POLICE M. B…- .n°1006147- 05/02/2014 Rejet de la

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POLICE M. B…- .n°1006147- 05/02/2014 Rejet de la
POLICE
M. B…- .n°1006147- 05/02/2014
Rejet de la requête tendant à l’annulation de la décision par laquelle le maire de Nantes a refusé
d’user de ses pouvoirs de police administrative générale pour interdire, comme portant atteinte à
la dignité humaine, l’exercice de la prostitution sur l’ensemble du territoire de sa commune.
cc
TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NANTES
N° 1006147
___________
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
M. B
___________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Gave
Rapporteur
___________
Le Tribunal administratif de Nantes,
M. Rivas
rapporteur public
___________
(7ème chambre),
Audience du 20 novembre 2013
Lecture du 5 février 2014
___________
49-03
C+
Vu la requête, enregistrée le 31 août 2010, présentée par M. B demande au
tribunal d’annuler la décision implicite, née le 16 août 2010 du silence gardé par
l’administration, par laquelle le maire de la commune de Nantes a rejeté sa demande tendant à ce
que celui-ci fasse usage de ses pouvoirs de police générale, pour interdire la prostitution sur
l’ensemble du territoire de la commune ;
Il soutient que :
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- à titre principal :
. sa requête tendant à l’annulation de la décision implicite du 16 août 2010 est
recevable dès lors que le courrier du 2 juillet 2010 que lui a adressé en réponse la
commune de Nantes n’avait qu’un caractère informatif et ne constituait donc pas une
décision faisant grief susceptible de recours ;
. le refus de prendre la mesure de police demandée est illégal dès lors que la
prostitution porte atteinte à la dignité humaine ainsi que cela résulte des principes dont
s’inspirent le code civil, le droit international et le droit communautaire, et notamment
des articles 1er, 3 et 54 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de
l’article 16-3 du code civil ; l’interdiction de la prostitution correspondrait également à la
mise en œuvre d’un principe de précaution vis-à-vis de personnes médicalement à risque ;
l’activité de prostitution est par ailleurs connexe à la notion de proxénétisme, lequel est
réprimé, et criminogène ; en refusant de faire application des pouvoirs généraux de police
qu’il tient des articles 2212-2 et 2215-1 du code général des collectivités territoriales afin
de promouvoir un arrêté d’interdiction sur l’ensemble du territoire de la commune le
maire de Nantes a donc commis une erreur de droit ;
- à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la requête serait regardée comme irrecevable en
tant que dirigée contre une décision implicite n’existant pas, le courrier de 2 juillet 2010, qui
serait alors considéré comme une décision faisant grief, devrait être annulé pour incompétence
de son auteur et pour le moyen invoqué à titre principal ;
Vu la décision attaquée ;
Vu la mise en demeure adressée le 10 juin 2011 à la société d'avocats MRV, en
application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette
mise en demeure ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2011, présenté pour le maire de la
commune de Nantes par la société d'avocats MRV qui conclut au rejet de la requête et à ce que
soit mis à la charge de M.B le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- à titre principal, l'activité de prostitution n’est pas prohibée par la loi et n’est pas en
elle-même constitutive d’un trouble à l’ordre public ; le requérant ne rapporte pas que les faits
qu’il dénonce s’accompagnent de troubles à l’ordre public et ne justifie sa demande par aucun
élément matériel ; la jurisprudence citée par le requérant se rapporte à d’autres questions
juridiques, notamment en ce qui concerne l’arrêt du Conseil d'Etat n° 136727 du 27 octobre
1995 commune de Morsang-sur-Orge ; au demeurant, le maire de Nantes, qui n’est pas l’autorité
de police exclusive en la matière, ne peut être compétent pour édicter une interdiction de
principe de la prostitution ;
- à titre subsidiaire, les moyens dirigés contre le courrier du 2 juillet 2010 ne sont pas
assortis des précisions nécessaires pour en apprécier la portée et le bien fondé ; ledit courrier est
signé, pour le maire, par un adjoint délégué compétent pour ce faire ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2011, présenté par M.B, qui conclut aux
mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et précise en outre que les critères tenant
à la gravité du péril, la situation particulièrement dangereuse et le caractère indispensable
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justifiant sur le fondement des pouvoirs municipaux de police, l'édiction de l'interdiction
sollicitée, sont en l'espèce réunis ;
Vu le mémoire, enregistré le 23 mai 2013, présenté par M.B, qui conclut aux mêmes
fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 13 novembre 2013, présenté pour le maire de la commune
de Nantes, qui conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens, et précise que les articles de
presse joints par M.B à l'appui de sa requête ne permettent pas de caractériser le caractère
indispensable de l'interdiction sollicitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2013 :
- le rapport de M. Gave, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rivas, rapporteur public,
