Le rôle de l`Union Européenne dans l`éradication

Transcription

Le rôle de l`Union Européenne dans l`éradication
FOOD SECURITY REPORT 2014
Le rôle de l’Union Européenne
dans l’éradication de la faim
d’ici 2025
Une étude de Caritas Europa sur le Droit à l’alimentation avec des recommandations
pour des systèmes alimentaires durables ainsi que la manière dont l’Union Européenne
peut remporter le combat contre la faim dans le monde
Table des matières
Cover photo: Elodie Perriot, Secours catholique /
Caritas France
Traduit de l’anglais par Audrey Mouysset.
04
„„SYNTHESE
06
1. L’alimentation, un droit humain
fondamental
12
2. L’AGRICULTURE À PETITE ÉCHELLE :
UN ÉLÉMENT CLÉ POUR FAIRE
RECULER LA FAIM
15
3. L’environnement et
le changement climatique
20
4. NUTRITION
24
5. Renforcer la résilience
27
6. Cohérence des politiques pour
le développement
30
A) Spéculation sur les denrées alimentaires
31
B) Gouvernance foncière 34
C) Agrocarburants
35
„„Objectif
d’éradication de la faim
dans le cadre de l’après 2015
„„QUI
SOMMES-NOUS ?
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38
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
„„AVANT-PROPOS
3
F OOD S E C U R IT Y RE ORT
4
AVANT-PROPOS
L’accès garanti à l’alimentation pour tous,
et particulièrement les personnes les plus
vulnérables, est un impératif reconnu dans
le monde entier, figurant parmi les priorités
essentielles des politiques nationales, européennes et internationales. Dans le présent
rapport, l’objectif de Caritas Europa est d’exposer son appui en faveur de ce concept ainsi
que le travail de plaidoyer qu’elle mène, dans
le domaine de la sécurité alimentaire, auprès
des institutions européennes.
Le premier grand message que Caritas
Europa souhaite transmettre est qu’il est
essentiel que le droit à l’alimentation pour
tous soit pleinement concrétisé. À cette fin,
Caritas Europa participe à la promotion de
stratégies efficaces assurant l’application
d’un droit à l’alimentation durable et accessible dans le monde entier.
Le présent rapport vise le double objectif
d’énoncer les positions de Caritas Europa et
d’influer sur les politiques européennes en
matière d’alimentation d’une façon qui soit
la plus cohérente et complète possible. Les
recommandations et les conclusions proposées s’appuient sur des éléments concrets
dégagés à la lumière de l’expérience de terrain acquise grâce aux projets et études de
cas que réalisent les organisations membres
de Caritas Europa. L’ensemble de ces expériences a permis de formuler les meilleures
Dans le message qu’il a envoyé à l’occasion
de la campagne « De la nourriture pour
tous » lancée par Caritas Internationalis, Sa
Sainteté le pape François déclare que « Nous
nous trouvons face à un scandale mondial, qui
se traduit par le fait qu’environ un milliard
de personnes souffrent encore aujourd ’ hui
de la faim. Nous ne pouvons pas en détourner notre regard. » Il souligne que la faim
et l’insécurité alimentaire ne relèvent pas
d’un problème d’ordre quantitatif puisque
« la nourriture disponible dans le monde est
suffisante pour nourrir tout un chacun. […] Si
la volonté est là, ce que nous avons ne s’épuise
pas, mais il en reste et rien n’est perdu. »
Aussi, le problème relève-t-il du gaspillage, mais également de la distribution
de la nourriture, et du fait que les disparités, entre et au sein des pays, ne cessent
de croître.
Caritas Europa partage ces positions et est
convaincue que la faim n’est pas une fatalité. Bien au contraire, il faut combattre la
faim en s’attaquant à ses causes structurelles à travers une démarche cohérente et
au long cours, s’appuyant principalement
sur la promotion du développement agricole durable des pays pauvres, y compris
l’amélioration de l’accès aux marchés pour
les petits producteurs et les pastoralistes.
Nous sommes persuadés que la faim peut
être éradiquée d’ici 2025 si tout le monde
y œuvre.
concours d’Amparo Alonso (Caritas Espagne), Helene Unterguggenberger (Caritas Autriche), Martha Rubiano Skretteberg et Tuva Nodeland (Caritas Norvège),
Jacqueline Hocquet (Secours Catholique),
Gauthier de Locht (Caritas Belgique),
Albert Schnyder (Caritas Suisse), Norry
Schneider (Caritas Luxembourg), Isabel
Fernandez, Silvia Sinibaldi et Thorfinnur
Omarsson (Caritas Europa).
Pour s’attaquer à ce problème, les pouvoirs
publics doivent intervenir davantage à tous
les niveaux. Bien que pleinement conscients
de la nécessité à mettre en œuvre de façon
urgente au niveau local, national et international des politiques cohérentes dans ce
domaine, nous reconnaissons le rôle privilégié dont jouit l’UE pour influer sur les
politiques en matière de sécurité alimentaire. Aussi, nous réclamons une action
ferme et forte à cet égard.
Nous remercions chacun d’entre eux !
Avec le soutien des partenaires de Caritas
au Sud, Caritas Europa a élaboré le présent rapport à la lumière des projets menés
au cours des deux dernières années dans
le domaine de la sécurité alimentaire, et
plus précisément portant sur la protection
du droit à l’alimentation. Ce travail a été
rendu possible grâce au renfort du groupe
de travail de Caritas Europa sur la coopération internationale et, en particulier, le
Alex Wijeratna, en qualité de consultant externe spécialiste de la sécurité alimentaire, nous a aidés à rédiger le rapport et à recenser les différentes sources
d’information.
Jorge Nuño Mayer
Secretary General
F OOD S E C U R IT Y RE ORT
PORT
pratiques ainsi que les approches positives
que Caritas met en œuvre sur le terrain. Ce
travail a pour but d’influencer les politiques
menées par l’Union européenne (UE) et
ses États membres en matière de sécurité
alimentaire, par le biais des organisations
membres de Caritas Europa et de son secrétariat à Bruxelles.
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PORT
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SYNTHESE
LA
SECURITE
ALIMENTAIRE
On estime aujourd’hui qu’environ 842 millions de personnes sont sous-alimentées, soit une personne sur huit1.
En tout, plus de trois millions d’enfants meurent de dénutrition et de malnutrition chaque année2, tandis que près
de deux milliards de personnes souffrent de carences spécifiques ou multiples en micronutriments, présentant des
déficits en vitamines ou en minéraux, notamment la vitamine A, le fer ou le zinc, par exemple3. Cependant, il est
admis que la nourriture existe en quantité suffisante pour
alimenter tous les êtres humains puisque, selon les estimations de la FAO, la quantité de denrées produites dans le
monde suffirait à la consommation de 2 770 kilocalories
environ par jour et par habitant4.
À l’heure actuelle, le système alimentaire mondial ne
garantit pas le droit à une alimentation adéquate de centaines de millions de personnes pauvres ou marginalisées
vivant dans les pays en développement. Seul l’engagement
de réformes profondes à plusieurs niveaux permettra de
rendre ce système plus juste, plus durable, plus résilient et
véritablement en mesure d’éradiquer la faim d’ici 2025 et
de nourrir 9,6 milliards d’êtres humains d’ici 20505.
