Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail

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Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail
Contribution Delalande et transitions sur le marché du travail
Luc Behaghel, Bruno Crépon, Béatrice Sédillot.
Résumé
On évalue l’impact de la « contribution Delalande », taxe sur le licenciement des travailleurs
âgés en France, en utilisant les variations successives du dispositif, créé en 1987 et
renforcé en 1992 et en 1998.
L’introduction en 1992 d’une exonération du dispositif pour les travailleurs recrutés après
50 ans crée une discontinuité favorable à l’étude de l’effet « indirect » de la contribution
(désincitation à l’embauche). L’analyse en double différence met en évidence une
dégradation sensible des chances de retour à l’emploi juste en dessous de 50 ans. Ce
changement peut néanmoins avoir deux sources que l’analyse ne permet pas de
départager : l’effet « indirect » de la contribution ou l’introduction de contrats aidés
(contrats de retour à l’emploi) particulièrement avantageux pour les chômeurs de plus de 50
ans.
L’effet « direct » sur les licenciements (rétention de main-d’œuvre) apparaît faible et peu
systématique : tout se passe comme si les décisions de licenciement des entreprises
étaient peu sensibles aux fortes variations du barème de la contribution Delalande. Au total,
les résultats vont dans le sens de l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent
l’essentiel de leurs ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les
licenciements qu’en dernier ressort, avec par conséquent avec une sensibilité réduite à la
protection de l’emploi.
Introduction
Depuis le milieu des années 70, les départs anticipés des salariés de plus de 55 ans ont été
encouragés par de nombreux dispositifs institutionnels : régime d’allocation spéciale du Fonds
national de l’emploi (FNE), contrats de solidarité préretraite démission, dispense de recherche
d’emploi notamment. Si, à partir du milieu des années quatre-vingt, les conditions d’accès aux
préretraites financées par l’Etat ont été durcies (suppression des contrats de solidarité en 1983,
remontée de l’âge minimal d’entrée en préretraite, augmentation de la participation financière des
entreprises aux préretraite ASFNE), de nouveaux dispositifs conventionnels comme l’allocation de
remplacement pour l’emploi (ARPE) ont partiellement pris le relais.
Parallèlement aux mesures favorisant les retraits d’activité, plusieurs dispositifs ont cherché à
favoriser le retour ou le maintien dans l’emploi des quinquagénaires. Des contrats aidés tels que le
contrat de retour à l’emploi (de 1989 à 1995) ou le contrat initiative emploi (à partir de 1995) visent
ainsi à améliorer les perspectives de retour à l’emploi dans le secteur marchand en allégeant
sensiblement le coût du travail. Ces contrats sont particulièrement ciblés sur des publics dits
« prioritaires » qui incluent les chômeurs de plus de 50 ans. D’autres dispositifs visent à protéger
l’emploi des salariés en fin de carrière. En juillet 1987 est ainsi créée la contribution Delalande qui
vise à réduire les transitions vers le chômage des salariés de 55 ans en accroissant leur coût de
licenciement. Cette mesure a connu plusieurs modifications depuis 1987 : élargissement des
conditions d’âge ; suppression du champ de la mesure de certaines catégories de salariés ;
augmentation des pénalités encourues par les entreprises.
Au sein du système français de protection de l’emploi, la contribution Delalande occupe une place
spécifique. Il s’agit en effet du seul dispositif instaurant une taxe sur le licenciement des
quinquagénaires dont le produit est reversé à l’Unedic1 (Blanchard, Tirole 2003). L’effet de la
contribution Delalande sur l’emploi des salariés âgés est toutefois largement débattu. Pour ses
partisans, ce dispositif permet de responsabiliser les entreprises en « internalisant » le coût social
des licenciements et réduit de ce fait les sorties de l’emploi des salariés âgés.. Pour ses
détracteurs, un renchérissement du coût de licenciement des salariés âgés peut avoir des effets
pervers : anticipant un surcoût en cas de licenciement, les entreprises seraient moins incitées à
embaucher les salariés susceptibles d’entrer rapidement dans la tranche d’âge concernée par la
mesure. On trouve ainsi en tête du rapport de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris
consacré à la contribution Delalande une prise de position particulièrement négative mais peu
étayée empiriquement : « … il n’est pas établi qu’elle [la contribution Delalande] ait permis
d’enrayer l’augmentation du chômage des plus de 50 ans. Au contraire, en privilégiant une logique
de sanction, elle a constitué un véritable frein à l’emploi et a participé à la mise à l’écart de cette
population : craignant une forte pénalisation, les entreprises se sont abstenues en majorité de
recruter des chômeurs –notamment ceux âgés de 45 à 50 ans».
Ce débat indécis renvoie à l’ambiguïté théorique des effets des coûts de licenciement sur l’emploi.
La protection de l’emploi a un effet « direct » favorable : réduire les licenciements ; mais elle a
aussi un effet « indirect » négatif : réduire les embauches. Cela conduit à réduire l’ampleur des flux
entre chômage et emploi, mais l’effet net sur l’emploi reste théoriquement indéterminé.
Plusieurs approches empiriques se sont développées pour lever cette ambiguïté théorique. La
première, à l’instar de Mortensen et Pissarides (1999), consiste à étalonner et à simuler les deux
effets (direct et indirect) dans un modèle avec création et destruction endogènes d’emplois, de
façon à caractériser les effets de la protection de l’emploi dans un contexte précis. Cette approche
fait ressortir combien l’effet net sur l’emploi est sensible (i) au dispositif de protection de l’emploi
considéré2 ; (ii) à la population sur laquelle la protection s’exerce3 ; (iii) à l’interaction avec d’autres
dispositifs institutionnels (par exemple, le SMIC). Ces trois points montrent bien comment une
étude spécifique de la contribution Delalande est utile, dans la mesure où le dispositif, original,
cible un public particulier, les plus de 50 ans, déjà concerné par de nombreuses autres mesures.
La deuxième approche empirique s’appuie sur des comparaisons internationales (Nickell, 1997 ;
OCDE, 1999). Elle confirme l’absence de lien tranché entre niveau de protection de l’emploi et
chômage. En revanche, elle met en évidence un impact négatif de la protection de l’emploi sur la
mobilité de la main-d’œuvre et fait apparaître un effet négatif sur la participation. La troisième
approche empirique tire parti de changements législatifs dans la protection de l’emploi, comme aux
Etats-Unis (Anderson et Meyer, 2000), pour évaluer leur impact. L’analyse de la contribution
Delalande menée ici s’inscrit dans cette troisième approche. La démarche vise à mesurer l’ampleur
des effets direct et indirect, afin d’estimer lequel peut l’emporter dans l’effet net sur l’emploi, en
s’appuyant sur les sources de variation offertes par le dispositif.
Isoler l’effet spécifique d’un dispositif comme la contribution Delalande présente néanmoins de
nombreuses difficultés. L’évaluation de ce dispositif suppose en effet de pouvoir éliminer les effets
des cycles conjoncturels et de dispositifs concomitants de la politique de l’emploi. Pour identifier
l’effet de la contribution Delalande, la perspective adoptée dans cet article est de tirer parti de
l’évolution du cadre législatif qui a conduit à modifier les avantages relatifs des différentes classes
d’âge en termes d’embauche et de licenciement. En particulier, la réforme de 1992 de la
contribution Delalande consistant à exclure de la mesure une partie de la population
précédemment concernée (les salariés embauchés après 50 ans) introduit une discontinuité
susceptible de favoriser l’identification des effets de la mesure sur les embauches.
1
270 millions d’euros par an en moyenne entre 1993 et 1999.
En particulier, lorsque la protection de l’emploi permet de réduire le coût du travail en finançant l’assurance
chômage, selon le modèle américain d’experience rating (modulation des cotisations chômage patronales en
fonction des licenciements effectués), l’effet indirect négatif se trouve fortement atténué (Cahuc et Malherbet,
2003). Ce point est intéressant dans la mesure où le produit de la contribution Delalande est affecté au
financement de l’UNEDIC, ce qui rapproche cette taxe du système de l’experience rating.
3
La protection de l’emploi bénéficie ainsi davantage aux plus qualifiés, et de façon générale aux insiders déjà
bien insérés dans le marché du travail (voir Mortensen et Pissarides, 1999).
2
2
Globalement nos résultats conduisent à mettre en évidence une dégradation du retour relatif à
l’emploi des moins de 50 ans par rapport à ceux qui sont juste plus âgés : notre approche montre
en effet une évolution différenciée des taux de retour à l’emploi des chômeurs de moins et de plus
de 50 ans à partir du début des années 1990. L’exonération en 1992 de la contribution pour les
plus de 50 ans peut contribuer à expliquer ce changement. On ne peut toutefois exclure l’effet
concomitant d’autres facteurs. En particulier, la création en 1989 des contrats de retour à l’emploi
ciblés notamment, à partir de 1990, sur les chômeurs de plus de 50 ans peut également avoir
rendu moins attractive l’embauche de salariés âgés de 45-49 ans. Notre analyse ne permet pas de
séparer ces deux éléments.
L’existence d’un effet sur le licenciement est plus délicat à mettre en évidence même si certains
résultats font apparaître un impact négatif. Nos résultats sont en effet peu robustes à des
changements mineurs dans la méthode d’inférence utilisée. Plusieurs études ont déjà examiné
l’effet de la contribution Delalande sur les décisions d’embauches et de licenciement (Bommier,
Magnac et Roger (2003), Behaghel (2003)) : nos résultats ne remettent pas sensiblement en cause
les diagnostics déjà disponibles, à la différence notable près qu’ils mettent beaucoup plus
nettement en évidence la prise en compte par les entreprises des coûts de licenciement ou des
aides publiques (exonération de charges, aides à l’embauche) dans leurs décisions d’embauche.
Ce résultat serait compatible avec l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent l’essentiel
de leurs ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les licenciements que
lorsqu'elles ont épuisé les autres modes d'ajustement de leur effectif (Abowd et Kramarz, 2003 ;
Cahuc, 2003) ; dans cette situation de dernier recours, elles manifesteraient une sensibilité réduite
aux incitations financières liées à la protection de l’emploi.
L’organisation du papier est la suivante. Une première section présente la législation relative à la
contribution Delalande et illustre, à l’aide d’un modèle simple, les effets possibles de ce dispositif
sur l’embauche et le licenciement. Une deuxième section présente les données utilisées. Une
troisième section présente les résultats concernant l’effet indirect ; une quatrième présente l’effet
direct.
1. Effets théoriques de la
licenciement et l’embauche
contribution
Delalande
sur
le
1.1. L’évolution du cadre législatif
Créée en 1987, la contribution Delalande vise à freiner les licenciements des salariés âgés en
obligeant l’entreprise à verser à l’assurance chômage (UNEDIC) une cotisation égale à 3 mois de
salaire brut pour tout licenciement économique d’un salarié en CDI du secteur marchand de 55 ans
ou plus.4 A partir de 1989, le versement de la contribution Delalande est étendu à toutes les
ruptures du contrat de travail ouvrant droit au bénéfice de l’allocation de base du régime
d’assurance chômage.
En 1992, le dispositif est étendu. Les conditions d’âge sont abaissées, la contribution s’appliquant
désormais au licenciement de salariés de 50 ans et plus. Le dispositif de 1992 introduit une
spécificité importante : le public concerné est réduit aux salariés embauchés avant 50 ans. Enfin, le
montant de la contribution est modulé en fonction de l’âge auquel se produit le licenciement.
Pendant une courte période de 6 mois, la contribution est également modulée en fonction de la
taille de l’entreprise (plus ou moins de 20 salariés).
La modulation en fonction de la taille est rapidement supprimée (Décret 93-85 du 20 janvier 1993)
er
et ne sera réintroduite qu’à partir du 1 janvier 1999. A cette date, en effet, le montant de la
contribution s’accroît significativement pour les entreprises de plus de 50 salariés (cf. tableau 1).
4
Il est important de noter qu’à la différence des indemnités légales de licenciement, versées aux salariés, la
contribution Delalande est versée à l’UNEDIC. Il ne s’agit donc pas d’un simple transfert entre employeur et
employé (qui pourrait être compensé par ailleurs), mais bien d’une taxe sur les licenciements.
3
Enfin, en juillet 1999, le champ de la contribution Delalande est étendue aux conventions de
5
conversion .
Tableau 1 : Montant de la contribution Delalande (en mois de salaire brut)
t
Juill 1987-Juin 1992
50
51
52
53
54
+ de 20 salariés
1
1
2
2
4
- de 20 salariés
0,5
0,5
1
1
2
toutes tailles
t
Juill 1992-déc 1992
55
56-57
58
59
3
3
3
3
5
6
6
6
2,5
3
3
3
janv 1993-déc 1998
toutes tailles
1
1
2
2
4
5
6
6
6
depuis janvier 1999
+ de 50 salariés
2
3
5
6
8
10
12
10
8
- de 50 salariés
1
1
2
2
4
5
6
6
6
1.2. Les enseignements d’un modèle illustratif
En accroissant le coût de licenciement des quinquagénaires, la contribution Delalande est
susceptible d’affecter les transitions sur le marché du travail. Elle peut notamment agir sur les
décisions de licenciement (« effet direct »), soit en retardant la séparation (lorsque le niveau de
l’indemnité est important), soit en l’accélérant (lorsque l’indemnité croît fortement, le traditionnel
effet de seuil d’entrée dans le système étant emblématique de cette situation). Elle peut également
agir sur les décisions d’embauche (« effet indirect ») : elle conduit alors à sélectionner les
travailleurs les plus productifs. Pour discuter les effets potentiels de la contribution Delalande, on
présente ici un modèle simple qui permet de séparer l’effet de dissuasion des licenciements des
effets de restriction des embauches. On revient ensuite sur ses limites et les extensions possibles.
