cartels sans image - Musée des Beaux

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cartels sans image - Musée des Beaux
Laurent GRASSO
Né en 1972 à Mulhouse
vit et travaille à Paris
Studies into the past
2012
Huile sur panneau de chêne
Collection privée
Amorcée en 2009, la série des études sur le passé montre combien les œuvres de Laurent Grasso sont
traversées par une réflexion sur le temps. Il s’agit d’un ensemble d’œuvres au style et à la facture
inspirés des peintres flamands et italiens des XVe et XVIe siècles, tels que Fra Angelico, Piero della
Francesca, Paolo Uccello, Andrea Mantegna, Sandro Botticelli ou Pieter Bruegel l’Ancien. Les
références narratives caractéristiques de l’époque, qu’elles soient mythologiques ou religieuses, ont été
remplacées par des phénomènes célestes dont il existe peu de représentations picturales avant le XIXe
siècle – éclipses, aurores boréales, météorites – ainsi que par un étrange nuage de fumée, un rocher en
lévitation au-dessus d’un paysage ou une envolée d’oiseaux incongrue dans une forêt. L’insertion de
ces éléments du futur dans une peinture du passé ne génère pas que des effets d’anachronisme. Studies
into the Past est à comprendre comme un vaste projet conceptuel visant à reconstruire l’idée que l’on
se fait de la réalité à une autre époque. Conçues comme si elles appartenaient à un autre temps, les
œuvres sont réalisées selon des méthodes du passé avec une attention scientifique. En mélangeant
ainsi les temps, Laurent Grasso cherche à créer ce qu’il nomme une « fausse mémoire historique », de
telle sorte qu’il devienne impossible, dans un avenir lointain, de situer l’époque dans laquelle ces
œuvres auront été produites.
Mitch DOBROWNER
Né à Long Island
vit et travaille Los Angeles
Rope Out
2011
Photographie originale, tirage aux pigments d’encre
Courtesy Gad Edery / Gadcollection
Après une enfance du côté de Long Island, à New York, Mitch Dobrowner s’initie à la photographie.
Accaparé par la création d’un studio de design, il ne se remet qu’en 2005 à la photographie. Avec des
clichés noir et blanc d’une rare intensité, le photographe réussit à restituer la magie et la beauté parfois
surréaliste des paysages qui nous entourent. Il capture la force mystérieuse qui irrigue la nature. En
véritable artisan de la photographie, l’artiste revendique volontiers l’héritage de grands photographes
du passé et en particulier celui d’Ansel Adams, qui fut toujours pour lui une vraie source d’inspiration.
« Les paysages sont des environnements et des écosystèmes vivants. Ils ont existé bien avant, et
seront, si tout va bien, encore là bien après nous. Lorsque je prends des photographies, le temps et
l’espace semblent difficiles à quantifier pour moi. À ces moments où les choses sont calmes, semblent
encore simples, j’obtiens alors un respect et une révérence pour le monde qu’il est difficile de
communiquer par des mots. Pour moi, ces moments se produisent quand l’environnement extérieur et
mon monde intérieur fusionnent. Avec un peu de chance, les images présentées m’aident à transmettre
ce que je vois et mon sentiment pendant ces moments. »
Adam ADACH
Né en 1962 à Nowy Dwór Mazowiecki (Pologne),
vit et travaille à Paris
Slowly, Slowly
2011
Huile sur toile
Collection Florence et Daniel Guerlain, Paris
Adam Adach réside en France depuis la chute du mur de
Berlin en 1989. Les thèmes de ses toiles s’enracinent dans les souvenirs de sa jeunesse, sous le régime
soviétique, ou dans la narration des relations humaines et des situations quotidiennes comme la visite
d’un musée, la rencontre et la séparation d’un couple, un déménagement, etc. Certaines scénettes
réfèrent directement à son pays, mais la plupart sont finalement universelles. On trouve, au centre de
son oeuvre, des problématiques variées : la question de la condition civilisée par rapport à l’état de
nature, mais aussi la relation parfois hostile de l’homme à son environnement naturel, industriel ou
urbain, l’utopie et sa part d’échec, la représentation de l’histoire et enfin la construction d’une société
de l’ère soviétique à aujourd’hui, qu’elle soit réelle ou fictive. Il se dégage du travail d’Adam Adach
une manière singulière de traiter l’histoire par le biais de l’autobiographie, de la fiction et du
dépassement de la figuration.
Mathieu BERNARD-REYMOND
Né en 1976 à Gap,
vit et travaille en Suisse
Disparitions n° 89
2008
Photographie couleur
Collection particulière
Après des études à Sciences Po Grenoble, Mathieu Bernard-Reymond suit les cours de photographie à
l’École de Vevey. L’artiste traite le paysage tout à la fois de façon réaliste et décalée. Utilisant l’outil
informatique, il travaille ses images et met en scène des événements impossibles, voire insolites, qui
ne se dévoilent qu’à force d’attention.
Grandiose et inquiétant, tel est l’univers façonné par l’artiste entre le réel et le virtuel.
Dans la série Disparitions, la manipulation, toute minime qu’elle soit, engendre une sensation de vide,
de temps brutalement arrêté : une architecture insolite dans un paysage où le regard se perd vers un
horizon esquissé ne nous permet aucune interprétation précise. Image fictive ou réelle ? l’artiste ne
cesse d’interroger le médium qu’il utilise pour nous rappeler que notre civilisation de l’écran transcrit
une vision déformée et manipulée.
Un perpétuel aller-retour entre l’imaginaire et la réalité par l’utilisation de l’outil informatique sert à
Mathieu Bernard-Reymond de nouvelles lunettes pour regarder le monde. La nature de l’image
médiatique, la manipulation de l’information lui donne une grande liberté et lui permettent de créer
une fiction poétique.
Tony MATELLI
Né en 1971 à Chicago
vit et travaille à New York
Weel
2011
Bronze peint
Collection Christophe Courtray
Héritier des grands artistes hyperréalistes tels que Duane Hanson, Tony Matelli réalise des objets ou
personnages en carton, silicone, fibre de verre ou bronze qu’il peint de manière illusionniste. Le
monde qu’il dépeint est empreint d’humour et parfois d’ironie. Sculptés, les éléments les plus
insignifiants de la vie quotidienne deviennent extraordinaires.
C’est au Palais de Tokyo en 2006 que Matelli a présenté pour la première fois des éléments végétaux
dans une exposition. Il reproduit alors avec précision, minutie et patience plusieurs types de mauvaises
herbes. Titrant l’exposition « Abandon », Matelli souligne le caractère « brut » du lieu que les
architectes Lacaton et Vassal ont rendu fonctionnel sans le restaurer. Dans un espace d’exposition, la
mauvaise herbe est un véritable cauchemar pour les conservateurs car sa présence indique que non
seulement des végétaux peuvent s’introduire mais également des insectes qui mettent alors en danger
la bonne conservation des œuvres. L’installation de ces mauvaises herbes indésirables et envahissantes
souligne ainsi le caractère architectural du lieu et pose la question de son exploitation.
Jean-Michel PANCIN
Né en 1971 à Avignon,
vit et travaille à Avignon et Paris (France)
Wendover – Speedway
2006
Vidéo 5min 30
Collection Lemaître
Wendover est une petite bourgade au nord-ouest des États-Unis coupée en deux par la frontière qui
sépare l’état de l’Utah et celui du Nevada. Lieu de passage, de nomadisme, Wendover est une ville
frontière qui ne connaît pas ses propres frontières. La vidéo Speedway a justement été réalisée au seuil
de la ville, la bordure du Salt Lake. La jetée sur l’immensité liquide et infinie représente ici la limite
concrète de la ville. Malgré la possibilité de fuite en avant qu’elle propose au nomade, elle le renvoie à
sa propre limite, celle de sa finalité/finitude face à une nature infinie dont les tenants et les
aboutissants lui échappent. Plus encore, cette vidéo résume assez bien le projet qui consiste à passer
d’un point de vue unique et perspectif à un point de vue multiple, multipolaire. Dans la vidéo, nous
passons en effet d’un monde terrien à un monde aquatique. Nous passons ainsi d’un monde de cadres,
de formules, de règles, où le rationnel passe par son point le plus aigu avec le déplacement motorisé et
linéaire, à un monde de l’ensemble, du global de l’illimité, de l’infini, du virtuel, du latent, de
l’inclassable, de l’insaisissable, de l’ineffable, où l’irrationnel et le surrationnel règnent sans partage...
Francis ALŸS
Né en 1959 à Anvers,
vit et travaille au Mexique
Don’t cross the bridge
until you get to the river
2007
Huile et crayon sur photo et calque
Collection Françoise et Jean-Claude Quemin
Francis Alÿs utilise tous les mediums : performance, vidéo, dessin, peinture, sculpture. Il nourrit son
travail lors de ses déambulations à travers le monde. Son art aborde, parfois avec une légère ironie, des
thèmes politiques et sociaux. Ses voyages l’amènent à côtoyer d’autres individus dans leurs
déplacements, rendus parfois impossibles, souvent difficiles et dangereux en raison des frontières qui
empêchent la libre circulation des personnes – ou de certaines personnes. Lui, artiste, occidental,
européen, ayant le droit de se déplacer, nous entraîne dans cette « translation ».