L’éradication de la faim ne saurait reposer uniquement sur
un approvisionnement suffisant en denrées pour tous. Il est
impératif de changer les structures qui empêchent les personnes d’être en situation d’autosuffisance. De nombreux
experts, dont le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le
droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, partagent l’avis
que l’aliénation, la marginalisation et la pauvreté constituent les causes profondes de la faim et de la malnutrition. Les
personnes souffrent de la faim non pas parce que la production est trop faible mais parce qu’elles n’ont pas les moyens
financiers d’acheter leur nourriture ou qu’elles ne disposent
pas de l’accès aux ressources nécessaires pour produire ellesmêmes leur nourriture de façon durable.
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
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LA DIGNITÉ DE LA
PERSONNE HUMAINE
La dignité de la personne humaine se trouve au cœur de
la mission de Caritas. La faim représente la forme élémentaire par laquelle se manifeste la pauvreté et elle constitue une infraction aux droits de l’homme fondamentaux.
Le droit à l’alimentation n’est pas le seul à être en jeu ; le
droit à la vie et à la dignité humaine des millions de personnes souffrant d’inanition chaque année est également
concerné. La condition essentielle pour que chaque être
humain mène une vie digne ayant un sens est d’éradiquer la
faim. Pour Caritas Europa, la faim, l’insécurité alimentaire
et la malnutrition sont des problèmes que nous pouvons et
devons éradiquer de façon irréversible d’ici 2025.
L’ensemble des êtres humains partagent le devoir de protéger la planète, lequel constitue une préoccupation majeure
pour Caritas. Ainsi, la confédération internationale des
organisations membres de Caritas a récemment publié
un document de réflexion très intéressant sur l’impact
du changement climatique sur la sécurité alimentaire 6.
Le changement climatique représente un élément parmi
beaucoup d’autres entravant la sécurité alimentaire pour
tous. Pour surmonter ces défis, un leadership politique fort
est essentiel. C’est pourquoi le réseau des organisations
européennes membres de Caritas propose un ensemble de
recommandations à l’intention de l’UE pour les années
cruciales qui s’annoncent.
LE DÉFI QUE NOUS
LANÇONS À L’UNION
EUROPÉENNE
Forte de ses 28 États membres, l’UE constitue le bailleur
de fonds le plus important au monde en matière d’aide au
développement. Les politiques qu’elle mène ont une incidence significative, au plan international, sur la sécurité
alimentaire et le développement durable. Par conséquent,
l’UE joue un rôle fondamental dans la lutte contre la faim.
Il est essentiel de garantir une véritable cohérence et un
renforcement mutuel entre les politiques européennes au
niveau de la sécurité alimentaire et du droit à l’alimentation.
Malgré de sérieux déficits de financement et des incohérences marquées au niveau de l’aide, l’UE a, en 2010,
adopté un cadre stratégique en matière de sécurité alimentaire7. Il existe également de nombreuses opportunités
politiques qui permettront à l’UE de mettre en œuvre son
engagement public en faveur du droit à l’alimentation et
d’un accès accru à l’alimentation. Les négociations liées aux
objectifs de développement après 2015 offrent la possibilité
de fixer le cap de l’aide au développement pour les quinze
ou trente prochaines années. Elles sont aussi l’occasion
unique de renforcer l’engagement et les actions de l’UE
visant l’éradication de la faim dans le monde.
1
FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde, FAO : Rome, 2013. http://www.fao.org/publications/sofi/2013/fr/
2
The Lancet, Série d’études sur la nutrition maternelle et infantile, synthèse, 6 juin 2013, The Lancet, 2013. http://globalnutritionseries.org/wp-content/
uploads/2013/08/Nutrition_exec_summary_FR.pdf
3
FAO, La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, FAO : Rome, 2013. http://www.fao.org/publications/sofa/2013/fr/
4
La FAO estime qu’en 2005-2007, il y avait, en moyenne, dans le monde et par habitant, environ 2 770 kcals de nourriture disponible à la consommation
humaine par personne et par jour. FAO, World agriculture towards 2030/2050: The 2012 Revision, ESA Working Paper No.12-03, FAO : Rome, 2012. http://
www.fao.org/docrep/016/ap106e/ap106e.pdf
5
UN Population Division, World Population Prospects: The 2012 Revision, UN Population Division : New York, 2013. http://esa.un.org/unpd/wpp/Documentation/publications.htm
6
Pour consulter le rapport : http://www.caritas.org/what-we-do/advocacy/
7
Commission européenne, Un cadre stratégique de l’UE pour aider les pays en développement à relever les défis liés à la sécurité alimentaire, COM(2010) 127 final, CE :
Bruxelles, 31 mars 2010.
http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/COMM_PDF_COM_2010_0127_FR.PDF
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L’Union européenne devrait apporter son soutien pour que l’éradication de la faim dans
le monde soit inscrite aux priorités de l’après 2015 et plaider pour la définition sans
équivoque d’un objectif « Faim Zéro », qui aborde l’ensemble des causes profondes
de la faim, y compris celles résultant des politiques menées par l’UE. Dans le présent
rapport, Caritas Europa examine six domaines principaux d’une importance capitale
et appelle l’Union européenne et ses États membres à agir sur les points suivants :
8
„„ Droit à l’alimentation
L’alimentation constitue un droit humain fondamental
qu’il convient de considérer comme tel. L’établissement d’un cadre juridique est nécessaire pour que
tous puissent pleinement jouir de ce droit, particulièrement les personnes les plus vulnérables. De plus, il
apparaît capital d’ancrer la démarche européenne en
matière d’agriculture et de sécurité alimentaire dans le
droit à l’alimentation car cela permettrait d’améliorer
fortement l’efficacité et le ciblage des politiques. Le
droit humain à une alimentation adéquate représente
avant tout un droit participatif, partant de la base et
privilégiant l’individu. C’est sur ce droit que nous pouvons fonder une politique qui tient compte des causes
structurelles pluridimensionnelles de la faim et qui
porte l’attention sur les aspects associés à la pauvreté :
la stigmatisation, la discrimination, l’insécurité, les
inégalités et l’exclusion sociale. Une approche fondée
sur les droits en matière de sécurité alimentaire offre
un cadre juridique reposant sur le principe de nondiscrimination et permet de cibler les populations les
plus vulnérables, leur droit à participer à la conduite
des affaires publiques et leur autonomisation8.
„„ Agriculture
S’agissant du développement agricole, l’agriculture
familiale durable représente le modèle clé et pérenne.
On estime que 70 % des personnes en situation
d’extrême pauvreté dans le monde vivent en zone
rurale et qu’une grande partie de celles souffrant de la
faim sont de petits producteurs. De plus, la communauté internationale reconnaît largement le rôle
essentiel que jouent les femmes dans l’agriculture. La
famille étant au cœur de notre société, les organisations membres de Caritas, partout dans le monde, sont
convaincues de l’importance de l’agriculture familiale
en tant que composante cruciale permettant de lutter
contre la faim efficacement et systématiquement,
et de garantir une vie digne à chacun. L’agriculture
familiale présente des caractéristiques capitales, telles
que la préservation des savoirs traditionnels, la gestion
durable des ressources naturelles, l’autonomisation des
femmes, qui viennent étayer un modèle économique
fondé sur la solidarité et la vie en communauté.