On suppose, que le profil des gains d’un salarié d’âge a et d’ancienneté t est connu et exogène
π (t , a ) . On considère en outre qu’il y a un coût fixe d’embauche E . Les seules décisions de
l’entreprise concernent l’embauche et le licenciement du salarié, sachant que, lors de la
séparation, l’entreprise verse une amende d’un montant C (a ) et un coût de licenciement fonction
de l’ancienneté
C
T
L
( ) . On n’introduit pas d’incertitude : à caractéristiques données, tous les
T
salariés sont licenciés au même âge, qui est connu ex ante.6 L’embauche d’un salarié d’âge
sera licencié à l’âge
(
V a
0
,a
)= ∫
a
−a
0
=∫
a
−a
0
( )+ (
π t, a
r
0
+ t )e −(
(
0
+ t )e −(
~
π t, a
0
où
(
π t, a
0
+ λ )C
d’actualisation et
correspondant à une ancienneté
a
λ
L
( )−
t
C
'
L
r
r
+ λ )t
+ λ )t
dt
− C(a )e −(
dt
− C(a )e −(
( ) = ( ).
~
π t, a
t
r
r
+ λ )(a − a
0
+ λ )(a −a
0
T
a
0
qui
= a − a conduit ainsi à une valeur :
) −C
0
L
(
a
−a
0
)
e
− (r + λ )(a − a
0
) −E
) −E
Dans l’expression précédente,
r
correspond au taux
à la probabilité instantanée de démission du salarié.
On introduit en outre un âge de départ à la retraite A. Le choix d’un âge de licenciement est ainsi
obtenu par la maximisation du critère V (a , a ) + µ (A − a ) où µ est le multiplicateur de Lagrange
0
associé à la contrainte
a
≤
A
.
L’âge de licenciement satisfait la condition du premier ordre :
(
*
~
π a
−a
0
,a
*
) = −( + ) ( ) + ( ) +
r
λ C a
*
C
'
a
*
µe
(r
+ λ )(a *-a
5
à
)
(1)
En revanche, ne sont pas concernés par la contribution les passages en préretraite AS-FNE.
En conséquence, le modèle ne permet pas de dériver un profil continu de licenciement avec l’âge : pour des
salariés identiques, le taux de licenciement vaut 0, puis 1.
6
4
soit
(
*
~
π a
pour
a
*
=
−a
a
0
,a
*
) = −( + ) ( ) + ( )
r
λ C a
*
C
'
a
*
(1a)
< A , ou
*
A
lorsque
(1b)
(
~
π A
−a
0
,a
*
) ≥ −( +
r
) ( )+ ( )
λ C A
C
'
A
La décision d’embauche est fondée sur le critère évalué à l’âge optimal de séparation. Il y a
embauche si :
(
V a
0
,a
*
)= ∫
a
0
*
−a
0
(
~
π t, a
0
+ t )e −(
r
+ λ )t
dt
( )
−Ca
*
e
(
−(r + λ ) a −a
*
0
)−
E
≥0
(2)
c’est-à-dire si la valeur actualisée nette des profits est supérieure au coût d’embauche et au
montant actualisé de la contribution Delalande.
La condition du premier ordre (1a) montre que c’est non seulement le niveau mais aussi le profil de
la contribution Delalande qui compte pour la détermination de l’âge de séparation. On retrouve un
effet classique : le flux de profit au cours de la dernière période doit être égal à la perte liée au fait
de retarder le licenciement d’une période. Cette perte se décompose en deux effets : l’économie
( )
( )
actualisée liée au fait de ne licencier qu’une période plus tard − (r + λ )C a et la perte C a liée
au fait que la prime à payer une période plus tard sera différente. Le premier effet joue dans le
sens d’un accroissement de l’âge de licenciement, le deuxième en revanche joue dans le sens
d’un raccourcissement si, comme c’est en général le cas avec le dispositif Delalande, le montant
de la pénalité croît avec l’âge.
*
'
*
Un alourdissement de la contribution Delalande de ∆C qui laisserait inchangé la nature de
l’arbitrage inter-temporel : − ( r + λ ) ∆C (a ) + ∆C (a ) = 0 ne conduirait pas à une modification de la
date optimale de séparation. En revanche, une évolution de la contribution Delalande vers un
système plus onéreux mais croissant plus rapidement avec l’âge peut conduire à un
raccourcissement de l’âge optimal de séparation.
'
L’équation (2) montre que les modifications au fil du temps de la contribution Delalande peuvent
agir sur la sélection des individus à l’embauche. En particulier, un alourdissement de la contribution
Delalande à chaque âge conduit à renoncer à embaucher les salariés les moins productifs.
Compte tenu du profil de la contribution (coût nul avant 50 ans), cet effet de sélection est faible
lorsque l’on considère l’embauche de salariés jeunes. Il ne joue significativement que pour les
tranches d’âge les plus élevées.
L’équation (1) peut avoir plusieurs solutions qui ne sont pas nécessairement des maxima. Si l’on
considère par exemple le cas du dispositif qui prévalait de 1987 à 1992 (trois mois de salaire à
partir de 55 ans) la fonction − (r + λ )C + C vaut + ∞ à 55 ans et − 3(r + λ ) après. La décision de
licenciement peut se représenter de la façon suivante :
'
5
Graphique 1
Profit net
− ( r + λ )C + C
'
A
B
-3(r+λ)
55 ans
C
La première solution (A) correspond à l’entrée dans le dispositif : le salarié est licencié juste avant
55 ans pour éviter le coût du Delalande. On retrouve ici l’effet pervers des mesures à effet de seuil
induisant un coût marginal infini au voisinage du seuil. La seconde solution (C) correspond à
l’objectif visé par le dispositif : le licenciement d’effectue à un âge plus tardif a que celui observé
C
en l’absence de dispositif
de l’objectif aux deux âges
a
B
a
. La solution retenue in fine est déterminée en comparant la valeur
A
et
a
C
satisfaisant la condition du premier ordre. Il n’est pas exclu
que pour certains la mesure conduise à un âge de séparation moins élevé. Cela se produit
lorsque :
∫
a
a
C
A
−a
−a
0
(
~
π t, a
+ t )e −( +
r
0
)
λ t
dt
+ C(a
A
)
e
−( r + λ )(a −a
A
0
)
− C(a
C
)
e
−( r + λ )(a − a
C
0
)
<0
0
Les graphiques ci-dessous représentent, en temps discret, la fonction − (r + λ )C(a) + C' (a) pour
les différents dispositifs Delalande, pour deux valeurs du taux d’actualisation (5% et 25%)
(graphiques 2a-2b).
Le profil du premier Delalande (1988-1992) induit un fort effet de seuil à 55 ans et est de ce fait
susceptible de conduire à une concentration des licenciements à 54 ans. Mis à part cet effet de
seuil, le montant de la contribution (3 mois) est faible pour un taux d’actualisation de 5% et a peu
d’impact sur l’âge de séparation. Pour un taux d’actualisation plus élevé (25%), l’effet reste
modeste.
Les deuxième (1992-1999) et troisième (1999-2001) dispositifs Delalande s’appliquent dès l’âge de
50 ans. La progressivité de la mesure sur la tranche d’âge 50-55 ans limite les effets de
seuil : l’âge de licenciement devrait être plus précoce mais avec une concentration moins marquée
qu’auparavant. Après 55 ans, le dernier dispositif incite fortement à retarder l’âge de licenciement
car le montant de la contribution devient très élevé et le profil par âge décroissant.
6
Graphiques 2a-2b :
en mois de salaire brut
-rC(a)+C'(a) pour les différents dispositifs (r=5% )
4
2
0
-2
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
-4
-6
âge
"1983-1987"
"1988-1992"
"1992-1999"
"1999-2001"
en mois de salaire brut
-rC(a)+C'(a) pour les différents dispositifs (r=25% )
4
2
0
-2
48
49
50
51
52
53
54
55
56
57
58
59
-4
-6
âge
"1983-1987"
"1988-1992"
"1992-1999"
"1999-2001"
Le modèle simple présenté ci-dessus met bien en évidence que ce n’est pas seulement le niveau
de la prime mais sa progression qui comptent pour dissuader les licenciements. Ces deux
quantités jouent en outre en sens opposés : une prime importante tend à retarder les licenciements
alors qu’une prime fortement croissante les accélère. L’ordre de grandeur relatif de ces deux effets
correspond au facteur r + λ . Au vu des calculs précédents, fondés sur les valeurs des pénalités
des dispositifs successifs, on ne s’attend pas à un effet massif de la contribution Delalande sur les
licenciements, si ce n’est pour le dernier dispositif aux âges les plus élevés.
Le deuxième enseignement de ce modèle est que l’instauration de la contribution Delalande est
susceptible de dissuader l’embauche des salariés les plus âgés. Dans le cas de la contribution
Delalande, cet effet de dissuasion joue d’autant plus que l’on se rapproche de la zone d’âge où
cette contribution entre en vigueur. Pour les âges plus jeunes il est vraisemblable que l’échéance
lointaine et le fort taux de rotation rende l’effet de la contribution peu important.
Ce modèle est néanmoins très frustre et n’apporte aucun éclaircissement sur l’effet sur le chômage
en particulier parce qu’il n’explique pas la décision d’ouverture de poste d’une entreprise ni ne
prend en compte les possibilités de substitutions entre travailleurs d’âges différents. Pour répondre
à la première difficulté, il est possible de développer un modèle d’équilibre inspiré de Mortensen et
Pissarides (1999). Behaghel (2003) développe un tel modèle, l’étalonne sur le segment français
7
des travailleurs de plus de 40 ans en France, et simule les effets de la contribution Delalande. Ce
modèle plus complet, s’il n’est pas estimable directement, fait ressortir deux limites de la
spécification simplifiée ci-dessus où le barème n’entre que par ∆C (a ) et C (a ) pour expliquer le
taux de licenciement à l’âge a. En présence de chocs de productivité, l’évaluation de la valeur d’un
emploi qui préside à la décision de licenciement fait intervenir le risque d’avoir à licencier à tous les
âges futurs. C’est donc toute la chronique future des ∆C et C , et non seulement les valeurs à
l’âge a, qui interviennent de façon complexe. Par ailleurs, à partir du moment où il y a
hétérogénéité des emplois (en raison des caractéristiques de la main-d’œuvre non observées du
statisticien, ou en raison des aléas sur la productivité), les taux de licenciement aux âges inférieurs
influent sur la qualité des emplois aux âges ultérieurs (effet de sélection). Les changements dans
la chronique antérieure des ∆C et C ont donc aussi un impact sur le licenciement à l’âge a. En
résumé, un modèle d’équilibre général plus complet fait bien intervenir les mêmes facteurs
explicatifs – niveau et profil de la taxe –, mais de façon plus complexe puisqu’intervient, à chaque
âge, l’ensemble du barème de la contribution.
2. Les données
Pour apprécier les effets direct et indirect de la contribution Delalande, on utilise les enquêtes
emploi prises en panel sur la période 1983-2001. L’effet direct du dispositif est évalué en
comparant les transitions emploi-non emploi en fonction de l’âge, pour les différentes périodes
correspondant aux dispositifs Delalande successifs. L’effet de sélection (ou effet indirect) est
évalué, pour sa part, à partir des transitions non emploi / emploi en fonction de l’âge, pour les
différentes périodes correspondants aux différentes phases du dispositif. L’analyse des transitions
est menée ici au niveau individuel contrairement aux travaux de Bommier, Magnac, Roger (2003)
qui analysent les transitions par cellules formées selon le sexe, l’âge et la période.
Les enquêtes emploi permettent de suivre les situations d’activité d’un individu sur trois années
successives et d’identifier les motifs de cessation d’activité. On attache un soin particulier à
l’identification de ces situations de façon à déterminer si elles sont concernées par le dispositif
Delalande. Ce dispositif s’applique en effet aux salariés employés dans le secteur marchand en
CDI. La réforme des enquêtes emploi en 1990 a nécessité de redéfinir la notion d’emploi relevant
de la contribution Delalande7.
Le graphique 3 présente l’importance relative des coûts Delalande et des coûts de licenciement
légaux usuels8. Ces derniers sont fonction de l’ancienneté dans l’entreprise. La distribution des
anciennetés à chaque âge et pour chaque sexe conditionne donc la valeur reportée sur les
graphiques. Ces coûts de licenciement sont assez inférieurs à ceux effectivement pratiqués par les
entreprises et mis en évidence dans Abowd et Kramarz (2003)9. Globalement ces graphiques
montrent que dès le dispositif de 1992, les coûts Delalande dépassent largement pour certains
âges le montant des coûts de licenciement légaux.
