française de deux textes d’opinion suédois, sur la nature exacte desquels nous reviendrons ultérieurement (infra 3.1.1) mais que l’on pourrait déjà ici situer à mi-chemin entre le texte journalistique et l’étude sociologique. Les références culturelles sous forme de Npr se rapportant à l’organisation sociopolitique en Suède nous ont semblé présenter un intérêt traductologique évident soit de par leur densité de distribution (TS1 en particulier), soit de par leur degré de spécificité culturelle qui, à la première lecture, pouvait laisser présager un manque d’équivalents établis en français. C’est donc sur le rendu de ces expressions que la présente analyse s’est naturellement portée. Ces Npr, qui ne sont ni des anthroponymes, ni des toponymes, relèvent du champ lexical de l’organisation sociopolitique en cela qu’ils incluent des noms d’organisations à but non lucratif (locales ou nationales), d’institutions étatiques et autres organes gouvernementaux, de partis politiques ou de syndicats. Quelques autres entrées, sur lesquelles nous reviendrons plus précisément dans la section 3.2, ont été plus difficiles à classer mais ont parfois été incluses dans l’analyse en tant que Npr (pour une liste complète des entrées et de leur traduction, voir annexe II). Il est à noter que nous avons exclu de notre analyse l’unique mention d’une institution supranationale (à savoir EU-parlamentet, au segment 153) puisque il a été décidé de n’étudier que la traduction de noms d’organismes strictement suédois. Une fois le cadre de notre étude posé et les recherches théoriques sur la traduction des éléments culturels terminées, nous avons enfin entamé notre travail d’analyse. Ce travail s’est décomposé en deux temps. D’abord, nous avons effectué un travail préparatoire à la traduction, durant lequel ont été étudiés plusieurs facteurs intra- et extratextuels (type de texte en présence, finalité de la traduction, public envisagé, étude du cahier des charges) indispensables à la compréhension de la tâche à accomplir et conditionnant les choix du traducteur. Plus spécifiquement, suivant le modèle dit du skopos tel que présenté par Vermeer & Reiss (Reiss, Vermeer & Nord 2013, voir en particulier 85-92), nous avons mené une réflexion sur la nature et la fonction à la fois des TS (désormais TS) et des textes cibles (désormais TC) afin d’évaluer l’importance des expressions culturelles pour les publics visés, de décider de l’orientation générale de la traduction, puis du rendu et du degré de préservation nécessaire de ces expressions. Par la suite, notre attention s’est portée exclusivement sur les Npr à caractère sociopolitique dans les TS, que nous avons isolés et classés par types de procédés de 5 4FR32E Candice Roccasalva traduction choisis, en nous appuyant sur la typologie établie par la linguiste suédoise Brynja Svane. Ces procédés, au nombre de sept, sont proposés par Svane dans sa méthode d’analyse des expressions culturelles (1998, 2002), laquelle repose d’un côté sur une typologie à la fois structurelle et sémantique des différents types d’expressions culturelles – dont l’une des catégories peut s’appliquer aux Npr choisis pour notre étude (infra 2.2) – et de l’autre sur les méthodes de traduction possibles. Pour notre étude, nous avons donc comptabilisé le nombre d’entrées concernées puis examiné les raisons ayant motivé l’utilisation de certains procédés de traduction plutôt que d’autres. Naturellement, c’est en particulier la façon dont le co-texte et le skopos des textes ont appelé certains procédés de traductions spécifiques qui nous a intéressée. Ce travail, dont les résultats ont été reportés sous forme de tableau pour plus de clarté (infra 3.3.1), a en outre permis de réévaluer certaines traductions et ainsi d’harmoniser l’ensemble, toujours dans la perspective d’être fidèle au skopos, à la finalité, des TC. En marge des modèles théoriques appliqués à notre analyse, de nombreux autres outils ont été utilisés lors du processus de traduction lui-même. Pour nous aider spécifiquement dans la traduction des Npr, nous avons eu recours à plusieurs textes parallèles. Nous avons par exemple utilisé l’ouvrage Varan och varat : prostitution, surrogatmödraskap och den delade människan (traduit en français par Catrin Mondain et publié en 2013 par MEditeur sous le titre « L’être et la marchandise : Prostitution, maternité de substitution et dissociation de soi ») de la Suédoise Kajsa Ekis Ekman qui, bien qu’assumant une position aux antipodes de celle de l’auteure de nos TS, Petra Östergren, traite cependant du même sujet. On retrouve de fait dans le livre plusieurs noms d’organisations ou d’institutions présents dans nos propres TS. Nous avons également utilisé de nombreuses ressources électroniques – sites officiels (p. ex. Regeringen, Arbetsmiljöverket, Roks, RFSU, Parlement européen, Internationale socialiste des Femmes), blogs (Månsson, Collectif Ciné-Œil) ou article de presse (Hivert, Pascual, Truc) – mais nous verrons que ceux-ci n’ont pas toujours nécessairement facilité nos choix de traduction. Enfin, pour la traduction dans son ensemble, nous nous sommes aussi aidée de dictionnaires bilingues (Norstedts franska ordbok, Linguee, Azoria) et autres outils divers (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Nationalencyklopedin, Larousse, Lexique des règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale, Svenska skrivregler). 6 4FR32E Candice Roccasalva 2 Cadre théorique Une traduction doit fonctionner sur les plans structurel, sémantique, stylistique et pragmatique de manière aussi satisfaisante en langue cible qu’en langue source (Ingo 2007 : 24). Notre analyse ayant pour cadre le rendu d’expressions à caractère culturel, nous porterons donc avant tout notre attention sur les aspects pragmatiques et stylistiques. Comment s’assurer que le texte traduit fonctionnera dans une situation de communication en langue et culture cibles? Après un bref rappel des enjeux théoriques en matière de traduction des expressions culturelles, nous nous concentrerons ensuite plus spécifiquement sur l’approche de la Suédoise Brynja Svane, qui est apparue comme la plus pertinente pour notre étude. 2.1 Traduction des références culturelles : pluralité des théories Plusieurs auteurs – Eugene A. Nida (1964), Peter Newmark (1988), Mona Baker (1992), ou bien encore Michel Ballard (2001, 2007) et Brynja Svane (1998, 2002, 2007) – se sont penchés sur la question de la traduction des références culturelles d’un TS dans un TC. Ce qui ressort de leurs ouvrages est non seulement la pluralité de leurs approches mais aussi surtout le manque de consensus sur la façon d’appréhender la problématique. Pour Rafik Jamoussi (2003 : 110), cet état de fait prend en partie sa source dans une certaine réticence à s’attaquer à la définition même d’un terme clé – la culture. Comme il le rappelle, l’un des rares à s’être tenté à l’exercice est Newmark qui définit la culture ainsi : « the way of life and its manifestations that are peculiar to a community that uses a particular language as its means of expression » (Newmark, 1988 : 94). Cette définition ne s’aventure toutefois pas sur le terrain de la distinction entre « culture » et « civilisation », deux termes parfois indûment substitués l’un à l’autre (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales). Que l’on parle de « mots culturels » (Tegelberg 2007 : 148), de « désignateurs de référents culturels » (Ballard, p. ex. 2007 : 20) ou de « culturèmes » (néologisme utilisé pour la première fois par Abraham Moles dans son ouvrage Sociodynamique de la culture (1967), voir Lungu-Badea 2009 : 18), les définitions peuvent donc varier les unes par rapport aux autres et se faire plus ou moins précises : Language does […] contain all kinds of cultural deposits, in the grammar […], forms of address […] as well as the lexis […] which are not taken account of in universals either in consciousness or translation. […] Most ‘cultural’ words are 7 4FR32E Candice Roccasalva easy to detect, since they are associated with a particular language and cannot be literally translated […]. (ibid : 95) L’approche la plus simple du culturème serait d’en faire un équivalent, une sorte de synonyme, d’une notion que j’ai par ailleurs nommée ‘le désignateur de référent culturel (DRC)’ et dont j’ai donné la définition suivante : « signe renvoyant à des référents culturels, c’est-à-dire des éléments ou traits dont l’ensemble constitue une civilisation ou une culture ». Or il me semble qu’il faut ici élargir cette définition à tout ce qui signale une culture étrangère en traduction. (Ballard 2007 : 20) […] pour les linguistes, il est naturel de comparer [le culturème] aux phonèmes et aux sémèmes et de le définir ainsi comme la plus petite entité dans un texte qui soit distinctivement culturelle. […] je pose que la distinction doit être plus tangible et immédiatement convaincante pour qu’on puisse parler d’un culturème. Il existe des culturèmes à plusieurs niveaux d’abstraction. Le niveau le plus élevé est constitué par les symboles nationaux. […] À un niveau intermédiaire, on trouve des coutumes liées à la culture générale d’un pays. […] Finalement, il existe, au niveau des phénomènes concrets, une multitude de monuments, de places historiques, de rues, de personnages historiques et d’habitudes quotidiennes. (Svane 2007 : 134, c’est l’auteure qui souligne) Elisabeth Tegelberg rappelle par ailleurs qu’en traductologie, on distingue souvent les « mots conceptuels », c’est-à-dire faisant référence à des phénomènes communs à deux cultures mais pouvant couvrir une réalité différente, des « mots culturels » qui, eux, désignent des concepts qui n’existent pas dans la culture cible (2007 : 148). Tous les auteurs ne font pas forcément cette distinction. Outre la question de la définition, la classification des référents culturels n’est pas non plus sans poser problème. Deux grandes tendances se dessinent chez les théoriciens, à savoir d’une part une classification opérée par thèmes et d’autre part une classification se fondant sur l’analyse linguistique des difficultés de traduction (Jamoussi 2003 : 110). Newmark a par exemple défini cinq grandes catégories thématiques qu’il nomme ecology, material culture, social culture, organisations/customs/activities/procedures/concepts et gestures and habits (1988 : 95), tandis que Mona Baker a, elle, plutôt choisi une classification par difficultés de traduction et en a établi une liste de onze, allant de culture-specific concepts à the use of loan words in the source text (1992 : 18-20). Pour ce mémoire, nous avons choisi de n’étudier qu’un unique type d’expressions culturelles, à savoir les Npr qui ne sont ni des anthroponymes, ni des toponymes. Michel Ballard et Brynja Svane se sont tous deux intéressés à la traduction de telles expressions – Ballard dans le cadre de son ouvrage dédié aux Npr (2001) et Svane dans 8 4FR32E Candice Roccasalva son étude sur les expressions culturelles en général (2010) – et ont chacun proposé une liste de divers procédés de traduction possibles. Bien que ces procédés se recoupent en grande partie, nous avons décidé de nous arrêter sur la typologie de Svane, car elle présente le double intérêt de porter spécifiquement sur la traduction du couple de langues français-suédois et d’être facilement transposable en un tableau permettant de se faire une représentation précise de la distribution des différents types d’expressions référentielles dans le TS et des stratégies de traduction dans le TC. Svane elle-même a établi un tableau de ce type pour illustrer son approche dans un de ses articles (1998 :114) et c’est ce modèle qui, de façon nécessairement simplifiée du fait de la délimitation de notre étude à un unique type d’expressions culturelles, a été appliqué ici (infra 3.3.1). 