L’appui en direction des petits producteurs et de
l’agro-écologie étant essentiel, nous appelons à
davantage de recherche et de développement en
faveur de l’agriculture. Les politiques européennes
et internationales devraient garantir la production
durable de denrées destinées à la consommation locale,
ce, d’autant plus que les Nations Unies, par la voix
de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), ont déclaré 2014 « Année internationale de
l’agriculture familiale ».
„„ Changement climatique
Il est important de prendre en compte l’impact du
changement climatique sur la sécurité alimentaire et
l’environnement et de l’évaluer de façon cohérente.
Changement climatique et accès à l’alimentation apparaissent intimement liés au regard des facteurs relatifs
au climat, tels que les terres arides, la dégradation
des terres, la menace pesant sur la biodiversité ou la
dépendance de l’agriculture aux ressources hydriques.
Sans le leadership et la participation de l’UE et des
autres pays industrialisés, les stratégies pour atténuer
les effets du changement climatique échoueront. Parce
qu’ils ont développé leurs richesses sans se soucier de
l’utilisation durable des ressources de la planète, les
pays industrialisés ont une dette envers la communauté internationale. Il est urgent d’introduire des
objectifs plus ambitieux en matière de réduction des
émissions dans l’UE, ce qui, par la même occasion,
enverrait un message de leadership fort sur la scène
internationale. De plus, l’UE doit apporter un plus
grand soutien à la transition, qu’il est urgent d’entreprendre, vers une agriculture plus durable, plus
diverse, plus adaptative, plus résiliente face au climat.
Il convient d’élargir l’angle sous lequel les politiques
européennes en matière d’aide abordent le changement
climatique et la sécurité alimentaire pour tenir compte
de la dualité qui existe entre ces deux enjeux. L’agriculture représente une activité multifonctionnelle dont
de nombreux aspects sont liés à l’environnement ; en
le reconnaissant, l’UE devrait orienter ses politiques
en matière d’aide afin que celles-ci contribuent à la
préservation des savoirs traditionnels, à l’amélioration
des compétences culturales et des connaissances des
agriculteurs liées à la biodiversité.
„„ Nutrition
Chaque année, trois millions d’enfants de moins de
cinq ans meurent d’inanition9. De plus, un grand
nombre souffre de problèmes physiques ou psychiques
causés par la malnutrition. Chez l’enfant, la malnutrition entraîne aussi des conséquences négatives sur
d’autres aspects du développement, comme l’éducation.
Pour y remédier, une approche globale est essentielle.
Outre l’accès à la nourriture, il est impératif de tenir
8
Nous traduisons systématiquement « empowerment » par « autonomisation ».
9
The Lancet, Série d’études sur la nutrition maternelle et infantile, synthèse, 6 juin 2013, The Lancet, 2013. http://globalnutritionseries.org/wp-content/
uploads/2013/08/Nutrition_exec_summary_FR.pdf : « La sous-nutrition (le retard de croissance intra-utérin, l’allaitement non-optimal, le retard de croissance,
la maigreur et les carences en vitamine A et en zinc) est à l’origine de 45 % des décès chez les enfants de moins de 5 ans, représentant plus de 3 millions de décès
par an (3,1 millions sur les 6,9 millions de décès d’enfants en 2011). »
„„ Résilience
Assurer la résilience des populations est une action
importante à mener afin de réduire leur vulnérabilité, en
particulier lorsqu’il s’agit des situations fragiles et des
populations les plus défavorisées qui sont bien souvent
celles exposées aux conditions climatiques les plus graves
et aux risques de catastrophes naturelles les plus élevés.
Il convient de construire cette résilience par le biais
d’une démarche communautaire, ciblée sur les situations
d’urgence, et s’appuyant sur l’impératif de nutrition et
les mécanismes de protection sociale.
Si les mesures permettant d’anticiper les problèmes
revêtent un caractère essentiel, il faut garder à l’esprit
que les phases de secours, de réhabilitation et de
reconstruction consécutives à une catastrophe offrent
la possibilité de reconstituer les moyens d’existence, de
planifier et de reconstruire les structures physiques et
socio-économiques d’une façon permettant de développer la résilience et de réduire la vulnérabilité de la
communauté par rapport aux risques de catastrophes
à venir. Il faut que les acteurs du développement, tels
que l’UE, concentrent davantage leurs efforts sur des
approches fondées sur la communauté et la protection
sociale, et qu’ils intègrent la résilience à leurs actions en
faveur de la sécurité alimentaire ainsi qu’à l’ensemble de
l’aide d’urgence.
„„ Cohérence des politiques
pour le développement
La concrétisation de la sécurité alimentaire pour tous, et
particulièrement pour les personnes les plus défavorisées
requiert, à tous les niveaux, une cohérence des politiques
pour le développement. Les économies avancées, émergentes, les pays en développement ainsi que la société
civile et les organisations internationales doivent mener
des actions cohérentes. Si les actions entreprises par
l’ensemble des acteurs ne vont pas dans le même sens, il
sera impossible d’augmenter les revenus, de garantir une
production agricole durable et améliorée ou d’assurer
une consommation équitable. Les choix faits au niveau
européen ont des conséquences sur la disponibilité et
l’accessibilité des denrées alimentaires dans les pays les
moins avancés (PMA). Les politiques en matière de
commerce, de biocarburants et d’accaparement des terres
représentent quelques uns des enjeux transversaux qu’il
est nécessaire de revoir et de questionner sous différents
angles. L’Europe et l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE) partagent
la responsabilité de ne pas instaurer des politiques qui
contrecarrent le développement, lequel relève non seulement des partenaires au Sud et des agences humanitaires, mais aussi des politiques en matière d’agriculture,
d’environnement, de climat et de santé menées par
l’Europe et l’OCDE. Il serait judicieux de renforcer la
coopération entre toutes les Directions Générales de
l’UE intervenant dans ces domaines.
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ORT
compte d’autres facteurs, tels que les conditions de vie, la
qualité environnementale, ou encore les pratiques sanitaires et de soin. Des mesures visant l’amélioration des
pratiques de soin (prise en charge des enfants, pratiques
d’alimentation, connaissances nutritionnelles, habitudes
alimentaires et distribution de la nourriture au sein des
foyers), de l’hygiène, de l’assainissement et de la sécurité
alimentaire sont fondamentales pour corriger l’état
nutritionnel de l’enfant. La participation des familles
et de l’ensemble de la communauté constitue donc un
aspect crucial si l’on veut maîtriser une malnutrition
encore omniprésente.
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RECOMMANDATIONS
Le présent rapport propose un ensemble de recommandations à l’intention de l’UE et de ses États membres.
Une liste complète de recommandations figure à la fin de chaque chapitre. Caritas Europa souhaite rappelle qu’il
convient de garder à l’esprit qu’il y a deux niveaux de priorité.