Don’t cross the bridge until you get to the river a été créé par Francis Alÿs pour une vente organisée
par l’artiste marocaine Ito Barrada au profit de la Cinémathèque de Tanger, menacée de fermeture. Ce
petit tableau évoque la difficulté de franchir le détroit de Gibraltar pour ceux qui ne sont pas nés du
bon côté de la Méditerranée.
Francis Alÿs avait déjà tenté le passage symbolique par un pont fait de babouches apportées par des
enfants de chaque côté du détroit. Ici, sous la forme d’un commentaire pictural de nos barrières
politiques, une symbolique embarcation, menée par un Blanc, fait face à un Africain qui semble le
solliciter.
Bouchra KHALILI
Née en 1975 à Casablanca,
vit et travaille à Paris
Mapping Journey 5
2009
vidéo 11 min
Collection Sébastien Peyret. Marseille
Le travail de Bouchra Khalili, essentiellement en vidéo explore l’espace méditerranéen envisagé
comme un territoire dédié au nomadisme et à l’errance. Ce médium permet à l’artiste de situer son
travail aux limites du cinéma et des arts plastiques, du documentaire et de l’essai, rendant mouvantes
les frontières entre ces pratiques. Dans ses vidéos, elle documente les territoires dont elle explore
l’imaginaire, et plus encore celui qu’ils génèrent. Khalili produit ainsi des représentations de la
dimension mentale de ces espaces, en les déplaçant vers une expérience perceptive singulière, qui n’a
pas valeur d’exemple, mais qui témoigne pourtant de la réalité contemporaine de l’émigration et de ses
récits. Ses vidéos sont construites selon des mises en relations complexes d’images documentaires et
néanmoins fantomatiques, de langues différentes, de sons « in » et « off », de récits réels ou potentiels
mais toujours fragmentaires.
Mapping Journey 5 s’inscrit dans un projet plus global réalisé entre 2008 et 2011 : Mapping Journey.
8 vidéos et 8 sérigraphies retracent le parcours de clandestins en Méditerranée.
Sur une carte normalisée, un trajet complexe et singulier vient se dessiner, chaque trait se regardant
comme une histoire. L’ensemble des vidéos retranscrit les récits et les « routes » invisibles.
Taysir BATNIJI
Né en 1966 à Gaza
vit et travaille à Paris
Miradors
(Miradors israéliens en Cisjordanie)
2008
Tirage numérique noir et blanc
Collection Isabelle Bourgeois
« L’idée de réaliser ce projet m’est venue lors de la rétrospective du travail de Bernd et Hilla Becher
au Centre Pompidou en 2004-2005. La ressemblance, formelle, entre les châteaux d’eau en particulier
et les miradors israéliens qui envahissent le territoire palestinien m’a frappée. C’est pourquoi, j’ai
décidé de répertorier ces architectures de guerre « à la manière » des Becher. Comme le couple
d’artistes allemands qui, dès la fin des années 1950, a essayé de documenter le patrimoine postindustriel en Europe, j’ai tenté d’établir une typologie des miradors en Palestine (Cisjordanie). J’ai
voulu créer l’illusion, une sorte de « Cheval de Troie », pour que le spectateur qui se trouve face à ces
photos pense en connaître les auteurs. Mais, en regardant de plus près, on s’aperçoit vite qu’il ne s’agit
ni de la technique poussée des photographes allemands, ni bien sûr de châteaux d’eau. Les conditions
particulièrement périlleuses des prises de vue en question, effectuées par un photographe palestinien
délégué (né à Gaza, je ne suis pas autorisé à me rendre en Cisjordanie), sont visibles : flous, bougés,
cadrages maladroits, lumière imparfaite… Pas moyen, sur ce terrain, d’installer le lourd matériel des
Becher, de patienter plusieurs jours avant de trouver la lumière idéale, de prendre le temps de la pose.
Pas d’esthétisation possible. Pas moyen d’envisager ces constructions militaires fonctionnelles comme
des sculptures ou encore comme un patrimoine. » Taysir Batniji
Claire TABOURET
Née en 1981
vit à Pantin et travaille au Pré-Saint-Gervais
Le Passeur
2011
Acrylique sur toile
Collection Philippe Piguet, Paris
À la lumière violacée – une lumière proprement mentale – dans laquelle l’artiste inondait ses
paysages, a succédé depuis quelques temps toute une troublante population de figures. Tout d’abord
nomades, embarquées sur la mer comme en exil forcé, puis voyageuses dans des espaces en transit,
enfin figées et volontiers déguisées, extraites d’un album de famille. Intitulée Le Passeur (2011), cette
peinture appartient à cette deuxième séquence de travail sur la figure. Réalisée à l’occasion d’une
résidence d’artiste à Marseille au cours de laquelle l’artiste a effectué un aller-retour à Alger sans y
faire escale, elle est chargée de sens très divers. Si elle ne manque pas de faire écho aux images
médiatiques de boat people à la dérive, elle réfère à toute une production historique sur le thème de la
barque qu’elle soit celle de Dante ou de Böcklin.
Tout à la fois symbolique et allégorique, elle est aussi métaphorique de la condition même de l’artiste.
Claire Tabouret est peintre. Elle se sait embarquée dans une aventure de création qui n’est pas facile
dans une époque où la peinture n’est plus considérée comme elle l’a été par le passé.
Zineb SEDIRA
Née en 1963 à Gennevilliers
vit et travaille à Londres
The Lovers III
2008
Photographie
Collection Emmanuelle & Didier Saulnier
Le travail de Zineb Sedira oscille entre deux cultures : un héritage oriental (l’Algérie) et des valeurs
occidentales (née en France et diplômée d’une école d’art anglaise). À travers une diversité de
médium, l’artiste explore les questions de filiation, d’identité, de mémoire et de migration en utilisant
souvent sa propre histoire. Le film Mother Tongue réalisé en 2002 aborde la transmission orale
mère/fille au sein de sa propre famille. Le spectateur suit sur trois écrans, trois conversations en trois
langues différentes. Zineb Sedira parle français avec sa mère et sa fille même si chacune d’elles
répond dans une autre langue (arabe et anglais). Quand la même discussion s’installe entre la grandmère et la petite fille, la communication s’interrompt. Elles se rendent compte qu’il manque un trait
d’union à leur échange, un interprète en français.
The Lovers III est le résultat d’une démarche entreprise sur les bords des côtes mauritanienne.
Régulièrement, cette zone est le départ d’une population vers l’Europe mais également le retour
parfois macabre de cette même population. Ces deux chalutiers, témoins d’un rêve échoué, semblent
se soutenir l’un l’autre, éventrés, rouillés, déchiquetés puis laissés à l’abandon, après la catastrophe
que l’on devine à travers leur état de décrépitude. Installées dans une zone de « non lieu » où oiseaux
migrateurs, histoires commerciales et migrations cohabitent, ces épaves incarnent de douloureuses
histoires.
James CASEBERE
Né en 1953 à Lansing au Michigan
vit et travaille à New York
Landscape
2010
Photographie
Collectif Lumière, Marseille
Depuis les années 1980, l’œuvre de James Casebere est essentiellement constituée de photographies de
maquettes d’architectures. Casebere construit lui-même des modèles réduits d’architecture (en plâtre,
carton et polystyrène), soigneusement réalisés et peints, qu’il photographie ensuite. Par un éclairage et
des effets complexes de clairs obscurs, des angles de prises de vue générateurs d’effets théâtraux et
des tirages de grands formats, James Casebere met en scène une réflexion sur l’espace, la lumière et
l’architecture, où la figure humaine est absente et évoquée de manière allusive.
Sam GRIFFIN
Né en 1979 à Oxford
vit et travaille à Londres
Tresham’s Circuit
2007
Crayon sur papier
Collection privée, Paris
L’élément central de ce dessin de Sam Griffin est le Rushton Triangular Lodge situé dans le
Northhamptonshire en Angleterre. Construit en 1590 par Sir Thomas Tresham, le bâtiment représente
le désir de créer une représentation architecturale du chiffre 3, un chiffre au cœur de la foi religieuse
de Tresham, – fervent catholique et partisan de la Sainte Trinité. Construit à sa sortie de prison – il fut
emprisonné pour avoir refusé de se convertir au protestantisme
–, le bâtiment a été conçu comme le symbole architectural de la révolte des communautés religieuses
marginalisées et persécutées. Autour de cette image centrale figurent des restes du symbole hindou Sri
Yantra. Comme Tresham, qui utilisait la géométrie pour évoquer un système religieux, ce modèle fait
appel à des formes similaires (9 triangles isocèles de tailles différentes qui se croisent) pour exprimer
un modèle topographique de l’univers où figurent les chemins pour aller du monde matériel au monde
divin.
Philippe COGNÉE
Né en 1957 à Sautron (Loire-Atlantique),
vit et travaille à Vertou
Palais
2009
Peinture à la cire sur toile
Collection Hervé Lancelin, Luxembourg
Graveur, dessinateur et parfois sculpteur, Philippe Cognée est avant tout peintre. Objets du quotidien,
souvenirs de vacances, foules, supermarchés, architectures contemporaines, vues de ville depuis des
satellites, ce sont les thèmes banals et familiers que Philippe Cognée traite en série. Jetés sur la toile,
ces sujets sont magnifiés par les flous des tracés et des formes, résultats de la technique utilisée par
l’artiste. Philippe Cognée utilise une peinture à l’encaustique faite de cire d’abeille et de pigments de
couleur. Il recouvre sa toile peinte d’un film plastique sur lequel un fer à repasser chauffe la cire pour
la liquéfier, étalant et déformant les formes, créant un enfouissement trouble du sujet dans la matière.
