Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail
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Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail
Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail Luc Behaghel, Bruno Crépon, Béatrice Sédillot. Résumé On évalue l’impact de la « contribution Delalande », taxe sur le licenciement des travailleurs âgés en France, en utilisant les variations successives du dispositif, créé en 1987 et renforcé en 1992 et en 1998. L’introduction en 1992 d’une exonération du dispositif pour les travailleurs recrutés après 50 ans crée une discontinuité favorable à l’étude de l’effet « indirect » de la contribution (désincitation à l’embauche). L’analyse en double différence met en évidence une dégradation sensible des chances de retour à l’emploi juste en dessous de 50 ans. Ce changement peut néanmoins avoir deux sources que l’analyse ne permet pas de départager : l’effet « indirect » de la contribution ou l’introduction de contrats aidés (contrats de retour à l’emploi) particulièrement avantageux pour les chômeurs de plus de 50 ans. L’effet « direct » sur les licenciements (rétention de main-d’œuvre) apparaît faible et peu systématique : tout se passe comme si les décisions de licenciement des entreprises étaient peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution Delalande. Au total, les résultats vont dans le sens de l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent l’essentiel de leurs ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les licenciements qu’en dernier ressort, avec par conséquent avec une sensibilité réduite à la protection de l’emploi. Introduction Depuis le milieu des années 70, les départs anticipés des salariés de plus de 55 ans ont été encouragés par de nombreux dispositifs institutionnels : régime d’allocation spéciale du Fonds national de l’emploi (FNE), contrats de solidarité préretraite démission, dispense de recherche d’emploi notamment. Si, à partir du milieu des années quatre-vingt, les conditions d’accès aux préretraites financées par l’Etat ont été durcies (suppression des contrats de solidarité en 1983, remontée de l’âge minimal d’entrée en préretraite, augmentation de la participation financière des entreprises aux préretraite ASFNE), de nouveaux dispositifs conventionnels comme l’allocation de remplacement pour l’emploi (ARPE) ont partiellement pris le relais. Parallèlement aux mesures favorisant les retraits d’activité, plusieurs dispositifs ont cherché à favoriser le retour ou le maintien dans l’emploi des quinquagénaires. Des contrats aidés tels que le contrat de retour à l’emploi (de 1989 à 1995) ou le contrat initiative emploi (à partir de 1995) visent ainsi à améliorer les perspectives de retour à l’emploi dans le secteur marchand en allégeant sensiblement le coût du travail. Ces contrats sont particulièrement ciblés sur des publics dits « prioritaires » qui incluent les chômeurs de plus de 50 ans. D’autres dispositifs visent à protéger l’emploi des salariés en fin de carrière. En juillet 1987 est ainsi créée la contribution Delalande qui vise à réduire les transitions vers le chômage des salariés de 55 ans en accroissant leur coût de licenciement. Cette mesure a connu plusieurs modifications depuis 1987 : élargissement des conditions d’âge ; suppression du champ de la mesure de certaines catégories de salariés ; augmentation des pénalités encourues par les entreprises. Au sein du système français de protection de l’emploi, la contribution Delalande occupe une place spécifique. Il s’agit en effet du seul dispositif instaurant une taxe sur le licenciement des quinquagénaires dont le produit est reversé à l’Unedic1 (Blanchard, Tirole 2003). L’effet de la contribution Delalande sur l’emploi des salariés âgés est toutefois largement débattu. Pour ses partisans, ce dispositif permet de responsabiliser les entreprises en « internalisant » le coût social des licenciements et réduit de ce fait les sorties de l’emploi des salariés âgés.. Pour ses détracteurs, un renchérissement du coût de licenciement des salariés âgés peut avoir des effets pervers : anticipant un surcoût en cas de licenciement, les entreprises seraient moins incitées à embaucher les salariés susceptibles d’entrer rapidement dans la tranche d’âge concernée par la mesure. On trouve ainsi en tête du rapport de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris consacré à la contribution Delalande une prise de position particulièrement négative mais peu étayée empiriquement : « … il n’est pas établi qu’elle [la contribution Delalande] ait permis d’enrayer l’augmentation du chômage des plus de 50 ans. Au contraire, en privilégiant une logique de sanction, elle a constitué un véritable frein à l’emploi et a participé à la mise à l’écart de cette population : craignant une forte pénalisation, les entreprises se sont abstenues en majorité de recruter des chômeurs –notamment ceux âgés de 45 à 50 ans». Ce débat indécis renvoie à l’ambiguïté théorique des effets des coûts de licenciement sur l’emploi. La protection de l’emploi a un effet « direct » favorable : réduire les licenciements ; mais elle a aussi un effet « indirect » négatif : réduire les embauches. Cela conduit à réduire l’ampleur des flux entre chômage et emploi, mais l’effet net sur l’emploi reste théoriquement indéterminé. Plusieurs approches empiriques se sont développées pour lever cette ambiguïté théorique. La première, à l’instar de Mortensen et Pissarides (1999), consiste à étalonner et à simuler les deux effets (direct et indirect) dans un modèle avec création et destruction endogènes d’emplois, de façon à caractériser les effets de la protection de l’emploi dans un contexte précis. Cette approche fait ressortir combien l’effet net sur l’emploi est sensible (i) au dispositif de protection de l’emploi considéré2 ; (ii) à la population sur laquelle la protection s’exerce3 ; (iii) à l’interaction avec d’autres dispositifs institutionnels (par exemple, le SMIC). Ces trois points montrent bien comment une étude spécifique de la contribution Delalande est utile, dans la mesure où le dispositif, original, cible un public particulier, les plus de 50 ans, déjà concerné par de nombreuses autres mesures. La deuxième approche empirique s’appuie sur des comparaisons internationales (Nickell, 1997 ; OCDE, 1999). Elle confirme l’absence de lien tranché entre niveau de protection de l’emploi et chômage. En revanche, elle met en évidence un impact négatif de la protection de l’emploi sur la mobilité de la main-d’œuvre et fait apparaître un effet négatif sur la participation. La troisième approche empirique tire parti de changements législatifs dans la protection de l’emploi, comme aux Etats-Unis (Anderson et Meyer, 2000), pour évaluer leur impact. L’analyse de la contribution Delalande menée ici s’inscrit dans cette troisième approche. La démarche vise à mesurer l’ampleur des effets direct et indirect, afin d’estimer lequel peut l’emporter dans l’effet net sur l’emploi, en s’appuyant sur les sources de variation offertes par le dispositif. Isoler l’effet spécifique d’un dispositif comme la contribution Delalande présente néanmoins de nombreuses difficultés. L’évaluation de ce dispositif suppose en effet de pouvoir éliminer les effets des cycles conjoncturels et de dispositifs concomitants de la politique de l’emploi. Pour identifier l’effet de la contribution Delalande, la perspective adoptée dans cet article est de tirer parti de l’évolution du cadre législatif qui a conduit à modifier les avantages relatifs des différentes classes d’âge en termes d’embauche et de licenciement. En particulier, la réforme de 1992 de la contribution Delalande consistant à exclure de la mesure une partie de la population précédemment concernée (les salariés embauchés après 50 ans) introduit une discontinuité susceptible de favoriser l’identification des effets de la mesure sur les embauches. 1 270 millions d’euros par an en moyenne entre 1993 et 1999. En particulier, lorsque la protection de l’emploi permet de réduire le coût du travail en finançant l’assurance chômage, selon le modèle américain d’experience rating (modulation des cotisations chômage patronales en fonction des licenciements effectués), l’effet indirect négatif se trouve fortement atténué (Cahuc et Malherbet, 2003). Ce point est intéressant dans la mesure où le produit de la contribution Delalande est affecté au financement de l’UNEDIC, ce qui rapproche cette taxe du système de l’experience rating. 3 La protection de l’emploi bénéficie ainsi davantage aux plus qualifiés, et de façon générale aux insiders déjà bien insérés dans le marché du travail (voir Mortensen et Pissarides, 1999). 2 2 Globalement nos résultats conduisent à mettre en évidence une dégradation du retour relatif à l’emploi des moins de 50 ans par rapport à ceux qui sont juste plus âgés : notre approche montre en effet une évolution différenciée des taux de retour à l’emploi des chômeurs de moins et de plus de 50 ans à partir du début des années 1990. L’exonération en 1992 de la contribution pour les plus de 50 ans peut contribuer à expliquer ce changement. On ne peut toutefois exclure l’effet concomitant d’autres facteurs. En particulier, la création en 1989 des contrats de retour à l’emploi ciblés notamment, à partir de 1990, sur les chômeurs de plus de 50 ans peut également avoir rendu moins attractive l’embauche de salariés âgés de 45-49 ans. Notre analyse ne permet pas de séparer ces deux éléments. L’existence d’un effet sur le licenciement est plus délicat à mettre en évidence même si certains résultats font apparaître un impact négatif. Nos résultats sont en effet peu robustes à des changements mineurs dans la méthode d’inférence utilisée. Plusieurs études ont déjà examiné l’effet de la contribution Delalande sur les décisions d’embauches et de licenciement (Bommier, Magnac et Roger (2003), Behaghel (2003)) : nos résultats ne remettent pas sensiblement en cause les diagnostics déjà disponibles, à la différence notable près qu’ils mettent beaucoup plus nettement en évidence la prise en compte par les entreprises des coûts de licenciement ou des aides publiques (exonération de charges, aides à l’embauche) dans leurs décisions d’embauche. Ce résultat serait compatible avec l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent l’essentiel de leurs ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les licenciements que lorsqu'elles ont épuisé les autres modes d'ajustement de leur effectif (Abowd et Kramarz, 2003 ; Cahuc, 2003) ; dans cette situation de dernier recours, elles manifesteraient une sensibilité réduite aux incitations financières liées à la protection de l’emploi. L’organisation du papier est la suivante. Une première section présente la législation relative à la contribution Delalande et illustre, à l’aide d’un modèle simple, les effets possibles de ce dispositif sur l’embauche et le licenciement. Une deuxième section présente les données utilisées. Une troisième section présente les résultats concernant l’effet indirect ; une quatrième présente l’effet direct. 1. Effets théoriques de la licenciement et l’embauche contribution Delalande sur le 1.1. L’évolution du cadre législatif Créée en 1987, la contribution Delalande vise à freiner les licenciements des salariés âgés en obligeant l’entreprise à verser à l’assurance chômage (UNEDIC) une cotisation égale à 3 mois de salaire brut pour tout licenciement économique d’un salarié en CDI du secteur marchand de 55 ans ou plus.4 A partir de 1989, le versement de la contribution Delalande est étendu à toutes les ruptures du contrat de travail ouvrant droit au bénéfice de l’allocation de base du régime d’assurance chômage. En 1992, le dispositif est étendu. Les conditions d’âge sont abaissées, la contribution s’appliquant désormais au licenciement de salariés de 50 ans et plus. Le dispositif de 1992 introduit une spécificité importante : le public concerné est réduit aux salariés embauchés avant 50 ans. Enfin, le montant de la contribution est modulé en fonction de l’âge auquel se produit le licenciement. Pendant une courte période de 6 mois, la contribution est également modulée en fonction de la taille de l’entreprise (plus ou moins de 20 salariés). La modulation en fonction de la taille est rapidement supprimée (Décret 93-85 du 20 janvier 1993) er et ne sera réintroduite qu’à partir du 1 janvier 1999. A cette date, en effet, le montant de la contribution s’accroît significativement pour les entreprises de plus de 50 salariés (cf. tableau 1). 