7
Pour les années antérieures à 1990, on retient comme emploi relevant de la contribution Delalande les
emplois tels que la variable statut prenne les modalités 26 (travailleur à domicile), 27 (salarié d’un parent qui
travaille à son compte), 28 (autre salarié en période d’essai), 29 (autre salarié). Elle comprend donc tous les
salariés du privé (modalité 21 à 29) dont on exclut la modalité 21 (intérimaire), 22 (apprenti sous contrat), 23
(stagiaire), 24 (saisonnier) et 25 (autre salarié sous contrat à durée déterminée). A partir de 1990, les emplois
retenus sont ceux tels que la variable statut prenne la valeur 24 (emploi en CDI du privé), soit la variable
statut prenne la valeur 30 (stagiaire et contrats aidés) en imposant en outre qu’alors la variable pub prenne la
valeur 5 (emploi dans un établissement privé) et que la variable stage prenne la valeur 22 (CRE ou CRA).
8
Jusqu’en 2001, l’indemnité légale était de 1/10è de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel se
ème
rajoute 1/15
de mois au-delà de 10 ans d’ancienneté.
9
Ces auteurs estiment que les coûts de licenciement (fondés notamment sur les indemnités conventionnelles)
représentent 5 à 7 mois de salaire moyen des individus de leur échantillon.
8
Graphique 3 : Importance relative des coûts de licenciement et des coûts Delalande
Hommes 1987-1991
Femmes 1987-1991
10
10
8
8
6
6
4
4
2
2
0
0
50
51
52
53
54
55
Cout de licenciement
56
57
58
59
50
51
Cout Delalande
52
53
54
55
Cout de licenciement
56
57
58
59
58
59
58
59
Cout Delalande
Femmes 1992-1997
Hommes 1992-1997
10
10
8
8
6
6
4
4
2
2
0
0
50
51
52
53
54
55
Cout de licenciement
56
57
58
59
50
51
Cout Delalande
52
53
54
55
Cout de licenciement
56
57
Cout Delalande
Femmes 1998-2001
Hommes 1998-2001
10
10
8
8
6
6
4
4
2
2
0
0
50
51
52
53
54
Cout de licenciement
55
56
57
58
59
50
Cout Delalande
51
52
53
54
Cout de licenciement
55
56
57
Cout Delalande
3. L’effet indirect de la contribution Delalande sur l’embauche
3.1. La méthodologie
On examine, dans un premier temps, l’effet désincitatif de la contribution Delalande sur l’embauche
des salariés âgés. Précisons tout d’abord que l’analyse ne vise pas à produire des estimations
permettant de faire un bilan complet de la contribution, mais à déceler si dans les comportements
d’embauche, il est possible d’identifier des évolutions qui relèvent de ce comportement de
sélection. Pour cela, on tire parti d’une spécificité importante du dispositif de 1992 : à partir de cette
date, les chômeurs de plus de 50 ans qui retrouvent un emploi ne sont pas concernés par la
contribution Delalande, ce qui signifie que l’employeur n’aura pas à payer la contribution s’il est
conduit à les licencier par la suite. En revanche, une entreprise embauchant un salarié de 49 ans
devra payer la contribution si elle souhaite se séparer dans le futur du salarié. Le dispositif de 1992
introduit ainsi une discontinuité dans le traitement des salariés selon qu’ils ont plus ou moins de 50
ans.
Les graphiques ci-dessous montrent l’évolution, au cours de la période 1988-1998, du coût
minimum de licenciement en fonction de l’ancienneté, selon que l’embauche s’effectue à 49 ans ou
à 50 ans (graphiques 4a-4b).
9
Graphiques 4a-4b : Coût minimum de licenciement selon l’ancienneté et l’âge à l’embauche
coût de licenciem ent selon l'ancienneté
en cas d'em bauche à 49 et 50 ans
1992-1998
coût de licenciem ent selon l'ancienneté
en cas d'em bauche à 49 et 50 ans
1988-1991
8
ancienneté (en années)
embauche à 49 ans
embauche à 49 ans
embauche à 50 ans
9
10
ancienneté (en années)
8
7
6
5
4
0
0
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
2
3
2
4
2
4
6
1
en mois de salaire
6
0
en mois de salaire
8
embauche à 50 ans
* Indemnité légale de licenciement + contribution Delalande
Le principe de l’analyse est relativement simple et intuitif et relève d’une pratique bien connue en
matière d’évaluation sous le nom de « regression discontinuity » (Hahn, Van der Klauw and Todd
(2001) – Batisttin et Ettore (2003)) : on compare les taux de retour à l’emploi des individus ayant
juste plus de 50 ans et ceux ayant juste moins de cinquante ans après instauration du dispositif,
c’est-à-dire après 1992. Si l’on note y (t, a ) la variable indicatrice de retour à l’emploi à la date t
d’un salarié d’âge a, la démarche consiste à identifier l’existence d’un effet du dispositif par la
quantité :
∆
post
( )= ( ( (
ε
E y t,50
− ε )) − E(y (t,50 + ε )))
t
≥1992
En théorie, il faudrait prendre une plage ε très faible de telle sorte que l’on dispose d’individus
identiques, si ce n’est que certains sont concernés par le dispositif et d’autres non. En pratique, on
est conduit à élargir la fenêtre pour obtenir des échantillons suffisants. La fréquence des enquêtes
emploi étant annuelle, il n’est pas possible de dater exactement les retours à l’emploi. En
particulier, les individus ayant 49 ans révolus en mars de l’année t et qui retrouvent (ou non) un
emploi avant mars t+1 peuvent l’avoir retrouvé à 49 ans ou à 50 ans. On résout ce problème en
mettant de côté ces individus : on considère comme ayant moins de 50 ans les individus ayant
moins de 49 ans en mars de l’année t, et comme ayant plus de 50 ans les individus ayant plus de
50 ans à cette date.10 Pour évaluer la robustesse des estimations, on considère différentes
« fenêtres » entourant l’âge de cinquante ans. On compare d’abord les salariés âgés de 48 ans
révolus avec les salariés âgés de 50 ans en t ; ils peuvent donc atteindre respectivement 49 ans et
51 ans en t+1. On la note donc comme la fenêtre des 48-51 ans. Il s’agit là de la fenêtre la plus
étroite que l’on puisse considérer ; elle ne comprend que peu d’individus, à peine une centaine par
enquête. On retient également une fenêtre moyenne consistant à comparer les salariés âgés de 46
à 48 ans révolus avec ceux âgés de 50 à 52 ans (fenêtre des 46-53 ans). Enfin on considère une
fenêtre large comparant les salariés âgés de 44 à 48 ans avec ceux âgés de 50 à 54 ans (fenêtre
des 44-55 ans). Ces fenêtres couvrent donc des plages d’âge de 1, 3 ou 5 ans de part et d’autres
de 50 ans. Le nombre d’individus considérés est bien sûr croissant avec la taille de la fenêtre : peu
élevé pour la fenêtre étroite, il devient assez important pour la fenêtre large. Le graphique 5 illustre
les différentes tailles d’échantillon en donnant à la fois le nombre d’individus observés chaque
année.11Notons néanmoins que la discontinuité introduite à 50 ans par le dispositif Delalande de
10
Une méthode alternative consiste à dater précisément les transitions (au mois près) en s’appuyant sur des
variables rétrospectives qui datent l’entrée dans le nouvel emploi. Cette méthode a néanmoins l’inconvénient
de faire l’hypothèse que les individus connaissent au plus une transition dans l’année ; elle conduit par ailleurs
à surreprésenter les individus non mobiles. Qualitativement, les résultats obtenus sont similaires, quoique
moins significatifs.
11
L’enquête emploi suit les mêmes individus jusqu’à trois années consécutives. Dans notre échantillon, un
individu peut donc être observé pour deux transitions. Les vagues successives de l’enquête emploi sont
simplement utilisées comme des coupes répétées, chacune donnant des estimateurs non biaisés des taux de
10
1992 affecte à la fois les plus et moins de 50 ans. En effet, si les moins de 50 ans sont clairement
et directement concernés par le dispositif, il en est de même pour les plus de 50 ans. Ceux-ci
étaient concernés par le dispositif de 1987 dès lors que l’on considère que le profil des coûts de
licenciement qui s’appliquait au plus de 55 ans affecte les décisions d’embauche dès 50 ans ;
c’est-à-dire si le taux d’actualisation est assez faible. Leur éviction du dispositif a donc aussi pour
effet une amélioration de leur situation sur le marché du travail. L’effet mesuré résulte donc
simultanément de l’amélioration de la situation des plus de 50 ans et de la détérioration de celle
des moins de 50 ans. Il s’agit en tout état de cause d’un paramètre local dont la nullité constitue un
test d’absence d’effet du dispositif sur les décisions d’embauches.
La précision des résultats est croissante avec la taille de la fenêtre. A contrario, plus la fenêtre est
large, moins la comparaison est fiable. Dans le cas de la fenêtre large, par exemple, il peut y avoir
jusqu’à dix ans d’écart entre un individu traité et non traité. De nombreuses autres caractéristiques
que le fait d’être concerné par le dispositif peuvent alors entrer en ligne de compte pour expliquer
les décisions d’embauche.
Graphique 5 : taille des échantillons utilisés:
44-55 ans
48-51 ans
46-53 ans
1000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101
an
Nombre d'individus par tranche d'âge
On tient compte de cette difficulté de deux façons. On considère d’abord les comparaisons en
différence de différence, ce qui signifie que l’on compare la différence entre taux de retour à
l’emploi des salariés de plus et moins de cinquante ans après le dispositif de 1992 avec cette
même différence avant 1992. Cette opération a pour but de retirer de l’effet mesuré par la simple
différence précédente des différences permanentes entre les deux groupes d’individus. Soit :
∆(ε ) =
[(
((
()
E y t,50
=∆
ε
post
− ε )) − E(y (t,50 + ε )))
− ∆ (ε )
t
≥1992
]− [(
((
E y t,50
− ε )) − E(y (t,50 + ε )))
t
<1992
]
pre
retour à l’emploi ; mais il est nécessaire de corriger l’autocorrélation des résidus que la répétition des mêmes
individus introduit.
11
Dans l’idéal la différence entre les deux groupes avant le traitement
()
∆ ε
pre
doit être nulle ou tout
au moins faible.
Ce paramètre peut être estimé facilement en considérant les quatre moyennes
((
E y t,50
− ε ))
t
≥1992
,
((
E y t,50
+ ε )) <
((
et
1992
t
E y t,50
− ε ))
t
((
E y t,50
+ ε )) ≥
t
1992
,
. Il peut aussi être estimé au moyen
<1992
d’une régression :
(
E y
it
≥ 1992), 1(a < 50)) = α
(
1 t
it
post
(
1 t
≥ 1992) + α
agé
(
1a
it
< 50) + ∆ (ε )1((t ≥ 1992) & (a < 50))
it
On prend aussi en compte l’existence de différences dans la distribution des caractéristiques des
individus, corrélées avec l’âge et susceptibles d’agir sur le retour à l’emploi. On considère ainsi la
régression précédente augmentée des caractéristiques observables des agents x . Parmi ces
it
caractéristiques, on introduit le secteur d’activité et la catégorie socio-professionnelle de l’emploi
précédent, la région, la taille de la commune, la situation familiale (nombre d’enfants) ainsi que le
diplôme.
La régression considérée s’écrit ainsi :
(
≥ 1992 ), 1(a < 50)) = x
(
E y it x it ,1 t
it
it
+∆
b
c
+α
post
( ) ((
ε 1
t
(
≥ 1992 ) + α
1 t
≥ 1992 ) & (a < 50
it
(
))
agé
1 a it
< 50 )
Ce paramètre peut s’interpréter comme une différence de différence de taux de sortie du chômage
E
« net de la structure de la population ». Notant ces taux nets
(
∆ (ε ) =  E
c


c
((
y t,50
− ε )) − E
c
((
y t,50
)
+ ε ))

t
≥1992 
(
−E


c
((
y t,50
c
:
− ε )) − E
c
((
y t,50
)
+ ε ))

t
<1992 
c
Les quantités nettes E sont elles mêmes définies comme les composantes résiduelles des taux
de sortie du chômage spécifiques à chacun des groupes, à chacune des dates une fois prises en
compte les différences dans les caractéristiques :
(
E y
it
x
it
(
,1 t
≥ 1992), 1(a < 50)) = x
it
it
b
+E
+E
+E
+E
c
c
c
c
(
(
(
(
y t,50
(
(
(
(
+ ε ))
t
y t,50
+ ε ))
>1992
t
y t,50
− ε ))
>1992
t
y t,50
− ε ))
<1992
t
<1992
× 1((t ≥ 1992) & (a ≥ 50))
it
× 1((t ≥ 1992) & (a < 50))
it
× 1((t < 1992) & (a < 50))
it
× 1((t < 1992) & (a ≥ 50))
it
où les variables explicatives ont été au préalable centrées.