Palais appartient à une série où Philippe Cognée s’interroge sur la relation entre psychisme et
architecture. Des monuments tels que le Centre Georges Pompidou, la Basilique Saint-Pierre ou le
Palais de justice de Nantes, conçu par l’architecte Jean Nouvel, apparaissent, au-delà de leur structure
réelle, comme des icônes de ce qu’ils incarnent. Ainsi, comme l’affirme Jean Nouvel, son bâtiment
matérialise « une représentation du pouvoir de la justice ».
Mohamed BOUROUISSA
Né en 1978 à Blida (Algérie),
vit et travaille à Paris
Le dos (série Périphériques)
Photographie C-print
Collection particulière
Mohamed Bourouissa se fait connaître par la série Périphériques, où il fixe les jeunes de banlieue dans
leurs activités quotidiennes. S’il part d’une base sociale, son travail est pourtant d’ordre plastique,
fonctionnant sur une géométrie émotionnelle. Il met en scène la banlieue en tant qu’objet conceptuel,
artistique dans des situations qui d’ordinaire seraient du ressort du photo-journalisme. En démontant
les clichés de ce sujet, il traite de la problématique du rapport de force et pose la question de la
mécanique du pouvoir.
Au terme de longs repérages, de castings avec des amis, Mohamed Bourouissa photographie des
situations qui n’ont rien d’angéliques. Il installe une violence latente dans ce qui fait penser à un faceà-face entre deux rivaux, loin de tout propos militant comme de toute esthétique spectaculaire.
L’éclairage urbain donne l’impression d’une scène de pleine lune ; le personnage à peine aperçu à
droite ramène le regard du spectateur sur le centre de la scène ; les cagoules renforcent l’impression de
mystère. Les divers éléments s’organisent ainsi pour conférer à cette scène « des banlieues » une
dimension historique.
Yang YONGLIANG
Né en 1980 à Shanghai,
vit et travaille à Shanghai (Chine)
Snow City Quaternity 4
2010
photographie
Collection particulière HBAdT – Quimper
Dès son plus jeune âge, Yang Yongliang a étudié la peinture traditionnelle chinoise et la calligraphie
auprès du grand maître Yang à Shanghai. Utilisant le medium de la photographie et inspiré par la
culture ancestrale et les fameux Shanshui, ces paysages de montagnes calligraphiés par les plus grands
artistes classiques depuis plus d’un millénaire, il crée de toute pièce un nouveau monde d’illusions,
une vision entre rêve et cauchemar, à la fois futuriste et séculaire. Mais le travail de Yang Yongliang
dépasse la notion de pastiche. Cette oeuvre par sa finesse, par sa texture, devient un shanshui
photographique. Le jeu sur les détails et les effets d’échelle, l’apposition de sceaux classiques à l’encre
rouge, le sens de la lecture de l’oeuvre, le tout composé en noir et blanc, font du travail de Yang
Yongliang le renouveau contemporain du shanshui. Cette œuvre est un saut dans le temps, du futur
vers le passé. Grâce à la technologie moderne, l’artiste transforme un paysage de grues et d’immeubles
de Shanghai en un site de la Chine ancienne. Si les anciens traduisaient par leur art le sentiment
profond qu’exerçait sur eux une nature qui semblait immuable, Yang Yongliang créer pour critiquer la
réalité qu’il a sous les yeux.
Lionel SABATTÉ
Né en 1975 à Toulouse
vit et travaille à Paris
Octobre (Loup en mouton de poussière)
2011
Poussière, vernis, structure métallique
Collection privée
Lionel Sabatté rend hommage aux créatures archaïques, et dévoile une réflexion sur le vivant et les
profondeurs de la conscience. Dans sa pratique artistique, Lionel Sabatté dialogue avec la matière
(poussière, morceaux d’ongles, peaux de pieds) en même temps qu’il réalise des dessins en béton. « Je
me plais à rechercher de nouveaux matériaux » nous dit-il. Artiste de l ‘expérimentation mais aussi de
la fantasmagorie, ses animaux évoquent des chimères. Les teintes sont minérales et la matière obtenue
suggère la rugosité de la peau. Son mode opératoire fonctionne tout particulièrement lorsqu’il crée
avec du presque rien, des résidus laissés par l’homme. La fragilité des objets et leur dimension
dérisoire donne à ses œuvres une charge émotionnelle, telles de petites vanités.
Julien SALAUD
Né en 1977,
vit et travaille à Orléans
Marcassin
2010
Animal taxidermisé
Collection Sylvie et Stéphane Corréard
Découvert en 2010, Julien Salaud s’est rapidement imposé sur la scène artistique en réalisant
notamment une installation permanente pour le nouveau Palais de Tokyo, Grotte stellaire, en 2012.
Dans sa pratique, les « Animaux constellation» occupent une place centrale. Alors que l’homme a
toujours vu dans la voûte céleste des figures animales, c’est dans les enveloppes corporelles de bêtes
taxidermisées que Julien Salaud imagine des constellations. Il procède d’abord avec une violence
sourde, chamanique, en enfonçant dans l’animal des clous selon une trame implacable. Puis ces clous
servent de support à un réseau d’entrelacs de fils, porteurs de perles multicolores. Julien Salaud réalise
de cette manière des sortes de masques mortuaires qui épousent l’anatomie de la bête. Cette pratique
de recouvrement ressemble à un rituel qui duplique et sacralise l’animal. De créature morte et
inoffensive il revêt le statut d’une entité chimérique. En recouvrant de fils ou de bijoux les animaux
empaillés, il revendique l’usage très féminin de la couture et de l’apprêt et s’inscrit dans le sillage
d’Annette Messager. Chaque pièce de Julien Salaud subjugue par son étrangeté, sa force poétique, son
imagination. On peut certes y ou même de Jean Cocteau pour certaines pièces voir de nombreuses
influences, dont celles de Jan Fabre, de Kiki Smith qui reprennent le motif du faune.
Charles FREGER
Né en 1975 à Bourges,
vit et travaille à Rouen
Wildermann
2012
Photographie
Collection Françoise et Jean-Claude Quemin
Charles Fréger poursuit, depuis 1999, un inventaire intitulé Portraits photographiques et uniformes où
il s’intéresse aux groupes sociaux comme les majorettes, les légionnaires, les travailleurs… Ces
images témoignent des singularités de chaque communauté et des différences qui peuvent s’y établir.
Charles Fréger s’intéresse à travers les costumes, les tenues ou masques portés aux règles et codes qui
régissent ces groupes. Wildermann s’inscrit dans cette démarche quasi anthologique. L’artiste a
parcouru une vingtaine de pays (Finlande, Allemagne, Grèce…) pour photographier la figure de «
l’homme sauvage ». Afin de célébrer le cycle de la vie et des saisons, des hommes reprennent des
rituels séculaires en se costumant de peaux de bêtes, de végétaux, d’ossements… Il expose
régulièrement ces clichés à travers le monde et les publie dans plusieurs ouvrages dont « Wilder Mann
ou la figure du sauvage » en 2012. Son approche des communautés et de l’aspect « tribu », a amené
l’artiste à fonder en 2002 un réseau de photographes européens : Piece of Cake (POC). Ce groupe
compte actuellement une vingtaine de membres.
Moussa SARR
Né en 1984 à Ajaccio
vit et travaille entre Hyères et Paris
Fredi la mouche
2010
Vidéo, 1 min 58
Collection Lemaître
Moussa Sarr est pour le moins laconique quand il s’exprime sur son travail : « Très souvent, je joue
avec ma propre image ; il s’agit de devenir un cliché pour tordre le cou aux clichés. » Il a finalement
raison, ses images sont explicites, elles résistent d’ailleurs au bavardage S’il est effectivement le sujet
de ses photographies et de ses vidéos, l’artiste dépasse largement les problématiques généralement
associées à la pratique de l’autoportrait (de l’autoreprésentation,
de l’auto-filmage, etc.) pour aborder un questionnement sur les stéréotypes et les préjugés raciaux,
sociaux ou sexuels, l’exercice du pouvoir et les discriminations qu’ils supposent, un questionnement
sur la morale et son principe simpliste de hiérarchie, un questionnement sur l’altérité qui le pousse à
revêtir l’habit de celui dont il diffère, éventuellement de l’ennemi juré. Si dans ses fables, Jean de La
Fontaine utilise l’animal comme métaphore des comportements humains, Moussa Sarr va jusqu’à
l’incarner. Après de nombreuses heures d’entraînement le performeur se film comme métamorphosé,
ici en mouche. Le combat du petit contre le grand commence. Il gesticule, s’agite mais résiste face à la
mort brutale que l’on réserve le plus souvent à l’insecte. Son prénom Fredi ? L’humour de l’artiste
fait-il référence ici à une mouche plus célèbre de Tex Avery… Freddy, la mouche malicieuse que l’on
chasse mais qui revient toujours plus facétieuse à chaque épisode ?
