Common Law et Droit civil. Modification des

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Common Law et Droit civil. Modification des
CONFÉRENCE SUR LES CENTRES COMMERCIAUX AU CANADA - CICC 2007
Le jeudi, 1er mars 2007
9h00 à 10h30
PETIT DÉJEUNER – TABLES RONDES
DEUX POINTS DE VUE – COMMON LAW ET DROIT CIVIL. MODIFICATION DES
PARTIES COMMUNES : COMMENT ÉTABLIR UN ÉQUILIBRE ENTRE LE BESOIN DE
FLEXIBILITÉ DU LOCATEUR ET LE STATU QUO SOUHAITÉ PAR LE LOCATAIRE
Stéphanie Beauregard
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Montréal
Ligne directe : 514 397-7465
[email protected]
Jim Piers
Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l., Vancouver
Ligne directe : 604 631-4769
[email protected]
-2POINT DE VUE DU DROIT CIVIL
1.
Qu’est-ce qu’un bail en vertu du Code civil du Québec (« C.c.Q. »)?
L’article 1851 du C.c.Q. se lit comme suit : (sans caractères gras dans l’original)
« 1851. Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur,
s’engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la
jouissance d’un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps.
Le bail est à durée fixe ou indéterminée. »
2.
Quels sont certains des droits et obligations résultant du bail?
L’article 1854 du C.c.Q. se lit comme suit : (sans caractères gras dans l’original)
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation
de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du
bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel
il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
L’article 1856 du C.c.Q. se lit comme suit : (sans caractères gras dans l’original)
« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la
destination du bien loué. »
3.
Qu’est-ce qu’on entend par « bien loué » à l’article 1856 du C.c.Q.?
Le bien loué constitue principalement les « lieux loués », au sens du bail (par exemple :
« bureau 200 de l’immeuble situé au 230, rue Masson, Montréal, disposant d’une
superficie de location d’environ 2 000 pieds carrés ».
Toutefois, dans le cadre d’un bail à locataires multiples typique, le locataire se voit
octroyer le droit d’utiliser les parties communes avec les autres locataires et les visiteurs
de l’immeuble. Ce droit est parfois précisé dans le bail, mais même s’il n’est pas précisé,
il s’agit d’un droit implicite. Les tribunaux ont établi que « bien loué », au sens de
l’article 1856 du C.c.Q., fait également référence aux parties communes qui constituent
des « accessoires des lieux loués ».
4.
Le locateur a-t-il le droit d’apporter des modifications au « bien loué » pendant la
durée du bail?
Cela dépend des modalités du bail, qui peuvent déroger aux dispositions du Code civil
qui ne sont pas d’ordre public. Si le bail est muet sur un point donné, les dispositions du
Code civil s’appliquent automatiquement, à titre « supplétif ».
-3Bien que les locateurs modifient rarement le local loué pendant la durée du bail (sauf
dans le cas de travaux à effectuer avant la date d’entrée en vigueur du bail), les locateurs
pourraient parfois souhaiter apporter certaines modifications aux parties communes (par
exemple, modifier un vestibule, fermer certaines entrées, modifier le stationnement, etc.).
Ces modifications peuvent être la source de différends entre locateurs et locataires. Un
locateur estime habituellement qu’il a le droit, en tant que propriétaire du bien, de
modifier les parties communes comme il le juge approprié, puisqu’elles ne sont pas
louées à un locataire en particulier. Un locataire s’attend, quant à lui, à ce que les parties
communes demeurent essentiellement dans le même état où elles se trouvaient au
moment de la location des lieux.
5.
Aperçu de la jurisprudence récente
Certaines décisions rendues récemment par des tribunaux du Québec ont été favorables
aux locataires. Ces décisions s’appuyaient sur les concepts de « contenu implicite d’un
bail » et d’« accessoires des lieux loués ».
5.1
Pâtisserie de Gascogne Inc. et al. c. Le 4817 Sherbrooke Inc., C.A. 500-09014273-049 (8 juillet 2004)
Résumé : Une terrasse constitue un accessoire des lieux loués, même s’il n’en est pas fait
mention dans le bail, et le nouveau propriétaire est lié par l’entente verbale intervenue
entre le locateur initial et le locataire.
•
Le litige est survenu lorsque l’acquéreur d’un immeuble a demandé à un locataire
de le dédommager pour l’usage saisonnier d’une terrasse étant donné qu’il n’était
aucunement fait mention de cette terrasse dans le bail (signé en 1996).
•
Le locateur initial avait convenu verbalement d’accorder au locataire l’utilisation
d’une terrasse, que le locateur initial a entretenue sans frais additionnels.
•
L’immeuble a été vendu en 2002 et le nouveau locateur a refusé de permettre au
locataire d’utiliser la terrasse à moins qu’un loyer additionnel ne soit payé.