D’abord, cinq recommandations portent sur des éléments non négociables en matière de sécurité alimentaire :
Objectif « Éradiquer la faim » : l’UE et ses États membres font la promotion d’un objectif ambitieux
d’éradication de la faim au sein du cadre pour l’après 2015, à savoir : ramener le taux de sous-alimentation dans
le monde à moins de 2 % et celui du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans à 5 %. L’UE doit
contribuer, à tous les niveaux, à ce que cet objectif soit atteint (d’un point de vue financier mais aussi en appliquant le principe de cohérence des politiques pour le développement) ;
Agriculture à petite échelle : l’aide au développement agricole engagée par l’UE et ses États membres devrait
avoir pour objectif l’appui aux activités durables de production agricole à petite échelle. Celles axées sur une
agriculture gourmande en intrants et entraînant la dégradation des écosystèmes ne devraient plus bénéficier de
financements ;
Les organisations de la société civile (OSC) représentent les partenaires clés pour l’UE et
ses États membres dans la lutte contre la faim. Les processus décisionnels tiennent compte de leur expérience
acquise à travers leurs actions pour combattre la faim et la dénutrition. L’UE devrait encourager un cadre favorable aux OSC, notamment au niveau de l’accès aux financements, de l’espace politique et de la participation des
populations les plus vulnérables, de manière à leur permettre de jouir d’un accès accru à leurs droits ;
La cohérence des politiques pour le développement est reconnue par l’UE. Aussi, il
convient d’examiner la régulation des politiques relatives au commerce, aux biocarburants et à l’accaparement des
terres d’un point de vue global, en évaluant tous les risques et les conséquences de ces politiques sur les PMA et
les populations les plus pauvres.
En outre, ces recommandations prin
cipales doivent être soutenues par les
objectifs mesurables suivants :
10 % de l’aide publique au développement (APD) allouée à l’agriculture durable : l’UE et ses États membres doivent soutenir davantage les activités agricoles durables et octroyer au
moins 10 % de leur APD à l’agriculture durable ;
Un appui spécifique aux programmes visant la lutte contre la dénutrition : l’UE
et ses États membres doivent aider davantage les efforts des pays dans la lutte contre la dénutrition. Ce faisant, il
convient d’adopter une approche intégrée et globale reconnaissant l’interdépendance entre les politiques sociales,
de santé et en matière de sécurité alimentaire ;
Mettre un terme à la spéculation sur les denrées alimentaires : l’UE et ses États
membres doivent mettre en œuvre, rapidement et avec rigueur, la Directive européenne relative aux marchés
d’instruments financiers (MiFID II) récemment adoptée afin de mettre un terme à la spéculation excessive sur
les denrées alimentaires sur les marchés européens des matières premières ;
Empêcher l’accaparement des terres : l’UE et ses États membres doivent contribuer à empêcher
les opérations d’accaparement de terres, en aidant les pays partenaires à mettre en œuvre les Directives volontaires des Nations Unies pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux
pêches et aux forêts à l’échelle nationale10 ;
Réglementer le secteur privé : il est nécessaire que l’UE règlemente et surveille, de façon rigoureuse,
les investissements réalisés par les acteurs du secteur privé européen dans l’agriculture des pays en développement. Les négociations actuelles relatives aux Principes des Nations Unies pour un investissement agricole
responsable (iar) devraient jouir d’une plus grande importance11
Le changement climatique : l’UE doit garantir la définition d’un objectif contraignant portant sur la
réduction des émissions de sorte à ce que le réchauffement climatique au niveau mondial ne dépasse pas 1,5°C ;
Encourager la résilience : l’UE doit adopter une approche fondée sur la résilience dans ses actions en
matière d’aide d’urgence.
10
11
FAO, Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le
contexte de la sécurité alimentaire nationale, FAO : Rome, 2012. http://www.fao.org/fileadmin/templates/cfs/Docs1112/VG/VG_Final_
FR_May_2012.pdf
À consulter également : Concord, Pleins feux sur la cohérence des politiques au service du développement : l’impact réel des politiques de l’UE
sur la vie des pauvres, 2013. http://www.cncd.be/IMG/pdf/2013-09_rapport_concord.pdf
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Droit à l’alimentation : le droit à l’alimentation doit être intégré de façon systématique dans toutes les
politiques européennes ayant un impact sur l’agriculture et la sécurité alimentaire ;
11
1
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
Le droit à une nourriture suffisante est réalisé lorsque
chaque homme, chaque femme et chaque enfant, seul
ou en communauté avec d’autres, a physiquement et
économiquement accès à tout moment à une nourriture
suffisante et aux moyens de se la procurer.12
12
L’alimentation,
un droit humain fondamental
En décembre 2013, la Confédération Caritas a lancé une campagne internationale,
intitulée « Une seule famille humaine ; de
la nourriture pour tous », visant la concrétisation du droit à l’alimentation. Elle illustre
l’importance capitale que revêt aux yeux de
Caritas l’engagement pour éradiquer la
faim et œuvrer en faveur du développement
humain intégral, conformément à l’enseignement social de l’Église.
Dans l’équilibre des décisions politiques,
les droits de l’homme doivent avoir la préséance sur tous les autres intérêts. Le droit
à l’alimentation est indispensable pour la
jouissance d’autres droits de l’homme. Pour
le concrétiser, chaque individu doit pouvoir
produire directement sa propre nourriture
ou bien l’acheter. Il requiert la disponibilité
et l’accessibilité d’une nourriture adéquate
de façon durable.
C’est pourquoi le droit à l’alimentation ne
devrait pas se trouver compromis par l’application de politiques contradictoires ; il
devrait plutôt être concrétisé d’une façon
complète et cohérente.
Ancrer le droit à
l’alimentation
Selon Caritas, il est capital d’ancrer la démarche européenne en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire dans le droit
à l’alimentation ; en effet, cela permettrait
d’améliorer l’efficacité et le ciblage des mesures de façon significative. Pour ce faire, il
est essentiel d’adopter une approche fondée
sur les principes de responsabilité, de nondiscrimination, de participation, de transparence et d’autonomisation, en se concentrant
sur les populations les plus vulnérables.
Le droit à l’alimentation représente avant
tout un droit de l’homme participatif, qui
part de la base et privilégie l’individu. Sur
ce droit, nous pouvons fonder une politique qui tient compte des causes structurelles pluridimensionnelles de la faim et qui
porte l’attention sur les aspects associés à la
pauvreté : la stigmatisation, la discrimination, l’insécurité, les inégalités et l’exclusion sociale. L’adoption d’une approche
Le droit à une alimentation adéquate est reconnu au titre de l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (DUDH)13, ainsi que de l’article 11
du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC,
1966), ratifiés par l’ensemble des 28 États membres qui composent l’Union européenne.
Il incombe aux États de respecter et de protéger le droit à l’alimentation, ainsi que de lui
donner effet, tel que définit en 1999 par le Comité des droits économiques, sociaux et
culturels14. Ce comité opère un suivi de la mise en œuvre du PIDESC, dans son Observation générale n°12. Les normes énoncées dans l’Observation générale n°12 sont complétées par les Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à
une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale, adoptées par les États membres du Conseil de la FAO en novembre 200415.
fondée sur les droits en matière de sécurité alimentaire offre un cadre juridique
reposant sur le principe de non-discrimination et permet de cibler les populations
les plus vulnérables, leur droit à participer
à la conduite des affaires publiques et leur
autonomisation.
Une approche fondée sur les droits de
l’homme se traduit par l’obligation de
garantir la sécurité alimentaire des populations au regard des droits juridiques
et des mécanismes de responsabilité.
