Le film « Intouchables » peut-il changer le regard sur le handicap ?

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Le film « Intouchables » peut-il changer le regard sur le handicap ?
17/18 DEC 11
Quotidien Paris
OJD : 94439
Surface approx. (cm²) : 455
N° de page : 13
18 RUE BARBES
92128 MONTROUGE CEDEX - 01 74 31 60 60
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Le film « Intouchables » peut-il changer le regard sur le handicap ?
Dans Intouchables,
la complicité
de Philippe, tétraplégique,
et Driss, son auxiliaire
de vie. La grande question
maintenant est de savoir
si ce mouvement du cœur
du public envers ce film
va permettre d'opérer
un changement
plus profond en chacun.
Marie-Hélène
Mathieu
Fondatrice de l'Office chrétien
des personnes handicapées
(OCH)etcofondatrice
avec Jean Vanier
du mouvement Foi et Lumière
Le film présente la rencontre, improbable mais réelle,
de Philippe Pozzo di Borgo,
riche aristocrate issu d'une
prestigieuse lignée et homme
d'affaires aux grandes responsabilités. Devenu tétraplégique
à la suite d'un accident de pa-
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7729850300506/GFD/MFG/1
rapente, il engage comme auxiliaire de vie Abdel (I), petit
malfrat qui sort de prison. Un
abîme sépare ces deux
hommes. Mais tous deux sont
mis à la marge de la société
l'un par son handicap physique, l'autre par son handicap
social, et peu à peu, une amitié
solide va les lier, et les transformer l'un et l'autre. La première chose que montre le
film : une rencontre est possible car le handicap peut
contribuer à faire tomber les barrières du cœur
et les barrières sociales. Je pense à Simone,
ouvreuse à la salle Pleyel, qui vit avec son fils
Eléments de recherche : SIMON DE CYRENE : association de soutien pour les handicapés, toutes les citations
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Quotidien Paris
OJD : 94439
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handicapé mental et psychique dans 18 m2,
et à Yvonne, maman d'une fille trisomique,
qui habite dans le 16e arrondissement de Paris et qui vient souvent au concert avec l'enfant.
La même épreuve les a rapprochées et unies,
elles sont devenues amies. Le film est une
confirmation éblouissante de ce que nous
vivons tous les jours à Foi et lumière à l'Arche,
ou à l'accueil de l'OCH, Mais pour la plupart
des spectateurs, c'est une révélation sidérante.
J'ai découvert Philippe lors d'une émission
de télévision à l'issue de laquelle je lui ai
demandé, ainsi qu'à Béatrice, sa femme, de
donner une conférence à l'OCH, intitulée
« Le second souffle pour un nouveau chemin »
(octobre 1994). Nous avons tous été marqués...
Après cela, il a accepté d'apporter son soutien
à l'association Simon de Cyréne que l'OCH
avait fondée avec des parents dont l'enfant
avait subi un traumatisme crânien. Ce qui
m'a toujours frappé chez lui, c'est la lumière
de son regard, son désir de communication,
de relation, sa voix tonique, chaleureuse. L'un
des ressorts d'« Intouchables », c'est justement
cette formidable énergie, jaillie d'abord de
l'amour de Béatrice, puis de l'amitié et la
confiance entre lui et Abdel. Leur humour
aussi. Autant l'ironie démolit, autant l'humour
donne vie. Autant l'ironie isole, autant l'humour, lorsqu'il est plein de gentillesse et
d'espérance, permet de dédramatiser les
situations. Avec l'humour mutuel, il n'y a pas
de handicap. Dans le film, on voit également
Philippe justifier son choix de garder un repris
de justice en disant : «Lui au moins me considère comme quelqu'un à part entière. » La
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femme de Philippe ne l'avait jamais considéré
comme une « personne handicapée ». Il était
simplement Philippe, l'homme qu'elle aimait,
une personne unique et qui
ne demandait qu'une chose
pour vivre : être aimé et pouvoir rendre cet amour, être
utile à la société. Tout cela, le
public qui se presse pour voir
le film le perçoit. La grande
question maintenant est de
savoir si ce mouvement du
cœur va aider à un changement plus profond, susciter
un questionnement sur soimême, modifier les regards,
et laisser place au désir de
rencontrer cette personne
« différente », quel que soit
son handicap. Désirer l'approcher, désirer devenir son
ami, ce qui implique de grandir dans la confiance réciproque, dans la
tendresse et la fidélité, jusqu'à se laisser mutuellement transformer. Frédéric Ozanam
disait : « Deviens l'ami d'un pauvre, c'est là
que tu rencontreras Jésus. » Le pauvre en l'occurrence, c'est Philippe et c'est Abdel. Mère
Teresa, quant à elle, affirmait que le plus grand
malheur, ce n'est pas d'avoir un handicap,
c'est d'être rejeté. La présence d'amitié sera
toujours plus importante que toutes les lois
et tous les aménagements. »
RECUEILLI PAR MARTINE DE SAUTO
[I] Driss dans le film.
Eléments de recherche : SIMON DE CYRENE : association de soutien pour les handicapés, toutes les citations