Emmanuel RÉGENT
Né à Nice, vit et travaille à Villefranche-sur-Mer et à Paris
La file optique
2013
feutre à encre pigmentaire sur papier
Collection G. + J. Fainas
Si Emmanuel Régent s’est tôt fait repérer avec son travail de dessin au feutre noir, figurant tant des
scènes de foule que des paysages de rochers au bord de mer, c’est que celui-ci s’offre à voir dans une
troublante ambiguïté. À première vue, par la radicalité de sa composition et par un effet plastique
d’implosion formelle, il renvoie le regard à une iconographie du désastre. Il n’en est rien cependant, et
les dessins d’Emmanuel Régent sont pleins d’une attente et d’une lenteur, voire de vide et d’absence.
Ils n’imposent pas une narration, mais paradoxalement une présence. Peintures poncées sur toiles,
immenses installations de blocs
d’inox en forme de pierres taillées qui suggèrent un paysage futuriste dévasté, dessins monumentaux,
plans sur la comète en forme de cornets de grandes feuilles blanches plantés dans des corbeilles à
papier…, l’art d’Emmanuel Régent multiplie les possibles d’une production à géométrie variable
autour des concepts volontiers opposés du peu, de l’absence, de la disparition, du nombre et du
recouvrement. Né à Nice, la trentaine à mi-temps, Régent développe une oeuvre singulière qui
compose aussi bien avec des pratiques convenues qu’avec des protocoles technologiques de pointe. Ce
en quoi il se dit intéressé par tout ce qui est de l’ordre d’un « basculement potentiel » et « d’un rapport
à l’incertitude et à la fragilité du visible ». Philippe Piguet (extraits d’Une troublante ambiguïté, in
L’oeil 653, exposition « Sortir de son lit en parlant d’une rivière » 2012/13 MAMAC, Nice).
Iris LEVASSEUR
Née en 1972 à Paris,
vit et travaille à Arcueil
De pitié
2010
Huile sur toile
Collection Philippe Piguet
Nombre d’œuvres d’Iris Levasseur avouent clairement leur dette, tant par leur composition que par le
jeu de postures des figures peintes, aux modèles qui les ont inspirées. Non seulement l’artiste ne s’en
cache pas mais elle le revendique en toute intelligence dans une démarche qui ne néglige rien des
exemples du passé et qui les assimile afin de formuler de nouvelles propositions. Il en est ainsi de cette
peinture intitulée De pitié (2010). La similitude phonétique du mot avec celui auquel renvoie le sujet
figuré évoque immédiatement à l’esprit et à la vue du regardeur la référence majeure au thème
religieux de la pietà. L’art d’Iris Levasseur est requis par une passion de l’image et les sources
auxquelles elle puise sont aussi bien concrètes que virtuelles. Des œuvres d’Enguerrand Quarton et de
Michel- Ange aux scènes de violence de Leon Golub, en passant par Dix, Beckmann, Hannah Höch,
Bacon, Freud, Klossowski ou Marlène Dumas, ces figures témoignent d’une préoccupation majeure,
celle de la question du corps dans l’espace. Elles entretiennent entre elles une relation spatiale qui
constitue la véritable raison d’être de la démarche du peintre. La relative monumentalité de leur
stature, la façon dont elles sont placées sur le devant de l’image nous les offrant à voir dans une
proximité certaine et l’intensité chromatique dans laquelle elles trempent contribuent à excéder cette
qualité de présence qui les singularise.
Giulia ANDEANI
Le ordeno a usted de que me quiera
2012
Acrylique sur toile
Collection particulière
Giulia Andreani tient un journal iconographique, images de la presse, captures d’écran, clichés
anciens, qu’elle utilise pour ses peintures. Elle se dit « iconophage » et réinterprète en monochromie
les visages d’acteurs, d’hommes politiques, de vedettes ou d’anonymes. Avec une technique, rappelant
celle de Gerhard Richter dans les années 1960, elle utilise du gris de Payne, mélange de noir, rouge et
bleu, proche de la teinte des vieilles photographies noir et blanc, brouillant ainsi les frontières entre la
peinture et la photographie. La couleur acrylique est posée très diluée, presque comme de l’aquarelle,
ce qui accentue le caractère fantomatique des modèles. La série des huit portraits a pour titre une
phrase que Franco écrit à Sofia Subiran en 1913 alors qu’il est follement épris de la jeune femme « je
vous ordonne de m’aimer ». C’est à l’aune de cette injonction que nous regardons ces différents
visages féminins. Derrière tous ces portraits magnifiés dans une atmosphère romanesque se cachent,
éternellement jeunes, les femmes des plus grands dictateurs de l’Histoire. Dans l’ordre de gauche à
droite, les premières dames dans l’ombre, les compagnes de : Mussolini, Ceaucescu, Mao, Hitler,
Franco, Salazar (son amour de jeunesse – il est resté célibataire), Staline et Pol Pot. Leur destin se lit-il
dans leurs traits, leur sourire ou leur regard ? L’histoire peut ici se réinventer, être manipulée pour se
plier à une nouvelle interprétation.
Éric POUGEAU
Né en 1968 à Paris,
vit et travaille à Paris
Ne me cherchez pas, je suis mort
2004
Photographie couleur
et encre sur papier d’écolier
Photographie © J-B Mariou
Collection privée, Paris
Une feuille de cahier, une photographie, une phrase. Un dispositif minimal, précis comme une piqure.
Une brève succession de mots, vite lue, immédiatement à relire : « Ne me cherchez pas je suis mort ».
Légende d’un au-revoir comme seuls les enfants en ont la clé. Au-dessus des mots, la petite
photographie. L’enfant, sa blouse bien boutonnée, ses mains posées bien à plat l’une sur l’autre, le
décor de plantes vertes. Le cliché d’école. L’obéissance parfaite, attendue. Sourire et regard vers
l’objectif : « On ne bouge plus ». Le cadre serré de l’image, la photographie proprement collée sur la
page à carreaux, l’écriture déliée, anodine. Usant de simplicité, Éric Pougeau impose une rupture
effroyable. Les sept mots résonnent comme une épitaphe. Souvenir de l’enfer, l’œuvre est salutaire.
L’enfant est sorti du cadre et s’est volontairement échappé. Instinct de survie animal. L’artiste montre
tout ; il habite chaque centimètre de la feuille d’écolier mais y disparaît. S’efface. Nous laissant face à
l’œuvre, face à nous. (Perrine Le Querrec, texte inédit, 2013)
Ida TURSIC et Wi l f r ied MILLE
Ida Tursic et Wilfried Mille sont nés en 1974 ; elle à Belgrade (Serbie), lui à Boulogne sur Mer
vivent et travaillent à Dijon.
Fall winter 07/08 Vol III issue 8
(D’après Ellen Von Unwerth)
Aquarelle sur papier
2008.
Collection du professeur
Depuis leur rencontre à l’École des Beaux-Arts de Dijon, Ida Tursic et Wilfried Mille font oeuvre
commune. Ils produisent des grandes toiles qui recyclent des images préexistantes puisées dans la
presse – ici le magazine de mode Purple Fashion –, ou sur internet, dont un certain nombre à caractère
pornographique. Les images sont retravaillées à l’ordinateur puis repeintes à l’huile ou à l’aquarelle.
Les deux artistes représentent des scènes où se côtoient le glamour, la pornographie, la mode, le luxe,
la mort… Ce sont des peintres de la vie ultra moderne, de sa vulgarité, de ses excès – excès d’images
sur lesquelles ils rajoutent encore et encore des couches innombrables, jusqu’à l’écœurement.
Mathieu PERNO T
Né en 1970 à Fréjus, vit et travaille à Paris
Les Migrants, 2009, photographie
Collection privée
J’ai réalisé la série des « Migrants » pendant l’été 2009 à Paris, à proximité du square Villemin dont ils
avaient été expulsés peu de temps avant. Je me suis longtemps interrogé sur ces questions de frontières
et de migrations clandestines qui ont connu leur apogée médiatique en septembre 2009 au moment de
l’évacuation de la jungle de Calais. Comme souvent, j’allais me retrouver là où les autres
photographes allaient, là où la question de la représentation d’un « état du monde » prenait un sens
particulier. Que montre-t-on quand on photographie un migrant ? Que pouvait-on voir dans la forêt de
Calais ? Après avoir passé plusieurs après-midi aux côtés de ces groupes d’Afghans, j’ai décidé de
travailler autrement, de ne pas essayer de créer de lien, de m’en tenir à ce que tout le monde pouvait
voir à condition de bien vouloir regarder. Je suis allé les photographier très tôt le matin, dans le temps
que je disposais entre le lever du jour et la présence de la police venue les réveiller.
Je les ai photographiés dans leur sommeil, le corps caché par un tissu, un drap ou un sac de couchage
les recouvrant. Invisibles, silencieux et anonymes, réduits à l’état de simple forme, les individus se
reposent et semblent se cacher, comme s’ils voulaient s’isoler d’un monde qui ne veut plus les voir.
J’ai été ému par la présence de ces « refoulés » de l’histoire, ces figures d’une mondialisation inversée.