Le Comité des Nations Unies des droits
économiques, sociaux et culturels souligne
que le droit à l’alimentation impose trois
types d’obligations aux États :
„„ L’obligation qu’ont les États de
respecter le droit de toute personne à
avoir accès à une nourriture suffisante
leur impose de s’abstenir de prendre
des mesures qui aient pour effet de
priver quiconque de cet accès ;
„„ L’obligation qu’ont les États de protéger ce droit leur impose de veiller à ce
que des entreprises ou des particuliers
ne privent pas des individus à l’accès à
une nourriture suffisante ;
L’obligation qu’ont les États de donner effet
à ce droit signifie qu’ils doivent être volontaristes et prendre des mesures concrètes
visant renforcer l’accès de la population
aux ressources et aux moyens d’assurer sa
subsistance, y compris la sécurité alimentaire. Enfin, chaque fois qu’un individu
ou un groupe se trouve, pour des raisons
indépendantes de sa volonté, dans l’impossibilité d’exercer son droit à une nourriture
12
Comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 12 : Le droit à une nourriture suffisante, para 6, E/C.12/1999/5, 12
mai 1999. http://tbinternet.ohchr.org/_layouts/treatybodyexternal/Download.aspx?symbolno=E%2fC.12%2f1999%2f5&Lang=en
13
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, ... » (Art. 25)
http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a25
14
Comité des Nations Unies des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 12 : Le droit à une nourriture suffisante, E/C.12.1999/5, 12 mai 1999.
15
FAO, Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité nationale, 2005, adoptées lors de
la 127ème session du Conseil de la FAO, novembre 2004. http://www.fao.org/docrep/009/y7937f/y7937f00.htm
En Inde, à la suite de la grave crise alimentaire de 2001, une large coalition d’individus et d’organisations, dont Caritas Inde et les associations diocésaines Caritas, rassemblés sous la bannière de la « Campagne pour le droit à l’alimentation »,
ont manifesté en faveur d’une pétition présentée par la People’s Union for Civil
Liberties devant la Cour suprême de justice. Caritas Inde et bon nombre d’associations diocésaines Caritas ont participé à plusieurs initiatives liées au projet de
loi relative à la sécurité alimentaire.
L’aboutissement de ces efforts fut la reconnaissance du droit à l’alimentation par la
Cour constitutionnelle indienne, transformant ainsi des choix politiques en droits
exécutoires. Puis, en juillet 2013, le projet de loi relative à la sécurité alimentaire
nationale fut adopté.
L’action engagée par la People’s Union for Civil Liberties constitue le recours le
plus abouti à avoir été porté devant un tribunal et reposant sur le droit à l’alimentation, dérivé en l’occurrence du droit à la vie que garantit par la section 21 de la
Constitution indienne.
La loi relative à la sécurité alimentaire nationale ne signale que le début des
actions à mener car elle doit encore être appliquée d’une façon juste, efficace et qui
cible les franges les plus vulnérables de la population.
suffisante par les moyens dont il dispose, les
États ont l’obligation de faire le nécessaire
pour donner effet directement à ce droit.
„„ D’agir conformément aux principes de non-discrimination et de
transparence.
Les Directives volontaires de la FAO à
l’appui de la concrétisation progressive du
droit à une alimentation adéquate dans le
contexte de la sécurité alimentaire nationale énoncent les mesures essentielles que
les États doivent prendre. Elles préconisent
plusieurs actions telles que l’adoption d’une
stratégie nationale garantissant la sécurité
alimentaire et nutritionnelle de tous, l’établissement de mécanismes institutionnels
permettant d’identifier les personnes en
proie à la faim ainsi que les menaces émergentes pesant sur le droit à l’alimentation,
l’amélioration de la coordination entre les
différents ministères et agences publiques
au niveau infranational, la participation
garantie des acteurs de la société civile et
particulièrement des personnes les plus
vulnérables et les plus exposées à l’insécurité alimentaire, ou encore l’adoption d’un
cadre législatif garantissant que le droit à
l’alimentation est un droit opposable devant les tribunaux nationaux et qu’il existe
d’autres formes de recours. 12131415
Le droit à
l’alimentation,
ça marche !
En effet, si tous les pays ne disposent
pas des mêmes ressources permettant la
concrétisation pleine et entière du droit à
l’alimentation, tous sont, en revanche, tenus de respecter les obligations 16:
„„ D’employer le maximum de ressources
disponibles afin que leurs citoyens
puissent jouir de leurs droits et les
exercer ;
„„ De prendre des mesures immédiates
en vue de leur mise en œuvre ;
„„ De commencer par les individus et les
populations les plus vulnérables ;
Partout dans le monde, le droit à l’alimentation ne cesse de prendre de l’ampleur.
Une étude récente indique que 24 États,
comme la Bolivie ou l’Afrique du Sud, protègent de manière explicite le droit à l’alimentation dans leur constitution ; d’autres,
tels que le Honduras ou le Paraguay, ont
abordé l’éradication de la faim par des
stratégies nationales de sécurité alimentaire pluriannuelles et intersectorielles17.
Ainsi que l’a parfaitement défini le célèbre
économiste Amartya Sen, Caritas Europa
est profondément convaincu qu’il faut soutenir le droit à l’alimentation en donnant à
ses bénéficiaires les forces et les capacités
nécessaires18.
Le Traité de Lisbonne dispose que l’UE
et ses États membres ont l’obligation juridique de respecter, protéger et promouvoir
les droits de l’homme, dont le droit à l’alimentation. L’UE a pris plusieurs engagements visant à garantir ces droits. Par
exemple, dans sa politique de développement, la Commission européenne porte une
grande attention aux droits de l’homme19 et
soutient l’application du droit à l’alimentation, notamment l’idée de réexaminer des
mécanismes ayant pour but de renforcer ce
droit en donnant la possibilité aux pays du
Sud de devenir les véritables acteurs de leur
développement 20. Par ailleurs, le Parlement
européen a adopté une position semblable
et est sensible à la complexité grandissante
des crises alimentaires, particulièrement
dans les zones extrêmement fragiles 21.
Pour autant, aucun des Traités européens
fondamentaux, ni leurs versions révisées,
ne mentionne explicitement le droit à l’alimentation. Le moment est venu de faire
une déclaration claire à cet égard, a fortiori
à la suite des crises économiques et sociales
qui ont frappé l’Europe.
16
FAO, Directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation
adéquate dans le contexte de la sécurité nationale,
2005, adoptées lors de la 127ème session du
Conseil de la FAO, novembre 2004. http://www.
fao.org/docrep/009/y7937f/y7937f00.htm
17
Olivier De Schutter, A Rights Revolution,
Implementing the right to food in Latin America
and the Caribbean, Note d’information 6,
septembre 2012 http://www.srfood.org/fr/
notes-d-information
18
Amartya Sen, Development as Freedom, Oxford
University Press, 1999
19
Commission européenne, Accroître l’impact de la
politique de développement de l’UE : un programme
pour le changement, COM(2011) 637 final,
CE : Bruxelles, 13 octobre 2011. http://eacea.
ec.europa.eu/intra_acp_mobility/funding/2012/
documents/agenda_for_change_fr.pdf
20
21
Commission européenne, Un cadre stratégique de
l’UE pour aider les pays en développement à relever
les défis liés à la sécurité alimentaire, COM(2010)
127 final, CE : Bruxelles, 31 mars 2010. http://
ec.europa.eu/development/icenter/repository/
COMM_PDF_COM_2010_0127_FR.PDF
Parlement européen (PE), Aider les pays en
développement à relever les défis liés à la sécurité
alimentaire, Résolution du Parlement européen du
27 septembre 2011, (2010/2100) (INI), 2011.