4 Il est important de noter qu’à la différence des indemnités légales de licenciement, versées aux salariés, la contribution Delalande est versée à l’UNEDIC. Il ne s’agit donc pas d’un simple transfert entre employeur et employé (qui pourrait être compensé par ailleurs), mais bien d’une taxe sur les licenciements. 3 Enfin, en juillet 1999, le champ de la contribution Delalande est étendue aux conventions de 5 conversion . Tableau 1 : Montant de la contribution Delalande (en mois de salaire brut) t Juill 1987-Juin 1992 50 51 52 53 54 + de 20 salariés 1 1 2 2 4 - de 20 salariés 0,5 0,5 1 1 2 toutes tailles t Juill 1992-déc 1992 55 56-57 58 59 3 3 3 3 5 6 6 6 2,5 3 3 3 janv 1993-déc 1998 toutes tailles 1 1 2 2 4 5 6 6 6 depuis janvier 1999 + de 50 salariés 2 3 5 6 8 10 12 10 8 - de 50 salariés 1 1 2 2 4 5 6 6 6 1.2. Les enseignements d’un modèle illustratif En accroissant le coût de licenciement des quinquagénaires, la contribution Delalande est susceptible d’affecter les transitions sur le marché du travail. Elle peut notamment agir sur les décisions de licenciement (« effet direct »), soit en retardant la séparation (lorsque le niveau de l’indemnité est important), soit en l’accélérant (lorsque l’indemnité croît fortement, le traditionnel effet de seuil d’entrée dans le système étant emblématique de cette situation). Elle peut également agir sur les décisions d’embauche (« effet indirect ») : elle conduit alors à sélectionner les travailleurs les plus productifs. Pour discuter les effets potentiels de la contribution Delalande, on présente ici un modèle simple qui permet de séparer l’effet de dissuasion des licenciements des effets de restriction des embauches. On revient ensuite sur ses limites et les extensions possibles. On suppose, que le profil des gains d’un salarié d’âge a et d’ancienneté t est connu et exogène π (t , a ) . On considère en outre qu’il y a un coût fixe d’embauche E . Les seules décisions de l’entreprise concernent l’embauche et le licenciement du salarié, sachant que, lors de la séparation, l’entreprise verse une amende d’un montant C (a ) et un coût de licenciement fonction de l’ancienneté C T L ( ) . On n’introduit pas d’incertitude : à caractéristiques données, tous les T salariés sont licenciés au même âge, qui est connu ex ante.6 L’embauche d’un salarié d’âge sera licencié à l’âge ( V a 0 ,a )= ∫ a −a 0 =∫ a −a 0 ( )+ ( π t, a r 0 + t )e −( ( 0 + t )e −( ~ π t, a 0 où ( π t, a 0 + λ )C d’actualisation et correspondant à une ancienneté a λ L ( )− t C ' L r r + λ )t + λ )t dt − C(a )e −( dt − C(a )e −( ( ) = ( ). ~ π t, a t r r + λ )(a − a 0 + λ )(a −a 0 T a 0 qui = a − a conduit ainsi à une valeur : ) −C 0 L ( a −a 0 ) e − (r + λ )(a − a 0 ) −E ) −E Dans l’expression précédente, r correspond au taux à la probabilité instantanée de démission du salarié. On introduit en outre un âge de départ à la retraite A. Le choix d’un âge de licenciement est ainsi obtenu par la maximisation du critère V (a , a ) + µ (A − a ) où µ est le multiplicateur de Lagrange 0 associé à la contrainte a ≤ A . L’âge de licenciement satisfait la condition du premier ordre : ( * ~ π a −a 0 ,a * ) = −( + ) ( ) + ( ) + r λ C a * C ' a * µe (r + λ )(a *-a 5 à ) (1) En revanche, ne sont pas concernés par la contribution les passages en préretraite AS-FNE. En conséquence, le modèle ne permet pas de dériver un profil continu de licenciement avec l’âge : pour des salariés identiques, le taux de licenciement vaut 0, puis 1. 6 4 soit ( * ~ π a pour a * = −a a 0 ,a * ) = −( + ) ( ) + ( ) r λ C a * C ' a * (1a) < A , ou * A lorsque (1b) ( ~ π A −a 0 ,a * ) ≥ −( + r ) ( )+ ( ) λ C A C ' A La décision d’embauche est fondée sur le critère évalué à l’âge optimal de séparation. Il y a embauche si : ( V a 0 ,a * )= ∫ a 0 * −a 0 ( ~ π t, a 0 + t )e −( r + λ )t dt ( ) −Ca * e ( −(r + λ ) a −a * 0 )− E ≥0 (2) c’est-à-dire si la valeur actualisée nette des profits est supérieure au coût d’embauche et au montant actualisé de la contribution Delalande. La condition du premier ordre (1a) montre que c’est non seulement le niveau mais aussi le profil de la contribution Delalande qui compte pour la détermination de l’âge de séparation. On retrouve un effet classique : le flux de profit au cours de la dernière période doit être égal à la perte liée au fait de retarder le licenciement d’une période. Cette perte se décompose en deux effets : l’économie ( ) ( ) actualisée liée au fait de ne licencier qu’une période plus tard − (r + λ )C a et la perte C a liée au fait que la prime à payer une période plus tard sera différente. Le premier effet joue dans le sens d’un accroissement de l’âge de licenciement, le deuxième en revanche joue dans le sens d’un raccourcissement si, comme c’est en général le cas avec le dispositif Delalande, le montant de la pénalité croît avec l’âge. * ' * Un alourdissement de la contribution Delalande de ∆C qui laisserait inchangé la nature de l’arbitrage inter-temporel : − ( r + λ ) ∆C (a ) + ∆C (a ) = 0 ne conduirait pas à une modification de la date optimale de séparation. En revanche, une évolution de la contribution Delalande vers un système plus onéreux mais croissant plus rapidement avec l’âge peut conduire à un raccourcissement de l’âge optimal de séparation. ' L’équation (2) montre que les modifications au fil du temps de la contribution Delalande peuvent agir sur la sélection des individus à l’embauche. En particulier, un alourdissement de la contribution Delalande à chaque âge conduit à renoncer à embaucher les salariés les moins productifs. Compte tenu du profil de la contribution (coût nul avant 50 ans), cet effet de sélection est faible lorsque l’on considère l’embauche de salariés jeunes. Il ne joue significativement que pour les tranches d’âge les plus élevées. L’équation (1) peut avoir plusieurs solutions qui ne sont pas nécessairement des maxima. Si l’on considère par exemple le cas du dispositif qui prévalait de 1987 à 1992 (trois mois de salaire à partir de 55 ans) la fonction − (r + λ )C + C vaut + ∞ à 55 ans et − 3(r + λ ) après. La décision de licenciement peut se représenter de la façon suivante : ' 5 Graphique 1 Profit net − ( r + λ )C + C ' A B -3(r+λ) 55 ans C La première solution (A) correspond à l’entrée dans le dispositif : le salarié est licencié juste avant 55 ans pour éviter le coût du Delalande. On retrouve ici l’effet pervers des mesures à effet de seuil induisant un coût marginal infini au voisinage du seuil. La seconde solution (C) correspond à l’objectif visé par le dispositif : le licenciement d’effectue à un âge plus tardif a que celui observé C en l’absence de dispositif de l’objectif aux deux âges a B a . La solution retenue in fine est déterminée en comparant la valeur A et a C satisfaisant la condition du premier ordre. Il n’est pas exclu que pour certains la mesure conduise à un âge de séparation moins élevé. Cela se produit lorsque : ∫ a a C A −a −a 0 ( ~ π t, a + t )e −( + r 0 ) λ t dt + C(a A ) e −( r + λ )(a −a A 0 ) − C(a C ) e −( r + λ )(a − a C 0 ) <0 0 Les graphiques ci-dessous représentent, en temps discret, la fonction − (r + λ )C(a) + C' (a) pour les différents dispositifs Delalande, pour deux valeurs du taux d’actualisation (5% et 25%) (graphiques 2a-2b). Le profil du premier Delalande (1988-1992) induit un fort effet de seuil à 55 ans et est de ce fait susceptible de conduire à une concentration des licenciements à 54 ans. Mis à part cet effet de seuil, le montant de la contribution (3 mois) est faible pour un taux d’actualisation de 5% et a peu d’impact sur l’âge de séparation. Pour un taux d’actualisation plus élevé (25%), l’effet reste modeste. Les deuxième (1992-1999) et troisième (1999-2001) dispositifs Delalande s’appliquent dès l’âge de 50 ans. La progressivité de la mesure sur la tranche d’âge 50-55 ans limite les effets de seuil : l’âge de licenciement devrait être plus précoce mais avec une concentration moins marquée qu’auparavant. Après 55 ans, le dernier dispositif incite fortement à retarder l’âge de licenciement car le montant de la contribution devient très élevé et le profil par âge décroissant. 6 Graphiques 2a-2b : en mois de salaire brut -rC(a)+C'(a) pour les différents dispositifs (r=5% ) 4 2 0 -2 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 -4 -6 âge "1983-1987" "1988-1992" "1992-1999" "1999-2001" en mois de salaire brut -rC(a)+C'(a) pour les différents dispositifs (r=25% ) 4 2 0 -2 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 -4 -6 âge "1983-1987" "1988-1992" "1992-1999" "1999-2001" Le modèle simple présenté ci-dessus met bien en évidence que ce n’est pas seulement le niveau de la prime mais sa progression qui comptent pour dissuader les licenciements. Ces deux quantités jouent en outre en sens opposés : une prime importante tend à retarder les licenciements alors qu’une prime fortement croissante les accélère. L’ordre de grandeur relatif de ces deux effets correspond au facteur r + λ . Au vu des calculs précédents, fondés sur les valeurs des pénalités des dispositifs successifs, on ne s’attend pas à un effet massif de la contribution Delalande sur les licenciements, si ce n’est pour le dernier dispositif aux âges les plus élevés. Le deuxième enseignement de ce modèle est que l’instauration de la contribution Delalande est susceptible de dissuader l’embauche des salariés les plus âgés. Dans le cas de la contribution Delalande, cet effet de dissuasion joue d’autant plus que l’on se rapproche de la zone d’âge où cette contribution entre en vigueur. Pour les âges plus jeunes il est vraisemblable que l’échéance lointaine et le fort taux de rotation rende l’effet de la contribution peu important. Ce modèle est néanmoins très frustre et n’apporte aucun éclaircissement sur l’effet sur le chômage en particulier parce qu’il n’explique pas la décision d’ouverture de poste d’une entreprise ni ne prend en compte les possibilités de substitutions entre travailleurs d’âges différents. Pour répondre à la première difficulté, il est possible de développer un modèle d’équilibre inspiré de Mortensen et Pissarides (1999). Behaghel (2003) développe un tel modèle, l’étalonne sur le segment français 7 des travailleurs de plus de 40 ans en France, et simule les effets de la contribution Delalande. Ce modèle plus complet, s’il n’est pas estimable directement, fait ressortir deux limites de la spécification simplifiée ci-dessus où le barème n’entre que par ∆C (a ) et C (a ) pour expliquer le taux de licenciement à l’âge a. En présence de chocs de productivité, l’évaluation de la valeur d’un emploi qui préside à la décision de licenciement fait intervenir le risque d’avoir à licencier à tous les âges futurs. C’est donc toute la chronique future des ∆C et C , et non seulement les valeurs à l’âge a, qui interviennent de façon complexe. Par ailleurs, à partir du moment où il y a hétérogénéité des emplois (en raison des caractéristiques de la main-d’œuvre non observées du statisticien, ou en raison des aléas sur la productivité), les taux de licenciement aux âges inférieurs influent sur la qualité des emplois aux âges ultérieurs (effet de sélection). Les changements dans la chronique antérieure des ∆C et C ont donc aussi un impact sur le licenciement à l’âge a. En résumé, un modèle d’équilibre général plus complet fait bien intervenir les mêmes facteurs explicatifs – niveau et profil de la taxe –, mais de façon plus complexe puisqu’intervient, à chaque âge, l’ensemble du barème de la contribution. 