3.2. Les résultats
Les transitions du chômage vers l’emploi
Les graphiques suivants montrent pour les hommes et les femmes les taux annuels de retour à
l’emploi en CDI, nets et bruts, pour les périodes correspondant aux dispositifs Delalande
successifs.
Les graphiques 6a-6f montrent de façon générale que le taux de retour à l’emploi en CDI des
hommes salariés âgés de moins de 50 ans était plus élevé avant l’extension de 1992, date
charnière pour notre analyse. Cela est vrai pour la période 1983-1986 où n’existait aucun dispositif
Delalande. C’est encore vrai pour la période 1987-1992 pour laquelle un dispositif Delalande
existait mais ne concernait pas directement les salariés âgés de 45 à 54 ans.
12
Graphiques 6a-6f :
Transitions du chômage vers l’emploi (CDI) par groupe d’âge et par période – Hommes
hommes de 44 à 55 ans - taux bruts
hommes de 44 à 55 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
hommes de 46 à 53 ans - taux bruts
1992-1998
1999-2001
plus de 50 ans
hommes de 46 à 53 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
hommes de 48 à 51 ans - taux bruts
1992-1998
1999-2001
plus de 50 ans
hommes de 48 à 51 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
13
1992-1998
plus de 50 ans
1999-2001
Ces grandeurs fluctuent sensiblement avec la période considérée. Un des résultats centraux de
l’analyse est que cette différence s’atténue, voire disparaît après 1992, c’est-à-dire lorsque les
salariés de moins de 50 ans deviennent directement concernés par le dispositif : le taux de retour à
l’emploi des salariés de plus de 50 ans vient alors excéder celui des moins de 50 ans.
Ce résultat est particulièrement net pour la fenêtre de 46-53 ans, où la différence des taux de
retour à l’emploi, forte initialement, disparaît totalement après 1992. Il semble vérifié, dans une
moindre mesure, pour la fenêtre la plus large. En revanche, les évolutions sont plus erratiques
pour la fenêtre la plus étroite. Le résultat ne dépend pas non plus fortement du fait de considérer
des taux nets ou bruts. Prendre en compte l’effet d’autres caractéristiques sur les taux de sortie ne
modifie que très faiblement les résultats. Les taux bruts (et pas seulement leurs différences) sont
très proches des taux nets. Ceci signifie que même s’il existe des différences entre individus
susceptibles de rendre compte de différences de taux de sortie du chômage, la distribution de ces
caractéristiques est relativement stable entre les plus et les moins de 50 ans et entre les périodes.
Cette configuration des taux de retour à l’emploi des plus et moins de 50 ans est assez conforme à
ce que l’on peut attendre sur le plan théorique de l’introduction du dispositif Delalande12.
Les mêmes graphiques pour les femmes montrent des évolutions moins nettes des taux de retour
en emploi CDI des plus et des moins de 50 ans (graphiques 7a-7f). Antérieurement au dispositif, le
taux de retour à l’emploi en CDI des moins de 50 ans est généralement plus élevé. Mais on
n’observe pas de réduction générale de l’écart après l’introduction du dispositif de 1992. En outre
les configurations des taux de retour à l’emploi des plus et moins de 50 ans dépendde la plage
d’âge considéré. En revanche, les résultats obtenus ne dépendent que très peu, une fois encore,
de l’introduction de variables de contrôle.
12
Il faut remarquer néanmoins que les résultats indiquent qu’il y avait déjà antérieurement au dispositif de
1992 des différences dans les taux de retour à l’emploi en CDI des plus et des moins de cinquante ans. C’est
cette différence qui disparaît après 1992. Une situation plus favorable et plus conforme à l’approche
« regression discontinuity » aurait nécessité des taux identiques antérieurement suivis de l’apparition d’une
différence.
14
Graphiques 7a-7f :
Transitions du chômage vers l’emploi (CDI) par groupe d’âge et par période – Femmes
femmes de 44 à 55 ans - taux bruts
femmes de 44 à 55 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
femmes de 46 à 53 ans - taux bruts
1992-1998
1999-2001
plus de 50 ans
femmes de 46 à 53 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
femmes de 48 à 51 ans - taux bruts
1992-1998
1999-2001
plus de 50 ans
femmes de 48 à 51 ans - taux nets
25
25
20
20
15
15
10
10
5
5
0
0
1983-1986
1987-1991
moins de 50 ans
1992-1998
1999-2001
1983-1986
plus de 50 ans
1987-1991
moins de 50 ans
15
1992-1998
plus de 50 ans
1999-2001
Estimation de l’effet par la méthode des “différences de différences”
Les tableaux 2-3 reportent des résultats sensiblement similaires. Ils ont l’intérêt de fournir des
estimations et de donner des écart-types permettant de juger si les différences observées entre
catégories de demandeurs d’emploi sont statistiquement significatives. Les tableaux se présentent
en deux parties droite et gauche. La partie droite reporte les résultats portant sur des
comparaisons brutes, celle de gauche ceux obtenus lorsque l’on corrige des caractéristiques
inobservables des agents. Chaque partie comprend trois colonnes correspondant aux différentes
fenêtres considérées : étroite, moyenne, large. Les quatre premières lignes présentent les taux de
retour à l’emploi en CDI pour les moins de 50 ans et pour les plus de cinquante ans avant 1992,
puis après 1992.
On constate que le taux annuel de retour à l’emploi des hommes de 48 ans, avant 1992, était de
20% en moyenne, quantité estimée de façon peu précise comme en témoigne l’écart-type (2,9%).
Le taux de retour à l’emploi des plus de cinquante ans s’élève alors à 20,5% et est lui aussi peu
précisément estimé. Cette imprécision tient largement à la taille de l’échantillon mobilisé (1 211
individus). Introduire des variables de contrôle ne change les ordres de grandeur ni des
paramètres, ni des écart-types. C’est cette imprécision qui motive le choix de fenêtre plus large.
Ceci conduit à introduire des individus moins directement représentatifs de la comparaison
effectuée mais permet d’obtenir des écart-types plus réduits. L’élargissement conduit au résultat
attendu : les taux bruts ou nets estimés sont beaucoup plus précis
Les cinquièmes et sixièmes lignes présentent les différences entre les taux de retour à l’emploi des
plus et des moins de 50 ans, avant et après 1992. Avant 1992, le taux de retour à l’emploi des
moins de 50 ans est généralement plus élevé que celui des plus de 50 ans (différence de 5,4
points pour la fenêtre 46-53 ans). On constate que les écart-types sont beaucoup plus importants
que pour les estimations des taux eux-mêmes, ce qui provient du fait que (pour les taux bruts) les
estimateurs sont indépendants et que de ce fait la variance de leur différence est la somme des
variances. L’imprécision est très sensible pour la fenêtre étroite si bien que la différence entre les
taux n’est pas statistiquement significative. Dans les échantillons plus larges (pour les deux autres
fenêtres), on voit apparaître un écart positif et significatif entre les taux de retour à l’emploi des plus
et moins de 50 ans, avant 1992. Ce résultat n’est pas totalement satisfaisant pour notre analyse.
dans la mesure où le choix des fenêtres d’observation était motivé par le fait que les deux
catégories d’individus devaient être très proches.
Les différences de taux de retour à l’emploi s’inversent ou s’atténuent après 1992, et restent plus
sensibles au choix de la fenêtre.
La dernière ligne du tableau présente les résultats en différence de différence, c’est-à-dire
compare la façon dont les écarts de taux de retour à l’emploi des plus et des moins de 50 ans ont
évolué entre les périodes antérieures et postérieures à 1992. L’estimateur avec la fenêtre
intermédiaire évalue, assez précisément, l’effet de la mesure à une baisse du taux de retour à
l’emploi de 6,1 points. La fenêtre de 46-53 ans est un bon compromis entre taille et comparabilité
des échantillons. Selon cet estimateur, le taux relatif de retour à l’emploi se serait dégradé pour les
moins de 50 ans de 6,3 points (après contrôle des effets de structure). Cet effet est statistiquement
différent de 0, et il est d’une ampleur conséquente (de l’ordre d’un tiers du taux initial de retour à
l’emploi des moins de 50 ans). Il convient néanmoins de noter que l’effet n’apparaît pas sur une
petite fenêtre d’âge, peut-être en raison d’échantillons trop petits (les écart-types sont plus élevés),
et apparaît atténué et à la limite de la significativité si on considère la fenêtre d’âges élargie.
16
Tableau 2 : Différence de différence - Hommes
Avant 1992, <50 ans
Avant 1992, >50 ans
Après 1992, <50 ans
Après 1992, >50 ans
Avant 1992, différence 50/+50
Après 1992, différence 50/+50
Différence de différence
Nombre d'observations
48-51 ans
20,0
Sans contrôles
46-53 ans
44-55 ans
20,3
19,7
48-51 ans
19,4
Avec contrôles
46-53 ans
44-55 ans
20,0
18,8
2,9
1,7
1,3
2,8
1,7
1,2
20,5
14,9
13,7
19,1
14,5
13,9
2,9
1,4
1,0
2,7
1,4
1,0
14,3
14,6
14,9
14,6
14,7
14,8
1,7
1,0
0,8
1,7
1,0
0,8
14,6
15,2
13,0
15,3
15,5
13,4
1,8
1,1
0,8
1,8
1,1
0,8
-0,5
5,4
6,0
0,3
5,5
4,9
4,1
2,2
1,6
3,9
2,1
1,6
-0,3
-0,7
2,0
-0,6
-0,8
1,4
2,5
1,5
1,1
2,5
1,5
1,1
0,2
-6,1
-4,1
-0,9
-6,3
-3,5
4,7
2,7
2,0
4,6
2,6
1,9
1 211
3 661
6 179
1 211
3 661
6 179
Note : Estimation de doubles différences par étape. Le premier chiffre correspond à l’estimateur (de la moyenne ou de la
différence) ; l’écart-type figure dessous, en petit. Les variables de contrôle introduites sous forme d’indicatrices sont :
l’ancienneté dans le chômage, le secteur d’activité, la catégorie socio-professionnelle de l’emploi précédent, la taille de la
commune, la région, la situation familiale ainsi que le diplôme. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et
l’autocorrélation des résidus.
Le paramètre estimé par les différences de différences donné dans le tableau 2, par définition égal
à la différence entre les différences de taux de retour à l’emploi des moins et plus de 50 ans après
et avant 1992, peut s’exprimer de façon équivalente comme la différence entre les moins et plus de
50 ans. Si on considère à titre d’exemple le cas des 46-53 ans un calcul simple montre que l’effet
total de 6,3 points résulte d’une baisse du taux de retour à l’emploi des moins de 50 ans de 5,3
points et d’une très légère hausse de 1 point pour les plus de 50 ans. Cette relative stabilité du
taux de retour à l’emploi des plus de 50 ans est assez satisfaisante dans la mesure où les deux
périodes considérées dans cette analyse avant et après sont toutes les deux assez comparables,
marquées par une première sous période de stagnation de l’activité et une deuxième sous période
de forte activité.
Le tableau 3 présente les résultats pour les femmes. Il confirme les résultats de l’analyse visuelle
précédente : les taux de retour à l’emploi des femmes sont plus faibles, plus homogènes et plus
stables que celui des hommes. Les écarts entre catégories d’âge avant ou après sont en général
faibles et le plus souvent non significatives. Les différences de différences ne révèlent pas non plus
d’évolution marquante dans ces écarts.
17
Tableau 3 : Différence de différence - Femmes
Avant 1992, <50 ans
Avant 1992, >50 ans
Après 1992, <50 ans
Après 1992, >50 ans
Avant 1992, différence 50/+50
Après 1992, différence 50/+50
Différence de différence
Nombre d'observations
48-51 ans
13,2
Sans contrôles
46-53 ans
44-55 ans
13,3
13,6
48-51 ans
12,4
Avec contrôles
46-53 ans
44-55 ans
13,0
13,2
2,3
1,3
1,0
2,3
1,3
1,0
11,0
9,8
9,3
10,4
9,7
9,2
2,2
1,2
0,9
2,2
1,2
0,9
11,3
10,7
12,1
11,3
10,7
12,2
1,4
0,8
0,6
1,5
0,8
0,6
12,1
9,9
8,5
12,9
10,1
8,6
1,6
0,9
0,6
1,6
0,9
0,7
2,2
3,4
4,3
2,1
3,3
4,0
3,1
1,7
1,3
3,2
1,7
1,3
-0,8
0,9
3,6
-1,6
0,7
3,5
2,2
1,2
0,9
2,2
1,2
1,0
-3,0
-2,6
-0,7
-3,7
-2,6
-0,5
3,8
2,1
1,6
3,8
2,1
1,6
1 337
4 114
7 016
1 337
4 114
7 016
Note : Estimation de doubles différences par étape. Le premier chiffre correspond à l’estimateur (de la moyenne ou de la
différence) ; l’écart-type figure dessous, en petit. Les variables de contrôle introduites sous forme d’indicatrices sont :
l’ancienneté dans le chômage, le secteur d’activité, la catégorie socio-professionnelle de l’emploi précédent, la taille de la
commune, la région, la situation familiale ainsi que le diplôme. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et
l’autocorrélation des résidus.