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.
do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P7-TA2011-0410+0+DOC+XML+V0//FR et PE,
Rapport sur l’approche de l’UE sur la résilience
et la réduction des risques de catastrophes dans les
pays en développement : tirer les leçons des crises de
sécurité alimentaire, (2013/2110) (INI), 2013.
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.
do?type=REPORT&reference=A7-20130375&language=FR
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
En parallèle, Caritas Inde et les associations diocésaines Caritas ont également
participé aux efforts de la société civile visant à renforcer le projet de loi relative
à la sécurité alimentaire, comme par exemple la campagne pour une Inde sans
OGM, la campagne Sphère, ou encore Wada NA Todo Abhiyan. Elles ont aussi
fait part de leurs recommandations à la Commission consultative nationale, chargée de finaliser le projet de loi. Par ailleurs, l’un des réseaux que nous avons formé
a envoyé ses propres recommandations.
13
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
14
LE DROIT À
L’ALIMENTATION
ET L’UNION
EUROPÉENNE
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Considérer comme priorité l’intégration du droit
à l’alimentation dans toutes les politiques ayant un
impact sur l’agriculture et l’alimentation (y compris la réglementation du secteur agroalimentaire
et de la spéculation sur la nourriture), tant au sein
qu’à l’extérieur de l’UE ;
„„ Inscrire, de manière explicite, le droit à l’alimentation à côté des autres droits de l’homme dans les
révisions ultérieures des textes fondamentaux de
l’UE, tels que la Charte ;
„„ Établir un mécanisme de recours permettant aux
personnes touchées par les politiques de l’UE de
revendiquer leurs droits ;
„„ Influer sur la Nouvelle alliance du G8 pour la
sécurité alimentaire et la nutrition afin qu’elle
défende, avec force, le droit à l’alimentation, les
petits producteurs ainsi que les systèmes alimentaires locaux et durables ;
„„ Jouer un rôle prépondérant au sein du Comité de
la sécurité alimentaire mondiale (CSA) afin que
le bien commun et les intérêts des organisations
paysannes passent avant d’autres intérêts privés, et
afin d’encourager l’adoption, à l’échelle nationale
et régionale, du droit à l’alimentation, ainsi que
son application dans les cadres juridiques et les
mécanismes de responsabilité ;
„„ Apporter son soutien aux gouvernements nationaux dans l’application des Directives volontaires
de la FAO à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate pour
qu’ils établissent le cadre juridique, les stratégies
nationales, la coordination des entités, les institutions efficaces et les mécanismes de responsabilité
qui sont nécessaires. De plus, il est essentiel que la
société civile bénéficie d’un appui afin de pouvoir
participer et opérer un suivi, de façon adéquate, au
niveau de ces processus.
L’agriculture à petite échelle :
un élément clé pour faire
reculer la faim
Le contexte
La promotion d’activités agricoles durables au Burkina Faso, en
Éthiopie et en République démocratique du Congo.
L’agriculture (qui comprend, selon nous,
l’élevage, le pastoralisme, la pêche et
l’agroforesterie) joue un rôle fondamental
dans la lutte contre la faim dans le monde.
Ses ramif ications touchent également
d’autres domaines, comme la culture, les
communautés, l’emploi, l’environnement
ou la conservation des terres. Toutefois,
l’agriculture constitue, avant tout et depuis
toujours, la source principale d’alimentation des personnes. Aux quatre coins du
monde, et surtout dans les pays en développement, une part importante de la main
d’œuvre continue de pratiquer des activités
agricoles. On estime qu’environ 2,5 milliards de personnes vivent directement des
systèmes de production agricole, soit en
tant qu’agriculteurs à temps plein ou partiel, soit en aidant en famille22.
L’une des priorités essentielles poursuivies
par Caritas dans les programmes qu’elle
met en œuvre dans le monde est la promotion de pratiques agricoles durables. Les
organisations membres de Caritas Europa
apportent leur soutien à une gamme variée
de programmes aux côtés de différents partenaires de Caritas en Afrique, en Asie et
en Amérique latine. Les expériences que
nous avons menées et les conseils que nous
ont prodigués plusieurs spécialistes nous
ont convaincus que, pour lutter efficacement contre la faim, il est fondamental de
prendre des mesures spécifiques venant
aider les petits producteurs et pérenniser
l’agro-écologie. Ces mesures constituent la
première étape requise pour combattre la
pauvreté de façon efficace et concrète, permettant de garantir le droit à l’alimentation de bon nombre de groupes vulnérables
vivant dans différents pays et différents
cadres23.
Le soutien de Caritas en faveur des petits producteurs sévèrement
touchés par la faim et la sous-alimentation.
Près de quatre mille petits producteurs démunis et peuplant les zones rurales du Burkina
Faso (diocèses de Dori et de Kaya), de l’Éthiopie (le vicariat de Meki) et de la République
démocratique du Congo (diocèse de Lubumbashi) ont adopté les techniques de l’agroécologie dans le but d’améliorer leur production de nourriture et leur sécurité alimentaire.
Ceci a été réalisé par le biais d’initiatives s’appuyant sur les communautés concernées, avec
le concours de Caritas Autriche, et dont les organisations diocésaines de Caritas de ces
trois pays assuraient la mise en œuvre.
La majorité des populations ciblées par le programme est constituée de petits producteurs
pratiquant une agriculture de subsistance et cultivant de petites superficies. En Éthiopie,
le maïs, le haricot, le blé et le teff représentent les principales cultures non irriguées, récoltées une fois par an et offrant une faible productivité. En RDC, les principales cultures
alimentant les populations rurales pratiquant l’agriculture de subsistance sont le maïs, le
haricot et la pomme de terre. Au Burkina Faso, la production agricole cible surtout le sorgho et le mil, tandis que le niébé, le sésame et l’arachide la complètent. La récolte arrive
à peine à nourrir une famille ou à générer un excédent permettant de dégager un petit
revenu pour couvrir les coûts des biens essentiels non alimentaires, tels que l’éducation ou
les soins de santé. Le faible niveau de productivité s’explique par le recours à des méthodes
culturales dépassées, à des semences de qualité médiocre, ainsi que par l’utilisation insuffisante d’engrais écologiques, le manque d’irrigation ou la fertilité décroissante des sols.
Le programme mené par Caritas Autriche a démontré que la promotion de pratiques agricoles durables permet d’obtenir des résultats positifs et souligne le caractère essentiel de
ces pratiques dans la lutte contre l’insécurité alimentaire dans les régions rurales pauvres.