•
Le locataire a refusé et a demandé une injonction visant à contraindre le locateur
de lui permettre d’utiliser la terrasse. La Cour supérieure a refusé d’accorder
l’injonction et a interdit au locataire d’utiliser la terrasse.
•
La Cour d’appel a infirmé la décision de la Cour supérieure et a accordé
l’injonction, enjoignant au locateur d’autoriser le locataire à utiliser la terrasse
sans frais additionnels.
•
La Cour d’appel a conclu que l’occupation de la terrasse constituait un accessoire
des lieux loués et que le nouveau propriétaire était lié par l’engagement du
locateur initial qui visait à fournir une terrasse au locataire.
•
Détail intéressant : le nouveau propriétaire a invoqué qu’il n’était pas au courant
de l’entente verbale concernant la terrasse au moment de l’achat de l’immeuble.
-4Toutefois, cet argument n’a pas aidé sa cause puisque dans les documents
publicitaires préparés par le courtier se trouvait une photo de l’immeuble, prise
lors d’une belle journée, devant lequel des clients du locataire étaient assis à la
terrasse en train de boire leur café.
5.2
Khoury c. Mounayar, J.E. 2006-160, C.S. (16 novembre 2005)
Résumé : Le contenu implicite d’un bail commercial autorise le dirigeant ou le gérant
du locataire à stationner devant les lieux loués.
•
Riad Khoury, agent immobilier pour Century 21 et Aliment Vaneli, exploitant
d’un dépanneur, ont loué des lieux dans un petit centre commercial à Laval.
•
Le centre commercial possède 21 espaces de stationnement réservés aux huit
locataires de l’immeuble.
•
En 2004, le défendeur, un dentiste, a fait l’acquisition du centre commercial et a
installé sa clinique dans l’immeuble. Il a avisé les locataires qu’ils ne seraient
dorénavant plus autorisés à stationner devant l’immeuble, étant donné que le
nombre d’espaces était insuffisant pour la clientèle du centre commercial.
•
Une compagnie de remorquage, dont les services avaient été retenus par le
locateur, a commencé à remorquer les voitures garées devant l’immeuble, et plus
particulièrement la voiture de M. Khoury et celle du gérant du dépanneur Vaneli.
•
Le tribunal a conclu que le locateur avait abusé de ses droits et qu’il avait agi de
mauvaise foi, tout particulièrement étant donné la preuve (sur vidéo) qui montre
que les voitures des demandeurs étaient remorquées lorsque le stationnement
n’était pas complet; que l’épouse, le père et la mère du locateur stationnaient
souvent leurs voitures devant la clinique dentaire et, qu’un jour, le locateur a
donné l’ordre de ne remorquer que les deux voitures des demandeurs, malgré le
fait que, ce jour-là, d’autres voitures contrevenaient aux règlements du locateur et
qu’il y avait plusieurs espaces vacants où les clients pouvaient stationner.
•
Le tribunal a déclaré que le contenu implicite d’un bail commercial autorise un
locataire à stationner devant son commerce.
•
Le tribunal a accordé aux deux locataires l’injonction qu’ils avaient demandée et a
enjoint au locateur de cesser de faire remorquer les voitures des locataires.
5.3
MDS (Canada) Inc. c. Groupe Accueil International Ltée, C.S. 500-17-028257056 (28 septembre 2006)
Résumé : L’utilisation sans frais de l’espace de stationnement adjacent à l’immeuble
constitue un accessoire des lieux loués et l’imposition de frais liés à l’utilisation du
stationnement par le locateur constitue une modification injustifiée des modalités du bail.
L’obligation du locateur de fournir au locataire la jouissance paisible du bien loué
comprend leurs accessoires.
-5-
6.
•
L’affaire traite d’un conflit entre l’obligation du locateur d’exploiter et de gérer
efficacement le stationnement de son immeuble et le désir du locataire de ne pas
voir les modalités de son bail modifiées.
•
MDS, le locataire, exploitait une clinique spécialisée dans les recherches cliniques
relatives aux produits pharmaceutiques depuis 1998. Ses visiteurs (principalement
ses employés et les personnes participant aux études sur les produits testés)
utilisaient l’espace de stationnement à l’extérieur de l’immeuble, gratuitement,
depuis l’entrée en vigueur du bail.
•
Le locateur faisait face à un problème classique : le stationnement était situé à
proximité d’une station de métro et certaines personnes qui n’avaient rien à faire
dans l’immeuble utilisaient le stationnement comme « parc relais ». Par
conséquent, le nombre d’espaces de stationnement était insuffisant pour satisfaire
aux besoins des locataires et des visiteurs de l’immeuble.
•
Afin de résoudre le problème, le locateur a embauché un consultant. Avec lui, ils
ont mis en place un nouveau système par lequel les visiteurs devraient payer pour
utiliser le stationnement.
•
MDS a sollicité une injonction contre le locateur.
•
Le tribunal a décidé que le locateur avait l’obligation de procurer la jouissance
paisible des lieux et de leurs accessoires.