2. Les données Pour apprécier les effets direct et indirect de la contribution Delalande, on utilise les enquêtes emploi prises en panel sur la période 1983-2001. L’effet direct du dispositif est évalué en comparant les transitions emploi-non emploi en fonction de l’âge, pour les différentes périodes correspondant aux dispositifs Delalande successifs. L’effet de sélection (ou effet indirect) est évalué, pour sa part, à partir des transitions non emploi / emploi en fonction de l’âge, pour les différentes périodes correspondants aux différentes phases du dispositif. L’analyse des transitions est menée ici au niveau individuel contrairement aux travaux de Bommier, Magnac, Roger (2003) qui analysent les transitions par cellules formées selon le sexe, l’âge et la période. Les enquêtes emploi permettent de suivre les situations d’activité d’un individu sur trois années successives et d’identifier les motifs de cessation d’activité. On attache un soin particulier à l’identification de ces situations de façon à déterminer si elles sont concernées par le dispositif Delalande. Ce dispositif s’applique en effet aux salariés employés dans le secteur marchand en CDI. La réforme des enquêtes emploi en 1990 a nécessité de redéfinir la notion d’emploi relevant de la contribution Delalande7. Le graphique 3 présente l’importance relative des coûts Delalande et des coûts de licenciement légaux usuels8. Ces derniers sont fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. La distribution des anciennetés à chaque âge et pour chaque sexe conditionne donc la valeur reportée sur les graphiques. Ces coûts de licenciement sont assez inférieurs à ceux effectivement pratiqués par les entreprises et mis en évidence dans Abowd et Kramarz (2003)9. Globalement ces graphiques montrent que dès le dispositif de 1992, les coûts Delalande dépassent largement pour certains âges le montant des coûts de licenciement légaux. 7 Pour les années antérieures à 1990, on retient comme emploi relevant de la contribution Delalande les emplois tels que la variable statut prenne les modalités 26 (travailleur à domicile), 27 (salarié d’un parent qui travaille à son compte), 28 (autre salarié en période d’essai), 29 (autre salarié). Elle comprend donc tous les salariés du privé (modalité 21 à 29) dont on exclut la modalité 21 (intérimaire), 22 (apprenti sous contrat), 23 (stagiaire), 24 (saisonnier) et 25 (autre salarié sous contrat à durée déterminée). A partir de 1990, les emplois retenus sont ceux tels que la variable statut prenne la valeur 24 (emploi en CDI du privé), soit la variable statut prenne la valeur 30 (stagiaire et contrats aidés) en imposant en outre qu’alors la variable pub prenne la valeur 5 (emploi dans un établissement privé) et que la variable stage prenne la valeur 22 (CRE ou CRA). 8 Jusqu’en 2001, l’indemnité légale était de 1/10è de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel se ème rajoute 1/15 de mois au-delà de 10 ans d’ancienneté. 9 Ces auteurs estiment que les coûts de licenciement (fondés notamment sur les indemnités conventionnelles) représentent 5 à 7 mois de salaire moyen des individus de leur échantillon. 8 Graphique 3 : Importance relative des coûts de licenciement et des coûts Delalande Hommes 1987-1991 Femmes 1987-1991 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 50 51 52 53 54 55 Cout de licenciement 56 57 58 59 50 51 Cout Delalande 52 53 54 55 Cout de licenciement 56 57 58 59 58 59 58 59 Cout Delalande Femmes 1992-1997 Hommes 1992-1997 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 50 51 52 53 54 55 Cout de licenciement 56 57 58 59 50 51 Cout Delalande 52 53 54 55 Cout de licenciement 56 57 Cout Delalande Femmes 1998-2001 Hommes 1998-2001 10 10 8 8 6 6 4 4 2 2 0 0 50 51 52 53 54 Cout de licenciement 55 56 57 58 59 50 Cout Delalande 51 52 53 54 Cout de licenciement 55 56 57 Cout Delalande 3. L’effet indirect de la contribution Delalande sur l’embauche 3.1. La méthodologie On examine, dans un premier temps, l’effet désincitatif de la contribution Delalande sur l’embauche des salariés âgés. Précisons tout d’abord que l’analyse ne vise pas à produire des estimations permettant de faire un bilan complet de la contribution, mais à déceler si dans les comportements d’embauche, il est possible d’identifier des évolutions qui relèvent de ce comportement de sélection. Pour cela, on tire parti d’une spécificité importante du dispositif de 1992 : à partir de cette date, les chômeurs de plus de 50 ans qui retrouvent un emploi ne sont pas concernés par la contribution Delalande, ce qui signifie que l’employeur n’aura pas à payer la contribution s’il est conduit à les licencier par la suite. En revanche, une entreprise embauchant un salarié de 49 ans devra payer la contribution si elle souhaite se séparer dans le futur du salarié. Le dispositif de 1992 introduit ainsi une discontinuité dans le traitement des salariés selon qu’ils ont plus ou moins de 50 ans. Les graphiques ci-dessous montrent l’évolution, au cours de la période 1988-1998, du coût minimum de licenciement en fonction de l’ancienneté, selon que l’embauche s’effectue à 49 ans ou à 50 ans (graphiques 4a-4b). 9 Graphiques 4a-4b : Coût minimum de licenciement selon l’ancienneté et l’âge à l’embauche coût de licenciem ent selon l'ancienneté en cas d'em bauche à 49 et 50 ans 1992-1998 coût de licenciem ent selon l'ancienneté en cas d'em bauche à 49 et 50 ans 1988-1991 8 ancienneté (en années) embauche à 49 ans embauche à 49 ans embauche à 50 ans 9 10 ancienneté (en années) 8 7 6 5 4 0 0 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 2 3 2 4 2 4 6 1 en mois de salaire 6 0 en mois de salaire 8 embauche à 50 ans * Indemnité légale de licenciement + contribution Delalande Le principe de l’analyse est relativement simple et intuitif et relève d’une pratique bien connue en matière d’évaluation sous le nom de « regression discontinuity » (Hahn, Van der Klauw and Todd (2001) – Batisttin et Ettore (2003)) : on compare les taux de retour à l’emploi des individus ayant juste plus de 50 ans et ceux ayant juste moins de cinquante ans après instauration du dispositif, c’est-à-dire après 1992. Si l’on note y (t, a ) la variable indicatrice de retour à l’emploi à la date t d’un salarié d’âge a, la démarche consiste à identifier l’existence d’un effet du dispositif par la quantité : ∆ post ( )= ( ( ( ε E y t,50 − ε )) − E(y (t,50 + ε ))) t ≥1992 En théorie, il faudrait prendre une plage ε très faible de telle sorte que l’on dispose d’individus identiques, si ce n’est que certains sont concernés par le dispositif et d’autres non. En pratique, on est conduit à élargir la fenêtre pour obtenir des échantillons suffisants. La fréquence des enquêtes emploi étant annuelle, il n’est pas possible de dater exactement les retours à l’emploi. En particulier, les individus ayant 49 ans révolus en mars de l’année t et qui retrouvent (ou non) un emploi avant mars t+1 peuvent l’avoir retrouvé à 49 ans ou à 50 ans. On résout ce problème en mettant de côté ces individus : on considère comme ayant moins de 50 ans les individus ayant moins de 49 ans en mars de l’année t, et comme ayant plus de 50 ans les individus ayant plus de 50 ans à cette date.10 Pour évaluer la robustesse des estimations, on considère différentes « fenêtres » entourant l’âge de cinquante ans. On compare d’abord les salariés âgés de 48 ans révolus avec les salariés âgés de 50 ans en t ; ils peuvent donc atteindre respectivement 49 ans et 51 ans en t+1. On la note donc comme la fenêtre des 48-51 ans. Il s’agit là de la fenêtre la plus étroite que l’on puisse considérer ; elle ne comprend que peu d’individus, à peine une centaine par enquête. On retient également une fenêtre moyenne consistant à comparer les salariés âgés de 46 à 48 ans révolus avec ceux âgés de 50 à 52 ans (fenêtre des 46-53 ans). Enfin on considère une fenêtre large comparant les salariés âgés de 44 à 48 ans avec ceux âgés de 50 à 54 ans (fenêtre des 44-55 ans). Ces fenêtres couvrent donc des plages d’âge de 1, 3 ou 5 ans de part et d’autres de 50 ans. Le nombre d’individus considérés est bien sûr croissant avec la taille de la fenêtre : peu élevé pour la fenêtre étroite, il devient assez important pour la fenêtre large. Le graphique 5 illustre les différentes tailles d’échantillon en donnant à la fois le nombre d’individus observés chaque année.11Notons néanmoins que la discontinuité introduite à 50 ans par le dispositif Delalande de 10 Une méthode alternative consiste à dater précisément les transitions (au mois près) en s’appuyant sur des variables rétrospectives qui datent l’entrée dans le nouvel emploi. Cette méthode a néanmoins l’inconvénient de faire l’hypothèse que les individus connaissent au plus une transition dans l’année ; elle conduit par ailleurs à surreprésenter les individus non mobiles. Qualitativement, les résultats obtenus sont similaires, quoique moins significatifs. 11 L’enquête emploi suit les mêmes individus jusqu’à trois années consécutives. Dans notre échantillon, un individu peut donc être observé pour deux transitions. Les vagues successives de l’enquête emploi sont simplement utilisées comme des coupes répétées, chacune donnant des estimateurs non biaisés des taux de 10 1992 affecte à la fois les plus et moins de 50 ans. En effet, si les moins de 50 ans sont clairement et directement concernés par le dispositif, il en est de même pour les plus de 50 ans. Ceux-ci étaient concernés par le dispositif de 1987 dès lors que l’on considère que le profil des coûts de licenciement qui s’appliquait au plus de 55 ans affecte les décisions d’embauche dès 50 ans ; c’est-à-dire si le taux d’actualisation est assez faible. Leur éviction du dispositif a donc aussi pour effet une amélioration de leur situation sur le marché du travail. L’effet mesuré résulte donc simultanément de l’amélioration de la situation des plus de 50 ans et de la détérioration de celle des moins de 50 ans. Il s’agit en tout état de cause d’un paramètre local dont la nullité constitue un test d’absence d’effet du dispositif sur les décisions d’embauches. La précision des résultats est croissante avec la taille de la fenêtre. A contrario, plus la fenêtre est large, moins la comparaison est fiable. Dans le cas de la fenêtre large, par exemple, il peut y avoir jusqu’à dix ans d’écart entre un individu traité et non traité. De nombreuses autres caractéristiques que le fait d’être concerné par le dispositif peuvent alors entrer en ligne de compte pour expliquer les décisions d’embauche. Graphique 5 : taille des échantillons utilisés: 44-55 ans 48-51 ans 46-53 ans 1000 900 800 700 600 500 400 300 200 100 0 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 an Nombre d'individus par tranche d'âge On tient compte de cette difficulté de deux façons. On considère d’abord les comparaisons en différence de différence, ce qui signifie que l’on compare la différence entre taux de retour à l’emploi des salariés de plus et moins de cinquante ans après le dispositif de 1992 avec cette même différence avant 1992. Cette opération a pour but de retirer de l’effet mesuré par la simple différence précédente des différences permanentes entre les deux groupes d’individus. Soit : ∆(ε ) = [( (( () E y t,50 =∆ ε post − ε )) − E(y (t,50 + ε ))) − ∆ (ε ) t ≥1992 ]− [( (( E y t,50 − ε )) − E(y (t,50 + ε ))) t <1992 ] pre retour à l’emploi ; mais il est nécessaire de corriger l’autocorrélation des résidus que la répétition des mêmes individus introduit. 