Les actions ont encouragé les petits producteurs isolés à se réunir au sein d’organisations
communautaires, à planter une plus grande variété de céréales et de légumes, à inclure
de petits ruminants et l’apiculture dans leurs pratiques, ainsi qu’à utiliser le compost, le
fumier et d’autres engrais biologiques pour améliorer la fertilité des sols. Les agriculteurs
ont pu accroître et diversifier leur production, ce qui s’est traduit par une amélioration de
la situation nutritionnelle de leurs familles. (Source : Caritas Autriche)
22
FIDA/PNUE, Smallholders, food security, and the environment, FIDA/PNUE : Rome, 2013. http://www.
unep.org/pdf/SmallholderReport_WEB.pdf
23
Olivier De Schutter, Agro-écologie et droit à l’alimentation, Rapport présenté à la 16ème session du
Conseil des droits de l’homme de l’ONU, A/HRC/16/49, 20 décembre 2010. http://www.srfood.org/
images/stories/pdf/officialreports/20110308_a-hrc-16-49_agroecology_fr.pdf
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
2
15
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En effet, il est à présent largement admis
que l’agriculture offre un potentiel extraordinaire pour lutter contre la pauvreté.
S’agissant des PMA, on estime que la part
de l’agriculture dans l’augmentation des revenus des personnes les plus pauvres serait
en moyenne 2,5 fois plus élevée, au moins,
que la part des secteurs non agricoles24.
16
Les petits producteurs constituent le principal groupe cible des programmes de Caritas visant à réduire la faim et à garantir la
sécurité alimentaire. 70 % des personnes en
situation d’extrême pauvreté dans le monde
vivent en zone rurale ; une grande partie de
celles souffrant de la faim sont des petits
producteurs. Les petits producteurs, dont
font partie les agriculteurs, les habitants
des forêts, les pastoralistes et les artisans
pêcheurs, fournissent des produits alimentaires et non alimentaires à petite échelle,
dans le cadre de divers systèmes caractérisés par un apport d’intrants limité, le développement de cultures de plein champ et
l’arboriculture, ainsi que l’élevage de bétail
et la production de poisson et de crustacés. Ils regroupent également quelque 350
millions d’autochtones, lesquels conservent
toute une gamme de variétés de cultures
et de races animales. Ils vivent en grande
majorité en zone rurale, bien que les petites propriétés urbaines et périurbaines
gagnent en importance25. Le nombre total
d’exploitations de 2 hectares ou moins
atteindrait aujourd’hui les 500 millions
à l’échelle mondiale26. Bien que nombre
d’entre eux n’aient pas accès au crédit,
aux services financiers, à la vulgarisation
rurale et à des marchés locaux adéquats27,
les petits producteurs produisent 80 % des
aliments consommés en Asie et en Afrique
subsaharienne. Les femmes jouent un rôle
crucial dans la petite agriculture et sont
généralement garantes de la production
de cultures vivrières, notamment lorsque
les systèmes agricoles incluent aussi bien
les cultures vivrières que celles de rente28.
La Banque mondiale, la FAO et le Fonds
international de développement agricole
(FIDA) estiment que les femmes représentent 60 à 90 % de la production totale
d’aliments29. Si elles disposaient du même
accès que les hommes aux ressources productives, le nombre d’individus souffrant
de faim dans le monde connaîtrait une
baisse de 12 à 17 % (soit 100 à 150 millions
de personnes)30.
L’agro-écologie, qui inclut des pratiques
durables aussi bien traditionnelles qu’innovantes, garantit l’amélioration de l’accès
aux aliments des personnes les plus vulnérables. Dans ses programmes de développement rural, Caritas cible son soutien sur
la promotion d’une agriculture familiale, à
petite échelle, durable et à faible intensité
d’intrants, dont le but consiste à rechercher
l’indépendance des agriculteurs par rapport
aux intrants externes onéreux.
L’agro-écologie est la science de l’agriculture durable. Elle se fonde sur une série de
pratiques obéissant à cinq principes d’ordre
écologique :
„„ Le recyclage de la biomasse et l’établissement d’un équilibre entre le flux et la
disponibilité des nutriments ;
„„ L’obtention de conditions de sols
favorables à la croissance de la plante
grâce à un enrichissement de la matière
organique ;
„„ La réduction des pertes en termes de
radiations solaires, d’eau et de nutriments par la gestion des microclimats,
la récolte de l’eau et la couverture des
sols ;
„„ L’augmentation de la diversification
biologique et génétique sur les terres
arables, et31
„„ L’augmentation des interactions biologiques bénéfiques et la minimisation de
l’utilisation des pesticides32.
Il est encourageant de constater qu’un
large éventail d’experts, de rapports de
haut niveau et d’évaluations souscrivent
aux multiples avantages sociaux et environnementaux de l’agro-écologie à faible
intensité d’intrants, basée sur la petite
agriculture33. Il a largement été démontré
que l’agro-écologie profite grandement aux
petits producteurs et à l’environnement,
sur tous les continents, et qu’elle peut être
adaptée en fonction de l’échelle. En 2008,
une analyse du PNUE et de la CNUCED
réalisée en Afrique sur 114 cas a conclu que
la conversion d’exploitations aux méthodes
biologiques de l’agro-écologie a permis
d’augmenter la productivité agricole de
116 %. En outre, la diversité accrue des
cultures vivrières à disposition des agriculteurs a permis une alimentation plus variée,
24
PNUE, Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty Eradication, PNUE : Nairobi, 2011. http://sustainabledevelopment.un.org/
content/documents/126GER_synthesis_en.pdf
25
FIDA/PNUE, Smallholders, food security, and the environment, FIDA/PNUE : Rome, 2013. http://www.unep.org/pdf/SmallholderReport_WEB.pdf
26
Groupe d’experts de haut niveau, Paysans et entrepreneurs: investir dans l’agriculture des petits exploitants pour la sécurité alimentaire, Groupe d’experts de haut
niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE) : Rome, 2013. http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/hlpe/hlpe_documents/HLPE_Reports/
HLPE-Report-6_FR.pdf
27
FIDA, Rapport sur la pauvreté rurale 2011, FIDA : Rome, 2011. http://www.ifad.org/rpr2011/report/e/rpr2011.pdf (disponible en anglais uniquement)
28
FIDA/PNUE, Smallholders, food security, and the environment, FIDA/PNUE : Rome, 2013. http://www.unep.org/pdf/SmallholderReport_WEB.pdf
29
Banque mondiale, Manuel sur la parité hommes-femmes dans le secteur de l’agriculture, Banque mondiale : Washington, DC, 2009. http://siteresources.worldbank.org/
INTGENAGRLIVSOUBOOK/Resources/CompleteBook.pdf (disponible en anglais uniquement)
30
FAO, La situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture 2010-2011, FAO : Rome, 2011. http://www.fao.org/docrep/013/i2050f/i2050f.pdf
31
Dans ses programmes, Caritas s’abstient d’avoir recours aux cultures génétiquement modifiées. Selon elle, les OGM ne s’attaquent pas aux causes profondes de la
faim et augmentent la dépendance des agriculteurs pauvres. Voir également : A Cidse/ Caritas Internationalis Statement. GMOs and Hunger, 2004
32
M. Altieri, Agroecology: the science of natural resource management for poor farmers in marginal environments, Agriculture, Ecosystems and Environment 1971, pp. 1-24,
2002. http://agroeco.org/wp-content/uploads/2010/11/NRMfinal.pdf
33
Exemple : FAO, Produire plus avec moins – Guide à l’intention des décideurs sur l’intensification durable de l’agriculture paysanne. http://www.fao.org/ag/save-and-grow/
fr/index.html ; PNUE, Towards a green economy, Pathways to sustainable development and poverty eradication, Nairobi, 2012. http://sustainabledevelopment.un.org/