Séparer les effets de la contribution Delalande des autres mesures de politique économique
L’analyse menée ici porte sur une période longue mobilisant des informations allant de 1983 à
2002. Cela permet de disposer d’échantillons suffisants. Mais cette longue période a surtout
l’avantage de couvrir, de part et d’autre de la date charnière de 1992, deux cycles d’activité
complets comprenant chacun une phase de ralentissement et une phase d’expansion. C’est la
meilleure façon qu’on ait de limiter l’impact éventuel de la conjoncture sur les résultats. Le choix
d’une phase particulière du cycle affecterait en effet les résultats si la demande de travail par âge
(plus ou moins de 50 ans) dépendait intrinsèquement de la conjoncture, c’est-à-dire si l’une des
deux catégories de travail s’ajustait plus facilement que l’autre aux fluctuations de l’activité.
Cependant, l’analyse sur longue période introduit aussi une difficulté : la contribution Delalande n’a
pas été la seule mesure de politique introduite sur la période et s’appliquant de façon différenciée
au plus et moins de cinquante ans. Parmi les autres mesures figurent les Contrats de Retour à
l’Emploi (CRE, introduits en 1989 et réellement développés à partir de 1990) et les Contrats
Initiatives Emplois (CIE, prenant la suite des CRE en 1995). Dès 1990 et à l’exception d’une courte
période au début des CIE (juil. 1995-sept. 1996), ces contrats aidés du secteur privé ciblent
particulièrement les chômeurs de plus de 50 ans, en offrant des aides (exonérations de charges
patronales, aide forfaitaire) spécialement attractives (voir tableau récapitulatif des dispositifs en
annexe). Par ailleurs, alors que les CRE sont initialement réservés aux chômeurs de longue durée
(plus d’un an de chômage), ils sont étendus en 1992 à tous les chômeurs âgés de plus de 50 ans à
partir de 3 mois de chômage. Les CIE conservent le même principe. Cet élargissement de la
mesure est concomitant à l’exonération de contribution Delalande pour les plus de 50 ans. Se pose
donc la question suivante : est-il possible de séparer l’effet de la contribution de l’effet des contrats
aidés (CRE et CIE) ?
Une première approche consiste à estimer une borne inférieure à l’effet de la contribution
Delalande. On fait pour cela l’hypothèse que toute hausse du taux de retour en emploi aidé plus
importante pour les plus de 50 ans est due au ciblage spécifique des CRE/CIE, et on n’attribue à la
contribution Delalande que la hausse relative du taux de retour en emploi non aidé. Cela revient à
18
scinder en deux la double différence : l’évolution relative du taux de retour vers des contrats non
aidés est attribuée à la contribution, l’évolution relative du taux de retour de l’emploi vers des
emplois aidés est attribuée aux CRE/CIE. Cette approche ne donne qu’une borne inférieure de
l’effet de la contribution. En effet, tout employeur embauchant un chômeur éligible aux CRE/CIE a
intérêt à y avoir recours – même si l’aide n’est pas à l’origine de la décision d’embauche (on parle
d’effet d’aubaine). En particulier, même s’il a privilégié un chômeur de plus de 50 ans pour
bénéficier de l’exonération de contribution, l’employeur choisira, s’il le peut, de l’employer sous un
contrat aidé. Notre hypothèse conduit alors à attribuer aux CRE/CIE une décision qui provient de
l’exonération.
L’enquête emploi permet en principe de pratiquer cette distinction entre retour à l’emploi en CDI
non aidé ou aidé, dans la mesure où une variable « stage » identifie les CRE/CIE (modalité 22).
Malheureusement, comme on peut s’y attendre, ce type de « stage » est très mal renseigné par le
travailleur, pour qui il ne fait aucune différence : les CRE et CIE constituent essentiellement une
mesure d’abaissement de charges, perceptible pour l’employeur mais non pour l’employé.13 Cela
explique sans doute que l’enquête emploi ne permette d’identifier qu’une infime portion des
CRE/CIE sur la période.14 L’évaluation de la part des CRE/CIE doit donc reposer sur d’autres
sources statistiques. Le graphique 7 donne le nombre d’entrants dans les CRE/CIE depuis 1989,
par classes d’âge. Dès 1990, les 50-54 ans sont sur-représentés par rapport aux 40-49 ans : issus
d’une classe d’âge deux fois moins grande, ils devraient être deux fois moins nombreux, mais le
sont presque autant jusque 1994. La sur-représentation devient encore plus patente à partir de
1996, date de recentrage du CIE ; c’est sans doute lié à la prime de 2 000F par mois (pendant 24
mois maximum) dont bénéficie l’employeur d’un ancien chômeur de longue durée de plus 50 ans.
Le graphique permet de faire le calcul grossier de la hausse du taux de retour relatif à l’emploi des
plus de 50 ans attribuable (au maximum) aux contrats aidés : de l’ordre de 5 000 ou 6 000 par an
vers 1992, jusque 25 000 par an vers 1996. Or nos résultats conduisent à un effet total de l’ordre
de 6 points par an, ce qui sur un effectif de 300 000 chômeurs de 50-54 ans correspondrait à
18 000 retours en CDI. Ainsi, il résulte de cette première approche que les contrats aidés ont bien
connu une ampleur suffisante pour prétendre expliquer l’essentiel du changement observé dans
les taux de retour de l’emploi. La « borne inférieure » de l’effet de la contribution Delalande
obtenue ici est donc égale à 0 – ce qui s’avère finalement peu informatif.
Graphique 7 : entrées en contrats aidés du secteur marchand (CRE/CIE)
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
40-49
50-54
2002
2001
2000
1999
1998
1997
1996
1995
1994
1993
1992
1991
1990
1989
-
55-59
13
Les CRE peuvent comporter des clauses de formation, bénéficiant d’une aide publique ; mais de telles
clauses ne sont signées que dans moins de 5% des cas.
14
On en trouve moins de 70 entre 1990 et 2001 dans la classe d’âge 45-54 ans, soit environ 2 000 pour la
population totale, en tenant compte d’un taux de sondage de 300 en moyenne dans l’enquête emploi : c’est
très inférieur aux chiffres disponibles par ailleurs.
19
Source : DARES
La deuxième approche consiste à utiliser au mieux la chronologie des différents dispositifs. Si
l’exonération de contribution Delalande crée un avantage relatif pour les plus de 50 ans en juillet
1992, l’avantage créé par les CRE remonte à 1990, et son renforcement par le recentrage des CIE
date de septembre 1996. Une façon de séparer l’impact des contrats aidés de celui de la
contribution Delalande consisterait donc à dater de 1990, 1992 ou 1996 l’évolution mise en
évidence sur longue période au départ. On note cependant que dater l’évolution de 1992 ne
permettrait pas de trancher : l’extension des CRE aux chômeurs âgés de courte durée coïncide en
effet avec l’évolution de la contribution Delalande, si bien que leurs effets sont vraisemblablement
simultanés.
Pour aborder cette question, on réplique le modèle statistique précédent en introduisant deux
changements : on utilise deux dates de basculement, janvier 1990 et juillet 1992 ; on fait évoluer la
durée de la période d’observation après basculement. La période « post » peut ainsi s’étendre sur
1990, 1990-91,…, 1990-2001 et (juillet à décembre) 1992, 1992-93,…, 1992-2001. Le paramètre
d’intérêt demeure le même : l’estimateur de la double différence (net des effets de composition). Il
s’interprète toujours comme la dégradation relative du retour à l’emploi des moins de 50 ans. Si la
dégradation relative apparaît dès 1990, cela vient nécessairement des CRE et non de la
contribution ; à partir de 1992, cela peut provenir de la contribution ou du renforcement des
contrats aidés.
Les résultats sont présentés dans le tableau 4. On présente le cas des hommes dans la mesure où
c’est pour eux que le changement le plus net apparaît sur longue période. Le tableau comprend
deux parties gauche et droite présentant les résultats correspondant aux deux dates de
basculement. Chaque partie est divisée en trois colonnes dans lesquelles figurent les résultats
pour les trois fenêtres d’âges retenues. Les coefficients de la double différence sont présentés
dans chacune des lignes, avec l’écart-type en dessous.
Ce tableau révèle plusieurs informations. Tout d’abord, on constate que les écart-types des
coefficients estimés se réduisent dès que l’on prend en compte de nouvelles années pour mesurer
l’effet de l’introduction du dispositif. L’effet est très sensible : les écart-types sont divisés par plus
que trois entre la première et la dernière ligne du tableau.
On constate aussi que l’effet estimé ponctuellement, sans tenir compte de l’erreur statistique,
semble acquis dès le moment du basculement, que celui soit situé en 1990 ou en 1992. En
revanche, l’effet estimé n’augmente pas à partir de 1996 : on peut donc juger que la différence
mesurée entre les taux de retour à l’emploi des plus et des moins de cinquante ans, à partir du
début des années 1990, n’est pas directement liée à la mise en œuvre des CIE. Ce résultat est un
peu inattendu dans la mesure où les statistiques disponibles sur les entrées en CIE indiquaient une
forte surreprésentation des plus de 50 ans après 1996. En résumé, l’analyse temporelle permet
d’exclure que le changement mesuré provienne des CIE ; mais elle ne permet pas d’exclure que ce
qui était d’abord apparu comme l’effet de l’exonération de la contribution ne soit en fait plus ancien
et ne remonte aux contrats aidés ciblés spécifiquement, à partir de 1990, sur les chômeurs de plus
de 50 ans. On est donc conduit à nuancer la conclusion de l’analyse initiale en double différence :
le retour à l’emploi des moins de 50 ans se dégrade par rapport aux plus de 50 ans, sous l’effet
joint de la contribution Delalande et des contrats aidés, et sans qu’il soit réellement possible
d’isoler les deux.
20
Tableau 4 : Analyse temporelle- Hommes
Echantillon (âges)
Echantillon (âges)
Période "post"
Période "post"
48-51
46-53
44-55
1990
1990-91
0
1992
0
1992-93
0
1992-94
0
1992-95
0
1992-96
0
1992-97
0
1992-98
0
1992-99
0
1992-00
1992-01
0
Nombre
d'observations
0,0
8,2
12,0
0,0
7,8
8,0
0,0
-0,8
6,0
0,0
-2,8
5,5
0,0
-2,5
5,1
0,0
-1,2
5,0
0,0
1,2
4,8
0,0
1,4
4,7
0,0
-1,7
4,6
0,0
-0,9
4,6
0,0
0,0
-7,3
6,7
0,0
-5,3
4,3
0,0
-6,3
3,6
0,0
-8,0
3,2
0,0
-8,0
3,0
0,0
-7,1
2,8
0,0
-6,7
2,7
0,0
-6,0
2,7
0,0
-6,6
2,6
0,0
-6,3
2,6
0,0
0,0
-6,3
4,7
0,0
-2,5
3,2
0,0
-1,5
2,6
0,0
-2,7
2,4
0,0
-3,8
2,2
0,0
-3,4
2,1
0,0
-3,6
2,0
0,0
-2,9
2,0
0,0
-3,7
1,9
0,0
-3,5
1,9
0,0
1211
3661
6179
1990-92
1990-93
1990-94
1990-95
1990-96
1990-97
1990-98
1990-99
1990-00
1990-01
0
Nombre
d'observations
48-51
46-53
44-55
-12,5
15,5
0,0
-6,2
9,4
0,0
-0,8
8,0
0,0
1,7
6,8
0,0
-2,6
5,9
0,0
-3,9
5,5
0,0
-3,8
5,3
0,0
-2,5
5,2
0,0
-0,4
5,1
0,0
-0,2
5,1
0,0
-2,9
5,0
0,0
-2,2
5,0
0,0
-1,4
7,4
0,0
-0,4
5,1
0,0
-3,1
4,4
0,0
-3,6
3,8
0,0
-4,9
3,4
0,0
-6,4
3,2
0,0
-6,8
3,1
0,0
-6,3
3,0
0,0
-5,9
2,9
0,0
-5,4
2,8
0,0
-6,1
2,8
0,0
-5,9
2,8
------
-6,2
5,8
0,0
-3,0
3,9
0,0
-4,8
3,3
0,0
-3,6
2,8
0,0
-2,8
2,6
0,0
-3,7
2,4
0,0
-4,5
2,3
0,0
-4,2
2,2
0,0
-4,3
2,2
0,0
-3,6
2,1
0,0
-4,3
2,1
0,0
-4,1
2,1
0,0
1211
3661
6179
Note : Chaque case reporte l’estimateur de doubles différences et correspond à l’évolution relative du taux mensuel de
retour en CDI des moins de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) dans un modèle de
probabilité linéaire. La période « avant » court de 1983 à juin 1992 (partie gauche) ou de 1983 à 1989. La période « après »
varie selon ce qui est indiqué à chaque ligne. Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au
tableau 2. Les écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus.