J’ai été troublé par la beauté ambiguë de ces formes qui rappelaient celles d’une autre Histoire. J’ai
pensé que la meilleure image à faire était celle de leur sommeil, de cet ailleurs que l’on ne connaîtra
jamais et qui constitue sans doute leur dernière échappée. Je n’ai pas voulu les réveiller. Je n’ai rien vu
des migrants.
Mathieu Pernot
Théo MERCIER
Né en 1984 à Paris
vit et travaille à Paris
Monture d’après la mort
2012
Résine, silicone, cheveux
Collection Sylvie et Stéphane Corréard
Théo Mercier a fait irruption sur la scène artistique en 2009. Il expose alors dans le cadre de Dynasty
(au Palais de Tokyo et au Musée d’art moderne de la ville de Paris) son Solitaire : une forme
monumentale, engluée sous des spaghettis, assise sur un tabouret de cuisine démesurément petit, d’où
émergent deux petits yeux. Avec quelques sculptures inventives, mystérieuses et émouvantes, Théo
Mercier s’est imposé comme un nouveau point de repère sur la scène française, assumant l’héritage
surréaliste qu’il associe avec la culture punk ou le vaudou. En 2012, il présente cette oeuvre dans une
exposition au Tri Postal, dans le cadre de Lille 3000. Envahi de souvenirs d’une civilisation
indéfinissable, l’espace est scandé de silhouettes et de groupes, variations macabres autour de la figure
des fantômes et des écorchés, mêlant humains et animaux dans un même destin grimaçant. Hiératique,
ce cheval
émerge. D’une précision anatomique dérangeante, son squelette est recouvert d’une
pâtée, indistinct mélange de chair vermillon et de graisse blanchâtre. Comme toujours chez Théo
Mercier, l’humanité perce sous le fantastique.
Damien Deroubaix
Né en 1972 à Lille
vit et travaille à Berlin
To walk the infernal Field
2010
Encre, aquarelle, acrylique
et collage sur papier
Collection particulière
Damien Deroubaix est souvent présenté comme le plus allemand des artistes français. Dans ses
peintures il associe les références historiques Dada, Bacon, Hearthfield à l’esthétique trash et à
l’idéologie politique des groupes grindcore. Pour ce faire il crée un langage visuel qui associe
l’iconographie de la danse macabre, l’esthétique simplifiée des bandes dessinées underground et les
allusions à la culture death metal. Le foisonnement dans ses peintures (dû au mélange de techniques,
matières et références) et les sujets qu’il représente accentuent un sentiment de violence. L’artiste
explique que « La peinture c’est ce que tu as dans le ventre et ce que tu en fais ». Il utilise aussi
l’aquarelle, technique qui est plutôt réservée aux belles images pour peindre une réalité dure et
incisive, laissant couler la couleur comme des humeurs corporelles. Le travail sur papier oblige
l’artiste à travailler rapidement et lui permet de reprendre, découper, coller, agencer sa composition.
Son monde pictural est d’abord un espace de réflexion à travers des images dialoguant avec des
cultures et des époques diverses pour mieux nous révéler notre propre temps.
Valérie BELIN
Née en 1964 à Boulogne-Billancourt
vit et travaille à Paris
Velvet Centaurea Black-Eyed Susan
2010
Impression pigmentaire sur papier marouflé
sur Dibond
Collection Frédéric Morel
Fondé sur un protocole précis, le travail de la photographe Valérie Belin peut être considéré comme
une tentative obsessionnelle d’appropriation du réel. Dans ses oeuvres, le traitement particulier des
êtres et des choses frappe par son caractère à la fois spectaculaire et dépouillé. Son travail se
développe par séries d’images fondées sur un jeu subtil de répétitions et de variations. La frontalité
absolue du point de vue, la bi-dimensionnalité radicale, l’absence de contexte et la taille des formats
donnent valeur d’icône aux divers sujets choisis pour leur puissance à évoquer les incertitudes et les
paradoxes du « vivant ». Dans ses premières séries, notamment celles consacrées aux vases et verres
en cristal (1993), Valérie Belin travaillait uniquement sur le spectre lumineux des objets, en restant
très proche du procédé originel de la photographie. Au contraire, dans ses toutes dernières créations,
couleur ou noir et blanc, les nouvelles technologies de l’image lui offrent la possibilité d’un traitement
plus libre, voire plus pictural et onirique du sujet. Les outils contemporains ont amené l’artiste à
envisager la photographie au-delà de sa nature analogique. Ainsi, bien plus qu’un médium figuratif, la
photographie offre à l’artiste la possibilité de sonder l’évanescence des frontières entre réalité et
illusion, révélant la dimension surréelle de ses portraits.
Carlos AMORALES
Né en 1970 à Mexico
vit et travaille à Mexico
Sans titre
2009
Collage
Collection Pierre, Claude et Hercule-Auguste Berend
L’univers de Carlos Amorales est inspiré par le monde fantastique et l’art de l’horreur apparu au xixe
siècle. Depuis une quinzaine d’années, Carlos Amorales développe un alphabet visuel constitué de
dessins vectoriels qu’il utilise dans l’ensemble de ses créations (dessins, sculptures ou installations).
Cet alphabet est constitué de silhouettes que Carlos Amorales collecte dans des magazines ou des
journaux. Celles-ci peuvent représenter des animaux, des personnages en mouvement, mais aussi des
accidents de voitures ou d’avions, des attaques terroristes, des scènes de violence urbaine, des
désastres écologiques.
La façon dont Carlos Amorales associe ces images contribue à créer un environnement angoissant,
renforcé par la couleur noire des silhouettes stylisées, et sans relief. Amorales puise dans cette base de
données, dont il se sert comme d’un outil, qui va lui permettre de créer de nouvelles images et
installations.
Zilvinas KEMPINAS
Né en 1969 en Lituanie
vit et travaille à New York
Oasis
2010
Ventilateur, film magnétique
Collection Antoine de Galbert, Paris
Zilvinas Kempinas s’intéresse à l’art cinétique et expérimente les possibilités de mouvements dans
l’œuvre d’art. Dans ses installations, il utilise des ventilateurs industriels dont le souffle fait flotter une
ou plusieurs boucles de bandes magnétiques qui ondulent dans l’espace, dessinant des formes
aléatoires. La bande-vidéo est ici détournée de son usage habituel, elle est utilisée comme une matière
sculptée dont toutes les propriétés physiques sont révélées : légèreté, mobilité et transparence. Il joue
également sur les qualités graphiques de la bande magnétique inhérentes à sa couleur et à sa texture,
réfléchissant la moindre source de lumière. Les installations de Zilvinas transforment le lieu
d’exposition en un espace en mouvement, créant un univers mystérieux et poétique où le spectateur
évolue. Elles produisent une impression étrange, la démarche de l’artiste procède d’un démantèlement
de nos acquis perceptifs, sensoriels et imaginatifs en une série d’impressions auxquelles sont liées des
temporalités diffuses.
Stéphane THIDET
Né en 1974 à Paris,
vit à Paris et travaille à Aubervilliers
Le son du sol
2010
Micro, acier, câble, moteur, ampli basse
Collection Antoine de Galbert, Paris
Un microphone suspendu au bout d’un câble tourne lentement en frottant le sol. Un grondement
orageux est produit par cette lente progression. Stéphane Thidet n’a de cesse de remettre en question la
réalité quotidienne afin d’entraîner le spectateur vers un ailleurs, une autre réalité imprégnée de
fictions poétiques. Pour cela, il crée des petites mises en scène qui s’appuient sur des situations de la
vie courante et nous parlent de l’oubli, de l’érosion du temps, de l’enfance, dans le but illusoire de
reconstruire des moments ou des situations.
Parallèlement, Stéphane Thidet participe à de nombreux projets collectifs où il travaille directement
sur l’espace pour le métamorphoser. C’est ainsi qu’il réalisé La Meute en
2009, où il lâche des loups dans les douves du château des Ducs de Bretagne à Nantes. Ces loups
surgissant du passé opèrent une condensation temporelle où le présent et un temps lointain sont pris
dans une même temporalité.
Loris GRÉAUD
Né à 1979 à Eaubonne (Val-d’Oise),
vit et travaille à Eaubonne
Nothing Left To Falsify
2012
polystyrène, BA13, résine, charbon de bois,
Collection Blidar-Verjus
Loris Gréaud est apparu dans le champ de l’art contemporain au milieu des années 2000 et très
rapidement ses projets ambitieux et étonnants ont fait de lui une figure majeure du paysage artistique
international. Son travail s’apparente à des superproductions qui questionnent cette notion d’art total,
si chère aux artistes du XXe siècle. L’artiste en tant que grand perfectionniste cherche toujours à
repousser les limites, les siennes comme celles des institutions. Cela le conduit à réinventer toujours,
engageant alors tout ce qu’il a, son énergie, son corps et sa vie, comme il le précisait récemment dans
une interview. Nothing Left to Falsify est le résultat d’une série d’expériences entamée par Loris
Gréaud en 2010. Il s’agit à proprement parler de la destruction de ses épreuves d’artiste, copies
personnelles et en quelque sorte capital de l’artiste, réduit ici en cendres. L’artiste propose ainsi un
geste fort, de non économie, qu’il place d’ailleurs au cœur de sa pratique « pas d’économie d’idées, de
formes, de ma personne, mais une combustion perpétuelle ». À travers ce procédé, il tend également
à accumuler de l’énergie électrique, capturée dans cet instant de combustion, dans une série de «
batteries » qui serviront d’alimentation, de carburant, aux prochains projets.