2.2 Méthode d’analyse des « images culturelles » par Brynja Svane Dans son article « Comment traduire la réalité ? Étude de la traduction des expressions référentielles » (1998), Svane offrait une première définition du phénomène qu’elle nomme « expressions référentielles » en français : Par expressions référentielles nous entendons des expressions qui visent des phénomènes spécifiques dans la réalité hors-textuelle sans qu’il soit nécessairement question d’un acte de langage référentiel. Les phénomènes évoqués sont, pour la plupart, solidement ancrés dans une culture spécifique et, par conséquent, de telles expressions référentielles ont en quelque sorte le caractère d’images culturelles, c’est-à-dire qu’elles créent chez les initiés de la culture en question des représentations mentales riches en associations et en détails qui permettent de situer le référent dans un contexte culturel et personnel cohérent. (1998 : 93) Plus tard, dans un ouvrage en suédois spécialement dédié à la problématique du rendu des expressions culturelles en traduction (Hur översätter man verkligheten ?, 2002), elle propose une longue réflexion à travers laquelle elle synthétise différentes approches linguistiques, philosophiques et traductologiques, pour enfin affiner sa propre théorie en proposant de distinguer referentiella uttryck (« expressions référentielles ») de la souscatégorie kulturspecifika referentiella uttryck (« expressions référentielles culturellement spécifiques », notre traduction), qu’elle définit respectivement comme suit : Les expressions référentielles sont celles qui, de par leur forme (p. ex. leur forme définie) ou de par leur sens (p. ex. leur description d’une connaissance du monde), expriment l’acte de langage de référer à quelque chose, c’est-à-dire qu’elles désignent activement un référent donné ou établissent une référence à quelque 9 4FR32E Candice Roccasalva chose qui existe dans la réalité extratextuelle, même dans les cas où celle-ci est purement fictive2 (2002 : 39, notre traduction, c’est l’auteure qui souligne). Les expressions référentielles culturellement spécifiques ont les mêmes caractéristiques que les expressions référentielles mais s’en démarquent par le fait que le référent donné est indissociable d’un contexte culturel spécifique. Il peut s’agir d’un concept ou d’un objet bien ancré institutionnellement, de lieux géographiques ou d’expressions qui d’une manière ou d’une autre renvoient à des habitudes culturelles, une religion ou à toute autre tradition3 (ibid : 43, notre traduction c’est l’auteure qui souligne). Après avoir défini de façon claire le sujet de son étude, Svane propose dans un second temps une méthode d’analyse des expressions référentielles culturellement spécifiques (désormais ERCS), dans le but d’examiner leur rendu en traduction (2002 : 83). Il est possible de décomposer son analyse en trois étapes. D’abord, un travail préparatoire à la traduction vise à établir le genre et le type de TS, la finalité de la traduction et le public visé. Les ERCS sont ensuite classées selon la nature du référent auquel elles se rapportent. Enfin, une liste des méthodes de traduction possibles est superposée à cette classification par type de référent afin d’étudier les rendus privilégiés au final. 2.2.1 Type de texte, fonction et skopos Svane explique que, préalablement à tout travail traduction, il est essentiel pour le traducteur de considérer plusieurs paramètres : À mon avis, la discussion [sur l’orientation générale à privilégier pour une traduction par rapport à son texte source] ne peut avoir de sens que si l’on prend sérieusement en considération les facteurs qui déterminent dans le détail le choix du traducteur : le type de texte, le public envisagé, le skopos, ainsi que les exigences de l’éditeur et le contexte économique et social qui entoure la traduction (2007 : 131). Elle ne s’attelle cependant pas à expliquer comment analyser ces paramètres ; ce n’est pas l’objet principal de sa démonstration. Remontons donc à la source un instant. Svane emprunte le terme skopos au linguiste allemand Hans Vermeer. La théorie du skopos, 2 « Referentiella uttryck är sådana som genom sin form (t.ex. bestämdhet) eller sin semantik (t.ex. beskrivning av world knowledge) uttrycker språkhandlingen att referera, dvs. att de aktivt utpekar en förutsatt referent eller etablerar en aktuell referens till något som postuleras existera i verkligheten utanför texten, även i fall där denna förutsatta verklighet har en rent fiktiv karaktär. » 3 « Kulturspecifika referentiella uttryck har samma egenskaper som referentiella uttryck i allmänhet men utmärker sig dessutom genom att den referent som förutsätts är oskiljbar från en specifik kulturell kontext. Det kan vara fråga om institutionellt förankrade begrepp eller föremål, geografiska platser eller uttryck som på något sätt hänvisar till kulturella vanor, religion eller andra traditioner. » 10 4FR32E Candice Roccasalva telle que développée à l’origine par Vermeer seul, partait du principe que c’était essentiellement la finalité de la traduction, son but, qui devait aider à décider des méthodes et stratégies de traduction à employer. Plus tard, sous l’influence de la collaboration de Vermeer avec l’Allemande Katharina Reiss, la théorie du skopos a évolué pour insister dès lors tout autant sur la finalité du TC que sur l’importance de la nature et la fonction du TS qui, selon Reiss, permettent en effet de résoudre de nombreux problèmes de traduction (Guidère 2010 : 73). Svane le rappelle elle-même : les normes textuelles liées à certains types ou genres de textes rendent parfois possible une traduction relativement libre du contenu, ou bien au contraire imposent une plus grande fidélité formelle et une plus stricte exactitude sémantique (Svane 2002 : 96). Il est utile de rappeler qu’en se fondant sur les trois fonctions du langage établies par le théoricien Karl Bühler en 1934 dans son ouvrage La Théorie du langage, Reiss a défini trois grands « types de texte » (textsorte en allemand) qu’elle nomme « informatif », « expressif » et « opérationnel » (2000 [1971] : 163) et à chacun desquels elle attribue une fonction particulière : le texte informatif a pour but la transmission de faits, de savoirs et d’information ; le texte expressif reflète l’utilisation de la dimension esthétique du langage par son auteur ; tandis que le texte opérationnel cherche, lui, à interpeller et convaincre le lecteur (Munday 2012 : 112). Ces trois types de fonction peuvent naturellement coexister dans un seul et même texte (Reiss 2000 [1971] : 164). L’Allemande Christiane Nord, qui a par ailleurs traduit l’œuvre commune de Vermeer et Reiss en anglais (Reiss, Vermeer & Nord 2013), a elle aussi repris et développé ces différents types de textes ; elle a notamment élargi la définition de « texte expressif » de Reiss pour y inclure les textes où la position de l’auteur face au sujet discuté est exprimée – ouvertement ou pas – sous forme d’émotions ou d’opinions (Nord 1997 : 41). Concrètement, l’étude du skopos aide le traducteur à décider des fonctions du TS qu’il sera nécessaire de préserver dans le TC. Vermeer et Reiss divergent d’ailleurs légèrement sur ce point : là où Reiss estime que le skopos implique en règle générale une invariance de fonctions entre le TS et le TC, Vermeer considère plutôt que ceci n’est qu’un scénario possible parmi d’autres (Reiss, Vermeer & Nord 2013 : ix). Selon lui, le skopos du TS et celui du TC peuvent largement différer de par le simple fait que produire un texte et le traduire sont deux types d’actions bien distincts avec chacun un public, une finalité et des contraintes qui lui sont propres (ibid : 92). L’analyse du type de texte et du skopos impose nécessairement l’étude de certains autres facteurs extratextuels, cette « réalité hors-textuelle » dont parle Svane. Il est ainsi 11 4FR32E Candice Roccasalva indispensable de réfléchir aux publics auxquels le TS et le TC s’adressent et de les comparer ; tout comme il faut étudier le cahier des charges du client demandeur de traduction avec attention car les informations dont il est porteur – par exemple le lieu, la date et le type de support de la traduction – façonneront évidemment le produit final. Avant d’entrer plus avant dans le détail de la méthode d’analyse des expressions culturelles par Brynja Svane, il nous faut d’abord nous arrêter un instant sur une notion qui est au cœur de son étude, à savoir celle de « référent ». 2.2.2 Type de référent Le fait que Svane se soit arrêtée sur l’appellation kulturspecifika referentiella uttryck (« expressions référentielles culturellement spécifiques », c’est nous qui soulignons) plutôt que simplement kulturspecifika uttryck (« expressions culturellement spécifiques ») témoigne de la place centrale qu’occupe pour elle la notion de « référent ». En se fondant en partie sur une typologie déjà établie par Martin Riegel dans sa Grammaire méthodique du français (1994), Svane distingue en effet deux grands types d’ERCS, dénominatives ou descriptives. Les ERCS dénominatives prennent exclusivement la forme de Npr désignant une entité, un référent unique et spécifique, tandis que les ERCS descriptives, qui sont des noms communs (désormais Nc), appellent plutôt une représentation des traits caractéristiques d’un groupe ou d’une classe de référents donnés (2002 : 40, 90-91). Tout en concédant que les catégories peuvent parfois se chevaucher (p. ex. dans le cas des Npr qui par autonomase sont utilisés comme Nc, du type un Tartuffe), Svane ne s’aventure pas plus avant sur le terrain de la distinction entre les deux, ce qui peut parfois poser problème (voir nos réflexions sur les problèmes de catégorisation des entrées étudiées dans ce mémoire, infra 3.2). On peut cependant rapprocher la différence qu’elle opère entre référence spécifique chez les ERCS dénominatives et non spécifique chez les ERCS descriptives de la distinction entre Npr et Nc que fait Michel Ballard et qui, selon lui, tient à leur différence d’extension : les Nc ont un plus grand degré d’extension que les Npr, c’est-àdire qu’ils couvrent une réalité sémantique plus vaste. Les Nc renvoient à une classe d’objet, alors que les Npr se rapportent à un référent unique (2001 : 107). Dans la suite de son analyse, Svane divise chaque type d’ERCS en trois souscatégories. Dans les ERCS dénominatives, elle inclut les anthroponymes, les toponymes et enfin d’autres Npr (désormais ANpr), qui peuvent par exemple inclure 12 4FR32E Candice Roccasalva les noms d’organisations, d’institutions ou d’entreprises. C’est donc de cette dernière catégorie que relèvent les Npr étudiés dans ce mémoire. Parmi les ERCS descriptives, elle distingue d’abord les « termes culturellement neutres » (kulturneutrala termer), c’est-à-dire les noms courants faisant référence à une réalité connue comparable dans la culture source comme dans la culture cible (elle donne en exemple les paires chaise/stol ou bien maison/hus). Viennent ensuite les « termes culturels » (kulturella termer) dont les référents n’existent que dans le contexte précis d’une culture spécifique (p. ex. baguette et arrondissement en français ou osthyvel et syskon en suédois) et enfin les « termes techniques » (tekniska termer), c’est-à-dire dont les référents ressortent de domaines de spécialités techniques comme par exemple la médecine, la politique, le droit ou l’économie (2002 : 90-91). 