11 Dans l’idéal la différence entre les deux groupes avant le traitement () ∆ ε pre doit être nulle ou tout au moins faible. Ce paramètre peut être estimé facilement en considérant les quatre moyennes (( E y t,50 − ε )) t ≥1992 , (( E y t,50 + ε )) < (( et 1992 t E y t,50 − ε )) t (( E y t,50 + ε )) ≥ t 1992 , . Il peut aussi être estimé au moyen <1992 d’une régression : ( E y it ≥ 1992), 1(a < 50)) = α ( 1 t it post ( 1 t ≥ 1992) + α agé ( 1a it < 50) + ∆ (ε )1((t ≥ 1992) & (a < 50)) it On prend aussi en compte l’existence de différences dans la distribution des caractéristiques des individus, corrélées avec l’âge et susceptibles d’agir sur le retour à l’emploi. On considère ainsi la régression précédente augmentée des caractéristiques observables des agents x . Parmi ces it caractéristiques, on introduit le secteur d’activité et la catégorie socio-professionnelle de l’emploi précédent, la région, la taille de la commune, la situation familiale (nombre d’enfants) ainsi que le diplôme. La régression considérée s’écrit ainsi : ( ≥ 1992 ), 1(a < 50)) = x ( E y it x it ,1 t it it +∆ b c +α post ( ) (( ε 1 t ( ≥ 1992 ) + α 1 t ≥ 1992 ) & (a < 50 it ( )) agé 1 a it < 50 ) Ce paramètre peut s’interpréter comme une différence de différence de taux de sortie du chômage E « net de la structure de la population ». Notant ces taux nets ( ∆ (ε ) = E c c (( y t,50 − ε )) − E c (( y t,50 ) + ε )) t ≥1992 ( −E c (( y t,50 c : − ε )) − E c (( y t,50 ) + ε )) t <1992 c Les quantités nettes E sont elles mêmes définies comme les composantes résiduelles des taux de sortie du chômage spécifiques à chacun des groupes, à chacune des dates une fois prises en compte les différences dans les caractéristiques : ( E y it x it ( ,1 t ≥ 1992), 1(a < 50)) = x it it b +E +E +E +E c c c c ( ( ( ( y t,50 ( ( ( ( + ε )) t y t,50 + ε )) >1992 t y t,50 − ε )) >1992 t y t,50 − ε )) <1992 t <1992 × 1((t ≥ 1992) & (a ≥ 50)) it × 1((t ≥ 1992) & (a < 50)) it × 1((t < 1992) & (a < 50)) it × 1((t < 1992) & (a ≥ 50)) it où les variables explicatives ont été au préalable centrées. 3.2. Les résultats Les transitions du chômage vers l’emploi Les graphiques suivants montrent pour les hommes et les femmes les taux annuels de retour à l’emploi en CDI, nets et bruts, pour les périodes correspondant aux dispositifs Delalande successifs. Les graphiques 6a-6f montrent de façon générale que le taux de retour à l’emploi en CDI des hommes salariés âgés de moins de 50 ans était plus élevé avant l’extension de 1992, date charnière pour notre analyse. Cela est vrai pour la période 1983-1986 où n’existait aucun dispositif Delalande. C’est encore vrai pour la période 1987-1992 pour laquelle un dispositif Delalande existait mais ne concernait pas directement les salariés âgés de 45 à 54 ans. 12 Graphiques 6a-6f : Transitions du chômage vers l’emploi (CDI) par groupe d’âge et par période – Hommes hommes de 44 à 55 ans - taux bruts hommes de 44 à 55 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans hommes de 46 à 53 ans - taux bruts 1992-1998 1999-2001 plus de 50 ans hommes de 46 à 53 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans hommes de 48 à 51 ans - taux bruts 1992-1998 1999-2001 plus de 50 ans hommes de 48 à 51 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans 13 1992-1998 plus de 50 ans 1999-2001 Ces grandeurs fluctuent sensiblement avec la période considérée. Un des résultats centraux de l’analyse est que cette différence s’atténue, voire disparaît après 1992, c’est-à-dire lorsque les salariés de moins de 50 ans deviennent directement concernés par le dispositif : le taux de retour à l’emploi des salariés de plus de 50 ans vient alors excéder celui des moins de 50 ans. Ce résultat est particulièrement net pour la fenêtre de 46-53 ans, où la différence des taux de retour à l’emploi, forte initialement, disparaît totalement après 1992. Il semble vérifié, dans une moindre mesure, pour la fenêtre la plus large. En revanche, les évolutions sont plus erratiques pour la fenêtre la plus étroite. Le résultat ne dépend pas non plus fortement du fait de considérer des taux nets ou bruts. Prendre en compte l’effet d’autres caractéristiques sur les taux de sortie ne modifie que très faiblement les résultats. Les taux bruts (et pas seulement leurs différences) sont très proches des taux nets. Ceci signifie que même s’il existe des différences entre individus susceptibles de rendre compte de différences de taux de sortie du chômage, la distribution de ces caractéristiques est relativement stable entre les plus et les moins de 50 ans et entre les périodes. Cette configuration des taux de retour à l’emploi des plus et moins de 50 ans est assez conforme à ce que l’on peut attendre sur le plan théorique de l’introduction du dispositif Delalande12. Les mêmes graphiques pour les femmes montrent des évolutions moins nettes des taux de retour en emploi CDI des plus et des moins de 50 ans (graphiques 7a-7f). Antérieurement au dispositif, le taux de retour à l’emploi en CDI des moins de 50 ans est généralement plus élevé. Mais on n’observe pas de réduction générale de l’écart après l’introduction du dispositif de 1992. En outre les configurations des taux de retour à l’emploi des plus et moins de 50 ans dépendde la plage d’âge considéré. En revanche, les résultats obtenus ne dépendent que très peu, une fois encore, de l’introduction de variables de contrôle. 12 Il faut remarquer néanmoins que les résultats indiquent qu’il y avait déjà antérieurement au dispositif de 1992 des différences dans les taux de retour à l’emploi en CDI des plus et des moins de cinquante ans. C’est cette différence qui disparaît après 1992. Une situation plus favorable et plus conforme à l’approche « regression discontinuity » aurait nécessité des taux identiques antérieurement suivis de l’apparition d’une différence. 14 Graphiques 7a-7f : Transitions du chômage vers l’emploi (CDI) par groupe d’âge et par période – Femmes femmes de 44 à 55 ans - taux bruts femmes de 44 à 55 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans femmes de 46 à 53 ans - taux bruts 1992-1998 1999-2001 plus de 50 ans femmes de 46 à 53 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans femmes de 48 à 51 ans - taux bruts 1992-1998 1999-2001 plus de 50 ans femmes de 48 à 51 ans - taux nets 25 25 20 20 15 15 10 10 5 5 0 0 1983-1986 1987-1991 moins de 50 ans 1992-1998 1999-2001 1983-1986 plus de 50 ans 1987-1991 moins de 50 ans 15 1992-1998 plus de 50 ans 1999-2001 Estimation de l’effet par la méthode des “différences de différences” Les tableaux 2-3 reportent des résultats sensiblement similaires. Ils ont l’intérêt de fournir des estimations et de donner des écart-types permettant de juger si les différences observées entre catégories de demandeurs d’emploi sont statistiquement significatives. Les tableaux se présentent en deux parties droite et gauche. La partie droite reporte les résultats portant sur des comparaisons brutes, celle de gauche ceux obtenus lorsque l’on corrige des caractéristiques inobservables des agents. Chaque partie comprend trois colonnes correspondant aux différentes fenêtres considérées : étroite, moyenne, large. Les quatre premières lignes présentent les taux de retour à l’emploi en CDI pour les moins de 50 ans et pour les plus de cinquante ans avant 1992, puis après 1992. On constate que le taux annuel de retour à l’emploi des hommes de 48 ans, avant 1992, était de 20% en moyenne, quantité estimée de façon peu précise comme en témoigne l’écart-type (2,9%). Le taux de retour à l’emploi des plus de cinquante ans s’élève alors à 20,5% et est lui aussi peu précisément estimé. Cette imprécision tient largement à la taille de l’échantillon mobilisé (1 211 individus). Introduire des variables de contrôle ne change les ordres de grandeur ni des paramètres, ni des écart-types. C’est cette imprécision qui motive le choix de fenêtre plus large. Ceci conduit à introduire des individus moins directement représentatifs de la comparaison effectuée mais permet d’obtenir des écart-types plus réduits. L’élargissement conduit au résultat attendu : les taux bruts ou nets estimés sont beaucoup plus précis Les cinquièmes et sixièmes lignes présentent les différences entre les taux de retour à l’emploi des plus et des moins de 50 ans, avant et après 1992. Avant 1992, le taux de retour à l’emploi des moins de 50 ans est généralement plus élevé que celui des plus de 50 ans (différence de 5,4 points pour la fenêtre 46-53 ans). On constate que les écart-types sont beaucoup plus importants que pour les estimations des taux eux-mêmes, ce qui provient du fait que (pour les taux bruts) les estimateurs sont indépendants et que de ce fait la variance de leur différence est la somme des variances. L’imprécision est très sensible pour la fenêtre étroite si bien que la différence entre les taux n’est pas statistiquement significative. Dans les échantillons plus larges (pour les deux autres fenêtres), on voit apparaître un écart positif et significatif entre les taux de retour à l’emploi des plus et moins de 50 ans, avant 1992. Ce résultat n’est pas totalement satisfaisant pour notre analyse. dans la mesure où le choix des fenêtres d’observation était motivé par le fait que les deux catégories d’individus devaient être très proches. Les différences de taux de retour à l’emploi s’inversent ou s’atténuent après 1992, et restent plus sensibles au choix de la fenêtre. La dernière ligne du tableau présente les résultats en différence de différence, c’est-à-dire compare la façon dont les écarts de taux de retour à l’emploi des plus et des moins de 50 ans ont évolué entre les périodes antérieures et postérieures à 1992. L’estimateur avec la fenêtre intermédiaire évalue, assez précisément, l’effet de la mesure à une baisse du taux de retour à l’emploi de 6,1 points. La fenêtre de 46-53 ans est un bon compromis entre taille et comparabilité des échantillons. Selon cet estimateur, le taux relatif de retour à l’emploi se serait dégradé pour les moins de 50 ans de 6,3 points (après contrôle des effets de structure). Cet effet est statistiquement différent de 0, et il est d’une ampleur conséquente (de l’ordre d’un tiers du taux initial de retour à l’emploi des moins de 50 ans). Il convient néanmoins de noter que l’effet n’apparaît pas sur une petite fenêtre d’âge, peut-être en raison d’échantillons trop petits (les écart-types sont plus élevés), et apparaît atténué et à la limite de la significativité si on considère la fenêtre d’âges élargie. 16 Tableau 2 : Différence de différence - Hommes Avant 1992, <50 ans Avant 1992, >50 ans Après 1992, <50 ans Après 1992, >50 ans Avant 1992, différence 50/+50 Après 1992, différence 50/+50 Différence de différence Nombre d'observations 48-51 ans 20,0 Sans contrôles 46-53 ans 44-55 ans 20,3 19,7 48-51 ans 19,4 Avec contrôles 46-53 ans 44-55 ans 20,0 18,8 2,9 1,7 1,3 2,8 1,7 1,2 20,5 14,9 13,7 19,1 14,5 13,9 2,9 1,4 1,0 2,7 1,4 1,0 14,3 14,6 14,9 14,6 14,7 14,8 1,7 1,0 0,8 1,7 1,0 0,8 14,6 15,2 13,0 15,3 15,5 13,4 1,8 1,1 0,8 1,8 1,1 0,8 -0,5 5,4 6,0 0,3 5,5 4,9 4,1 2,2 1,6 3,9 2,1 1,6 -0,3 -0,7 2,0 -0,6 -0,8 1,4 2,5 1,5 1,1 2,5 1,5 1,1 0,2 -6,1 -4,1 -0,9 -6,3 -3,5 4,7 2,7 2,0 4,6 2,6 1,9 1 211 3 661 6 179 1 211 3 661 6 179 Note : Estimation de doubles différences par étape. Le premier chiffre correspond à l’estimateur (de la moyenne ou de la différence) ; l’écart-type figure dessous, en petit. Les variables de contrôle introduites sous forme d’indicatrices sont : l’ancienneté dans le chômage, le secteur d’activité, la catégorie socio-professionnelle de l’emploi précédent, la taille de la commune, la région, la situation familiale ainsi que le diplôme. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus. Le paramètre estimé par les différences de différences donné dans le tableau 2, par définition égal à la différence entre les différences de taux de retour à l’emploi des moins et plus de 50 ans après et avant 1992, peut s’exprimer de façon équivalente comme la différence entre les moins et plus de 50 ans. Si on considère à titre d’exemple le cas des 46-53 ans un calcul simple montre que l’effet total de 6,3 points résulte d’une baisse du taux de retour à l’emploi des moins de 50 ans de 5,3 points et d’une très légère hausse de 1 point pour les plus de 50 ans. Cette relative stabilité du taux de retour à l’emploi des plus de 50 ans est assez satisfaisante dans la mesure où les deux périodes considérées dans cette analyse avant et après sont toutes les deux assez comparables, marquées par une première sous période de stagnation de l’activité et une deuxième sous période de forte activité. Le tableau 3 présente les résultats pour les femmes. Il confirme les résultats de l’analyse visuelle précédente : les taux de retour à l’emploi des femmes sont plus faibles, plus homogènes et plus stables que celui des hommes. Les écarts entre catégories d’âge avant ou après sont en général faibles et le plus souvent non significatives. Les différences de différences ne révèlent pas non plus d’évolution marquante dans ces écarts. 