Vincent GANIVET
Né en 1976 à Suresnes
vit et travaille à L’Île-Saint-Denis
5 minutes de détresse
2011
Fumée sur toile
Collection Jean-Paul Chatenet
Avec obstination et acuité, Vincent Ganivet déploie depuis une décennie des stratégies pour détourner
le quotidien. À partir d’un vocabulaire plastique élémentaire, sa politique globale est celle du contreemploi : sous ses doigts, les gravats deviennent matière à paysages, les dégâts des eaux s’exposent, la
poussière forme des constellations, les feux d’artifices se tirent en plein jour et les arches de parpaing
s’envolent. De son expérience des chantiers, l’artiste a pris le goût des matériaux simples et modestes :
ses œuvres font converger l’univers du BTP (ses éléments bruts, sa charge constructive), les jeux
modulaires (assemblage, empilement, tension et mise en équilibre) et la recherche du dépassement.
Pour 5 minutes de détresse, Vincent Ganivet utilise les débordements du quotidien qu’il intègre dans
une pratique artistique de l’absurde et de l’éphémère. Rouge et imposant de loin, le tableau
monochrome vu de prêt apparaît déglingué. Peint à grands coups de fusées de détresse, il tient sa
couleur du rouge poudreux des fumigènes qui ont servi à sa réalisation. L’artiste replace la notion de
risque à un autre degré sur l’échelle de la prudence. La norme, en matière de sureté, c’est le principe
de précaution, c’est-à-dire réduire le risque pour préserver de l’accident. Vincent Ganivet inverse les
valeurs : sans accident, il utilise la fusée de détresse pour signaler l’urgence de la peinture.
CLAIRE FONTAINE
Artiste collective fondée en 2004
vit et travaille à Paris
France (burnt/unburnt)
2011
Allumettes
Collection Antoine de Galbert, Paris
Après avoir tiré son nom d’une marque populaire de cahiers pour écoliers, Claire Fontaine s’est autodéclarée une « artiste ready-made » et a commencé à élaborer une version d’art néo-conceptuel qui
souvent ressemble au travail d’autres artistes. Elle utilise le néon, la vidéo, la sculpture, la peinture et
l’écriture. Sa pratique peut être décrite comme un questionnement ouvert de l’impuissance politique et
de la crise de la singularité qui semble caractériser l’art contemporain aujourd’hui. Claire Fontaine se
sert de sa fraîcheur et de sa jeunesse pour se transformer en singularité quelconque et en terroriste
existentielle en quête d’émancipation. Elle pousse au milieu des ruines de la fonction auteur, en
expérimentant, avec des protocoles de production collectifs, des processus de détournements et la mise
en place de divers dispositifs pour le partage de la propriété intellectuelle et de la propriété privée.
DEWAR et GICQUEL
Daniel Dewar, né en 1976 à Forest Dean (Royaume Uni)
Grégory Gicquel, né en 1975 à St Brieuc
vivent et travaillent à Paris et en Bretagne
Le Menuet
2012
Gif animé ; boucle de 3 secondes
Collection lilloise
Les films d’animation de Dewar & Gicquel montrent d’énormes tas d’argile à des stades
intermédiaires entre la motte informe et le nu masculin, en passant par la sculpture animalière. Les
scènes photographiées dans des environnements campagnards, sous des éclairages différents, sont
animées selon le procédé le plus simple qui existe, image par image. Il s’agit de sculptures en terre
crue qui ne subissent aucune cuisson et restent donc modifiables à l’infini. Seule l’image
photographique leur donne une forme fixe. Cet aspect de leur travail n’est pas sans rappeler le landart
anglais des années 1980, où l’intervention extrêmement physique de l’artiste se trouve souvent réduite
à une suite d’images superbement agencée. Dans leurs films d’animation, Dewar et Gicquel
réexaminent entre autres la relation entre l’objet et sa représentation en essayant d’évaluer la capacité
de l’image à restituer les trois dimensions.
François LORIOT & Chantal MELIA
Nés en 1947
vivent et travaillent à Clisson
Le petit monde de l’art
1994
Installation
Collection B. Henry
François Loriot et Chantal Mélia travaillent ensemble depuis plusieurs années. C’est en 1992 qu’un
micro-événement allait servir de déclencheur à leur démarche artistique: « Le hasard a voulu que l’on
repère, ensemble, sur le mur, une très extraordinaire tache de lumière. Subjugués par le mystère de
cette tâche, nous sommes restés un long moment à la décrypter. L’énigme fut résolue lorsque l’on vit
le chat s’étirer : il s’était endormi en cachant une partie
du miroir posé sur le lit encombré d’objets divers. Le chat sauta, l’image disparut, le mirage était fini.
» Dans cette anecdote apparaissent les grands principes qui définissent leur processus créatif : le
hasard, le regard sur le monde quotidien, les reflets, l’illusion des images, la résolution de l’énigme, le
mouvement. Les Loriot-Mélia sont des manipulateurs espiègles, ingénieurs-poètes, créateurs de
mirages… Leurs oeuvres n’existent que lorsque la lumière jaillit. C’est souvent par un habile
assemblage de miroirs ou d’objets réfléchissants avec des bouts de carton, des petits jouets en
plastique, des débris de vaisselle, des rebuts informes et des papiers de bonbons que les artistes font
naître en découpant la lumière des objets immatériels.
Olivier MASMONTEIL
Né en 1973 à Romilly-sur-Seine
vit et travaille à Paris
Sans titre (paysage nu)
2012
huile sur toile
Collection Françoise et Jean-Claude Quemin
Olivier Masmonteil se consacre exclusivement à la peinture de paysage. Artiste globe-trotter, il réalise
en 2012 son deuxième tour du monde en Asie et en Amérique du Sud. L’artiste commente ainsi son
travail : « Trop longtemps, l’horizon me parut trop proche. Tout compte fait, c’est une chimère, un
leurre après lequel j’ai couru pour finir par m’apercevoir qu’au-delà il n’y avait rien, j’ai cherché après
et j’y ai découvert un nouveau territoire : celui de la surface peinte. Ce nouvelle espace qui naît du
désir de peindre, s’accomplit dans le plaisir de peindre. Ainsi, rendue possible, la peinture se sert du
paysage, transforme le sujet en outil et l’outil en sujet. […] La possibilité de peindre ressemble à un
voyage vers ces territoires inconnus. La toile vierge d’un tableau est une surface sans profondeur et
pourtant, il suffit de la crever d’une tache de peinture pour que l’espace et le temps viennent s’y
plonger. De ces quelques touches de peinture vont naître des lumières familières et des lieux inconnus,
mais le vrai sujet ne se trouve pas ici. Il est ailleurs, dans les recoins de tout ce qui n’a pu être nommé.
Chaque peinture a un secret caché dans l’évidence de ce qui est montré, comme un rond silencieux à la
surface de l’eau cache la chute d’une pierre ou bien la présence d’un poisson. Pour dévoiler ce secret il
faudra laisser au temps la possibilité d’agir, et peut être renoncer à un dernier voyage. De toute façon
au-delà de l’horizon il n’y a rien sinon soi-même. »
Laurent PERNOT
Né en 1980 à Lons-le-Saunier
vit et travaille à Paris
Captivité
2012
Cage, néon, gravier noir
Collection Gilles et Marie-Françoise Fuchs, Paris
Diplômé en photographie et multimédia de l’Université e Paris VIII puis du Fresnoy, Laurent Pernot
poursuit depuis un parcours singulier ponctué de résidences et d’expositions en France et à l’étranger.
En privilégiant toutes les formes d’expressions, de la réalisation d’installations
à la production d’images, Laurent Pernot expérimente des processus temporels, poétiques et
immersifs. Ses productions s’articulent de façon récurrente autour des notions de visible et d’invisible,
du temps et des égarements de la mémoire, en s’inspirant de l’imaginaire des sciences et de l’histoire.
L’identité, la fragilité, l’origine et les limites du vivant sont parmi ses thèmes de prédilection.
L’exploration du potentiel fictionnel des espaces d’exposition et la relation au spectateur sont
également déterminantes pour l’artiste. Captivité souligne la difficulté dans notre société actuelle de
laisser la nature libre d’évoluer. La lune, symbole de rêverie, est aujourd’hui soumise à la conquête
spatiale et va bientôt devenir la « banlieue » de la Terre. Objet de convoitise, l’astre a, dès lors, un peu
perdu de sa magie et de son mystère.
HEHE COLLECTIF
Collectif créé en 1999 composé de Helen Evans, née en 1972 (Royaume-Uni), et de Heiko Hansen, né
en 1970 (Allemagne),
vivent et travaillent à Paris
Toy emissions (My friends all drive Porsches) New york
2007,
Vidéo, 3 min 08
Collection privée
Cette étrange vidéo met en scène le modèle réduit d’une Porsche Cayenne quelque peu en danger
parmi les véhicules de taille réelle d’une avenue new yorkaise. Celle-ci est téléguidée par les membres
du collectif HeHe durant une performance urbaine réalisée lors d’une résidence à l’Eyebeam. « Notre
première impression de New York a été le grondement incessant de la circulation et le spectacle
quotidien des énormes véhicules 4x4, dont le spécimen le plus proéminent et le plus emblématique est
la Porsche Cayenne », nous disent-ils. C’est avec ce jeu sur les échelles qu’ils décident de mettre en
lumière la puissance de véhicules parmi les plus polluants dans cette ville où tout est possible. Le jouet
des artistes est équipé de fumigènes colorés jaune, rose, vert, bleu ou violet, ce qui ne manque pas de
surprendre les passants. Ainsi modifiée par les artistes, cette Porsche Cayenne a tout d’une grande.