2.2.3 Procédés de traduction possibles La dernière étape de la réflexion de Svane sur les ERCS consiste en l’élaboration d’une liste de sept procédés de traduction possibles (1998, 2002) allant de la traduction directe à la traduction dite « oblique », et pouvant bien évidemment se combiner pour répondre aux besoins définis en contexte par le skopos du TC. Certains de ces procédés recoupent ceux avancés par Vinay et Darbelnet dans leur ouvrage séminal Stylistique comparée du français et de l’anglais (1958) mais Svane se fonde également sur les travaux de Jonasson (1998) et de Newmark (1988) : • le transfert consiste en un report du terme étranger dans le TC, report qui peut se faire sans adaptation aucune, ou bien avec adaptations orthographiques ou morphologiques. Il peut aussi être assorti d’une explication sous forme de terme générique ajouté au nom transféré ; • la traduction littérale est une traduction mot-à-mot ; • l’équivalence désigne essentiellement, pour Svane, le procédé par lequel on utilise une traduction établie par l’usage en langue cible ; • l’adaptation est une transformation imposée par les systèmes de conceptualisation différents des langues impliquées dans la traduction. Pour Svane, cette transformation peut être sémantique ou bien référentielle, quand le référent évoqué est « fortement [ancré] dans le contexte sociohistorique et culturel » (1998 : 99) ; 13 4FR32E Candice Roccasalva • la conversion s’apparente à une adaptation facultative. Elle est culturelle si le terme d’origine est remplacé par une expression ayant des connotations plus ou moins identiques en langue cible, ethnocentrique si l’on utilise le nom d’une institution appartenant au contexte de la langue cible, générique si le terme est remplacé par un hyperonyme et spécifique si c’est par un hyponyme ; • l’omission ; dans le cas des ERC, l’omission peut se justifier, selon Svane, lorsque les détails évoqués sont peu susceptibles d’avoir du sens pour le public cible ; • l’addition enfin, consiste en l’ajout, le plus souvent en note de bas de page, d’une expression référentielle non présente dans le TS, pour les cas où le traducteur juge que, sans exemple concret, le phénomène décrit est incompréhensible en langue cible. Pour Svane, ce qui semble distinguer l’addition du transfert avec explication est la nature même de l’ajout ; une expression référentielle pour l’addition, un terme générique pour le transfert. En nous inspirant de la méthode d’analyse des ERCS proposée par Svane, nous allons maintenant présenter les résultats de notre analyse. 3 Analyse et discussion Nous commencerons par l’étude des skopos des TS et des TC puis nous examinerons les procédés de traduction adoptés pour rendre les ANpr choisis et expliquerons en détail les paramètres qui ont motivé ces choix. 3.1 Type de texte, fonction et skopos Lorsque l’on s’intéresse au type et au genre des TS ainsi qu’à leur(s) fonction(s), deux questions s’imposent d’emblée au traducteur : quelle(s) fonction(s) des TS préserver dans les TC ? Les TC eux-mêmes subissent-ils des contraintes qui leur confèrent une finalité différente des TS ? 14 4FR32E Candice Roccasalva 3.1.1 Dans les textes sources Comme nous l’avons brièvement évoqué plus haut (supra 1.2), le livre de Petra Östergren s’intéresse au débat sur la pornographie et la prostitution en Suède de plusieurs façons, le but final de l’ouvrage étant évidemment de refléter l’engagement politique et social de l’auteure et d’avancer ses arguments en la matière. L’auteure commence par un rappel historique pour ensuite entrer dans des considérations plus théoriques qu’elle étaye plus avant par une série de portraits de prostituées qu’elle a elle-même interviewées. L’ouvrage est donc hybride, à la croisée du texte journalistique, du texte d’opinion et de l’étude sociologique, et combine par ailleurs les trois types de fonctions avancés par Reiss et Nord : le livre est informatif lorsque l’auteure procède au rappel historique de l’évolution du débat puis en résume les arguments et les enjeux ; il est également expressif, au sens où l’entend Nord, en cela que la position de l’auteure sur la question est non seulement clairement exprimée mais centrale ; enfin, il est opérationnel car l’auteure cherche bien sûr à convaincre son public de la validité de son analyse sur la question. Ce mélange de types de texte et de fonctions se retrouve dans nos TS. Leur nature informative est évidente à la fois, comme expliqué plus haut, de par leur contenu – rappel d’éléments historiques pour TS1 et explications de théories sociologiques pour TS2 – mais elle est aussi soulignée formellement par l’utilisation de nombreuses citations dont les sources sont clairement mentionnées en appel de note, marquant ainsi la volonté de rigueur scientifique de l’auteure. Le côté expressif des TS réside non seulement dans les passages où l’auteure s’inclut ouvertement dans le discours (voir p. ex. segments 2, 15, 21, 202, 206) mais bien évidemment aussi là où elle exprime son opinion sur le sujet discuté sans nécessairement utiliser la première personne (voir en particulier les segments 129-130 et 136-140). Enfin, la fonction opérationnelle des TS est, elle, avant tout apparente dans les passages où l’information laisse place à l’argumentation et où l’auteure avance certaines « micropropositions » (Hellspong & Ledin 2006 [1997] : 122) venant étayer sa thèse principale (voir en particulier segments 91, 93, 136-140). Comme autre marqueur direct de cette fonction opérationnelle (Nord 1997 : 43), on peut aussi noter le recours à des questions rhétoriques, dont on trouve au moins deux exemples dans TS2 (126, 172). Nous sommes donc en présence de TS à la fois informatifs, expressifs et opérationnels, mais à quel public s’adressent-ils et quel est leur skopos, leur finalité? La 15 4FR32E Candice Roccasalva première constatation, et aussi la plus évidente, est que les TS s’adressent à un public suédois. Même si TS2 a une portée internationale en mentionnant par exemple les travaux d’intellectuels américains ou français, les TS restent profondément ancrés dans la culture suédoise. Et pour cause : l’auteure revient sur l’évolution de la législation en Suède et entend démontrer que la loi suédoise sur l’achat d’actes sexuels n’a pas les effets escomptés. Lorsque l’on s’intéresse de plus près à la langue utilisée dans les TS, on peut constater également que le public visé n’est pas un public d’experts. L’indice de lisibilité LIX, mis au point par le Suédois Carl-Hugo Björnosson dans les années 1960 et permettant un calcul du degré de difficulté d’un texte suédois, nous donne par exemple un indice global de 46, c’est-à-dire du niveau d’un texte de difficulté moyenne, de type article de presse. Cet indice varie si l’on considère les textes séparément (49/44) et si l’on y inclut les appels de notes ou pas (49/50 pour TS1, 44/47 pour TS2) mais globalement, les deux TS sont de difficulté similaire. L’absence de termes techniques est un autre indicateur venant corroborer le fait que les TS ne s’adressent pas à un public de spécialistes. Bien sûr, on dénombre plusieurs termes se rapportant spécifiquement à l’organisation politique kopplerilagstiftningen, et sociale suédoise censurlagstiftning, (p. ex. förening, regeringsskrivelser – fackförbund, respectivement « union », « syndicat », « législation sur le proxénétisme », « régime de censure », « communications gouvernementales », notre traduction) mais ceux-ci sont suffisamment courants pour ne pas poser de difficulté de compréhension particulier pour un public profane. Le fait que l’auteure prenne grand soin de signaler ses sources est enfin un dernier indice sur le lectorat visé. Bien sûr, n’importe quel membre du grand public s’intéressant au débat pourra se tourner vers cet ouvrage, mais l’auteure donne aussi à d’autres personnes peut-être plus versées en la matière – journalistes, intellectuels, universitaires, défenseurs comme détracteurs – la possibilité de vérifier la validité de son argumentation. Pour résumer, on peut dire que les TS choisis sont de nature à la fois informative, expressive et opérationnelle et s’adressent en priorité à un public suédois de nonspécialistes. Tout en fournissant à ce public suffisamment d’informations historiques et théoriques pour une bonne compréhension des clés du débat, l’auteure veut par la suite proposer une critique raisonnée – mais nécessairement subjective – du sujet abordé et par là même convaincre son lectorat de la légitimité de sa réflexion. Maintenant, qu’en 16 4FR32E Candice Roccasalva est-il des TC ? Ont-ils exactement le même skopos que les TS ? Toutes les fonctions des TS doivent-elles être préservées ? Et quelles incidences sur les choix du traducteur ? 