Sur les conclusions à fin d’annulation :
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 13 juin 2010
réceptionnée le 16 juin suivant, M.B, se plaignant de faits de prostitution aux abords de son
domicile, a demandé au maire de la commune de Nantes d’user de ses pouvoirs de police
administrative générale pour prendre un arrêté interdisant la prostitution sur l’ensemble du
territoire de sa commune ; qu’il lui a été répondu, par lettre du 2 juillet 2010 signée par un
adjoint délégué, que la ville ne restait pas inactive face au « problème humain » constitué par la
prostitution et « au trouble de la tranquillité publique qu’il génère », que si la prostitution des
mineurs, le racolage et le proxénétisme sont pénalement punissables, il n’en va pas de même
pour la prostitution en général et que la jurisprudence citée à l’appui de la demande était
dépourvue de lien avec celle-ci ; que M.B, considérant cette lettre comme une simple réponse
d’attente et estimant qu’une décision implicite de rejet était née le 16 août 2010 du silence
conservé pendant deux mois à la suite de sa demande réceptionnée le 16 juin 2010 , demande à
titre principal par la présente requête l’annulation de cette décision implicite ; que la lettre du 2
juillet 2010 doit toutefois être regardée, dans les termes dans lesquels elle est rédigée, comme
une décision expresse de rejet de sa demande réceptionnée le 16 juin 2010 ; que
M.B
doit donc être regardé comme demandant, ainsi qu’il le fait d’ailleurs à titre subsidiaire,
l’annulation de cette décision du 2 juillet 2010 ;
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Concernant la légalité externe :
2. Considérant que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision dont il
s’agit doit être écarté comme manquant en fait dès lors que cette décision a été signée par
M. Gilles Nicolas, adjoint délégué au maire de Nantes ayant en charge les questions de sécurité ;
Concernant la légalité interne :
3. Considérant, d’une part qu’aux termes de L. 2542-2 du code général des collectivités
territoriales : « Le maire dirige la police locale. Il lui appartient de prendre des arrêtés locaux
de police en se conformant aux lois existantes » ; d’autre part, qu’aux termes de l’article
L. 2212-2 du même code : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté,
la sécurité et la salubrité publiques (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’il appartient à
l’autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une
atteinte à l’ordre public ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en
l’absence de circonstances locales particulières, interdire une activité qui porte atteinte au respect
de la dignité de la personne humaine ;
4. Considérant, d’autre part, que le refus de l’autorité investie du pouvoir de police
municipale de prendre une mesure réglementaire de police n’est entachée d’illégalité que dans
les cas où, en raison de la gravité du péril pour l’ordre public, ladite autorité, en n’ordonnant pas
les mesures nécessaires pour le faire cesser, méconnaît ses obligations légales ;
5. Considérant que M.B invoque les principes dont s’inspirent tant le code civil
que le droit international et le droit communautaire pour en déduire que la prostitution est une
activité portant atteinte au respect de la dignité humaine et que le maire de Nantes a donc
illégalement refusé d’user de ses pouvoirs de police administrative générale pour en interdire
l’exercice sur l’ensemble du territoire de sa commune ;
6. Considérant, toutefois, que si loi prévoit que la prostitution des mineurs, le racolage
et le proxénétisme sont des activités pénalement répréhensibles, il n’en va pas de même pour la
prostitution en général ; que, dans ces conditions, la seule invocation par le requérant de faits de
violence envers les prostituées exerçant sur le territoire de la commune de Nantes, de la
circonstance que les prostituées constituent une population médicalement à risques et de
l’existence de réseaux de proxénétisme ne saurait suffire à caractériser l’existence d’un péril
grave pour l’ordre public justifiant l’interdiction de la prostitution sur l’ensemble du territoire de
la commune ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation
présentées par M.B doivent être rejetées ;
Sur les conclusions du maire de la commune de Nantes tendant à l’application des
dispositions de l’article L.761-1 du Code de justice administrative :
8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux
conclusions présentées au titre de ces dispositions par la commune de Nantes ;
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DECIDE:
Article 1er : La requête de M.B est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le maire de la commune de Nantes au titre de
l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. B et à la commune de Nantes.
Délibéré après l’audience du 20 novembre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Christien, président,
M. Gave, premier conseiller,
Mme Keller, premier conseiller,
Lu en audience publique le 5 février 2013.
Le rapporteur,
Le président,
P. GAVE
R. CHRISTIEN
Le greffier,
C. LAGARDE
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique
en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis,
en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées de pourvoir
à l’exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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C. LAGARDE