François MORELLET
Né en 1926 à Cholet
vit et travaille à Cholet
2 trames strip-teasing (0°-15°)
2008
Acrylique sur toile sur bois
collection Nomodos
Depuis 1952, François Morellet utilise avec humour des règles mathématiques et des formules
géométriques pour créer des oeuvres abstraites qui s’inscrivent dans le courant de l’art concret. Il
invente des règles, parfois absurdes, et joue du hasard. L’artiste, une fois qu’il a arrêté une règle, se
laisse guider, la réalisation étant la plus neutre possible, souvent confiée à un assistant.
La trame est un des éléments mathématiques fondateur du travail de Morellet par son utilisation qui
laisse de la place au hasard. Aucun élément n’est donc privilégié dans la structure formelle : la toile
pourrait se poursuivre à l’infini. Les procédures de décisions qui président au tableau sont élaborées
avec précision mais leurs applications sont aléatoires. Régie par des systèmes et des règles logiques, la
géométrie abstraite de François Morellet refuse l’arbitraire de la création inspirée et des épanchements
de la subjectivité.
À cheval entre Dada et l’abstraction géométrique, l’art de Morellet, s’il peut facilement se décrire en
donnant la règle qui a permis sa construction, reste cependant toujours lié à quelques décisions
arbitraires : la couleur, l’épaisseur du trait, le matériau employé, etc.
Latifa ECHAKHCH
Née en 1974 à El Khnansa (Maroc),
vit et travaille à Martigny (Suisse)
Tambours 26,
2010
Encre indienne noire sur toile
Groupe Élysées Monceau
Née au Maroc, arrivée en France à l’âge de 3 ans et vivant la plupart du temps en Suisse, Latifa
Echakhch propose une oeuvre multi-référentielle, multidirectionnelle et protéiforme à l’image de son
parcours personnel, de ses voyages et de ses centres d’intérêt. L’artiste convoque à la fois la
géographie, la notion de culture, les histoires personnelles ou collectives, et les replace au cœur d’un
débat social et politique. Latifa Echakhch a pour habitude de produire des œuvres installations en lien
direct avec l’espace dans lequel elle intervient. Présentée en 2003 au Musée d’Art Contemporaine de
Lyon, cette œuvre s’inscrit dans la série des « Tambours ». L’artiste a fait s’égoutter sur des toiles
rondes de l’encre noire. Suivant le temps d’écoulement, le cercle noir et les tâches autour sont plus ou
moins présents. Le regard du spectateur est happé par ce trou « noir » où à la fois le regard se perd et
se confronte.
Claude RUTAULT
Né en 1941 aux Trois Moutiers
vit et travaille à Vaucresson
DM 145 légende
1985
Collection particulière
Alors que les œuvres du collectionneur vieillissent avec lui, seule une définition/méthode de Claude
Rutault se joue du temps. En 1973, celui-ci réalise sa première toile peinte de la même couleur que le
mur sur laquelle elle est accrochée. Ainsi, les œuvres de Claude Rutault ne sont pas figées ; comme
pour toutes les définitions/méthodes qui suivront, il suffit de les actualiser régulièrement, c’est-à-dire
de repeindre la toile en même temps que le mur, dans le respect de son énoncé. Elle aura ainsi toujours
l’éclat de sa jeunesse. Les d/m de Rutault ne sont pas des objets finis, elles affrontent l’éternité par
couches successives.
Pour chaque définition/méthode, Claude Rutault émet un certain nombre de règles tenant compte de
l’environnement (une galerie, un musée, un particulier, etc.), du contexte (une exposition thématique,
de groupe, une rétrospective, etc.) et met ainsi la peinture « en exposition ». Ici, il y a non seulement
une toile peinte de la même couleur que le mur mais le cartel est lui aussi une petite toile de la même
couleur. L’artiste souligne ainsi que, lors de la découverte d’une œuvre, le visiteur regarde souvent
autant l’œuvre que le cartel qui lui apporte des informations et lui permet de comprendre l’œuvre.
Nicolas CHARDON
Né en 1974 à Clamart,
vit et travaille à Paris
Le Troisième carré
2008
Acrylique sur tissu
Collection Alain Le Provost
La pratique picturale de Nicolas Chardon consiste à tendre sur un châssis un tissu à carreaux (madras,
écossais, damier, vichy, etc..) et à se servir de cette trame pour en peindre la surface. Les formes alors
délimitées - lignes, carrés, rectangles- donnent naissance à une géométrie souple. Si les références
avec les pionniers de l’abstraction sont clairement visibles, l’artiste souhaite aller plus loin dans sa
démarche artistique qu’une simple citation. À y regarder de plus prés les carrés ne sont pas si carrés et
les toiles semblent dans certaines œuvres se détendre afin d’accentuer la déformation des figures
géométriques. L’œuvre Le Troisième carré associe plusieurs références à l’histoire de l’art en
s’inspirant des retables (la forme des toiles et leur disposition) et des célèbres carrés de Malévitch (le
motif et le titre).
CLAIRE FONTAINE
Artiste collective fondée en 2004
vit et travaille à Paris
France (burnt/unburnt)
2011
Allumettes
Collection Antoine de Galbert, Paris
Après avoir tiré son nom d’une marque populaire de cahiers pour écoliers, Claire Fontaine s’est autodéclarée une « artiste ready-made » et a commencé à élaborer une version d’art néo-conceptuel qui
souvent ressemble au travail d’autres artistes. Elle utilise le néon, la vidéo, la sculpture, la peinture et
l’écriture. Sa pratique peut être décrite comme un questionnement ouvert de l’impuissance politique et
de la crise de la singularité qui semble caractériser l’art contemporain aujourd’hui. Claire Fontaine se
sert de sa fraîcheur et de sa jeunesse pour se transformer en singularité quelconque et en terroriste
existentielle en quête d’émancipation. Elle pousse au milieu des ruines de la fonction auteur, en
expérimentant, avec des protocoles de production collectifs, des processus de détournements et la mise
en place de divers dispositifs pour le partage de la propriété intellectuelle et de la propriété privée.
Morgane TSCHIEMBER
Née en 1976 à Brest
vit et travaille à Paris
Running bond
2007
Parpaings et mortier teinté
Collection Raymond Azibert
Après des études à l’École d’art de Quimper, Morgane Tschiember obtient le diplôme de l’École
nationale supérieure des beaux-arts en 2002. Lauréate du Prix Espace Paul Ricard en 2001, où elle
travaille alors avec Olivier Mosset. Sculpter est, pour l’artiste, le moyen d’étudier la relation entre les
objets et les lieux, en essayant toujours de mettre en valeur les deux et d’offrir au visiteur une
expérience artistique. Morgane Tchiember se considère comme une artiste « classique », travaillant sur
les éléments fondamentaux de la sculpture tels que la forme, la couleur, la matière. « Chaque espace a
ces spécificités et l’œuvre comme le corps doit trouver sa place, son lien avec l’environnement dans
lequel il s’inscrit. J’ai présenté pour la première fois un mur de parpaings avec du liant rose à la
Galerie Loevenbruck, dont j’ai obturé la vitrine. Running bond prend un nouvel agencement en
fonction du lieu dans lequel elle s’inscrit. J’ai décidé de modifier l’environnement existant. […] Le
mur lui-même fait partie de mes préoccupations, et renvoie à d’autres de mes œuvres. D’ailleurs, pour
moi, le mur et la route sont liés, d’abord physiquement, puis formellement. La route n’est qu’un mur
tombé au sol. Travailler sur des murs et des routes, l’une devenant d’ailleurs l’autre, est une autre
façon de travailler avec l’espace ; dans ces cas là, la pièce participe, elle-même, à la structuration de
l’espace. » Morgane Tschiember
Évariste RICHER
Né en 1969 à Montpellier
vit et travaille à Paris
Cumulonimbus capillatus incus
2008
8 000 dés à jouer
Collection Daniel Bosser
Posé à même le sol comme un siège, un cube constitué de milliers de dés multicolores attire le regard.
Si la première impression est toute de rigueur et stabilité, on s’aperçoit en se penchant que les dés sont
seulement posés les uns sur les autres, formant un édifice qu’un geste maladroit pourrait faire valser.
On ne s’assied pas si facilement sur le hasard, surtout quand il s’appelle Cumulonimbus capillatus
incus, du nom de ce nuage dense et puissant qui s’étale sur nos têtes déclenchant les foudres et la
grêle. Du coup de dé au casse-tête mathématique, des avalanches aux phénomènes atmosphériques,
des profondeurs insondables à la distance infinie des astres, Évariste Richer se confronte
inlassablement à toutes sortes d’énigmes et en explore les différentes facettes. Son œuvre s’apparente
à une forme d’exploration scientifique et systématique de sujets, formes et matières.