3.1.2 dans les textes cibles Dans le cadre d’un travail de traduction professionnel, le traducteur reçoit du commanditaire un cahier des charges dans lequel sont expliquées les attentes sur le produit fini. Pour Christiane Nord, ce cahier des charges devrait idéalement fournir des informations sur la fonction de la traduction, sur son public cible, sur son support, son lieu et sa date de réception, et enfin sur la raison même de sa production (1997 : 60). Vermeer insiste tout autant sur ce point : c’est le cahier des charges qui, avec le skopos, détermine la nature du TC (Munday 2012 : 125). En l’absence d’un tel document pour la traduction sur laquelle s’appuie ce mémoire, c’est naturellement nous-même en tant que traductrice qui avons établi tous ces paramètres. En premier lieu, il est naturel de s’interroger sur la raison motivant la traduction de tels textes. D’un point de vue éditorialiste, on serait en droit de remettre en question l’intérêt pour un public de francophones d’avoir accès au livre d’Östergren, principalement centré sur la question de la pornographie et de la prostitution en Suède. Mais la loi suédoise sur l’achat d’actes sexuels a une résonance internationale toute particulière, et pas des moindres en France. Cette loi, criminalisant les clients de la prostitution plutôt que le racolage, fut une première mondiale lors de sa mise en place en 1999 et a depuis été mise en avant comme le modèle progressiste à suivre. En France aussi, où la prostitution est tolérée mais pas légalisée, plusieurs propositions de loi allant dans le sens de la pénalisation des clients ont été déposées, sans pour l’instant avoir abouti. Le sujet reste donc d’actualité et le débat est toujours particulièrement vif, comme en témoignent les remous causés en août 2015 après qu’Amnesty International a pris position en faveur de la dépénalisation de la prostitution (Pascual). L’intérêt du livre de Petra Östergren – très critique de la loi suédoise – pour un public non-suédophone est donc en fait double. D’un côté, il propose un rappel historique des différents événements ayant abouti à la mise en place de cette loi si emblématique bien au-delà des frontières suédoises, et de l’autre, il offre une tribune à une voix discordante dans le débat, dans le pays même qui a vu naître cette loi. Ce livre pourrait par ailleurs trouver un nouveau retentissement depuis la publication en février 2015 d’un rapport commandé par l’Association suédoise pour l’éducation sexuelle (RFSU) concluant que 17 4FR32E Candice Roccasalva la loi contre l’achat d’actes sexuels n’a non seulement pas forcément atteint les objectifs qu’elle s’était fixés, mais qu’elle a en outre eu un impact négatif réel sur les prostituées (Hivert, Östergren est par ailleurs citée dans l’article). Une traduction française de l’ouvrage est dès lors tout à fait concevable. Par souci de commodité, la traduction offerte ici a été effectuée dans l’optique d’une parution papier de l’intégralité de l’ouvrage. Mais l’on pourrait tout aussi bien imaginer une publication abrégée ou bien encore en accès libre sur internet, comme Östergren a décidé de le faire pour la version anglaise du livre (Östergren). Si nous comparons maintenant les fonctions du TS avec celles du TC, nous nous apercevons que, de par la nature même du livre, les fonctions essentielles du TS, dont nous avons discuté dans la section précédente, sont nécessairement transposées au TC ; celui-ci sera par conséquent tout aussi informatif, expressif et opérationnel que le texte original, dans la mesure où il a été décidé de ne procéder à aucune coupe. Cependant, la différence majeure entre les deux est bien sûr le public auquel il s’adresse. Le TC vise un public de francophones ; le contexte culturel de réception est donc différent du contexte de production et c’est au traducteur de s’assurer que le TC fonctionnera en culture cible de façon efficace. Et pour ce faire, il lui faut faire appel à son intuition et estimer avec pertinence les connaissances de ses lecteurs sur la culture d’origine (Svane 2002 : 92). Dans le cas qui nous intéresse, il ne semble pas déraisonnable de dire que la Suède ne jouit pas encore en France d’un rayonnement culturel similaire à celui de pays géographiquement plus proches, comme la Grande-Bretagne ou l’Italie par exemple, et l’on peut s’attendre à ce que les connaissances du Français moyen sur la culture suédoise soient moindres. Le traducteur devra donc selon toute vraisemblance « guider » les lecteurs et les aider à déchiffrer les références qui lui sont étrangères. Ceci est d’autant plus important que le livre d’Östergren porte essentiellement sur le débat en Suède et que les éléments ouvertement culturels sont indispensables au message (ce qui ne signifie cependant pas nécessairement qu’ils doivent tous être en intégralité préservés, comme nous le verrons dans la section 3.3). Il faut donc chercher un équilibre de stratégie de traduction entre « domestication » et « étrangéisation» du TS (Guidère 2010 : 98). Dans ce cas précis, cela signifie veiller à rendre le contenu immédiatement accessible au public cible en éclairant les références culturelles sans toutefois minimiser leur nature fondamentalement étrangère. En d’autres termes, il faut chercher à atteindre un certain confort de lecture pour le public cible tout en transmettant fidèlement le contenu du TS. 18 4FR32E Candice Roccasalva Le skopos du TC recoupe donc en grande partie celui du TS, à la différence près que sa dimension informative est double et qu’au contenu présenté par l’auteure viendront s’ajouter d’éventuels indices de lecture de la part du traducteur, pour une meilleure appréhension de la culture source et des références culturelles en présence. Quels procédés employer concrètement pour arriver à un résultat satisfaisant ? C’est ce que nous allons voir plus avant dans notre analyse (infra 3.3). Mais d’abord, quelques remarques préalables sur notre étude. 3.2 Remarques sur les problèmes de classification Selon la typologie établie par Svane, les Npr sur lesquels portent notre étude relèvent de la sous-catégorie d’ERCS dénominatives plutôt vaste qu’elle nomme « autres noms propres » et dans laquelle elle regroupe les noms d’organisations, d’institutions, d’entreprises et plus largement de toute entité à référent unique désignée par un Npr (2002 : 41, 90). Nous avons donc naturellement exclu certaines ERCS de nos TS qui, même si elles sont dérivées de Npr, n’en restent pas moins des Nc et relèveraient donc plutôt de la catégorie « termes culturels » (p. ex. kristdemokrater, folkpartisterna, socialdemokraten, faisant respectivement référence aux membres des partis chrétiendémocrate, libéral et social-démocrate). D’autres termes relevés dans nos TS ont par contre posé un plus grand problème de classification et illustrent bien la difficulté de distinction entre Npr et Nc. Le terme sexköpslagen (« loi contre l’achat d’actes sexuels ») peut-il être par exemple considéré comme un Npr ? Outre l’absence de majuscule, conformément à l’usage pour les noms de loi en suédois (Svenska skrivregler 2008 : 120), il ne s’agit pas ici de la dénomination officielle de cette loi mais plutôt d’une appellation informelle qui s’est imposée avec le temps. Son extension est néanmoins strictement limitée puisque le terme fait exclusivement référence à la loi suédoise en question ; pour cette raison, nous avons décidé de l’inclure dans notre étude en tant que Npr. De la même façon, les expressions Malmöprojektet et Prostitutionsutredningen (« Projet de Malmö » et « l’Enquête gouvernementale sur la prostitution », notre traduction) ont été considérées comme des Npr car, au-delà de l’utilisation de l’emploi de la majuscule et de la forme définie, elles n’ont chacune qu’un référent unique. Ce sont d’ailleurs des dénominations que l’on retrouve sur des sites officiels (Riksarkivet, Riksdagen). 19 4FR32E Candice Roccasalva Qu’en est-il en revanche de l’expression kvinnofridslagarna (« lois pour la paix des femmes », notre traduction) ? Si l’on décide de classer sexköpslagen comme Npr, en est-il nécessairement de même ici ? De nouveau, nous ne sommes pas en présence d’une dénomination officielle mais plutôt d’une expression informelle basée sur le concept de kvinnofrid (« paix des femmes ») cher à l’homme d’État suédois Birger Jarl au XIIIe siècle (Birger Jarl) et repris dans les années 1990 après qu’une commission d’enquête sur les violences envers les femmes a été menée (Kvinnofrid). Cependant, et comme l’utilisation du pluriel l’indique, il n’est pas ici question de référent unique et l’expression a donc une extension plus importante que sexköpslagen. Sexköpslagen désignera toujours une loi spécifique, en l’occurrence au §11 du chapitre 6 du code pénal suédois, alors que kvinnofridslagarna désigne une série de lois, qui pourrait avec le temps en inclure de nouvelles. Pour cette raison, nous ne l’avons pas considéré comme un Npr. Cette mise au point terminée, il est temps maintenant de rentrer dans le détail des méthodes de traduction utilisées dans nos TC. 3.3 Procédés de traduction choisis Après collecte des données à étudier, plusieurs questions se posent à nous : quelle proportion de chaque procédé de traduction a été employée ? Certains procédés ont-ils été plus utilisés que d’autres ? Quelle influence le skopos des TC a-t-il joué sur ces choix ? 3.3.1 Résultats quantitatifs Il est important de préciser d’emblée que, même si cela change l’image que l’on a de la densité de distribution des ANpr dans nos TS, nous avons choisir d’exclure de notre analyse quantitative les répétitions d’ANpr traduits de la même façon afin de ne pas comptabiliser de double entrée et donc fausser les résultats. La traduction des répétitions reste tout de même intéressante d’un point de vue traductologique car elle répond à des impératifs différents de ceux de la traduction de la première occurrence du Npr dans le texte. Le choix de traduire une répétition d’une façon plutôt qu’une autre n’est en effet pas tant dicté par la fonction du texte que par sa forme ou par le style imposé par la langue cible ou choisi par le traducteur. Ici par exemple, des répétitions de Npr 20 4FR32E Candice Roccasalva apparaissent aux segments 86 et 106 sous forme de sources mentionnées par l’auteure en appel de note. En tant que références bibliographiques, ces Npr n’ont donc pas vocation à être traduits et ont été naturellement rendus par transfert simple et sans adaptation du Npr suédois, comme il a été fait pour les autres sources données sous forme d’anthroponymes dans le reste du texte (pour ne pas prêter à confusion avec l’utilisation des italiques dans les TC, les entrées sur lesquelles nous voulons porter notre attention seront désormais marquées en gras) : (106) 38 Se t. ex. Winberg (2002:c), (2002:d), Bodström (2001/02) och Kristdemokratiska Kvinnoförbundet (2002). För fler exempel se Östergren (2003:b). 