•
Le tribunal a décidé que le stationnement était nécessaire pour les lieux loués.
Malgré le fait que le locateur avait le droit d’exercer un certain contrôle sur le
stationnement, étant donné son obligation de gérer adéquatement l’immeuble et
de garantir à l’ensemble des locataires la jouissance paisible de l’immeuble, le
locateur n’était pas autorisé à commencer unilatéralement à imposer des frais
d’utilisation pour le stationnement sans avoir obtenu l’accord du locataire. Le
tribunal a déclaré que la décision du locateur constituait une modification
substantielle et injustifiée du bail.
•
Le tribunal a accordé l’injonction demandée par le locataire et a enjoint le
locateur de rendre le stationnement accessible à tous les locataires et à leurs
visiteurs, sans frais, et de rembourser au locataire les frais de stationnement payés.
•
Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel.
Conclusion.
Le « bien loué » ne se limite pas au périmètre des quatre murs des lieux loués par un
locataire, car le « bien loué » comprend également les éléments qui sont considérés
« accessoires des lieux ». Il n’est pas toujours nécessaire que le bail indique ce que
constituent les accessoires, étant donné le principe du « contenu implicite d’un bail », qui
découle de l’intention des parties, dont la détermination dépendra de plusieurs éléments,
pouvant inclure :
-6(i)
le libellé du bail;
(ii)
la façon dont les parties ont appliqué le bail, dans la pratique; et
(iii)
les usages de l’industrie (par exemple, le fait de placer une enseigne à l’extérieur
des lieux dans un centre commercial linéaire ou l’utilisation d’espace pour le
câblage reliant le matériel de télécommunications du locataire à un fournisseur
externe).
Des exemples d’« accessoires » des lieux loués comprennent les éléments suivants (selon
les circonstances) : entrées, toits, systèmes de chauffage et de ventilation, fournaises,
espaces de stationnement, ascenseurs, escaliers roulant, locaux d’entreposage et autres
parties et installations communes.
Du point de vue du locateur, il est essentiel de pouvoir gérer adéquatement son
immeuble, de pourvoir apporter les modifications nécessaires pour adapter sa propriété au
caractère évolutif des circonstances, et d’agrandir, améliorer et rénover son centre
commercial de temps à autre, de même que d’y effectuer un réaménagement du point de
vue du marchandisage.
Si un locateur souhaite modifier le stationnement, moderniser l’entrée ou modifier
d’autres parties communes de son immeuble, il est possible que ces modifications
entreront en conflit avec son obligation d’assurer à ses locataires la jouissance paisible
des accessoires des lieux loués. Cela pourrait également enfreindre son obligation de ne
pas modifier la forme ou la destination du bien.
Par conséquent, un locateur devrait s’efforcer d’inclure dans ses baux une « clause de
contrôle » qui prévoit que le locateur peut, par exemple : (i) effectuer des réparations, des
remplacements, des modifications ou des relocalisations dans l’immeuble, y compris les
parties communes; (ii) effectuer des ajouts à l’immeuble; ou (iii) résilier ou modifier le
droit du locataire d’utiliser les parties communes.
Du point de vue du locataire, celui-ci devrait demander la modification de ces clauses
pour faire en sorte que le locateur, dans l’exercice de ses droits, ne nuira pas indûment à
sa jouissance paisible des lieux et de leurs accessoires, ne nuira pas à l’accès aux lieux,
n’en obstruera pas la visibilité, ni n’agira de façon discriminatoire envers le locataire.
-7POINT DE VUE DE LA COMMON LAW
Droits exprès du locateur et du locataire, respectivement, sur les parties et les installations
communes figurant habituellement dans les baux – Voir annexe A ci-jointe.
Droits d’utilisation des parties communes en l’absence de modalités expresses dans le bail
Droits prévus par la loi, p. ex. : législation et réglementation, p. ex. : espaces de stationnement,
sorties et entrées.
Servitude de nécessité – p. ex. voies d’accès, soit les routes, les passages pour piétons, les
ascenseurs et les escaliers (doit être l’unique façon d’avoir accès)
Servitudes implicites ou servitudes prévues, p. ex. : stationnement, système de ventilation (air
recyclé)
Continus et apparents
Clauses implicites, p. ex. : convention de jouissance paisible
Représentations
Réponses des locateurs concernant ce qui précède (ou obstacles pour les locataires)
Clause d’intégralité
Absence de renonciation
Clause de modifications écrites
Preuve verbale
Causes d’action
Rupture de contrat, p. ex. : convention de jouissance paisible
Rupture fondamentale
Délit civil – négligence, nuisance, intrusion et assertion inexacte
Recours
Dommages-intérêts, y compris dommages-intérêts punitifs
Injonction, y compris exécution en nature
-8ANNEXE A
CONFÉRENCE SUR LES CENTRES COMMERCIAUX AU CANADA – CICC 2007
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