17 Tableau 3 : Différence de différence - Femmes Avant 1992, <50 ans Avant 1992, >50 ans Après 1992, <50 ans Après 1992, >50 ans Avant 1992, différence 50/+50 Après 1992, différence 50/+50 Différence de différence Nombre d'observations 48-51 ans 13,2 Sans contrôles 46-53 ans 44-55 ans 13,3 13,6 48-51 ans 12,4 Avec contrôles 46-53 ans 44-55 ans 13,0 13,2 2,3 1,3 1,0 2,3 1,3 1,0 11,0 9,8 9,3 10,4 9,7 9,2 2,2 1,2 0,9 2,2 1,2 0,9 11,3 10,7 12,1 11,3 10,7 12,2 1,4 0,8 0,6 1,5 0,8 0,6 12,1 9,9 8,5 12,9 10,1 8,6 1,6 0,9 0,6 1,6 0,9 0,7 2,2 3,4 4,3 2,1 3,3 4,0 3,1 1,7 1,3 3,2 1,7 1,3 -0,8 0,9 3,6 -1,6 0,7 3,5 2,2 1,2 0,9 2,2 1,2 1,0 -3,0 -2,6 -0,7 -3,7 -2,6 -0,5 3,8 2,1 1,6 3,8 2,1 1,6 1 337 4 114 7 016 1 337 4 114 7 016 Note : Estimation de doubles différences par étape. Le premier chiffre correspond à l’estimateur (de la moyenne ou de la différence) ; l’écart-type figure dessous, en petit. Les variables de contrôle introduites sous forme d’indicatrices sont : l’ancienneté dans le chômage, le secteur d’activité, la catégorie socio-professionnelle de l’emploi précédent, la taille de la commune, la région, la situation familiale ainsi que le diplôme. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus. Séparer les effets de la contribution Delalande des autres mesures de politique économique L’analyse menée ici porte sur une période longue mobilisant des informations allant de 1983 à 2002. Cela permet de disposer d’échantillons suffisants. Mais cette longue période a surtout l’avantage de couvrir, de part et d’autre de la date charnière de 1992, deux cycles d’activité complets comprenant chacun une phase de ralentissement et une phase d’expansion. C’est la meilleure façon qu’on ait de limiter l’impact éventuel de la conjoncture sur les résultats. Le choix d’une phase particulière du cycle affecterait en effet les résultats si la demande de travail par âge (plus ou moins de 50 ans) dépendait intrinsèquement de la conjoncture, c’est-à-dire si l’une des deux catégories de travail s’ajustait plus facilement que l’autre aux fluctuations de l’activité. Cependant, l’analyse sur longue période introduit aussi une difficulté : la contribution Delalande n’a pas été la seule mesure de politique introduite sur la période et s’appliquant de façon différenciée au plus et moins de cinquante ans. Parmi les autres mesures figurent les Contrats de Retour à l’Emploi (CRE, introduits en 1989 et réellement développés à partir de 1990) et les Contrats Initiatives Emplois (CIE, prenant la suite des CRE en 1995). Dès 1990 et à l’exception d’une courte période au début des CIE (juil. 1995-sept. 1996), ces contrats aidés du secteur privé ciblent particulièrement les chômeurs de plus de 50 ans, en offrant des aides (exonérations de charges patronales, aide forfaitaire) spécialement attractives (voir tableau récapitulatif des dispositifs en annexe). Par ailleurs, alors que les CRE sont initialement réservés aux chômeurs de longue durée (plus d’un an de chômage), ils sont étendus en 1992 à tous les chômeurs âgés de plus de 50 ans à partir de 3 mois de chômage. Les CIE conservent le même principe. Cet élargissement de la mesure est concomitant à l’exonération de contribution Delalande pour les plus de 50 ans. Se pose donc la question suivante : est-il possible de séparer l’effet de la contribution de l’effet des contrats aidés (CRE et CIE) ? Une première approche consiste à estimer une borne inférieure à l’effet de la contribution Delalande. On fait pour cela l’hypothèse que toute hausse du taux de retour en emploi aidé plus importante pour les plus de 50 ans est due au ciblage spécifique des CRE/CIE, et on n’attribue à la contribution Delalande que la hausse relative du taux de retour en emploi non aidé. Cela revient à 18 scinder en deux la double différence : l’évolution relative du taux de retour vers des contrats non aidés est attribuée à la contribution, l’évolution relative du taux de retour de l’emploi vers des emplois aidés est attribuée aux CRE/CIE. Cette approche ne donne qu’une borne inférieure de l’effet de la contribution. En effet, tout employeur embauchant un chômeur éligible aux CRE/CIE a intérêt à y avoir recours – même si l’aide n’est pas à l’origine de la décision d’embauche (on parle d’effet d’aubaine). En particulier, même s’il a privilégié un chômeur de plus de 50 ans pour bénéficier de l’exonération de contribution, l’employeur choisira, s’il le peut, de l’employer sous un contrat aidé. Notre hypothèse conduit alors à attribuer aux CRE/CIE une décision qui provient de l’exonération. L’enquête emploi permet en principe de pratiquer cette distinction entre retour à l’emploi en CDI non aidé ou aidé, dans la mesure où une variable « stage » identifie les CRE/CIE (modalité 22). Malheureusement, comme on peut s’y attendre, ce type de « stage » est très mal renseigné par le travailleur, pour qui il ne fait aucune différence : les CRE et CIE constituent essentiellement une mesure d’abaissement de charges, perceptible pour l’employeur mais non pour l’employé.13 Cela explique sans doute que l’enquête emploi ne permette d’identifier qu’une infime portion des CRE/CIE sur la période.14 L’évaluation de la part des CRE/CIE doit donc reposer sur d’autres sources statistiques. Le graphique 7 donne le nombre d’entrants dans les CRE/CIE depuis 1989, par classes d’âge. Dès 1990, les 50-54 ans sont sur-représentés par rapport aux 40-49 ans : issus d’une classe d’âge deux fois moins grande, ils devraient être deux fois moins nombreux, mais le sont presque autant jusque 1994. La sur-représentation devient encore plus patente à partir de 1996, date de recentrage du CIE ; c’est sans doute lié à la prime de 2 000F par mois (pendant 24 mois maximum) dont bénéficie l’employeur d’un ancien chômeur de longue durée de plus 50 ans. Le graphique permet de faire le calcul grossier de la hausse du taux de retour relatif à l’emploi des plus de 50 ans attribuable (au maximum) aux contrats aidés : de l’ordre de 5 000 ou 6 000 par an vers 1992, jusque 25 000 par an vers 1996. Or nos résultats conduisent à un effet total de l’ordre de 6 points par an, ce qui sur un effectif de 300 000 chômeurs de 50-54 ans correspondrait à 18 000 retours en CDI. Ainsi, il résulte de cette première approche que les contrats aidés ont bien connu une ampleur suffisante pour prétendre expliquer l’essentiel du changement observé dans les taux de retour de l’emploi. La « borne inférieure » de l’effet de la contribution Delalande obtenue ici est donc égale à 0 – ce qui s’avère finalement peu informatif. Graphique 7 : entrées en contrats aidés du secteur marchand (CRE/CIE) 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 40-49 50-54 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 1993 1992 1991 1990 1989 - 55-59 13 Les CRE peuvent comporter des clauses de formation, bénéficiant d’une aide publique ; mais de telles clauses ne sont signées que dans moins de 5% des cas. 14 On en trouve moins de 70 entre 1990 et 2001 dans la classe d’âge 45-54 ans, soit environ 2 000 pour la population totale, en tenant compte d’un taux de sondage de 300 en moyenne dans l’enquête emploi : c’est très inférieur aux chiffres disponibles par ailleurs. 19 Source : DARES La deuxième approche consiste à utiliser au mieux la chronologie des différents dispositifs. Si l’exonération de contribution Delalande crée un avantage relatif pour les plus de 50 ans en juillet 1992, l’avantage créé par les CRE remonte à 1990, et son renforcement par le recentrage des CIE date de septembre 1996. Une façon de séparer l’impact des contrats aidés de celui de la contribution Delalande consisterait donc à dater de 1990, 1992 ou 1996 l’évolution mise en évidence sur longue période au départ. On note cependant que dater l’évolution de 1992 ne permettrait pas de trancher : l’extension des CRE aux chômeurs âgés de courte durée coïncide en effet avec l’évolution de la contribution Delalande, si bien que leurs effets sont vraisemblablement simultanés. Pour aborder cette question, on réplique le modèle statistique précédent en introduisant deux changements : on utilise deux dates de basculement, janvier 1990 et juillet 1992 ; on fait évoluer la durée de la période d’observation après basculement. La période « post » peut ainsi s’étendre sur 1990, 1990-91,…, 1990-2001 et (juillet à décembre) 1992, 1992-93,…, 1992-2001. Le paramètre d’intérêt demeure le même : l’estimateur de la double différence (net des effets de composition). Il s’interprète toujours comme la dégradation relative du retour à l’emploi des moins de 50 ans. Si la dégradation relative apparaît dès 1990, cela vient nécessairement des CRE et non de la contribution ; à partir de 1992, cela peut provenir de la contribution ou du renforcement des contrats aidés. Les résultats sont présentés dans le tableau 4. On présente le cas des hommes dans la mesure où c’est pour eux que le changement le plus net apparaît sur longue période. Le tableau comprend deux parties gauche et droite présentant les résultats correspondant aux deux dates de basculement. Chaque partie est divisée en trois colonnes dans lesquelles figurent les résultats pour les trois fenêtres d’âges retenues. Les coefficients de la double différence sont présentés dans chacune des lignes, avec l’écart-type en dessous. Ce tableau révèle plusieurs informations. Tout d’abord, on constate que les écart-types des coefficients estimés se réduisent dès que l’on prend en compte de nouvelles années pour mesurer l’effet de l’introduction du dispositif. L’effet est très sensible : les écart-types sont divisés par plus que trois entre la première et la dernière ligne du tableau. On constate aussi que l’effet estimé ponctuellement, sans tenir compte de l’erreur statistique, semble acquis dès le moment du basculement, que celui soit situé en 1990 ou en 1992. En revanche, l’effet estimé n’augmente pas à partir de 1996 : on peut donc juger que la différence mesurée entre les taux de retour à l’emploi des plus et des moins de cinquante ans, à partir du début des années 1990, n’est pas directement liée à la mise en œuvre des CIE. Ce résultat est un peu inattendu dans la mesure où les statistiques disponibles sur les entrées en CIE indiquaient une forte surreprésentation des plus de 50 ans après 1996. En résumé, l’analyse temporelle permet d’exclure que le changement mesuré provienne des CIE ; mais elle ne permet pas d’exclure que ce qui était d’abord apparu comme l’effet de l’exonération de la contribution ne soit en fait plus ancien et ne remonte aux contrats aidés ciblés spécifiquement, à partir de 1990, sur les chômeurs de plus de 50 ans. On est donc conduit à nuancer la conclusion de l’analyse initiale en double différence : le retour à l’emploi des moins de 50 ans se dégrade par rapport aux plus de 50 ans, sous l’effet joint de la contribution Delalande et des contrats aidés, et sans qu’il soit réellement possible d’isoler les deux. 20 Tableau 4 : Analyse temporelle- Hommes Echantillon (âges) Echantillon (âges) Période "post" Période "post" 48-51 46-53 44-55 1990 1990-91 0 1992 0 1992-93 0 1992-94 0 1992-95 0 1992-96 0 1992-97 0 1992-98 0 1992-99 0 1992-00 1992-01 0 Nombre d'observations 0,0 8,2 12,0 0,0 7,8 8,0 0,0 -0,8 6,0 0,0 -2,8 5,5 0,0 -2,5 5,1 0,0 -1,2 5,0 0,0 1,2 4,8 0,0 1,4 4,7 0,0 -1,7 4,6 0,0 -0,9 4,6 0,0 0,0 -7,3 6,7 0,0 -5,3 4,3 0,0 -6,3 3,6 0,0 -8,0 3,2 0,0 -8,0 3,0 0,0 -7,1 2,8 0,0 -6,7 2,7 0,0 -6,0 2,7 0,0 -6,6 2,6 0,0 -6,3 2,6 0,0 0,0 -6,3 4,7 0,0 -2,5 3,2 0,0 -1,5 2,6 0,0 -2,7 2,4 0,0 -3,8 2,2 0,0 -3,4 2,1 0,0 -3,6 2,0 0,0 -2,9 2,0 0,0 -3,7 1,9 0,0 -3,5 1,9 0,0 1211 3661 6179 1990-92 1990-93 1990-94 1990-95 1990-96 1990-97 1990-98 1990-99 1990-00 1990-01 0 Nombre d'observations 48-51 46-53 44-55 -12,5 15,5 0,0 -6,2 9,4 0,0 -0,8 8,0 0,0 1,7 6,8 0,0 -2,6 5,9 0,0 -3,9 5,5 0,0 -3,8 5,3 0,0 -2,5 5,2 0,0 -0,4 5,1 0,0 -0,2 5,1 0,0 -2,9 5,0 0,0 -2,2 5,0 0,0 -1,4 7,4 0,0 -0,4 5,1 0,0 -3,1 4,4 0,0 -3,6 3,8 0,0 -4,9 3,4 0,0 -6,4 3,2 0,0 -6,8 3,1 0,0 -6,3 3,0 0,0 -5,9 2,9 0,0 -5,4 2,8 0,0 -6,1 2,8 0,0 -5,9 2,8 ------ -6,2 5,8 0,0 -3,0 3,9 0,0 -4,8 3,3 0,0 -3,6 2,8 0,0 -2,8 2,6 0,0 -3,7 2,4 0,0 -4,5 2,3 0,0 -4,2 2,2 0,0 -4,3 2,2 0,0 -3,6 2,1 0,0 -4,3 2,1 0,0 -4,1 2,1 0,0 1211 3661 6179 Note : Chaque case reporte l’estimateur de doubles différences et correspond à l’évolution relative du taux mensuel de retour en CDI des moins de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) dans un modèle de probabilité linéaire. La période « avant » court de 1983 à juin 1992 (partie gauche) ou de 1983 à 1989. La période « après » varie selon ce qui est indiqué à chaque ligne. Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au tableau 2. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus. Sensibilité des estimations au choix de la forme fonctionnelle On étudie la robustesse des résultats au choix de la forme fonctionnelle. L’analyse en différence de différence est très parlante et conduit naturellement à l’estimation d’un modèle linéaire pour la variable dichotomique de retour à l’emploi. Néanmoins l’utilisation de ce type de spécification, appelé « modèle de probabilité linéaire », n’est pas toujours bien adaptée et on lui préfère souvent des modèle de type logit ou probit plus compatibles avec des variables indicatrices, et généralement plus aisément dérivables d’une modélisation économique15. On présente dans le tableau 5 les résultats obtenus avec le modèle de probabilité linéaire, le modèle logit et le modèle probit. Ils correspondent tous à l’estimation de la spécification : ( E y aprés , moins de 50, aprés H (α a aprés +α m moins de 50 × moins de 50, x ) = +∆ H aprés × moins de 50 + xb ) Le paramètre d’intérêt est le paramètre ∆ . Les différents modèles correspondent à différents choix de la fonction H : l’identité pour le modèle de probabilité linéaire, la fonction logistique pour le modèle logit et la fonction de répartition de la loi normale pour le modèle probit. D’une spécification à l’autre les paramètres changent de valeur, mais leur significativité n’est en général pas affectée. Le paramètre d’intérêt reste celui des « différence de différence » mais pris sur le modèle en espérance. On voit simplement que ce paramètre s’écrit : H 15 Ce dernier argument joue peu ici, l’analyse étant essentiellement descriptive. 21 ∆(x ) = [H(∆ + α + α + xb ) − H(α + xb )] − [H(α + xb) − H(xb )] H ≈ h (xb)∆ a m a m H où h (xb ) est la dérivée de H en xb. Il apparaît assez clairement que l’effet est hétérogène dans la population dès lors que la fonction h n’est pas constante (soit pour le modèle de probabilité linéaire). Néanmoins l’existence d’un effet, sans présager de son niveau ou de son hétérogénéité, dépend de la significativité du paramètre ∆ . H Les résultats obtenus avec les trois modélisations sont présentés dans le tableau 5, pour les hommes et les femmes et pour chacune des fenêtres. On constate que les ordres de grandeurs varient assez sensiblement, ce qui correspond à des interprétations différentes des paramètres. Les conclusions que l’on peut tirer en terme de significativité de l’effet ne sont toutefois pas modifiées. L’effet est toujours négatif pour les hommes, et significatif pour la fenêtre d’âge 46-53 ans, indépendamment de la fenêtre et de la forme fonctionnelle. Il ne l’est en revanche jamais pour les femmes. Tableau 5 : Choix de différentes formes fonctionnelles Linéaire Logit Probit 48-51 ans -0,9 Hommes 46-53 ans -6,3 44-55 ans -3,5 48-51 ans -3,7 Femmes 46-53 ans -2,6 44-55 ans -0,5 4,6 2,6 1,9 3,8 2,1 1,6 -8,9 -46,7 -24,5 -37,7 -25,7 -2,0 33,5 19,7 15,3 37,9 21,9 16,8 -5,8 -25,8 -13,7 -21,4 -13,5 -1,5 18,6 10,9 8,4 19,8 11,4 8,7 Note : Estimateur de doubles différences correspondant à l’évolution relative du taux mensuel de retour en CDI des moins de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) pour différentes spécifications fonctionnelles. Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au tableau 2. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus. Hétérogénéité de l’effet indirect On peut aussi s’interroger sur l’hétérogénéité de l’effet mis en évidence. Il est en fait vraisemblable que l’effet soit différent suivant les individus. Pour explorer cette possibilité, on procède à l’analyse en différence de différence sur différentes sous populations parmi la population des 46 à 53 ans. Les résultats sont présentés dans le tableau 6. On considère d’abord trois niveaux de diplôme : sans diplôme ou diplôme non renseigné, faible diplôme et diplôme de niveau bac ou plus. Les résultats apparaissent très sensibles au niveau du diplôme. Les hommes à la recherche d’un emploi ayant un diplôme élevé semblent affectés en sens contraire du sens attendu : la situation des plus âgés se dégrade mais l’estimation est très imprécise et l’effet n’est pas significatif. En revanche, pour les salariés ayant un diplôme faible, l’effet est important, dans le sens attendu (17,6 points) et assez précisément estimé. On note que pour les femmes, l’effet semble négatif, même si les estimations sont peu précises. On considère ensuite trois catégories d’ancienneté de chômage : courte, moyenne et longue. Les différences sont mineures pour les hommes et peu significatives statistiquement. Pour les femmes, on observe que l’effet n’est pas homogène dans la population. Pour celles à la recherche d’un emploi depuis moins d’un an, on observe l’effet négatif le plus marqué, même si la variance de l’estimation est forte. En revanche, les chômeuses de plus de trois ans d’ancienneté ne semblent pas affectées par la mesure – on peut émettre l’hypothèse que le chômage pour une partie d’entre elles est lié à des considérations d’offre de travail sur lesquelles la contribution Delalande et les contrats aidés auraient peu de prise. De façon intéressante, cette décomposition par ancienneté dans le chômage viendrait donc résoudre le paradoxe de la différence entre hommes et femmes : 22 si on exclut le cas particulier des chômeuses de très longue durée (plus de 3 ans), les effets apparaissent similaires entre hommes et femmes. Tableau 6 : Hétérogénéité de l’effet suivant le diplôme et l’ancienneté en chômage. Diplôme Ancienneté de chômage Sans ou non CAP, BEP, BAC ou plus renseigné BEPC Hommes <1 an 1-3 ans >3 ans -3,6 -17,6 15,3 -4,5 -5,7 -5,3 (3,5) (6,5) (13,9) (4,9) (5,1) (3,4) Effectif 1 740 862 290 1 316 956 617 Femmes -1,6 -6,9 -9,5 -6,0 -3,3 1,9 (2,8) (5,1) (10,0) (4,3) (3,9) (3,7) 1 959 939 203 1 300 1 162 695 Effectif Note : Chaque case reporte l’estimateur de doubles différences correspondant à l’évolution relative du taux mensuel de retour en CDI des moins de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) pour dans le cas du modèle de probabilité linéaire. Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au tableau 2. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus. 4. L’effet direct de la contribution Delalande sur le licenciement 4.1. La méthodologie L’analyse de l’effet direct ne repose pas, comme celle de l’effet indirect, sur une relation d’exclusion claire trouvant son origine dans la législation (qui excluait du dispositif les demandeurs d’emploi de plus de cinquante ans). L’analyse va simplement consister à examiner si le profil des coûts imposé par le dispositif Delalande conduit à une modification des décisions de licenciement, en tirant parti des fréquents changements de la législation. Le graphique 8 présente les taux de licenciement (en provenance de l’emploi privé en CDI) par âge, pour chaque sous-période correspondant à une phase du dispositif Delalande. Le graphique montre clairement les différences dans le taux de licenciement en fonction de la période. Chaque période du dispositif correspond aussi grosso modo à une phase différente dans le cycle d’activité. Les périodes 1983-1986 et 1992-1998 sont des années de mauvaise conjoncture alors que les deux autres périodes 19871991 et 1999-2001 sont des années de conjoncture favorable. On remarque sur les graphiques que, pour les âges les moins élevés, les taux de licenciement sont proches au sein des périodes de bonne conjoncture et au sein des périodes de mauvaise conjoncture. On voit également l’ampleur du problème que cherche à résoudre le dispositif Delalande : le taux de licenciement progresse fortement à partir de 55 ans. Le graphique semble aussi indiquer le succès partiel des différentes phases du dispositif Delalande : les taux de licenciement des travailleurs les plus âgés sont systématiquement moins élevés à conjoncture identique sur les périodes les plus récentes qui correspondent aux dispositifs les plus dissuasifs. On observe toutefois le relatif insuccès dans l’absolu des différents dispositifs puisque aucun d’entre eux ne permet d’effacer la forte progression du taux de licenciement après 55 ans. 23 Graphique 8 : 1983-86 1992-98 1987-91 1998-01 .08 .06 .04 .02 0 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 agc 51 52 53 54 55 56 57 58 Taux de licenciement hommes par age et periode Pour approcher l’effet direct de la contribution Delalande, on explique les taux de licenciement à chaque période comme une fonction de l’âge, de la période et du profil des coûts de licenciement induit par le dispositif Delalande. Ce profil de coût est résumé par deux variables : le niveau du coût à l’âge considéré et sa progression temporelle, c’est-à-dire, à dispositif inchangé, la différence entre le coût de licenciement aujourd’hui et dans un an. En d’autres termes, si on note y la it variable indicatrice repérant les licenciements et a it l’âge de l’individu i observé à la date t, notre modèle s’écrit essentiellement : ( E y it a it )= 2001 ∑λ t 0 =1983 t0 ( 1 t = t )+ 0 58 ∑α a = 40 a ( 1 a it = a ) + γc t ( ) + δ∆ ( ) a it c t a it La régression est effectuée en incluant les salariés à partir de 40 ans. Il y a ainsi sur toute la période une proportion importante de l’échantillon pour laquelle le coût du Delalande est nul. C’est sur cette fraction de l’échantillon qu’est estimé le profil temporel du taux de licenciement. Ce profil, reflétant l’incidence de la conjoncture sur les licenciements, est supposé dans cette spécification s’appliquer indifféremment à toutes les catégories de personnel. On ignore ainsi la cyclicité de la demande relative de travail par âge. Pour sa part, le profil par âge est identifié grâce à l’introduction dans la régression de la période 1983-1986 pour laquelle les variables de coût du Delalande sont nulles. On fait implicitement l’hypothèse que ce profil n’a pas été affecté par les dispositifs Delalande. L’effet du dispositif est alors mesuré par les coefficients γ et δ . Le modèle développé dans la première section montre qu’en théorie le premier de ces deux coefficients doit être négatif (et correspond à l’effet désiré du dispositif) alors que le second doit être positif (et correspond à l’effet de la progressivité de la mesure). L’identification de ces deux paramètres repose comme on le voit sur l’existence de changements dans le dispositif16. 16 L’existence d’une période au cours de laquelle le dispositif n’existait pas est utile mais pas fondamentale. Il suffit en effet qu’il y ait des changements dans le dispositif pour que l’effet de la contribution soit identifié en présence d’un profil des licenciements par âge laissé libre. 