38 (86) 31 31 Kvinnofronten har översatt och publicerat Andrea Dworkin, se Dworkin (1989), vilket även Roks gjort, se Dworkin (1991). Roks har också bjudit in Andrea Dworkin och Catharine MacKinnon till en konferens mot pornografi (Roks 1991), Kathleen Barry till en konferens om mäns våld mot kvinnor (Roks 1995), samt Sheila Jeffreys och Janice Raymond till en konferens mot prostitution (Roks 2001). […] Voir p.ex. Winberg (2002:c), (2002:d), Bodström (2001/02) et Kristdemokratiska Kvinnoförbundet (2002). Pour plus d’exemples, voir Östergren (2003:b). Kvinnofronten a traduit et publié l’auteure Andrea Dworkin (voir Dworkin 1989) en suédois, tout comme Roks (voir Dworkin 1991) qui a en outre invité Andrea Dworkin et Catharine MacKinnon à une conférence contre la pornographie (Roks 1991), Kathleen Barry à une conférence contre les violences faites aux femmes (Roks 1995), et enfin Sheila Jeffreys et Janice Raymond à une conférence contre la prostitution (Roks 2001). […] Au segment 86, nous avons par ailleurs eu recours à une reprise par pronom relatif (Roks/qui), dans un souci stylistique de non-répétition voulu bien sûr par nous en tant que traductrice mais aussi et surtout bien propre au français et qui, en l’occurrence, contraste avec l’usage en suédois (Tegelberg 2000 : 101). Si l’on regarde maintenant de plus près l’ensemble de nos données, il apparaît que le nombre total d’ANpr qui nous intéressent, sans les répétitions, est de 66. Sur ces 66 entrées, 22 ont été traduites et 45 ont été omises. Cette part importante d’omissions peut évidement interroger mais, nous le verrons (infra 3.3.2), le skopos du TC a joué un rôle essentiel dans ce choix de rendu. Pour plus de clarté, nous avons reportés nos résultats sous forme de tableau : 21 4FR32E Candice Roccasalva Méthode de traduction omission transfert + traduction littérale transfert + équivalence transfert équivalence conversion traduction littérale adaptation Nombre d’entrées 45 10 3 4 2 2 0 0 Comme indiqué par le code couleur, certains ANpr ont été rendus grâce à un procédé de traduction unique (en vert) tandis que d’autres l’ont été par combinaison de plusieurs méthodes (en orange). C’est d’ailleurs la combinaison de procédés qui a été choisie pour la majorité des ANpr traduits (13 entrées sur 21). Notons aussi que chaque couple inclut systématiquement un transfert. Enfin, certains procédés, à savoir la traduction littérale et l’adaptation, n’ont pas du tout été utilisés seuls. Il en est de même pour le procédé de l’addition qui, par essence, ne peut être utilisé seul et complète nécessairement une entrée présente dans le corps du texte. Il est toutefois important que noter à ce sujet que nous avons, en de rares occasions, procédé à des ajouts explicatifs mais que ceux-ci ne correspondant pas à l’ « addition » au sens où l’entend Svane (supra 2.2.3), nous ne les avons pas comptabilisés dans notre tableau. Ces ajouts venant compléter certains procédés de traduction répertoriés ici, en l’occurrence transferts et équivalences, nous serons cependant amenée à y faire référence (infra 3.3.3 et 3.3.4.1). Nous allons maintenant revenir en détail sur chacun de ces procédés mais, plutôt que de les présenter par ordre croissant ou décroissant d’entrées, voyons à la place comment ils se sont successivement imposés à nous en tant que traductrice lors de notre réflexion sur le rôle des ANpr étudiés par rapport au skopos des TC. Tous les ANpr doivent-ils être préservés dans les TC ? Parmi ceux que l’on décide de garder, certains ont-ils des équivalents établis en langue cible ? Si tel n’est pas le cas, quelle(s) alternative(s) choisir et pourquoi ? Et que faire de l’expression suédoise d’origine ? 3.3.2 Omissions Ne pas traduire les deux tiers des ANpr peut paraître un choix risqué, voire déraisonnable. On s’attend plutôt en effet à ce que la traduction d’un texte informatif soit d’une très grande fidélité au TS (Ingo 2007 : 127). Pourtant, nous ne voyons pas ici 22 4FR32E Candice Roccasalva dans la large proportion d’omissions un constat d’échec de notre part mais bien le résultat d’une réflexion pragmatique sur l’utilité même de ces entrées à la fois par rapport au but de l’auteure, au lectorat ciblé et à la finalité de la traduction dans son ensemble. Il faut souligner d’abord que ces omissions ne sont pas disséminées à travers les textes mais regroupées uniquement sur deux segments (7 et 25). Le segment 7, bien que très long, mérite d’être cité dans son ensemble : (7) 22 Kampanjen mot porr och prostitution kallades också för Riksaktionen mot porr och prostitution. I den ingick bland annat Arbetsgruppen mot Ungdomsarbetslöshet, Clarté, Evangeliska Fosterlandsstiftelsen Ungdom, FIB/Juristerna, Folket i Bild/Kulturfront, Folkpartiets Kvinnoförbund, Fredrika-BremerFörbundet, Fria Proteatern, Föreningen Förr och NU, Föräldraföreningen mot Narkotika, Husmodersförbundet Hem och Samhälle, KFUK-KFUM, Kristen Demokratisk Ungdom, Kristna Publicistförbundet, Kristna Studentrörelsen i Sverige, Arbetsgruppen för Kvinnofronten, Ordfront, RFHL, RFSU, Riksförbundet Social och Mental Hälsa, Riskförbundet mot alkohol och narkotikamissbruk, Riksförbundet Narkotikafritt Samhälle, Internationella föreningen för Invandrarkvinnor, Riksförbundet Sverige Fritids- och hemgårdar, Rädda barnens Riksförbund, Röd Ungdom, SECO, Sjundedags Adventistsamfundet, Sveriges Frikyrkoråd, Svenska Baptistsamfundets Ungdom, Svenska Ekumeniska Nämnden, Svenska Kvinnors Vänsterförbund, Sveriges Folkpensionärers Riksförbund, SKP, SSEF, Teatercentrum, Stockholms Stadsmission, Svenska Alliansmissionens Ungdom. Enligt flygblad ”Kamp mot porr och prostitution” (odaterad). Olika 23 22 Cette campagne regroupait principalement des organisations politiques, sociales, culturelles ou religieuses actives au niveau national mais certaines associations plus petites, dans les mêmes mouvances et venant de toute la Suède, y ont aussi collaboré, tout comme plusieurs branches de grands syndicats. Source : Kamp mot porr och prostitution (1978). 4FR32E Candice Roccasalva mindre aktionsgrupper uppstod också runt om i Sverige i samröre med kampanjen. I dessa ingick liknande politiska och religiösa grupper, men även flera avdelningar från olika fackförbund som LO, Kommunalarbetareförbundet, Svenska Pappersindustriarbetareförbundet och Svenska Träindustriarbetareförbundet. Enligt ”Kamp mot porr och prostitution” (1978). Ce long segment est en fait un complément d’information fourni par l’auteure sous forme de note. Elle y donne la quasi intégralité des noms d’organisations et d’institutions impliquées dans la dite « Campagne contre la pornographie et la prostitution » dont elle parle pour la première fois au segment 5. Formellement, elle illustre ainsi sa volonté de rigueur scientifique, dont nous avons déjà discuté (supra 3.1.1) car, en citant ses sources, elle offre aussi à ses lecteurs la possibilité de vérifier les faits qu’elle avance. Au niveau du contenu lui-même, cette longue liste lui permet de démontrer la diversité des organisations impliquées ; on y trouve en effet des groupes religieux, politiques, associatifs ou militants de tous bords. Cependant, on remarque qu’elle ne donne pas l’intégralité des noms de ces organismes mais seulement une quarantaine sur la cinquantaine dont elle parle au segment 5. On comprend donc que les noms qu’elle a choisi de mentionner sont ceux d’organismes actifs au niveau national plutôt que local et qui peuvent de ce fait avoir une plus grande résonance pour les lecteurs. Même si ces derniers ne sont pas nécessairement familiers du travail de chacun de ces organismes, on peut supposer que leurs dénominations seules évoquent à l’esprit des représentations particulières et connotées, des « image culturelles », pour utiliser l’expression de Brynja Svane (1998 : 93). La question se pose alors ; est-il possible de rendre ces images culturelles en français ? Est-ce au final même souhaitable en contexte ? Ce segment 7 illustre bien la difficulté de trouver un équilibre entre la transmission fidèle du contenu des TS et le confort de lecture du public cible. On aurait pu choisir de coller au plus près du TS et traduire l’intégralité des ANpr donnés mais plutôt que de perdre le lecteur dans une longue énumération, nous avons préféré nous concentrer sur l’information essentielle du passage – c’est-à-dire le fait que la majeure partie de ces associations sont nationales et de nature politique, sociale, culturelle ou 24 4FR32E Candice Roccasalva religieuse. Notre traduction peut à cet égard être considérée comme une sorte de conversion générique de masse puisque nous avons remplacé tous les Npr par deux expressions hyperonymiques, mais nous avons plutôt choisi de comptabiliser l’ensemble sous l’appellation « omission » puisqu’au final, aucun des ANprs n’a été ici individuellement rendu dans le TC. Un autre facteur, et non des moindres, ayant joué un rôle dans la décision d’omettre un si grand nombre d’entrées est que, stylistiquement, la traduction de tous ces termes aurait sensiblement alourdi le segment. De plus, et comme nous l’expliquerons en détail plus avant (infra 3.3.4), nous avons décidé de garder les termes suédois d’origine entre parenthèses pour la plupart des ANpr. Une telle solution aurait ici doublé la taille de cette note déjà lourde d’informations pour au final, ne présenter qu’un maigre intérêt pour le lectorat cible. Pour ce qui est du segment 25, on voit bien que l’omission des deux Npr a été motivée par une réflexion similaire à celle portant sur le segment 7 : (25) 26 […] Detta i en bok om feministiskt självförsvar utgiven med stöd från Näringsdepartementet, Brottsoffermyndigheten, Ungdomsstyrelsen och myndighetssamverkan i Stockholm Operation Kvinnofrid och som delas ut gratis till kvinnor och flickor. 26 […] Il s’agit d’un ouvrage d’autodéfense féministe distribué gratuitement aux femmes en 2003 et soutenu entre autres par le gouvernement et diverses organisations de défense des droits des femmes […] La référence à ces deux noms d’autorités administratives, respectivement en charge de l’aide aux victimes d’actes criminels et des questions relatives à la jeunesse, ne semble pas essentielle à l’information véhiculée dans la note. C’est pour cela que le seul terme que l’on a gardé est celui dont on a considéré qu’il serait le plus « parlant » pour le lecteur du TC, à savoir la référence à une institution gouvernementale (pour une discussion plus approfondie de la traduction de l’expression Näringsdepartementet, voir infra 3.3.3). De plus, l’organisation Ungdomsstyrelsen n’existe plus sous cette appellation de nos jours (le livre d’Östergren date de 2006) et si l’on décidait de traduire ce Npr, il faudrait vraisemblablement lui accoler une explication, ce qui alourdirait de nouveau le segment pour, au final, apporter une information dont l’importance n’est que toute relative pour le lecteur cible. 