Carlos AIRES
Né en 1974 à Malaga
vit et travaille à Madrid
Copla
2010
Couteaux de cuisine gravés au laser, aimant
Collection famille Servais, Bruxelles
La « copla » est une forme de chanson populaire andalouse, qui appartient au genre du flamenco. Elle
se fait le reflet des passions humaines. Les paroles de ces chansons revêtent un caractère très
dramatique. « L’expression “amour viscéral” et son lien avec l’amour sous sa forme la plus absolue
m’a toujours semblé étrange. Les viscères sont les entrailles des hommes, et la combinaison entre ce
sentiment et cet organe apporte à l’amour un caractère violent, douloureux et sanglant. Il faut savoir
qu’en Espagne les crimes passionnels font la une des journaux chaque semaine. La plupart du temps,
le caractère passionnel de ces assassinats se traduit par l’arme du crime, un couteau. Ces deux idées
sont le moteur de l’oeuvre Copla. Le titre fait aussi référence à un souvenir personnel : celui de ma
mère et de ma grand-mère qui cuisinaient dans la maison familiale en chantant des coplas. Des paroles
de chansons ont été gravées sur les lames de manière à ce que les couteaux restent utilisables. Ces
chansons d’amour célèbres acquièrent alors une nouvelle signification : How deep is your love, Take
my breath away, Killing me softly, I´ve got you under my skin… J’aime imaginer cette oeuvre dans une
cuisine et que quelqu’un s’en serve pour préparer un gaspacho. » Carlos Aires
Étienne BOSSUT
Né en 1946 à Saint-Chamond
Vit et travaille à Rennes
Tiré à part
2009
Polyester
Collection JMR, Paris
Depuis la fin des années 1970, la technique du moulage, reformulée et déplacée, est au centre du
travail artistique d’Étienne Bossut. En effet, de simple processus de fabrication, la technique devient le
support d’une réflexion plus globale sur l’art et la sculpture. Ainsi, des objets artistiquesou du
quotidien sont moulés de manière artisanale en polyester coloré – valises, bidons, voitures, bottes,
skis, disques vinyles ou peintures monochromes –, copies fidèles mais jamais tout à fait identiques à
l’original. En transformant des objets du quotidien en répliques, Étienne Bossut introduit le trouble et
le doute dans le regard du spectateur et pose la question du statut de l’objet et de sa représentation.
Avant de réaliser ses moulages, Étienne Bossut dessine beaucoup. C’est sa façon à lui de réfléchir, de
tester les couleurs, les échelles, les assemblages. « Un " tiré-à-part ", nous précise le critique d’art
Didier Semin, dans le vocabulaire de l’édition, est l’impression surnuméraire d’un seul article, inclus
dans un ouvrage généralement volumineux, et dont l’éditeur faisait don à l’auteur. Chez Bossut, cela
devient le moulage – le tirage – d’une poêle à frire criblée de balles, une nature morte ; c’est une
Vanité contemporaine ».
Guillaume LEBLON
Né en 1971 à Lille
vit et travaille à Paris
Set of shelves
2007
Métal, verre
Collection Daniel Bosser
Guillaume Leblon réalise principalement des films et des installations d’objets qui interrogent et
transforment la perception de l’espace. Ses sculptures se construisent à partir d’objets de récupération,
des éléments identifiables : étagères, meubles à papeterie, à pharmacie, qui servent à stocker et à
classer. Il utilise des matériaux modestes, qui semblent marqués par l’altération. « Le rapport de
l’oeuvre à son image a beaucoup existé dans mon travail. J’empruntais souvent mes titres à des
illustrations d’architecture, afin de situer spatialement le spectateur par rapport à l’objet regardé. Mais
l’architecture ne m’intéresse pas en tant que telle. Elle m’intéresse parce que j’y habite. Les effets
d’échelle sont pour moi un moyen de jouer avec le corps du spectateur, qui a lui aussi une échelle
définie dans l’espace. Ce qui me paraît fondamental dans mon travail, c’est la manière dont les objets
interrogent le corps du spectateur, comment ils habitent l’espace et quelles stratégies je déploie pour
les faire exister dans des espaces donnés, à chaque fois différents. » Guillaume Leblon.
Tatiana TROUVÉ
Née en 1968 à Cosenza (Italie)
vit et travaille à Paris
Sans titre
2009
Métal, béton
Collection lilloise
Dans ses installations, Tatiana Trouvé décrit les frontières mentales et physiques où le temps, l’espace
et la mémoire se rencontrent. Sans titre est composé de moules cylindriques de ciment placés en bas
d’un mur avec leurs conduits de chauffage apparents. Ces « non-radiateurs », avec leurs tuyauteries
convaincantes mais inutiles partant du sol jusqu’au plafond, sont typiques des intérieurs éviscérés de
Trouvé qui reflètent des espaces quotidiens et des endroits réels. Les « drames environnementaux »
qui en découlent sont remplis de mélancolie mais restent hautement chargés en émotion, oscillant
entre le réel, l’imaginaire et le fantasmatique.
Camille HENROT
Née en 1978 à Paris
vit et travaille à Paris
Tevau
2010
Lance à incendie, bois, corde, métal
Collection Jennifer et Adrien Fuchs
D’abord reconnu pour ses vidéos et films d’animation qui mêlent dessin, musique et images
cinématographiques, parfois grattées ou retravaillées, le travail de Camille Henrot brouille les
catégories traditionnellement de l’histoire de l’art. Ses oeuvres récentes qui se déclinent sous forme de
sculptures, dessins, photographies, et toujours films, traitent de la fascination exercée par l’ailleurs et
par l’autre (géographique, mais aussi sexuel), fascination reprise dans
les mythes populaires modernes (comme celui de King Kong ou de Frankenstein) dont s’inspire
Camille Henrot. Pour la série de sculptures Espèces menacées, par exemple, l’artiste a créé des objets
d’inspiration africaine à partir de pièces de moteurs de voitures. Son travail questionne les résistances
mentales et les résonances du passé, que celui-ci relève du mythe ou de la réalité. « Tevau » est le nom
d’un objet rituel mélanésien des Îles Santa Cruz symbolisant, dans sa fonction comme dans sa forme,
l’échange lors d’une transaction importante telle que le mariage. Il est destiné à rétablir l’équilibre. La
pièce dessine la nature de la relation entre présent, passé et avenir : la forme du temps se présente
comme continuum,
ici une lance à incendie qui peut se dérouler dans les deux sens, mais pas sans torsion.
PRÉSENCE PANCHOUNETTE
Présence Panchounette est un collectif d’artistes, actif de 1968 à 1990 (France)
Ashanti de faire votre connaissance
1985
Statuette en bois exotique, cendrier en faïence, disque vinyle 45 tours, pinces à linge
Collection Gérard Mavalais - François Michel
Le groupe Présence Panchounette s’est fait connaître à la fin des années 1960 par des actions, des
tracts, manifestes et autres lettres d’humeur où se mêlent contestation et humour. Fauteurs de troubles,
insoumis, libertaires, polémistes, ce collectif s’attache à critiquer et à tourner en dérision les
mécanismes du monde de l’art et le bon goût dominant. Créateurs prolifiques d’objets et
d’installations, adeptes du calembour visuel et du détournement, ces artistes s’intéressent plus
volontiers aux matériaux déclassés, aux objets qui appartiennent au registre de la trivialité ou à
d’autres sphères culturelles. Interrogeant des notions telles que le kitsch, le décoratif, l’art considéré
comme noble et l’art populaire, Présence Panchounette, à travers cet assemblage d’éléments
hétéroclites, interroge avec facétie le statut de la sculpture contemporaine.
JR
Né en 1983 en France,
vit et travaille à Paris et à New York
Wrinkles of the City, (Los Angeles,
Robert Upside Down, Downtown)
2011,
Photographie en couleur, plexiglas, aluminium, bois.
Collection Nicolas Laugero Lasserre
En 2001, JR parcourt l’Europe à la rencontre de ceux qui s’expriment sur les murs. Entre 2004 et
2006, il réalise Portrait d’une génération, des portraits de jeunes de banlieue qu’il expose, en très
grand format. Ce projet illégal devient officiel lorsque la mairie de Paris affiche les photos de JR sur
ses bâtiments. Dès ces premiers projets, l’artiste affirme vouloir amener l’art dans la rue : « Dans la
rue, je touche des gens qui ne vont jamais au musée. »
En 2007, avec Marc Berrebi dit Marco il réalise Face 2 Face, « la plus grande expo photo illégale
jamais créée ». JR affiche d’immenses portraits d’Israéliens et de Palestiniens face à face dans huit
villes palestiniennes et israéliennes et de part et d’autre de la barrière de sécurité. « Les héros du projet
sont tous ceux qui, des deux côtés du mur, m’ont autorisé à coller sur leur maison ».
The Wrinkles of the City, présente le portrait d’un vieil homme, Robert, collé sur un mur de Los
Angeles. Comme à son habitude, JR réalise un portrait qu’il fait imprimer sur d’immenses formats
collés sur des bâtiments. Cette oeuvre habite la ville, mais reste éphémère. L’artiste la pérennise par la
photographie et la fait circuler dans les réseaux du monde de l’art.

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