Sensibilité des estimations au choix de la forme fonctionnelle
On étudie la robustesse des résultats au choix de la forme fonctionnelle. L’analyse en différence de
différence est très parlante et conduit naturellement à l’estimation d’un modèle linéaire pour la
variable dichotomique de retour à l’emploi. Néanmoins l’utilisation de ce type de spécification,
appelé « modèle de probabilité linéaire », n’est pas toujours bien adaptée et on lui préfère souvent
des modèle de type logit ou probit plus compatibles avec des variables indicatrices, et
généralement plus aisément dérivables d’une modélisation économique15. On présente dans le
tableau 5 les résultats obtenus avec le modèle de probabilité linéaire, le modèle logit et le modèle
probit. Ils correspondent tous à l’estimation de la spécification :
(
E y aprés , moins de 50, aprés
H
(α
a
aprés
+α
m
moins de 50
× moins de 50, x ) =
+∆
H
aprés
× moins de 50 + xb )
Le paramètre d’intérêt est le paramètre ∆ . Les différents modèles correspondent à différents
choix de la fonction H : l’identité pour le modèle de probabilité linéaire, la fonction logistique pour le
modèle logit et la fonction de répartition de la loi normale pour le modèle probit. D’une spécification
à l’autre les paramètres changent de valeur, mais leur significativité n’est en général pas affectée.
Le paramètre d’intérêt reste celui des « différence de différence » mais pris sur le modèle en
espérance. On voit simplement que ce paramètre s’écrit :
H
15
Ce dernier argument joue peu ici, l’analyse étant essentiellement descriptive.
21
∆(x ) = [H(∆ + α + α + xb ) − H(α + xb )] − [H(α + xb) − H(xb )]
H
≈ h (xb)∆
a
m
a
m
H
où h (xb ) est la dérivée de H en xb. Il apparaît assez clairement que l’effet est hétérogène dans la
population dès lors que la fonction h n’est pas constante (soit pour le modèle de probabilité
linéaire). Néanmoins l’existence d’un effet, sans présager de son niveau ou de son hétérogénéité,
dépend de la significativité du paramètre ∆ .
H
Les résultats obtenus avec les trois modélisations sont présentés dans le tableau 5, pour les
hommes et les femmes et pour chacune des fenêtres. On constate que les ordres de grandeurs
varient assez sensiblement, ce qui correspond à des interprétations différentes des paramètres.
Les conclusions que l’on peut tirer en terme de significativité de l’effet ne sont toutefois pas
modifiées. L’effet est toujours négatif pour les hommes, et significatif pour la fenêtre d’âge 46-53
ans, indépendamment de la fenêtre et de la forme fonctionnelle. Il ne l’est en revanche jamais pour
les femmes.
Tableau 5 : Choix de différentes formes fonctionnelles
Linéaire
Logit
Probit
48-51 ans
-0,9
Hommes
46-53 ans
-6,3
44-55 ans
-3,5
48-51 ans
-3,7
Femmes
46-53 ans
-2,6
44-55 ans
-0,5
4,6
2,6
1,9
3,8
2,1
1,6
-8,9
-46,7
-24,5
-37,7
-25,7
-2,0
33,5
19,7
15,3
37,9
21,9
16,8
-5,8
-25,8
-13,7
-21,4
-13,5
-1,5
18,6
10,9
8,4
19,8
11,4
8,7
Note : Estimateur de doubles différences correspondant à l’évolution relative du taux mensuel de retour en CDI des moins
de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) pour différentes spécifications fonctionnelles.
Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au tableau 2. Les écart-types prennent en compte
l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus.
Hétérogénéité de l’effet indirect
On peut aussi s’interroger sur l’hétérogénéité de l’effet mis en évidence. Il est en fait vraisemblable
que l’effet soit différent suivant les individus. Pour explorer cette possibilité, on procède à l’analyse
en différence de différence sur différentes sous populations parmi la population des 46 à 53 ans.
Les résultats sont présentés dans le tableau 6. On considère d’abord trois niveaux de diplôme :
sans diplôme ou diplôme non renseigné, faible diplôme et diplôme de niveau bac ou plus. Les
résultats apparaissent très sensibles au niveau du diplôme. Les hommes à la recherche d’un
emploi ayant un diplôme élevé semblent affectés en sens contraire du sens attendu : la situation
des plus âgés se dégrade mais l’estimation est très imprécise et l’effet n’est pas significatif. En
revanche, pour les salariés ayant un diplôme faible, l’effet est important, dans le sens attendu (17,6 points) et assez précisément estimé. On note que pour les femmes, l’effet semble négatif,
même si les estimations sont peu précises.
On considère ensuite trois catégories d’ancienneté de chômage : courte, moyenne et longue. Les
différences sont mineures pour les hommes et peu significatives statistiquement. Pour les femmes,
on observe que l’effet n’est pas homogène dans la population. Pour celles à la recherche d’un
emploi depuis moins d’un an, on observe l’effet négatif le plus marqué, même si la variance de
l’estimation est forte. En revanche, les chômeuses de plus de trois ans d’ancienneté ne semblent
pas affectées par la mesure – on peut émettre l’hypothèse que le chômage pour une partie d’entre
elles est lié à des considérations d’offre de travail sur lesquelles la contribution Delalande et les
contrats aidés auraient peu de prise. De façon intéressante, cette décomposition par ancienneté
dans le chômage viendrait donc résoudre le paradoxe de la différence entre hommes et femmes :
22
si on exclut le cas particulier des chômeuses de très longue durée (plus de 3 ans), les effets
apparaissent similaires entre hommes et femmes.
Tableau 6 : Hétérogénéité de l’effet suivant le diplôme et l’ancienneté en chômage.
Diplôme
Ancienneté de chômage
Sans ou non CAP, BEP,
BAC ou plus
renseigné
BEPC
Hommes
<1 an
1-3 ans
>3 ans
-3,6
-17,6
15,3
-4,5
-5,7
-5,3
(3,5)
(6,5)
(13,9)
(4,9)
(5,1)
(3,4)
Effectif
1 740
862
290
1 316
956
617
Femmes
-1,6
-6,9
-9,5
-6,0
-3,3
1,9
(2,8)
(5,1)
(10,0)
(4,3)
(3,9)
(3,7)
1 959
939
203
1 300
1 162
695
Effectif
Note : Chaque case reporte l’estimateur de doubles différences correspondant à l’évolution relative du taux mensuel de
retour en CDI des moins de 50 ans par rapport aux plus de 50 ans (avec son écart-type en dessous) pour dans le cas du
modèle de probabilité linéaire. Chaque régression inclut le jeu complet de variables de contrôle défini au tableau 2. Les
écart-types prennent en compte l’hétéroscédasticité et l’autocorrélation des résidus.
4. L’effet direct de la contribution Delalande sur le licenciement
4.1. La méthodologie
L’analyse de l’effet direct ne repose pas, comme celle de l’effet indirect, sur une relation
d’exclusion claire trouvant son origine dans la législation (qui excluait du dispositif les demandeurs
d’emploi de plus de cinquante ans). L’analyse va simplement consister à examiner si le profil des
coûts imposé par le dispositif Delalande conduit à une modification des décisions de licenciement,
en tirant parti des fréquents changements de la législation. Le graphique 8 présente les taux de
licenciement (en provenance de l’emploi privé en CDI) par âge, pour chaque sous-période
correspondant à une phase du dispositif Delalande. Le graphique montre clairement les différences
dans le taux de licenciement en fonction de la période. Chaque période du dispositif correspond
aussi grosso modo à une phase différente dans le cycle d’activité. Les périodes 1983-1986 et
1992-1998 sont des années de mauvaise conjoncture alors que les deux autres périodes 19871991 et 1999-2001 sont des années de conjoncture favorable. On remarque sur les graphiques
que, pour les âges les moins élevés, les taux de licenciement sont proches au sein des périodes
de bonne conjoncture et au sein des périodes de mauvaise conjoncture. On voit également
l’ampleur du problème que cherche à résoudre le dispositif Delalande : le taux de licenciement
progresse fortement à partir de 55 ans. Le graphique semble aussi indiquer le succès partiel des
différentes phases du dispositif Delalande : les taux de licenciement des travailleurs les plus âgés
sont systématiquement moins élevés à conjoncture identique sur les périodes les plus récentes qui
correspondent aux dispositifs les plus dissuasifs. On observe toutefois le relatif insuccès dans
l’absolu des différents dispositifs puisque aucun d’entre eux ne permet d’effacer la forte
progression du taux de licenciement après 55 ans.
23
Graphique 8 :
1983-86
1992-98
1987-91
1998-01
.08
.06
.04
.02
0
41
42
43
44
45
46
47
48
49 50
agc
51
52
53
54
55
56
57
58
Taux de licenciement hommes par age et periode
Pour approcher l’effet direct de la contribution Delalande, on explique les taux de licenciement à
chaque période comme une fonction de l’âge, de la période et du profil des coûts de licenciement
induit par le dispositif Delalande. Ce profil de coût est résumé par deux variables : le niveau du
coût à l’âge considéré et sa progression temporelle, c’est-à-dire, à dispositif inchangé, la différence
entre le coût de licenciement aujourd’hui et dans un an. En d’autres termes, si on note y la
it
variable indicatrice repérant les licenciements et
a
it
l’âge de l’individu i observé à la date t, notre
modèle s’écrit essentiellement :
(
E y
it
a
it
)=
2001
∑λ
t
0
=1983
t0
(
1 t
= t )+
0
58
∑α
a
= 40
a
(
1 a
it
= a ) + γc
t
( ) + δ∆ ( )
a
it
c
t
a
it
La régression est effectuée en incluant les salariés à partir de 40 ans. Il y a ainsi sur toute la
période une proportion importante de l’échantillon pour laquelle le coût du Delalande est nul. C’est
sur cette fraction de l’échantillon qu’est estimé le profil temporel du taux de licenciement. Ce profil,
reflétant l’incidence de la conjoncture sur les licenciements, est supposé dans cette spécification
s’appliquer indifféremment à toutes les catégories de personnel. On ignore ainsi la cyclicité de la
demande relative de travail par âge. Pour sa part, le profil par âge est identifié grâce à
l’introduction dans la régression de la période 1983-1986 pour laquelle les variables de coût du
Delalande sont nulles. On fait implicitement l’hypothèse que ce profil n’a pas été affecté par les
dispositifs Delalande. L’effet du dispositif est alors mesuré par les coefficients γ et δ . Le modèle
développé dans la première section montre qu’en théorie le premier de ces deux coefficients doit
être négatif (et correspond à l’effet désiré du dispositif) alors que le second doit être positif (et
correspond à l’effet de la progressivité de la mesure). L’identification de ces deux paramètres
repose comme on le voit sur l’existence de changements dans le dispositif16.
16
L’existence d’une période au cours de laquelle le dispositif n’existait pas est utile mais pas fondamentale. Il
suffit en effet qu’il y ait des changements dans le dispositif pour que l’effet de la contribution soit identifié en
présence d’un profil des licenciements par âge laissé libre.
24
Les estimations permettent des mesurer l’effet des dispositifs en calculant un taux de licenciement
« contrefactuel », c’est-à-dire une mesure du taux de licenciement qui aurait été observé en
l’absence du dispositif. Ce taux de licenciement contrefactuel est défini comme
(
c
E y
a
it
it
)=
2001
∑λ
t
0
=1983
t0
(
58
= t )+
1 t
∑α
0
a
a
(
1 a
= 40
= a)
it
On peut alternativement calculer les effets globaux et spécifiques de chacune des composantes du
dispositif :
( ) = γ ( ) + δ∆ ( )
( )=γ ( )
∆ ( ) = δ∆ ( )
G
S
S
a
t
c
a
c ,t
a
t
c
t
a
c ,t
c
a
t
a
c
t
a
De la même façon que précédemment, on affinera l’analyse en cherchant à contrôler les
différences par un ensemble de caractéristiques des salariés : ancienneté, diplôme, rémunération,
secteur, catégorie socio-professionnelle… On introduit aussi une mesure du coût de licenciement
correspondant à l’indemnité légale, fonction de l’ancienneté. Cette indemnité légale constitue un
minorant du coût de licenciement, celui-ci étant généralement déterminé par l’indemnité
conventionnelle sur laquelle on ne dispose malheureusement pas d’information dans les enquête
Emploi. Ces diverses variables sont importantes car elles représentent des éléments de l’arbitrage
entre le coût du travail et la productivité d’un individu et sont donc des déterminants essentiels du
maintien dans l’entreprise d’un salarié.