25 4FR32E Candice Roccasalva Avant de refermer cette partie sur les omissions, précisons que le segment 7 illustre aussi et plus généralement le problème du rendu des sources mentionnées dans les TS. On peut en effet se poser la question de l’utilité pour le lecteur cible d’avoir des références bibliographiques dont il ne pourra pas vérifier la véracité s’il ne parle pas suédois, tout comme il faut s’interroger sur l’adaptation des sources qui sont, elles, publiées en francais, comme c’est le cas de Michel Foucault dans TS2. Pour ce cas précis, nous avons pris la liberté d’adapter la référence en changeant les numéros de pages de l’édition suédoise pour ceux de l’édition francaise (Foucault 1994 [1976]), édition que nous avons par ailleurs utilisée pour la traduction des citations aux segments 250, 252-243 et 270. Mais que faire par contre des titres d’articles ou d’ouvrages suédois cités en sources mais non disponibles en français ? Faut-il les traduire pour aider à la compréhension du lecteur ? Ceci est un problème dont il faudrait vraisemblablement discuter avec le commanditaire de la traduction. Dans le livre de Kajsa Ekis Ekman sur la prostitution publié en français, on voit que les titres de sources suédoises n’y ont pas été traduits. Cela nous a semblé un choix raisonnable et nous l’avons repris à notre compte. Il faut néanmoins garder en tête le fait que les choix opérés ici relèvent de la seule responsabilité du traducteur, en l’absence d’un vrai client demandeur de traduction et d’un cahier des charges officiel. D’autres impératifs éditoriaux auraient pu dicter d’autres choix. 3.3.3 Équivalences Une fois la décision prise d’omettre les entrées dont nous venons de discuter, le travail de traduction à proprement parler a pu commencer. Le premier réflexe a été de rechercher si les organisations et institutions nommées avaient un équivalent officiel. Rappelons que Svane rapproche la notion d’« équivalence » de celle de Vinay et Darbelnet (« procédé de traduction qui rend compte de la même situation que dans l’original, en ayant recours à une rédaction entièrement différente », 1958 : 8-9) mais ne l’applique principalement dans son analyse que pour les « termes consacrés » en langue cible, par exemple NATO en suédois et « OTAN » en français (1998 : 98 ; 2002 : 97). Pour la traduction de nos TC, nous avons eu recours à cinq équivalences officielles (segments 18, 19, 28, 94, 96), que nous avons parfois accompagnés d’un transfert sans adaptation (18, 19, 28). Deux équivalences ont été trouvées directement sur les sites officiels des organisations concernées, à savoir ceux de RFSU (RFSU) ou de Roks 26 4FR32E Candice Roccasalva (Roks). Nous les avons complétées d’un transfert de l’expression originale, pour des raisons que nous expliquerons plus loin en détail dans une partie spécialement consacrée à ce procédé de traduction (infra 3.3.4) : (18) Här finns en del samlivsargument, ofta framförda av RFSU:s dåvarande ordförande Hans Nestius. […] Tout comme précédemment, on trouve à cette époque certaines prises de positions sur l’importance du couple, souvent relayées par Hans Nestius, alors président de l’Association suédoise pour l’éducation sexuelle (Riksförbundet för sexuell upplysning) […] (28) […] Roks, som hade sitt stora uppsving under den tiden, vann medialt och parlamentariskt radikalfeministiskt inflytande genom sina slogans, konferenser och aktivt lobbande mot riksdagsledamöter. […] C’est à la même époque que l’Organisation nationale des centres d'aide aux femmes et aux adolescentes en Suède (Riksorganisationen för kvinnojourer och tjejjourer i Sverige, couramment abrégé Roks en suédois), connut son plus grand essor […]. Au segment 28, nous avons en fait reporté le nom de l’organisation dans son intégralité, pour ensuite mentionner le sigle dans une paraphrase. On pourrait considérer que cette courte explication constitue en soi une addition mais, au sens où l’entend Svane, l’addition prend exclusivement la forme d’une expression référentielle ayant pour vocation à expliciter un phénomène qui, sans cette aide, pourrait être incompréhensible pour le lecteur cible (1998 : 101). Or ici, l’équivalence officielle est suffisement claire et l’on pourrait se passer de cet ajout sans que cela ne pertube la compréhension du lecteur. En fait, l’utilité de cette explication est autre : elle permet non seulement de donner une information précise – le véritable nom de l’organisation – mais aussi et surtout de familiariser le lecteur avec un sigle dont la reprise ultérieure dans les TC aura l’avantage pour le traducteur d’alléger stylistiquement l’ensemble. Nous n’avons donc pas comptabilisé ce procédé stylistique dans nos résultats. Il est important de mentionner ici que le Npr Roks revient relativement souvent dans nos TS (douze fois au total) et que lorsqu’il n’est pas mentionné comme référence bibliographique par l’auteur, nous ne l’avons pas exclusivement rendu par un transfert. Nous avons par exemple déjà mentionné le rappel par pronominalisation au segment 86 27 4FR32E Candice Roccasalva (supra 3.3.1) mais nous avons également opéré une conversion générique au segment 82, dans la même perspective stylistique de non répétition : (82) Ebon Kram, Roks första ordförande som var betydelsefull i att flytta fram Roks positioner under 1990-talet, kallar porr för ”kvinnohatets propaganda”. La première présidente de Roks, Ebon Kram, qui contribua de façon significative à l'avancement des positions de l’organisation dans les années 1990, qualifie pour sa part la pornographie de « propagande haineuse à l’encontre des femmes». Cet exemple illustre bien le fait que, même lorsqu’un équivalent officiel existe, certains facteurs externes comme le co-texte et les exigences stylistiques de la langue cible peivent présider aux choix du traducteur. Une autre équivalence constitue un cas intéressant : (94) I ett faktablad från Regeringskansliet hävdas att prostitution består av övergrepp, misshandel och våldtäkt. Dans une fiche d'information mise à disposition par les Services du gouvernement, il est écrit que la prostitution implique abus, agressions et viols. L’expression française, majuscule incluse, est proposée sur le site officiel du gouvernement suédois, dans un document explicatif intitulé « Le système suédois de gouvernance » (Regeringen) et dans lequel sont réunies les informations les plus importantes du site. Ce qui rend cet équivalent intéressant dans ce cas précis, c’est bien le changement de référent. D’un référent unique, on passe à un référent pluriel et les « images culturelles » liées au deux expressions s’en trouvent donc nécessairement changées. Là où le suédois conceptualise les services en question (à savoir le Cabinet du Premier ministre, les différents ministères et un département administratif général) comme une entité unique, le Français, lui, les distingue plus clairement les uns des autres. Cette équivalence est donc à la base une adaptation référentielle, c’est-à-dire une transformation liée aux différences de conceptualisation entre les deux langues (Svane 1998 : 99). Un autre Npr digne d’intérêt est le suivant : (96) 34 Näringsdepartementet (2004). Ministère de l’industrie, de l’emploi et des communications de Suède (2004). 34 28 4FR32E (25) Candice Roccasalva […] Detta i en bok om feministiskt självförsvar utgiven med stöd från Näringsdepartementet […]. […] Il s’agit d’un ouvrage d’autodéfense féministe distribué gratuitement aux femmes en 2003 et soutenu entre autres par le gouvernement […]. Comme on le voit, ce nom d’institution, en l’occurrence un ministère, n’a pas été rendu de la même façon dans les deux segments dans lesquels il apparaît. Au segment 96, ce nom est utilisé comme référence bibliographique, alors qu’au segment 25, il fait partie intégrante de la phrase. En cherchant une équivalence officielle, nous nous sommes vite rendue compte que, bien que le terme suédois soit resté le même malgré les changements successifs de gouvernement, son équivalent français a, lui, été modifié plusieurs fois. À l’heure actuelle, et sur le site même du gouvernement, on trouve par exemple « Ministère de l’entreprise, de l’énergie et des communications » (Regeringen) mais dans des documents plus anciens trouvés sur le portail EUR-Lex, donnant accès aux documents relatifs au droit européen dans toutes les langues des pays membres, on trouve aussi « ministère de l'industrie et du commerce » en 2001 (EUR-Lex1), « ministère de l'industrie, de l'emploi et des communications » en 2006 (EUR-Lex2) ou bien encore « Ministère des entreprises, de l'énergie et des communications » en 2013 (EUR-Lex3). L’ouvrage mentionné au segment 96 datant de 2004, nous avons alors essayé de trouver l’équivalence en usage à cette époque et, sur la notice bibliographique d’un livret publié par le gouvernement en 2005 et présentant spécifiquement ce ministère (Libris), nous avons trouvé la même expression que sur le document de 2006. C’est donc sur celle-ci que nous nous sommes arrêtée, bien que nous l’ayons adaptée aux normes typographiques s’appliquant aux organismes d’état à caractère unique, c’est-à-dire dont la compétence s’étend à tout un pays, en ajoutant une majuscule à « ministère » (Lexique des règles typo. 2002 : 132). La démarche pour trouver une traduction adéquate à ce même terme au segment 25 a cependant été différente. Une fois de plus, nous nous sommes plutôt concentrée sur l’information essentielle véhiculée plutôt que sur les détails dont nous avons estimé qu’ils ne sont pas dans ce cas précis essentiels pour le lecteur cible. Le fait que ce soit ce ministère en particulier plutôt qu’un autre qui ait soutenu la publication de ladite fiche d’information n’est pas en soi un détail capital; ce qui est important, c’est le soutien gouvernemental en lui-même. Ce que veut souligner l’auteure, c’est bien l’engagement d’autorités officielles dans la publication d’une brochure écrite par ce qu’elle considère être des féministes radicaux. Pour cette raison, et plutôt que d’utiliser 29 4FR32E Candice Roccasalva un équivalent établi, nous avons choisi de procéder à une conversion, en l’occurrence générique, et donc de traduire Näringsdepartementet par l’hyperonyme « le gouvernement ». Comme l’explique Svane, remplacer un terme spécifique par un terme générique peut présenter l’avantage pour le traducteur de « faire couler plus facilement le texte en éliminant un surplus d’information » (1998 : 100). Enfin, un dernier cas d’équivalence mérite notre attention : (19) Socialdemokratiska kvinnoförbundet, s-kvinnorna, tyckte också att erotik kunde vara bra eftersom det kunde få positiv effekt på parrelationer […] Pour la Fédération nationale des femmes sociales-démocrates suédoises (Socialdemokratiska kvinnoförbundet), l’érotisme aussi était une bonne chose […]. Ce segment nous permet d’illustrer l’un des problèmes majeurs de la traduction des noms d’organisations ou d’institutions, à savoir le manque de systématisme. À défaut d’une traduction officielle en langue étrangère offerte directement par l’organisme concerné, les variantes ont tendance à se multiplier. De nombreux sites internet font ainsi référence à l’organisation suédoise dont il est question ici, mais l’on trouve autant de traductions possibles que de mentions, y compris sur les sites d’institutions nationales voire européennes : « Fédération nationale des femmes social-démocrates en Suède » (Wikipédia), « Fédération Nationale des Femmes Sociales-Démocrates Suédoises » (Internationale socialiste des Femmes), « fédération nationale des femmes sociales-démocrates » (Parlement européen), « femmes sociales-démocrates » (Richert), « l'Association des femmes sociales-démocrates suédoises » (Commission européenne). Cette multitude de traductions démontre bien que l’idée même d’un « équivalent établi » peut être sujette à caution. Le simple fait d’être utilisé par une source faisant autorité dans son domaine est-il suffisant pour considérer une traduction comme un équivalent acceptable ? Quand peut-on dire qu’une traduction est devenue un équivalent établi ? L’expression sur laquelle nous nous sommes personnellement arrêtée est celle proposée par l’Internationale socialiste des femmes, à la différence près que nous n’avons gardé que la première majuscule, conformément aux règles typographiques françaises (Lexique des règles typo. 2002 : 132). Cette expression nous a semblé, en contexte, la plus claire et la plus informative. 