24 Les estimations permettent des mesurer l’effet des dispositifs en calculant un taux de licenciement « contrefactuel », c’est-à-dire une mesure du taux de licenciement qui aurait été observé en l’absence du dispositif. Ce taux de licenciement contrefactuel est défini comme ( c E y a it it )= 2001 ∑λ t 0 =1983 t0 ( 58 = t )+ 1 t ∑α 0 a a ( 1 a = 40 = a) it On peut alternativement calculer les effets globaux et spécifiques de chacune des composantes du dispositif : ( ) = γ ( ) + δ∆ ( ) ( )=γ ( ) ∆ ( ) = δ∆ ( ) G S S a t c a c ,t a t c t a c ,t c a t a c t a De la même façon que précédemment, on affinera l’analyse en cherchant à contrôler les différences par un ensemble de caractéristiques des salariés : ancienneté, diplôme, rémunération, secteur, catégorie socio-professionnelle… On introduit aussi une mesure du coût de licenciement correspondant à l’indemnité légale, fonction de l’ancienneté. Cette indemnité légale constitue un minorant du coût de licenciement, celui-ci étant généralement déterminé par l’indemnité conventionnelle sur laquelle on ne dispose malheureusement pas d’information dans les enquête Emploi. Ces diverses variables sont importantes car elles représentent des éléments de l’arbitrage entre le coût du travail et la productivité d’un individu et sont donc des déterminants essentiels du maintien dans l’entreprise d’un salarié. ( E y it a it ,x it )= x b it 2001 ∑λ + t 0 =1983 t0 ( 1 t 58 = t )+ ∑α 0 a a ( 1 a = 45 it = a ) + γc t ( ) + δ∆ ( ) a c it t a it Le changement de barème de 1999 comporte une source d’identification supplémentaire intéressante : en effet, la hausse de la contribution ne concerne pas les entreprises de 20 à 49 salariés. Cela permet d’identifier séparément une évolution du profil par âge de licenciement liée à des facteurs externes (productivité,…) et se manifestant de part et d’autres de 1999 dans les entreprises de 20 à 49 salariés et une évolution due au changement de barème de 1999, ne concernant que les entreprises de plus de 50 salariés. Econométriquement, cela se traduit par la spécification suivante, où k indexe la taille des entreprises : ( E y itk a ,k it )= γ ( c t a ,k it ) + δ∆ ( c t a ,k it 2001 )+ ∑λ t 0 =1992 t0 ( 1 t = t )+ 0 58 ∑ a = 40 (α ( = ) ≤ + (β ( = ) > a 1 a a 1(t it a 1 a it a 1(t 1998) ) 1998) ) Cependant, deux hypothèses identificatrices sous-jacentes restent critiquables, essentiellement pour deux raisons : La première est qu’il est difficile de dissocier l’effet propre du Delalande des autres politiques ayant cherché à infléchir les fins de carrière. L‘ensemble des dispositifs de préretraite a ainsi connu des évolutions marquées au cours de la période : les préretraites ne marquent pas de repli global, mais les formes plus anciennes (ASFNE) cèdent la place à des préretraites progressives ou à des dispositifs négociés par les partenaires sociaux (ARPE) (graphique 9). Cette évolution des dispositifs de préretraite a pu influer sur les autres modes de gestion des fins de carrière et peut être même sur les carrières dans leur ensemble : les taux de licenciement par âge ont donc pu être affectés eux aussi. Plus précisément, dans la mesure où le dispositif Delalande a été intensifié au moment où les préretraites ASFNE marquaient un repli significatif (et avant la mise en place de l’ARPE à partir de 1996), on peut suspecter une sous-évaluation de l’efficacité du dispositif. En effet si un basculement s’est opéré entre les préretraites et les licenciements (facilités pour les plus âgés par le mécanisme de dispense de recherche d’emploi), la baisse des taux de licenciement a été freinée en dépit de l’intensification de la contribution Delalande. 25 Graphique 9 : Evolution des entrées en préretraite et en chômage indemnisé Une deuxième critique qui peut être faite à notre approche est d’ignorer les effets de sélectivité. En effet l’analyse consiste à comparer les taux de sortie d’individus les plus proches possibles, les uns étant soumis au dispositif Delalande et les autres non. Or, comme l’a montré le modèle simple développé au début de l’article ainsi que l’analyse empirique précédente, le dispositif Delalande est susceptible d’agir sur les sorties mais aussi sur les conditions d’embauche. Dès lors que les décisions d’embauche et de licenciement font intervenir des caractéristiques inobservables, la distribution de ces caractéristiques ne peut être considérée comme identique d’une période à l’autre. On ne peut dès lors supposer que les comparaisons de taux moyens de sortie effectuées vont refléter uniquement l’effet du dispositif. Si l’on admet, à titre d’exemple mais assez raisonnablement, que l’effet du dispositif à l’embauche consiste à sélectionner les individus qu’on a le moins de chance de licencier, alors on attribuera à tort au dispositif un effet de réduction des licenciements. Une façon de prendre en compte cet effet de sélection consiste à contrôler par la date d’embauche. On peut ainsi faire intervenir des variables correspondant au fait que les individus ont été embauchés avant 1987, entre 1987 et 1992, entre 1992 et 1998 ou après 1998. Néanmoins une telle tentative réduit considérablement les possibilités d’identification. On ne peut pas comparer les taux de licenciement à des périodes différentes de salariés de même âge (le principe de l’identification), de même ancienneté et embauché la même année ! Sans être aussi extrême, on comprend bien qu’introduire des variables correspondant à des plages de dates d’embauche va réduire l’identification. Estimation de l’effet direct Les résultats sont présentés dans le tableau 7. Ce tableau présente, séparément pour les hommes et les femmes, les résultats des régressions pour six spécifications différentes. Dans la première, on n’introduit que l’âge et la période comme variable de contrôle. C’est la spécification la plus proche de l’analyse visuelle précédente. Dans la deuxième colonne, on ajoute dans les variables de contrôle un polynôme de degré trois de l’ancienneté et trois indicatrices de diplôme. La spécification suivante étend encore l’ensemble des variables de contrôle en prenant en compte la qualification, la rémunération, la localisation et la taille de l’établissement. La cinquième colonne introduit des indicatrices de l’âge croisées avec deux périodes, avant et après 1999, pour prendre en compte d’éventuelles évolutions du profil par âge des licenciements . Enfin, la sixième colonne introduit des variables indicatrices correspondant au dispositif Delalande prévalant lors de l’embauche. 26 Tableau 7 : régression de la variable de transition emploi-chômage sur la variable de coût Delalande et sa variation anticipée Hommes ( ) c a ∆c(a ) Femmes (1) (2) (3) (4) (5) (6) 95 943 95 943 95 943 95 943 95 943 95 943 -0,0037 (0,0005) 0,0022 (0,0015) -0,0019 (0,0005) 0,0024 (0,0015) -0,0013 (0,0005) 0,0021 (0,0015) -0,0013 (0,0005) -0,0017 (0,0006) 0,0023 (0,0017) -0,0008 (0,0005) 0,0022 (0,0015) 55 193 55 193 55 193 55 193 55 193 55 193 ( ) c a -0,0013 -0,0002 0,0001 0,0002 0,0002 0,0005 (0,0008) (0,0008) (0,0079) (0,0008) (0,0009) (0,0008) 0,0025 0,0027 0,0024 0,0009 0,0025 a (0,0024) (0,0024) (0,0023) (0,0026) (0,0023) (1) : régression des licenciements sur les indicatrices d’âge, de période et les deux variables d’intérêt ; régression sur les 40 ans et plus (2) : même régression que (1) avec comme contrôles supplémentaires un polynôme d’ordre trois de l’ancienneté et trois indicatrices de diplôme. (3) : même régression que (2) avec comme contrôles supplémentaires un polynôme d’ordre deux du salaire, dix variables de secteur, quatre variables d’occupation, trois indicatrices de taille d’établissement, sept variables de région, trois variables de taille de commune, une variable de coût de licenciement, une variable de variation du coût de licenciement, une indicatrice d’ancienneté inférieure à 1 an et une indicatrice d’ancienneté inférieure à deux ans (4) : même régression que (3) mais seulement sur le niveau du coût du Delalande (5) : même régression que (3) mais en introduisant des indicatrices d’âge distinctes avant et après 1998. (6) : même régression que (3) mais avec trois indicatrices correspondant aux périodes d’embauche : entre 1987 et 1991 entre 1992 et 1998 et à partir de 1999. Dans chaque modèle, les écart-types corrigent l’autocorrélation des résidus introduites par le fait que certains individus sont observés deux fois, le panel de l’enquête emploi tournant sur 3 ans et permettant d’observer en principe deux transitions. ∆c( ) Le tableau fait clairement apparaître, pour les hommes, un effet négatif du coût Delalande ( ) et, c a moins nettement, un effet positif de la variation anticipée de ce coût ∆c(a ) . Ces résultats sont conformes à notre attente : ils mettent en évidence que le dispositif Delalande exerce un effet dissuasif sur les licenciements, mais que la progressivité du coût peut avoir a contrario un effet d’accélération des licenciements. Les effets en niveau sont significatifs pour les hommes, mais diffèrent fortement d’une estimation à l’autre. La spécification initiale fait apparaître un coefficient assez important pour l’effet du coût et faible et non significatif pour l’effet de progressivité. Lorsque l’on enrichit cette spécification avec un polynôme de degré 3 de l’ancienneté, l’effet du coût est fortement réduit et celui de la variation du coût progresse. Cette baisse du coefficient de la variable de coût s’accentue lorsque l’on étend encore la liste des variables de contrôle pour prendre en compte les effets du diplôme et du salaire. Les estimations sont faiblement modifiées lorsque des indicatrices d’âge croisées avec avec les sous-périodes sont introduites (colonne 5). En revanche, la variable de coût n’a plus d’effet significatif lorsque l’on tente de prendre en compte les effets de sélectivité en contrôlant par quatre indicatrices de période d’embauche (colonne 6). Ne subsiste alors que l’effet, faiblement significatif, de la variation du coût. On pourrait ainsi être tenté d’interpréter l’effet de baisse des licenciements comme la manifestation d’un effet de sélection : les taux de licenciements baissent aux âges élevés car on a sélectionné des individus ayant peu de chance d’être licenciés à cet âge.Néanmoins cette interprétation pose problème car dans ces conditions on s’attendrait à ce que les coefficients des variables indicatrices d’embauches sur les périodes Delalande aient un signe négatif. Les résultats (non reportés ici) montrent au contraire que ces salariés ont plus de chances d’être licenciés. Si les coefficients ont le signe attendu pour les hommes, ils aboutissent toutefois à des ordres de grandeur relativement élevés l’un par rapport à l’autre. En effet le modèle simple présenté plus haut indique que le ratio du coefficient de c(a ) ∆c(a ) vaut − (r + λ ) . Avec les estimations de – 0,0013 et 0,0021, r + λ vaut 62% , valeur élevée si on tient compte des résultats de Goux, 27 Maurin et Pauchet (2001) montrant qu’un ordre de grandeur raisonnable pour le taux de séparation est de l’ordre de 10%. Pour les femmes, les coefficients estimés pour c(a) ont très faibles : on ne parvient pas à mettre en évidence d’effet significatif de la contribution Delalande. Le graphique 10 fait figurer pour chaque période du dispositif le taux de licenciement observé et celui que l’on peut recalculer à partir de nos estimations (modèle 3, pour les hommes) comme étant celui qui aurait été observé en l’absence du dispositif. Un tel calcul est bien sûr uniquement indicatif et donné dans le seul but de fournir un ordre de grandeur. Le graphique montre d’abord l’effet de « montée en charge » du dispositif : juste avant l’entrée dans le dispositif, le taux de licenciement augmente du fait des anticipations de coût de licenciement croissant ; on observe alors un taux de licenciement plus élevé en présence du dispositif (à 54 ans entre 1987 et 1991 ; à 49 ans ensuite). On note aussi que la progressivité du barème de 1992-1998 pour la tranche d’âge 50-55 ans a pour effet de limiter l’écart entre les taux avec et sans dispositif. Enfin, le graphique montre que l’écart entre les deux taux de licenciement prédits avec et sans contribution sont faibles. Ce n’est là encore que pour le dispositif de 1999 que l’on observe des différences importantes du fait de la dégressivité du barème aux âges élevés. Au total, l’effet de la contribution Delalande apparaît relativement faible et ne suffit en tout cas pas à aplanir le profil croissant avec l’âge des licenciements. Graphique 10 : Comparaison des taux de licenciement estimés avec et en l’absence de dispositif (hommes) Sans contribution 1983-86 Avec contribution 1983-86 Sans contribution 1987-91 .08 .08 .06 .06 .04 .04 .02 .02 0 Avec contribution 1987-91 0 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 agc 51 52 53 54 55 56 57 58 41 42 43 44 45 46 1983-86 47 48 49 50 agc 51 52 53 54 55 56 57 58 1987-91 Sans contribution 1992-98 Avec contribution 1992-98 Sans contribution 1998-01 .08 .08 .06 .06 .04 .04 .02 .02 0 Avec contribution 1998-01 0 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 agc 51 52 53 54 55 56 57 58 41 42 43 1992-98 44 45 46 47 48 49 50 agc 51 52 53 54 55 56 1999-01 grandes entreprises Sensibilité des estimations au choix de la forme fonctionnelle Comme pour l’effet indirect, on examine la robustesse à la spécification du modèle en estimant un modèle probit et un modèle logit. Les résultats sont présentés dans le tableau 8. A l’inverse de ce qui prévalait pour l’effet indirect, les résultats sont affectés par le choix du modèle, non seulement en terme de significativité mais aussi dans le signe des coefficients. Ainsi pour les hommes, la 28 57 58 spécification Logit correspondant à la régression (3) du tableau 7 conduit à des coefficients dont aucun n’est significatif. En outre le coefficient de la variation de coût anticipée devient négatif, ce qui est contraire à ce que l’on attend. La régression Probit conduit à des coefficients qui ont le bon signe mais ne sont plus significatifs. Tableau 8 : Sensibilité des résultats à la spécification du modèle HOMMES FEMMES (60906) (35566) Logit Probit Logit Probit c a () -0,018 (0,016) -0,006 (0,007) 0,023 (0,020) 0,010 (0,009) ∆c(a ) -0,024 (0,035) 0,004 (0,017) 0,030 (0,051) 0,018 (0,024) Hétérogénéité de l’effet direct On examine l’hétérogénéité de l’effet direct selon les caractéristiques des individus en se concentrant sur le diplôme et l’ancienneté dans l’entreprise. Dans l’ensemble, les résultats diffèrent assez fortement d’une catégorie d’individus à l’autre et présentent une cohérence moindre : si les coefficients (pour les hommes) ont le bon signe, ils ne sont pas tous significatifs. En particulier la variation de coût anticipé n’apparaît plus significative. Le coefficient de la variable de coût en niveau n’est lui aussi pas toujours significatif. En définitive, on ne détecte d’effet significatif que pour les hommes diplômés et de peu d’ancienneté. L’effet est alors nettement plus fort que celui détecté sur l’ensemble de la population. Tableau 9 : Hétérogénéité des résultats suivant le diplôme et l’ancienneté DIPLOME Sans ou non renseigné CAP, BEP, BEPC ANCIENNETE BAC ou plus Moins de 5 ans De 6 à 20 ans Plus de 20 ans HOMMES c a () -0,0013 (0,0007) -0,0004 (0,0009) -0,0032 (0,0012) -0,0043 (0,0025) -0,0005 (0,0008) -0,0008 (0,0006) ∆c(a ) 0,0012 (0,0021) 0,0034 (0,0027) 0,0012 (0,0033) -0,0012 (0,0045) 0,0028 (0,0018) 0,0025 (0,0016) 41 997 34 670 18 742 18 961 41 327 35 925 N FEMMES c a () 0,0003 (0,0011) 0,0009 (0,0016) -0,0012 (0,0017) -0,0042 (0,0032) 0,0004 (0,0011) 0,0010 (0,0012) ∆c(a ) 0,0010 (0,0029) 0,0011 (0,0047) 0,0113 (0,0067) 0,0109 (0,0070) -0,0008 (0,0027) 0,0030 (0,0032) 25 339 19 404 10 197 12 613 26 198 16 382 N Retour sur la spécification Bien qu’il permette de capter les effets potentiellement contradictoires du niveau et de la progression du barème, le modèle simple sur lequel est fondé la spécification retenue comporte de nombreuses limites. D’un point de vue théorique, c’est tout le barème de la contribution qui 29 intervient de façon complexe sur le risque de licenciement à chaque âge. Il est alors intéressant d’essayer une spécification alternative, beaucoup plus flexible, à partir d’un constat partiel simple : les effets de la réforme de 1999 prédisent, sans ambiguïté, une baisse des licenciements pour les 56-58 ans. En effet, les évolutions du niveau et de la progression du barème vont dans le même sens : le niveau de la contribution augmente, et la taxe devient décroissante avec l’âge. Tout concourt donc à une rétention accrue des travailleurs de plus de 56 ans. Il est donc possible de se fixer sur cette prédiction en « forme réduite », qui ne nécessite aucune hypothèse structurelle, et devrait donc être particulièrement robuste. Les deux approches sont complémentaires, dans la mesure où la première approche, plus structurelle, permet, si elle est correcte, de bien utiliser l’information disponible – tandis que l’approche réduite a l’avantage de la robustesse, en utilisant un minimum d’information. Il est possible de tester la prédiction d’une baisse des licenciements des plus de 56 ans après 1999 de façon analogue à l’étude de l’effet indirect, en double et triple différences. On peut d’abord utiliser la dimension inter-temporelle seulement : on mesure un profil de licenciement par âge avant 1999 pour les grandes entreprise ; les changements de ce profil après 1999 sont attribués à la contribution Delalande (modèle 1). On peut aussi utiliser la comparaison entre les entreprises de 20 à 49 salariés et celles de plus de 50 salariés : seules les secondes sont affectées par le changement en 1999 ; l’évolution relative de leur taux de licenciement pour les plus de 56 ans est attribué à la contribution Delalande (modèle 2). Enfin, il est possible de travailler en triple différence en utilisant la comparaison entre âges, périodes et tailles d’entreprise. On est alors capable de contrôler tout trend commun aux entreprises de grandes tailles par rapport aux entreprises de petite taille, et tout trend commun aux salariés de plus de 56 ans par rapport aux autres. N’est attribué à la contribution Delalande qu’un trend spécifique aux salariés de plus de 56 ans dans les entreprises de plus de 50 salariés (modèle 3). On le voit, cette dernière spécification semble la plus robuste : en particulier, elle est compatible avec une demande de travail selon l’âge cyclique (à partir du moment où cette cyclicité est la même pour les entreprises de plus et de moins de 50 salariés). Le tableau 10 présente les résultats. Le coefficient se lit directement comme l’évolution du taux de licenciement attribuée au renforcement de la contribution Delalande en 1999. Pour les hommes, les coefficients estimés indiquent que le taux de licenciement a baissé d’environ 0,6-0,9 points de pourcentage. Cependant, si les différentes spécifications sont relativement cohérentes entre elles, aucune n’est statistiquement significative au seuil de 5%. Selon le modèle (3), on peut dire, avec une confiance à 95%, que le taux de licenciement a au mieux baissé de 2,8 points, et au pire augmenté de 1,3 points. Pour les femmes, les écart-types sont encore plus élevés et il n’est pas possible de dire grand-chose. Tableau 10 : Sensibilité des résultats à la spécification du modèle HOMMES FEMMES (1) (2) (3) (1) (2) (3) Effet dispositif 1999 sur 5658 ans -0,0059 (0,0079) -0,0088 (0,0135) -0,0069 (0,0106) 0,012 (0,015) -0,003 (0,022) 0,003 (0,018) Nombre d’observations 26 926 4 224 49 368 14 572 2 208 30 861 Note : La variable expliquée est l’indicatrice de licenciement ; on se situe dans un modèle de probabilité linéaire. Chaque colonne reporte le coefficient sur l’indicatrice correspondant aux salariés de 56-58 ans, après 1999 et dans les entreprises de plus de 50 salariés. Dans tous les cas sont introduits, lorsqu’ils sont pertinents, les mêmes contrôles qu’au tableau 7, colonne (3). (1) régression seulement au sein des entreprises de plus de 50 salariés ; l’effet de la contribution est identifié par le changement de barème en 1999 (2) régression seulement parmi les salariés de 56-58 ans ; l’effet de la contribution est identifié par l’opposition entre grandes et petites entreprises (3) régression sur tous les âges et toutes les tailles d’entreprises, en introduisant comme contrôles supplémentaires les indicatrices de taille et d’âges croisées avec la période (post 1999) Cette approche en forme réduite montre ses limites : introduisant peu de structure dans les données, elle fournit des estimations imprécises de l’effet de la réforme de 1999. Qualitativement, 30 elle confirme cependant les résultats de l’approche précédente : l’effet de la contribution apparaît relativement faible chez les hommes, et sa mise en évidence est peu robuste ; pour les femmes, on ne parvient pas à mettre en évidence d’effet. Conclusion Cette étude a exploré les effets de la contribution Delalande sur l’emploi. Ce dispositif a été créé en 1987 et a connu depuis de nombreuses modifications avec une extension de son champ en 1992 et une augmentation considérable de son montant en 1999. L’étude rappelle que ce type de mesure est susceptible d’agir à la fois sur les décisions d’embauche et celles de licenciement. Concernant l’effet direct sur les licenciements, on distingue comme il est usuel dans ce type de politique, un effet dissuasif et un effet de sens contraire ayant tendance à accélérer les licenciements. L’effet indirect d’un dispositif tel que la contribution Delalande est de dissuader les embauches, d’autant plus fortement que les personnes sont susceptibles d’entrer rapidement dans le champ de la mesure. Exploitant une spécificité du dispositif de 1992 qui exclut de la mesure les chômeurs de plus 50 ans, on observe une réduction significative des probabilités de retour à l’emploi des chômeurs entre 45 et 50 ans. L’effet est quantitativement important (jusqu’à une réduction d’un tiers des chances de retour à l’emploi), mais plus ou moins précisément estimé selon les fenêtres d’estimation. Il n’apparaît clairement que pour les hommes, même s’il semble présent aussi chez les femmes ayant moins de deux ans d’ancienneté de chômage. Néanmoins il convient de rester prudent avant d’interpréter ce résultat comme un effet négatif du dispositif sur les créations d’emploi. D’autres changements institutionnels ciblés sur les plus de 50 ans sont susceptibles d’expliquer une amélioration de leur situation relative, en particulier le développement de contrats aidés du secteur marchand. Les résultats concernant l’effet direct mettent en évidence, pour les hommes, les deux effets auxquels on s’attend : d’une part un effet dissuasif et d’autre part un effet d’arbitrage inter-temporel pouvant contribuer à accélérer les licenciements. L’effet d’entrée dans le système apparaît particulièrement important avec le premier dispositif. L’effet sur les réductions de licenciement est relativement faible et ne devient notable qu’avec le dernier dispositif. Les résultats obtenus sont néanmoins assez dépendants de la formulation choisie et très hétérogènes d’un groupe à l’autre. Pour les femmes, les résultats sont particulièrement fragiles : on ne parvient pas à mettre en évidence d’effets cohérents de la contribution Delalande sur de nombreuses populations. Cette fragilité des résultats incite à la prudence. En définitive, il semble raisonnable de conclure qu’en dépit du grand nombre d’observations dont nous disposons, les effets de la contribution Delalande sur les licenciements des travailleurs âgés sont trop faibles pour pouvoir être décelés de façon satisfaisante ou qu’il sont du moins impossibles à séparer des effets concomitants d’autres politiques en direction des salariés âgés. Finalement, nos résultats suggèrent une assez forte sensibilité des décisions d’embauche aux incitations financières (qu’elles proviennent des contrats aidés ou des règles d’exonération de la contribution Delalande), et une moindre sensibilité des décisions de licenciement. Ce résultat serait compatible avec l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent l’essentiel de leurs ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les licenciements que lorsqu'elles ont épuisé les autres modes d'ajustement de leur effectif (Abowd et Kramarz, 2003 ; Cahuc, 2003) ; dans cette situation de dernier recours, elles manifesteraient une sensibilité réduite aux incitations financières liées à la protection de l’emploi. Références Abowd, J. et F. Kramarz (2003), ”The costs of hiring and separation”, Labour Economics, à paraître Anderson P et B. Meyer (1997) : “Unemployment Insurance, Take-up Rates and the After Tax Value of Benefits” Quarterly Journal of Economics vol.112 n°3 pp. 913-937. 31 Anderson P. et B. Meyer (2000) : “The Effects of the Unemployment Insurance Payroll Tax on Wages, Employment, Claims and Denials”, Journal of Public Economics, 78, 81-106. Aubert, P. 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Les dispositifs sont incompatibles avec toute autre forme d’aide à l’emploi. 34