(
E y
it
a
it
,x
it
)=
x b
it
2001
∑λ
+
t
0
=1983
t0
(
1 t
58
= t )+
∑α
0
a
a
(
1 a
= 45
it
= a ) + γc
t
( ) + δ∆ ( )
a
c
it
t
a
it
Le changement de barème de 1999 comporte une source d’identification supplémentaire
intéressante : en effet, la hausse de la contribution ne concerne pas les entreprises de 20 à 49
salariés. Cela permet d’identifier séparément une évolution du profil par âge de licenciement liée à
des facteurs externes (productivité,…) et se manifestant de part et d’autres de 1999 dans les
entreprises de 20 à 49 salariés et une évolution due au changement de barème de 1999, ne
concernant que les entreprises de plus de 50 salariés. Econométriquement, cela se traduit par la
spécification suivante, où k indexe la taille des entreprises :
(
E y
itk
a ,k
it
)= γ (
c
t
a ,k
it
) + δ∆ (
c
t
a ,k
it
2001
)+
∑λ
t
0
=1992
t0
(
1 t
= t )+
0
58

∑
a
= 40
(α ( = ) ≤
+ (β ( = ) >
a
1 a
a 1(t
it
a
1 a
it
a 1(t
1998)
)
1998)


)

Cependant, deux hypothèses identificatrices sous-jacentes restent critiquables, essentiellement
pour deux raisons :
La première est qu’il est difficile de dissocier l’effet propre du Delalande des autres politiques ayant
cherché à infléchir les fins de carrière. L‘ensemble des dispositifs de préretraite a ainsi connu des
évolutions marquées au cours de la période : les préretraites ne marquent pas de repli global, mais
les formes plus anciennes (ASFNE) cèdent la place à des préretraites progressives ou à des
dispositifs négociés par les partenaires sociaux (ARPE) (graphique 9). Cette évolution des
dispositifs de préretraite a pu influer sur les autres modes de gestion des fins de carrière et peut
être même sur les carrières dans leur ensemble : les taux de licenciement par âge ont donc pu être
affectés eux aussi. Plus précisément, dans la mesure où le dispositif Delalande a été intensifié au
moment où les préretraites ASFNE marquaient un repli significatif (et avant la mise en place de
l’ARPE à partir de 1996), on peut suspecter une sous-évaluation de l’efficacité du dispositif. En
effet si un basculement s’est opéré entre les préretraites et les licenciements (facilités pour les plus
âgés par le mécanisme de dispense de recherche d’emploi), la baisse des taux de licenciement a
été freinée en dépit de l’intensification de la contribution Delalande.
25
Graphique 9 : Evolution des entrées en préretraite et en chômage indemnisé
Une deuxième critique qui peut être faite à notre approche est d’ignorer les effets de sélectivité. En
effet l’analyse consiste à comparer les taux de sortie d’individus les plus proches possibles, les uns
étant soumis au dispositif Delalande et les autres non. Or, comme l’a montré le modèle simple
développé au début de l’article ainsi que l’analyse empirique précédente, le dispositif Delalande est
susceptible d’agir sur les sorties mais aussi sur les conditions d’embauche. Dès lors que les
décisions d’embauche et de licenciement font intervenir des caractéristiques inobservables, la
distribution de ces caractéristiques ne peut être considérée comme identique d’une période à
l’autre. On ne peut dès lors supposer que les comparaisons de taux moyens de sortie effectuées
vont refléter uniquement l’effet du dispositif. Si l’on admet, à titre d’exemple mais assez
raisonnablement, que l’effet du dispositif à l’embauche consiste à sélectionner les individus qu’on a
le moins de chance de licencier, alors on attribuera à tort au dispositif un effet de réduction des
licenciements. Une façon de prendre en compte cet effet de sélection consiste à contrôler par la
date d’embauche. On peut ainsi faire intervenir des variables correspondant au fait que les
individus ont été embauchés avant 1987, entre 1987 et 1992, entre 1992 et 1998 ou après 1998.
Néanmoins une telle tentative réduit considérablement les possibilités d’identification. On ne peut
pas comparer les taux de licenciement à des périodes différentes de salariés de même âge (le
principe de l’identification), de même ancienneté et embauché la même année ! Sans être aussi
extrême, on comprend bien qu’introduire des variables correspondant à des plages de dates
d’embauche va réduire l’identification.
Estimation de l’effet direct
Les résultats sont présentés dans le tableau 7. Ce tableau présente, séparément pour les hommes
et les femmes, les résultats des régressions pour six spécifications différentes. Dans la première,
on n’introduit que l’âge et la période comme variable de contrôle. C’est la spécification la plus
proche de l’analyse visuelle précédente. Dans la deuxième colonne, on ajoute dans les variables
de contrôle un polynôme de degré trois de l’ancienneté et trois indicatrices de diplôme. La
spécification suivante étend encore l’ensemble des variables de contrôle en prenant en compte la
qualification, la rémunération, la localisation et la taille de l’établissement. La cinquième colonne
introduit des indicatrices de l’âge croisées avec deux périodes, avant et après 1999, pour prendre
en compte d’éventuelles évolutions du profil par âge des licenciements . Enfin, la sixième colonne
introduit des variables indicatrices correspondant au dispositif Delalande prévalant lors de
l’embauche.
26
Tableau 7 : régression de la variable de transition emploi-chômage sur la variable de coût
Delalande et sa variation anticipée
Hommes
( )
c a
∆c(a )
Femmes
(1)
(2)
(3)
(4)
(5)
(6)
95 943
95 943
95 943
95 943
95 943
95 943
-0,0037
(0,0005)
0,0022
(0,0015)
-0,0019
(0,0005)
0,0024
(0,0015)
-0,0013
(0,0005)
0,0021
(0,0015)
-0,0013
(0,0005)
-0,0017
(0,0006)
0,0023
(0,0017)
-0,0008
(0,0005)
0,0022
(0,0015)
55 193
55 193
55 193
55 193
55 193
55 193
( )
c a
-0,0013
-0,0002
0,0001
0,0002
0,0002
0,0005
(0,0008)
(0,0008)
(0,0079)
(0,0008)
(0,0009)
(0,0008)
0,0025
0,0027
0,0024
0,0009
0,0025
a
(0,0024)
(0,0024)
(0,0023)
(0,0026)
(0,0023)
(1) : régression des licenciements sur les indicatrices d’âge, de période et les deux variables d’intérêt ;
régression sur les 40 ans et plus
(2) : même régression que (1) avec comme contrôles supplémentaires un polynôme d’ordre trois de
l’ancienneté et trois indicatrices de diplôme.
(3) : même régression que (2) avec comme contrôles supplémentaires un polynôme d’ordre deux du salaire,
dix variables de secteur, quatre variables d’occupation, trois indicatrices de taille d’établissement, sept
variables de région, trois variables de taille de commune, une variable de coût de licenciement, une variable
de variation du coût de licenciement, une indicatrice d’ancienneté inférieure à 1 an et une indicatrice
d’ancienneté inférieure à deux ans
(4) : même régression que (3) mais seulement sur le niveau du coût du Delalande
(5) : même régression que (3) mais en introduisant des indicatrices d’âge distinctes avant et après 1998.
(6) : même régression que (3) mais avec trois indicatrices correspondant aux périodes d’embauche : entre
1987 et 1991 entre 1992 et 1998 et à partir de 1999.
Dans chaque modèle, les écart-types corrigent l’autocorrélation des résidus introduites par le fait que certains
individus sont observés deux fois, le panel de l’enquête emploi tournant sur 3 ans et permettant d’observer en
principe deux transitions.
∆c(
)
Le tableau fait clairement apparaître, pour les hommes, un effet négatif du coût Delalande
( ) et,
c a
moins nettement, un effet positif de la variation anticipée de ce coût ∆c(a ) . Ces résultats sont
conformes à notre attente : ils mettent en évidence que le dispositif Delalande exerce un effet
dissuasif sur les licenciements, mais que la progressivité du coût peut avoir a contrario un effet
d’accélération des licenciements. Les effets en niveau sont significatifs pour les hommes, mais
diffèrent fortement d’une estimation à l’autre. La spécification initiale fait apparaître un coefficient
assez important pour l’effet du coût et faible et non significatif pour l’effet de progressivité. Lorsque
l’on enrichit cette spécification avec un polynôme de degré 3 de l’ancienneté, l’effet du coût est
fortement réduit et celui de la variation du coût progresse. Cette baisse du coefficient de la variable
de coût s’accentue lorsque l’on étend encore la liste des variables de contrôle pour prendre en
compte les effets du diplôme et du salaire. Les estimations sont faiblement modifiées lorsque des
indicatrices d’âge croisées avec avec les sous-périodes sont introduites (colonne 5). En revanche,
la variable de coût n’a plus d’effet significatif lorsque l’on tente de prendre en compte les effets de
sélectivité en contrôlant par quatre indicatrices de période d’embauche (colonne 6). Ne subsiste
alors que l’effet, faiblement significatif, de la variation du coût. On pourrait ainsi être tenté
d’interpréter l’effet de baisse des licenciements comme la manifestation d’un effet de sélection : les
taux de licenciements baissent aux âges élevés car on a sélectionné des individus ayant peu de
chance d’être licenciés à cet âge.Néanmoins cette interprétation pose problème car dans ces
conditions on s’attendrait à ce que les coefficients des variables indicatrices d’embauches sur les
périodes Delalande aient un signe négatif. Les résultats (non reportés ici) montrent au contraire
que ces salariés ont plus de chances d’être licenciés.
Si les coefficients ont le signe attendu pour les hommes, ils aboutissent toutefois à des ordres de
grandeur relativement élevés l’un par rapport à l’autre. En effet le modèle simple présenté plus
haut indique que le ratio du coefficient de c(a ) ∆c(a ) vaut − (r + λ ) . Avec les estimations de –
0,0013 et 0,0021,
r
+ λ vaut
62%
, valeur élevée si on tient compte des résultats de Goux,
27
Maurin et Pauchet (2001) montrant qu’un ordre de grandeur raisonnable pour le taux de séparation
est de l’ordre de 10%.
Pour les femmes, les coefficients estimés pour c(a) ont très faibles : on ne parvient pas à mettre en
évidence d’effet significatif de la contribution Delalande.
Le graphique 10 fait figurer pour chaque période du dispositif le taux de licenciement observé et
celui que l’on peut recalculer à partir de nos estimations (modèle 3, pour les hommes) comme
étant celui qui aurait été observé en l’absence du dispositif. Un tel calcul est bien sûr uniquement
indicatif et donné dans le seul but de fournir un ordre de grandeur.
Le graphique montre d’abord l’effet de « montée en charge » du dispositif : juste avant l’entrée
dans le dispositif, le taux de licenciement augmente du fait des anticipations de coût de
licenciement croissant ; on observe alors un taux de licenciement plus élevé en présence du
dispositif (à 54 ans entre 1987 et 1991 ; à 49 ans ensuite). On note aussi que la progressivité du
barème de 1992-1998 pour la tranche d’âge 50-55 ans a pour effet de limiter l’écart entre les taux
avec et sans dispositif. Enfin, le graphique montre que l’écart entre les deux taux de licenciement
prédits avec et sans contribution sont faibles. Ce n’est là encore que pour le dispositif de 1999 que
l’on observe des différences importantes du fait de la dégressivité du barème aux âges élevés. Au
total, l’effet de la contribution Delalande apparaît relativement faible et ne suffit en tout cas pas à
aplanir le profil croissant avec l’âge des licenciements.
Graphique 10 : Comparaison des taux de licenciement estimés
avec et en l’absence de dispositif (hommes)
Sans contribution 1983-86
Avec contribution 1983-86
Sans contribution 1987-91
.08
.08
.06
.06
.04
.04
.02
.02
0
Avec contribution 1987-91
0
41
42
43
44
45
46
47
48
49 50
agc
51
52
53
54
55
56
57
58
41
42
43
44
45
46
1983-86
47
48
49 50
agc
51
52
53
54
55
56
57
58
1987-91
Sans contribution 1992-98
Avec contribution 1992-98
Sans contribution 1998-01
.08
.08
.06
.06
.04
.04
.02
.02
0
Avec contribution 1998-01
0
41
42
43
44
45
46
47
48
49 50
agc
51
52
53
54
55
56
57
58
41
42
43
1992-98
44
45
46
47
48
49 50
agc
51
52
53
54
55
56
1999-01 grandes entreprises
Sensibilité des estimations au choix de la forme fonctionnelle
Comme pour l’effet indirect, on examine la robustesse à la spécification du modèle en estimant un
modèle probit et un modèle logit. Les résultats sont présentés dans le tableau 8. A l’inverse de ce
qui prévalait pour l’effet indirect, les résultats sont affectés par le choix du modèle, non seulement
en terme de significativité mais aussi dans le signe des coefficients. Ainsi pour les hommes, la
28
57
58
spécification Logit correspondant à la régression (3) du tableau 7 conduit à des coefficients dont
aucun n’est significatif. En outre le coefficient de la variation de coût anticipée devient négatif, ce
qui est contraire à ce que l’on attend. La régression Probit conduit à des coefficients qui ont le bon
signe mais ne sont plus significatifs.
Tableau 8 : Sensibilité des résultats à la spécification du modèle
HOMMES
FEMMES
(60906)
(35566)
Logit
Probit
Logit
Probit
c a
()
-0,018
(0,016)
-0,006
(0,007)
0,023
(0,020)
0,010
(0,009)
∆c(a )
-0,024
(0,035)
0,004
(0,017)
0,030
(0,051)
0,018
(0,024)
Hétérogénéité de l’effet direct
On examine l’hétérogénéité de l’effet direct selon les caractéristiques des individus en se
concentrant sur le diplôme et l’ancienneté dans l’entreprise. Dans l’ensemble, les résultats diffèrent
assez fortement d’une catégorie d’individus à l’autre et présentent une cohérence moindre : si les
coefficients (pour les hommes) ont le bon signe, ils ne sont pas tous significatifs. En particulier la
variation de coût anticipé n’apparaît plus significative. Le coefficient de la variable de coût en
niveau n’est lui aussi pas toujours significatif. En définitive, on ne détecte d’effet significatif que
pour les hommes diplômés et de peu d’ancienneté. L’effet est alors nettement plus fort que celui
détecté sur l’ensemble de la population.