30 4FR32E Candice Roccasalva 3.3.4 Transferts Le transfert, c’est-à-dire l’utilisation d’un mot ou d’une expression en langue étrangère dans un TC, aussi appelé « emprunt » chez Vinay et Darbelnet (1958 : 47) ou « report » chez Delisle (1993 : 42), est souvent considéré comme le procédé de traduction le plus simple, voire pour certains, une sorte de « degré zéro » de la traduction (Humbley 2006 : 685 ; Ballard 2001 : 18), à l’instar de l’omission. Cependant, et nous venons de le voir avec cette dernière, lorsque l’on prend sérieusement en considération le type de texte à traduire et la finalité de la traduction, de tels procédés peuvent tout à fait se justifier. Dans nos TC, l’utilisation importante de transferts n’est pas la conséquence d’ « une lacune métalinguistique » (Vinay & Darbelnet 1958 : 47) ou d’un manque d’équivalent en langue d’arrivée (Delisle 1993 : 29). Ce qui a motivé ce choix, c’est avant tout la nature pragmatique, c’est-à-dire informative, des textes à traduire. Il faut rappeler que sur 17 entrées constituées d’un transfert dans nos TC, 13 associent ce dernier à une autre méthode de traduction ; on peut donc difficilement y voir un refus de traduire. Ici, le but est d’apporter une information complémentaire, légitime en contexte. En accompagnant une traduction littérale, ou une équivalence, du transfert du Npr original, nous cherchons à renforcer la volonté de rigueur académique de l’auteure. De plus, ceci s’inscrit dans une perspective plus vaste de préservation relative de l’étrangéité des TS. La nature fondamentalement étrangère de nos TS ne tient en effet pas uniquement à ce que l’auteure est suédoise ; la culture suédoise est au cœur même du sujet traité et l’utilisation de transferts est une façon de la souligner linguistiquement. On en revient donc au skopos des TC, et à cet équilibre délicat entre transmission fidèle du contenu et respect de la démarche de l’auteur d’un côté, et de l’autre, accessibilité de l’information et confort de lecture pour le public cible. Voyons maintenant en détail l’utilisation qu’il a été faite des transferts. 3.3.4.1 Transferts combinés à une autre méthode de traduction Sur les 13 entrées combinant un transfert à une autre méthode de traduction, on dénombre 10 traductions littérales et 3 équivalences – sur lesquels nous ne reviendrons pas ici puisque nous les avons déjà examinés en détail. Une fois la décision prise de garder l’expression originale sous forme de transfert, s’est posée la question de savoir comment intégrer ce transfert à la phrase. D’après le Lexique 31 4FR32E Candice Roccasalva des règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale, c’est la traduction plutôt que le transfert qui devrait se mettre entre parenthèses (2002 : 80). Il est toutefois précisé que l’emploi de termes étrangers et leur traduction est typographiquement à rapprocher des citations et qu’à cet égard, les règles ne sont pas strictes et qu’il est surtout nécessaire de tenir compte de paramètres tels que la nature de l’ouvrage ou les préférences de l’auteur avant de choisi un procédé plutôt qu’un autre (ibid : 49). On est effectivement obligé de constater le manque de systématisme de cette solution dans la presse ou la littérature. Dans l’article de Libération sur le rapport de 2015 de RFSU (Hivert) par exemple, la journaliste place au choix le transfert ou la traduction française entre parenthèses. Dans la version française du livre de Kajsa Ekis Ekman, c’est exclusivement la traduciton qui est placée entre parenthèses tandis que le transfert est intégré à la phrase. Nous avons pour notre part plutôt préféré l’option du rappel du terme d’origine entre parenthèses et en italiques comme il est de rigueur pour les mots étrangers (Lexique des règles typo. 2002 : 79). Pour Ballard (2001 : 113), cette alternative, qui n’a sa place que dans les textes informatifs, peut être vue comme une variante de l’ « incrémentialisation », c’est-à-dire de « l’insertion du contenu d’une note ou d’une forme de commentaire dans le texte à côté du Npr » (ibid : 111). Ceci contribue ici au confort de lecture tout en ne trahissant ni le skopos, ni la nature foncièrement étrangère des TC. Plusieurs des ANpr de nos TS dont il n’existe pas de traduction officielle ont donc été rendus par traduction littérale et accompagnés d’un transfert. Dans les cas suivants, ce transfert s’est fait sans adaptation aucune, même si nous avons parfois légèrement modifié la traduction littérale afin de mieux coller à la réalité désignée : (5) (15) (120) Den först vågen samlade ett 50-tal olika organisationer i föreningen Kampanjen mot porr och prostitution. La première vague était constituée d’une cinquantaine d’organisations réunies en une seule association baptisée Campagne contre le porno et la prostitution (Kampanjen mot porr och prostitution). 25 Detta var Malmöprojektet och Prostitutionsutredningen […]. 25 Senare gick hon vidare som EUparlamentariker och blev ordförande för Rådet mot skadliga Elle est devenue par la suite députée européenne et présidente du Conseil contre les représentations Il s’agit du Projet Malmö (Malmöprojektet) et de l’Enquête gouvernementale sur la prostitution (Prostitutionsutredningen) […]. 32 4FR32E (30) Candice Roccasalva våldsskildringar […]. dangereuses de la violence (Rådet mot skadliga våldsskildringar) […]. Det största beviset på den tidigare aktivismens inflytande var att kvinnofridslagarna infördes, varav en var sexköpslagen. Mais la preuve la plus évidente de l’influence du militantisme passé fut la mise en place à cette époque d’une série de lois appelée kvinnofridslagarna […] dont la plus emblématique reste la loi suédoise contre l’achat d’actes sexuels, ou sexköpslagen. Notons qu’au segment 30, la traduction littérale accompagnant le transfert n’est pas la traduction de ce transfert précis mais plutôt du nom officiel de la loi (Lag (1998 :408) om förbud mot köp av sexuella tjänster, voir Brottsbalk). Le segment 21 contient, lui, deux exemples de traductions littérales combinées à un transfert : (21) De mest spektakulära aktionerna under den här andra vågen stod radikalfeministerna i föreningarna Kvinnofronten och FmP för […]. On doit cependant les actions les plus spectaculaires de cette deuxième vague à deux associations féministes radicales, à savoir le Front des femmes en Suède (Kvinnofronten), et l’Action populaire contre la pornographie (Folkaktionen mot Pornografi) […]. Le premier transfert s’est fait sans adaptation, bien que l’on note encore une fois ici une légère modification de la traduction littérale, tandis que le second constitue un transfert avec adaptation orthographique, en l’occurrence l’explicitation du sigle suédois (FmP > Folkaktionen mot Pornografi). Nous avions déjà utilisé ce type de transfert pour compléter l’équivalent officiel du nom de l’organisation Roks au segment 28 (supra 3.3.3). Enfin, On trouve dans TC1 un dernier exemple de traduction littérale accompagné de transfert, mais une transfert avec explication cette fois : (34) Nätverket mot porr och Un forum de discussion appelé prostitution som startades året därpå Réseau d’opposition au porno et à […] la prostitution (Nätverket mot porr och prostitution) fut lancé sur internet en 2001 […]. 33 4FR32E Candice Roccasalva Outre les équivalences et traductions littérales, nous avons aussi en de rares occasions complété un transfert d’une addition, mais, comme expliqué plus haut, nous ne les avons pas comptabilisées dans nos résultats puisqu’elles ne constituent pas une « addition » au sens restreint où l’entend Svane (supra 2.2.3) : (25) (120) 26 Christensson, Nilsson och Wikman (2003), s.149. Detta i en bok om feministiskt självförsvar utgiven med stöd från Näringsdepartementet, Brottsoffermyndigheten, Ungdomsstyrelsen och myndighetssamverkan i Stockholm Operation Kvinnofrid och som delas ut gratis till kvinnor och flickor. 26 Senare gick hon vidare som EUparlamentariker och blev ordförande för […] Medierådet som det också kallas, ett slags rådgivande regeringsorgan. 1 Elle est devenue par la suite députée européenne et présidente du […] Conseil des médias (Medierådet), sorte de corps consultatif du gouvernement aujourd’hui dissous1. Christensson, Nilsson et Wikman (2003), p.149. Cet ouvrage d’autodéfense féministe, distribué gratuitement aux femmes en 2003, a été soutenu, entre autres, par le gouvernement ainsi que par diverses organisations de défense des droits des femmes et autorités administratives de la région de Stockholm, regroupées dans le cadre du projet Operation Kvinnofrid, du nom de la série de lois contre les violences faites aux femmes votée en 1998. Au segment 25, l’ajout effectué est entièrement facultatif ; le lecteur peut comprendre la phrase dans son ensemble sans nécessairement connaître la signification précise du nom dudit projet. C’est nous en tant que traductrice qui avons jugé qu’expliciter l’information contenue dans l’expression d’origine, information non déchiffrable par le lectorat cible sans notre aide, apporterait un éclairage supplémentaire appréciable sur le message vehiculé. Au segment 120, la problématique est autre. L’addition effectuée est en réalité une adaptation temporelle, grâce à laquelle l’information fournie par l’auteure est mise à jour. En 2006 quand le livre a été publié en Suède, l’organisme en question existait en effet toujours ; ce n’est plus le cas depuis 2010 (Statens medieråd). 3.3.4.2 Transferts simples Nous avons déjà expliqué comment nous avons utilisé des transferts simples, c’est-àdire non combiné à une autre méthode de traduction, pour rendre les répétitions de Npr utilisés comme références bibliographiques et n’ayant donc pas vocation à être traduits (supra 3.3.1). Trois autres segments comptabilisés dans notre étude contiennent 34 4FR32E Candice Roccasalva également des transferts simples, mais le choix ayant dicté leur utilisation relève d’impératifs différents, comme par exemple au segment 153 : (153) ”De flesta – om än inte all – som från svensk sida deltar i debatten gör det inte utifrån sexualmoraliska skäl, utan utifrån kvinnans rätt att besluta över sin egen kropp och sin sexualitet”, hävdar vänsterpartiets tidigare representant i EUparlamentet, Marianne Eriksson. « La plupart, pour ne pas dire la totalité, des personnes participant au débat en Suède ne le font pas pour des motifs relevant de la morale sexuelle, mais pour soutenir le droit des femmes à disposer de leur corps et de leur sexualité », soutient Marianne Eriksson, ancienne représentante du parti de gauche Vänsterpartiet au Parlement européen. On aurait pu tout aussi bien choisir de rendre le Npr suédois par une équivalence suivie d’un transfert entre parenthèses mais l’on peut considérer que l’utilisation de parenthèses viendrait alourdir une phrase déjà riche en signes de ponctuation. Substituer l’équivalent officiel le plus souvent utilisé, à savoir « le Parti de la gauche » (voir par exemple Integrationsverket), par un transfert avec une explication aide, selon nous, à rendre la phrase plus fluide. La paraphrase « parti de gauche » se trouve bien évidemment être une traduction littérale du nom du parti, mais nous ne l’avons pas envisagée comme telle ; pour nous, il s’agit avant tout d’une explication utile au lecteur pour situer le parti sur l'échiquier politique, au même titre que l’expression « [le] parti de centre-droit Folkpartiet » au segment 118. Une dernière chose à noter enfin ici est que le transfert en question s’est fait avec adaptation orthographique car, si l’usage du suédois ne recommandait pas à l’époque de majuscule pour les noms de partis (ce qui a changé en 2008, voir Sverigesradio et Svenska skrivregler 2008 : 119), le français, lui, l’exige (Lexique des règles typo. 2002 : 141). Un exemple comparable se trouve au segment 153 : (185) Fackförbundet Kommunals ordförande, Ylva Thörn, säger att hon har funderat på om hon är gammaldags eftersom hon inte vill kalla prostitution för ett yrke […]. Ylva Thörn, présidente de Kommunal, le syndicat des travailleurs municipaux suédois, déclare par exemple s’être demandé si c’était vieux jeu de sa part de refuser de considérer la prostitution comme un métier […]. Ici, nous avons eu recours à un transfert avec paraphrase où le Npr transféré est en fait l’abréviation du nom complet officiel qui est, lui, Svenska Kommunalarbetareförbundet. 35 4FR32E Candice Roccasalva Plutôt que d’utiliser la traduction littérale « Fédération suédoise des employés municipaux », que l’on trouve par exemple sur le site d’Arbetsmiljöverket, un transfert avec explication juxtaposée nous a semblé plus adéquat. Le site même du syndicat, par ailleurs disponible en français (Kommunal), utilise en effet uniquement cette abréviation, ce qui lui donne plus ou moins valeur de traduction officielle, et il n’est donc pas aberrant de la reprendre telle quelle dans le TC. Un dernier exemple de transfert simple, avec adaptation orthographique cette fois, est un autre nom de parti suédois au segment 178 : (178) Olle Schmidt, en av folkpartiets EUparlamentariker, använder sig hellre av termen ”liberal” än ”jämställdhet” 9 : Olle Schmidt, un des députés européens de Folkpartiet utilise plus volontiers le terme « libéral » que « parité »9 : Ici, c’est le cotexte qui dicte l’absence de paraphrase explicative. Il a en effet été choisi d’expliciter la référence à Folkpartiet dans un segment antérieur : (113) Även om liberala politiker har en relativt låg profil i porr- och prostitutionsfrågor finns de med liknande förståelse. Bien que les membres du parti de centre-droit Folkpartiet fassent plutôt profil bas en matière de pornographie et de prostitution, ils semblent en avoir la même interprétation. Nul besoin donc de répéter l’explication au segment 178. Si l’on a ici choisi une paraphrase plutôt qu’un équivalent, c’est pour souligner la démarche de l’auteure qui, dans ce passage, passe en revue les positions des différents mouvements politiques en matière de prostitution. Ce n’est donc pas tant le nom du parti que sa mouvance politique qui est au centre de l’information. Le nombre de transferts seuls est au final limité dans nos TC. Il faut cependant préciser que si le livre en entier venait à être traduit, il faudrait harmoniser la traduction dans son ensemble, ce qui, par souci de non-répétition, appellerait selon toute vraisemblance un plus grand nombre de transferts seuls, de même que des pronomisations et des conversions génériques supplémentaires. 36 4FR32E Candice Roccasalva 4 CONCLUSION La présente étude n’a pas la prétention d’apporter une quelconque solution prescriptive aux difficultés liées à la traduction des noms d’institutions ou d’organisations nationales et locales, mais nous espérons tout de même avoir clairement mis en lumière quelles formes ces difficultés pouvaient revêtir dans un texte informatif et quelles solutions étaient envisageables en contexte. Densité de distribution, manque d’équivalents établis en langue cible, pertinence de l’information pour le public cible ou bien encore subtilités de l’intégration stylistique, autant de paramètres qui, au-delà du simple problème de la transmission du sens, nous ont interrogée en tant que traductrice. Nous l’avons vu, l’étude systématique du skopos, non pas seulement des TC mais bien aussi des TS, est le point de départ indispensable à toute réflexion sur la façon d’appréhender ces difficultés. En étudiant ces skopos, le traducteur est en mesure de comparer les fonctions des TS et des TC pour voir en quoi elles peuvent se recouper et quelles incidences ceci peut avoir sur les choix de traduction. Il faut bien évidemment rappeler que la traduction offerte ici s’est faite dans des conditions particulières, sans contrainte de temps majeure et en laissant le cahier des charges à la seule responsabilité du traducteur. Il a donc dès le début été décidé que les TC, tout comme les TS, seraient de nature à la fois informative, expressive et opérationnelle et s’adresseraient en priorité à un public de non-spécialistes. La difficulté principale pour nous a été de rester fidèle à la démarche de l’auteure tout en utilisant ses propres connaissances de la culture de réception et de la langue cible pour pouvoir rendre le contenu des textes le plus facilement accessible possible sans pour autant en amoindrir la nature fondamentalement étrangère. Concrètement, et dans le cadre de la traduction des ANpr qui nous intéressent, on a vu comment la densité de distribution de certains ANpr nous a d’abord forcé à nous interroger sur l’utilité de préserver toutes les références culturelles des textes. La pertinence de certains détails pour le public cible n’est pas apparue comme essentielle au message de l’auteure et pour cette raison, de nombreux ANpr ont été omis, bien que ces omissions ne soient uniquement regroupées que dans deux segments, et ce, non pas dans le corps du texte mais en note. Nous nous sommes par la suite mise à la recherche d’équivalents établis en langue cible pour les entrées que nous avons décidé de garder et avons pu constater que rares étaient les organismes suédois à proposer une traduction de leur propre nom en français et que l’on se retrouvait dès lors souvent face à une kyrielle d’équivalents non officiels dont il a fallu évaluer la validité en contexte avant de les 37 4FR32E Candice Roccasalva reprendre éventuellement à notre compte. Enfin, en l’absence totale d’équivalent, c’est vers la traduction littérale que nous nous sommes surtout tournés, non sans l’agrémenter d’un transfert, assorti parfois d’une adaptation orthographique ou d’une explication. Reporter l’expression suédoise entre parenthèses nous a permis de préserver la fonction informative du TS tout en soulignant linguistiquement la nature foncièrement étrangère du sujet en présence. En marge de ces observations, il est aussi apparu que le style imposé par la langue cible, telle que la volonté de non-répétition du français, pouvait influencer le choix de garder un ANpr ou de le reprendre différemment, à l’aide d’un pronom par exemple. En parallèle de nos propres résultats, nos recherches nous ont amenée à faire plusieurs constations intéressantes, qui viennent largement confirmer ce qu’avance John Humbley (2006) dans son article sur la traduction des noms d’institutions. La première, c’est que c’est bien le plus souvent au niveau local que la traduction des noms d’organisations est la moins systématique ; les quelques équivalents officiels que nous avons rencontrés concernaient soit des institutions nationales (Näringsdepartement, Regeringskansliet), soit des organisations actives au niveau national (Roks, RFSU, LO). Il semblerait également que plus le champ l’activité de l’organisation en question est spécifique et restreint (p. ex. Nätverket mot porr och prostitution, Folkaktionen mot Pornografi, Operation Kvinnofrid etc.), moins la traduction est automatique, ce qui pourrait être le reflet de la conscience – ou du manque de conscience – qu’a l’organisation de son influence à l’international ou du moins auprès des communautés non-suédophones. Il faut cependant garder en tête que notre étude porte exclusivement sur le couple de langue français-suédois et, si les traductions officielles en français de Npr suédois manquent souvent, nous avons pu également observer – sans surprise – que l’anglais bénéficiait toujours d’un statut privilégié. Si une organisation choisit d’offrir une traduction de son nom en langue étrangère et une seule, c’est invariablement vers l’anglais qu’elle se tournera. Mais ce qui nous a surpris, c’est que de nombreux sites officiels, s’ils ne proposent pas de traduction en français, offrent cependant leurs informations non seulement dans les langues minioritaires officielles du pays (finnois, meänkieli, romani, same, yiddish) mais également d’autres auxquelles on s’attend moins, comme le farsi, le kurde ou le croate. Ceci démontre bien que le choix de traduire un nom dans une langue plutôt qu’une autre est en soi un acte culturel, et souvent même idéologique. Le fait de trouver sur les sites d’institutions suédoises, des 38 4FR32E Candice Roccasalva informations traduites en romani ou le same plutôt qu’en français, reflète à la fois la réalité migratoire du pays et l’importance de ces communautés sur le territoire, mais aussi et surtout la volonté d’intégration de l’État suédois. De la même façon, l’absence de traduction peut être toute idéologique. En cherchant des équivalents officiels de noms de partis politiques suédois, nous nous sommes aperçue par exemple aperçu que seuls les partis ancrés à gauche proposaient une traduction de leur nom, ou du contenu de leur site, en langues étrangères, ce qui n’est pas anodin. La traduction reste donc à bien des égards un acte militant. 39 4FR32E Candice Roccasalva 5 BIBLIOGRAPHIE Source primaire Östergren, Petra. 2006. Porr, horor och feminister. Stockholm : Pocketförlaget. Sources secondaires Ouvrages et articles imprimés Baker, Mona. 1992. In Other Words. A Coursebook on Translation. 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