Tableau 9 : Hétérogénéité des résultats suivant le diplôme et l’ancienneté
DIPLOME
Sans ou non
renseigné
CAP, BEP,
BEPC
ANCIENNETE
BAC ou plus
Moins de 5
ans
De 6 à 20 ans
Plus de 20
ans
HOMMES
c a
()
-0,0013
(0,0007)
-0,0004
(0,0009)
-0,0032
(0,0012)
-0,0043
(0,0025)
-0,0005
(0,0008)
-0,0008
(0,0006)
∆c(a )
0,0012
(0,0021)
0,0034
(0,0027)
0,0012
(0,0033)
-0,0012
(0,0045)
0,0028
(0,0018)
0,0025
(0,0016)
41 997
34 670
18 742
18 961
41 327
35 925
N
FEMMES
c a
()
0,0003
(0,0011)
0,0009
(0,0016)
-0,0012
(0,0017)
-0,0042
(0,0032)
0,0004
(0,0011)
0,0010
(0,0012)
∆c(a )
0,0010
(0,0029)
0,0011
(0,0047)
0,0113
(0,0067)
0,0109
(0,0070)
-0,0008
(0,0027)
0,0030
(0,0032)
25 339
19 404
10 197
12 613
26 198
16 382
N
Retour sur la spécification
Bien qu’il permette de capter les effets potentiellement contradictoires du niveau et de la
progression du barème, le modèle simple sur lequel est fondé la spécification retenue comporte de
nombreuses limites. D’un point de vue théorique, c’est tout le barème de la contribution qui
29
intervient de façon complexe sur le risque de licenciement à chaque âge. Il est alors intéressant
d’essayer une spécification alternative, beaucoup plus flexible, à partir d’un constat partiel simple :
les effets de la réforme de 1999 prédisent, sans ambiguïté, une baisse des licenciements pour les
56-58 ans. En effet, les évolutions du niveau et de la progression du barème vont dans le même
sens : le niveau de la contribution augmente, et la taxe devient décroissante avec l’âge. Tout
concourt donc à une rétention accrue des travailleurs de plus de 56 ans. Il est donc possible de se
fixer sur cette prédiction en « forme réduite », qui ne nécessite aucune hypothèse structurelle, et
devrait donc être particulièrement robuste. Les deux approches sont complémentaires, dans la
mesure où la première approche, plus structurelle, permet, si elle est correcte, de bien utiliser
l’information disponible – tandis que l’approche réduite a l’avantage de la robustesse, en utilisant
un minimum d’information.
Il est possible de tester la prédiction d’une baisse des licenciements des plus de 56 ans après
1999 de façon analogue à l’étude de l’effet indirect, en double et triple différences. On peut d’abord
utiliser la dimension inter-temporelle seulement : on mesure un profil de licenciement par âge avant
1999 pour les grandes entreprise ; les changements de ce profil après 1999 sont attribués à la
contribution Delalande (modèle 1). On peut aussi utiliser la comparaison entre les entreprises de
20 à 49 salariés et celles de plus de 50 salariés : seules les secondes sont affectées par le
changement en 1999 ; l’évolution relative de leur taux de licenciement pour les plus de 56 ans est
attribué à la contribution Delalande (modèle 2). Enfin, il est possible de travailler en triple différence
en utilisant la comparaison entre âges, périodes et tailles d’entreprise. On est alors capable de
contrôler tout trend commun aux entreprises de grandes tailles par rapport aux entreprises de
petite taille, et tout trend commun aux salariés de plus de 56 ans par rapport aux autres. N’est
attribué à la contribution Delalande qu’un trend spécifique aux salariés de plus de 56 ans dans les
entreprises de plus de 50 salariés (modèle 3). On le voit, cette dernière spécification semble la plus
robuste : en particulier, elle est compatible avec une demande de travail selon l’âge cyclique (à
partir du moment où cette cyclicité est la même pour les entreprises de plus et de moins de 50
salariés).
Le tableau 10 présente les résultats. Le coefficient se lit directement comme l’évolution du taux de
licenciement attribuée au renforcement de la contribution Delalande en 1999. Pour les hommes,
les coefficients estimés indiquent que le taux de licenciement a baissé d’environ 0,6-0,9 points de
pourcentage. Cependant, si les différentes spécifications sont relativement cohérentes entre elles,
aucune n’est statistiquement significative au seuil de 5%. Selon le modèle (3), on peut dire, avec
une confiance à 95%, que le taux de licenciement a au mieux baissé de 2,8 points, et au pire
augmenté de 1,3 points. Pour les femmes, les écart-types sont encore plus élevés et il n’est pas
possible de dire grand-chose.
Tableau 10 : Sensibilité des résultats à la spécification du modèle
HOMMES
FEMMES
(1)
(2)
(3)
(1)
(2)
(3)
Effet dispositif
1999 sur 5658 ans
-0,0059
(0,0079)
-0,0088
(0,0135)
-0,0069
(0,0106)
0,012
(0,015)
-0,003
(0,022)
0,003
(0,018)
Nombre
d’observations
26 926
4 224
49 368
14 572
2 208
30 861
Note : La variable expliquée est l’indicatrice de licenciement ; on se situe dans un modèle de probabilité linéaire. Chaque
colonne reporte le coefficient sur l’indicatrice correspondant aux salariés de 56-58 ans, après 1999 et dans les entreprises
de plus de 50 salariés. Dans tous les cas sont introduits, lorsqu’ils sont pertinents, les mêmes contrôles qu’au tableau 7,
colonne (3).
(1) régression seulement au sein des entreprises de plus de 50 salariés ; l’effet de la contribution est identifié par le
changement de barème en 1999
(2) régression seulement parmi les salariés de 56-58 ans ; l’effet de la contribution est identifié par l’opposition entre
grandes et petites entreprises
(3) régression sur tous les âges et toutes les tailles d’entreprises, en introduisant comme contrôles supplémentaires les
indicatrices de taille et d’âges croisées avec la période (post 1999)
Cette approche en forme réduite montre ses limites : introduisant peu de structure dans les
données, elle fournit des estimations imprécises de l’effet de la réforme de 1999. Qualitativement,
30
elle confirme cependant les résultats de l’approche précédente : l’effet de la contribution apparaît
relativement faible chez les hommes, et sa mise en évidence est peu robuste ; pour les femmes,
on ne parvient pas à mettre en évidence d’effet.
Conclusion
Cette étude a exploré les effets de la contribution Delalande sur l’emploi. Ce dispositif a été créé
en 1987 et a connu depuis de nombreuses modifications avec une extension de son champ en
1992 et une augmentation considérable de son montant en 1999. L’étude rappelle que ce type de
mesure est susceptible d’agir à la fois sur les décisions d’embauche et celles de licenciement.
Concernant l’effet direct sur les licenciements, on distingue comme il est usuel dans ce type de
politique, un effet dissuasif et un effet de sens contraire ayant tendance à accélérer les
licenciements.
L’effet indirect d’un dispositif tel que la contribution Delalande est de dissuader les embauches,
d’autant plus fortement que les personnes sont susceptibles d’entrer rapidement dans le champ de
la mesure. Exploitant une spécificité du dispositif de 1992 qui exclut de la mesure les chômeurs de
plus 50 ans, on observe une réduction significative des probabilités de retour à l’emploi des
chômeurs entre 45 et 50 ans. L’effet est quantitativement important (jusqu’à une réduction d’un
tiers des chances de retour à l’emploi), mais plus ou moins précisément estimé selon les fenêtres
d’estimation. Il n’apparaît clairement que pour les hommes, même s’il semble présent aussi chez
les femmes ayant moins de deux ans d’ancienneté de chômage. Néanmoins il convient de rester
prudent avant d’interpréter ce résultat comme un effet négatif du dispositif sur les créations
d’emploi. D’autres changements institutionnels ciblés sur les plus de 50 ans sont susceptibles
d’expliquer une amélioration de leur situation relative, en particulier le développement de contrats
aidés du secteur marchand.
Les résultats concernant l’effet direct mettent en évidence, pour les hommes, les deux effets
auxquels on s’attend : d’une part un effet dissuasif et d’autre part un effet d’arbitrage inter-temporel
pouvant contribuer à accélérer les licenciements. L’effet d’entrée dans le système apparaît
particulièrement important avec le premier dispositif. L’effet sur les réductions de licenciement est
relativement faible et ne devient notable qu’avec le dernier dispositif. Les résultats obtenus sont
néanmoins assez dépendants de la formulation choisie et très hétérogènes d’un groupe à l’autre.
Pour les femmes, les résultats sont particulièrement fragiles : on ne parvient pas à mettre en
évidence d’effets cohérents de la contribution Delalande sur de nombreuses populations. Cette
fragilité des résultats incite à la prudence. En définitive, il semble raisonnable de conclure qu’en
dépit du grand nombre d’observations dont nous disposons, les effets de la contribution Delalande
sur les licenciements des travailleurs âgés sont trop faibles pour pouvoir être décelés de façon
satisfaisante ou qu’il sont du moins impossibles à séparer des effets concomitants d’autres
politiques en direction des salariés âgés.
Finalement, nos résultats suggèrent une assez forte sensibilité des décisions d’embauche aux
incitations financières (qu’elles proviennent des contrats aidés ou des règles d’exonération de la
contribution Delalande), et une moindre sensibilité des décisions de licenciement. Ce résultat serait
compatible avec l’hypothèse que les entreprises françaises réalisent l’essentiel de leurs
ajustements de main-d’œuvre par les embauches et n’utilisent les licenciements que lorsqu'elles
ont épuisé les autres modes d'ajustement de leur effectif (Abowd et Kramarz, 2003 ; Cahuc,
2003) ; dans cette situation de dernier recours, elles manifesteraient une sensibilité réduite aux
incitations financières liées à la protection de l’emploi.
Références
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31
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33
Annexe : emplois aidés du secteur marchand et travailleurs de
plus de 50 ans à partir de 1989
Dispositif
Contrat de retour à
l’emploi I (1989)
Contrat de retour à
l’emploi II (1990-95)
Public
Champ17
- RMIstes
- Chômeurs de longue
durée (CLD) en ASS
- RMIstes
- CLD (>1 an) ou en
ASS
- Handicapés
- depuis 1992 :
chômeurs de plus de
50 ans avec plus de 3
mois de chômage
Contrat initiative
emploi I (juil. 95 - sept.
96)
- RMIstes
- CLD (>1 an) ou en
ASS
- Handicapés
- Chômeurs de plus
de 50 ans
Contrat initiative
emploi II (sept. 96 - )
- RMIstes
- CLD (>1 an) ou en
ASS
- Handicapés
- Chômeurs de plus
de 50 ans
- Jeunes de moins de
26 ans sans diplôme
(niveau Vbis ou VI)
Mesures générales
- Exonération de
cotisations sociales
patronales (6 mois)
- aide forfaitaire de
9 000F
- Exonération de
cotisations sociales
patronales (9 mois
maximum)
- Aide à la formation
(annexe au contrat)
- Aide forfaitaire de
2 000F par mois (24
mois maxi)
- Exonération de
cotisations sociales
patronales sur la partie
de salaire n’excédant
pas le SMIC (24 mois
maxi)
- Aide à la formation
- Exonération de
cotisations sociales
patronales sur la partie
de salaire n’excédant
pas le SMIC (24 mois
maxi)
- Aide à la formation
Public prioritaire
Champ
Mesures spécifiques
x
x
- Chômeurs LD de
plus de 50 ans
- Aide forfaitaire de
10 000F
- Exonération de
cotisations sociales
patronales pérenne
- Aide forfaitaire de
10 000F
-Exonération de
cotisations patronales
pendant 18 mois
- Exonération de
cotisations sociales
patronales pérenne
- RMIstes
- Chômeurs TLD (>3
ans)
- Depuis 1991 :
handicapés
- Plus de 50 ans qui
sont également
chômeurs de longue
durée (>1 an), ou au
RMI depuis plus de
12 mois, ou
handicapés
- Plus de 50 ans qui
sont également
chômeurs de longue
durée (>1 an), ou au
RMI depuis plus de
12 mois, ou
handicapés
- Chômeurs TLD (>3
ans)
- RMIstes de plus de
12 mois
- Handicapés
- Moins de 26 ans
- Chômeur au
chômage depuis 24 à
36 mois
- Prime de 2 000F par
mois
- Exonération de
cotisations sociales
patronales pérenne
- Prime de 2 000F par
mois
- Prime de 1 000F par
mois
Source : Bilan de l’emploi et Bilan de la politique de l’emploi, DARES, multiples années
17
Il s’agit dans tous les cas de dispositifs ouverts à la fois aux CDD et aux CDI (pour les CDD, l’exonération
de charges s’entend alors pour la durée du contrat). Les dispositifs sont incompatibles avec toute autre forme
d’aide à l’emploi.
34