content/documents/126GER_synthesis_en.pdf ; CNUCED, Sustainable agriculture and food security in LDCs, 2011. http://unctad.org/en/Docs/presspb20116_
en.pdf ou Olivier de Schutter, Agro-écologie et droit à l’alimentation, rapport présenté lors de la seixième session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies,
17 décembre 2010. http://www.srfood.org/images/stories/pdf/officialreports/20110308_a-hrc-16-49_agroecology_fr.pdf
34
CNUCED/PNUE, Organic agriculture and food security in Africa, CNUCED/PNUE : New York et Genève, 2008. unctad.org/en/docs/ditcted200715_en.pdf ;
consulter également : Alliance Œcuménique « Agir ensemble », Nourishing the World Sustainably: Scaling up Agroecology. http://www.e-alliance.ch/typo3conf/ext/
naw_securedl/secure.php?u=0&file=fileadmin/user_upload/docs/All_Food/2012/AgroEcology/2012_10_ScalingUpAgroecology_WEB_.pdf&t=1349868435&has
h=45a6c63f0bb5494913215603f3380157
35
Caritas Australie, Food the Fundamental Right: a Framework for Alleviating Global Hunger, 2009. http://www.caritas.org.au/about/
publications-and-reports?publication=reports
36
Ibid., p.16
37
Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (EICSTAD), Résumé général à l’intention des décideurs,
consulté le 23 septembre 2008. http://www.unep.org/dewa/agassessment/docs/Global_SDM_050508_French.pdf
38
Forum pour la souveraineté alimentaire Nyéléni 2007, Déclaration of Nyéléni, consulté le 19 février 2010. http://nyeleni.org/spip.php?article286
Le concept de souveraineté alimentaire
doit également être étudié. Il va plus loin
que le droit à se nourrir et promeut la
nécessité d’instaurer un droit à participer
au processus de production d’aliments et
à son contrôle 35. Selon Caritas Australie,
« les discussions relatives à la crise alimentaire
s’attardent trop souvent sur les déficits, qu’il
s’agisse de déficits de produits alimentaires ou
de déficits en termes de budget. Les discussions
doivent aller bien au-delà, pour examiner
dans quelle mesure une absence de contrôle
sur la production d’aliments et l’agriculture
implique un déficit démocratique. Faute de
souveraineté sur l’alimentation et l’agriculture, les citoyens ne peuvent avoir leur mot
à dire sur les politiques et les décisions affectant
leur vie et leurs opportunités futures. La souveraineté alimentaire prend le contre-pied de
ce déficit. »36.
En avril 2008, l’Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des
technologies agricoles pour le développement (EICSTAD) a adopté la définition
suivante : « La souveraineté alimentaire se
définit comme le droit des peuples et des États
souverains à élaborer démocratiquement leurs
politiques agricoles et alimentaires »37. Lors du
Forum pour la souveraineté alimentaire qui
s’est tenu à Sélingué (Mali), le 27 février
2007, près de 500 délégués provenant de
plus de 80 pays ont adopté la Déclaration
de Nyéléni38, laquelle énonce notamment :
« La souveraineté alimentaire est le droit des
peuples à une alimentation saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes
durables et respectueuses de l’environnement,
ainsi que leur droit à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place les
producteurs, distributeurs et consommateurs des
aliments au cœur des systèmes et politiques alimentaires en lieu et place des exigences des marchés et des transnationales. Elle défend les intérêts
et l’intégration de la prochaine génération. […]
La souveraineté alimentaire promeut un commerce
transparent qui garantisse un revenu juste à tous
les peuples et les droits des consommateurs à contrôler leurs aliments et leur alimentation. Elle garantit que les droits d’utiliser et de gérer nos terres,
territoires, eaux, semences, bétail et biodiversité
soient aux mains de ceux et celles qui produisent
les aliments. La souveraineté alimentaire implique
de nouvelles relations sociales, sans oppression et
inégalités entres les hommes et les femmes, les
peuples, les groupes raciaux, les classes sociales et
les générations. » Ce mouvement est défendu
et revendiqué par nombre d’organisations
paysannes, pastoralistes, artisans pêcheurs,
peuples autochtones, femmes, jeunes ruraux et
défenseurs de l’environnement.
L’AGRICULTURE à petite échelle ET L’UE
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Concentrer les efforts déployés pour combattre la faim à l’échelle internationale sur le soutien aux activités agricoles à petite
échelle répondant aux principes de l’agro-écologie : les petits producteurs jouent un rôle central dans la sécurité alimentaire
et nutritionnelle mondiale. Caritas est d’avis qu’une solution permettant de faire reculer la faim consiste à soutenir les activités agro-écologiques qui bénéficient aux communautés les plus affectées par la dénutrition. C’est pourquoi Caritas a salué la
communication de la Commission européenne, datée de mars 2010, soutenant la nécessité de cibler l’assistance de l’UE sur la
production d’aliments à petite échelle et durable39, ainsi que le cadre règlementaire de l’UE sur l’agriculture biologique40. Pour
ces mêmes raisons, Caritas Europa est heureuse que la FAO et les Nations Unies aient déclaré l’année 2014 Année internationale de l’agriculture familiale ;
„„ Adopter des principes forts, afin de défendre le droit des petits producteurs et de leurs organisations et associations à protéger
les systèmes agricoles locaux, y compris à conserver et utiliser les semences issues de la biodiversité locale, ainsi que les connaissances disponibles. Protéger les systèmes agricoles locaux de la contamination par les organismes génétiquement modifiés ;
„„ Promouvoir, dans ses politiques, le caractère multifonctionnel de l’agriculture en abordant les défis liés à la sécurité alimentaire, non seulement du point de vue de la production d’aliments, mais aussi en tenant compte des dimensions socioculturelles,
environnementales et économiques de l’agriculture.
„„ Accorder une attention spécifique à la préservation des savoirs traditionnels et au développement des compétences et des
connaissances des agriculteurs en matière de diversité biologique, en ciblant particulièrement les femmes, qui produisent plus
de la moitié des aliments à l’échelle mondiale.
„„ Augmenter le nombre de recherches consacrées aux systèmes de production d’aliments agro-écologiques, en s’appuyant sur les
meilleures pratiques existantes et soutenir la recherche participative, les écoles pratiques d’agriculture, ainsi que les réseaux de
paysan à paysan et les services de vulgarisation rurale au niveau local.
Caritas recommande que l’UE applique une règlementation et un contrôle stricts sur les investissements du secteur privé européen
dans les agricultures des pays en développement, dans le but de donner la priorité à l’autonomisation des petits producteurs, ainsi qu’à
leur accès aux ressources productives et leur contrôle sur ces dernières. Cette recommandation fait suite aux conclusions du Conseil
de mai 2013, au cours duquel les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont souligné qu’afin de nourrir la population mondiale, la
production agricole devait être considérablement augmentée et diversifiée, de manière durable et résiliente, en recommandant pour
cela « un investissement responsable du secteur privé dans l’agriculture » 41. Il semble que l’UE attribue un rôle important au secteur
privé dans la promotion du secteur de l’agriculture.
39
Communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen, An EU policy framework to assist developing countries in addressing food
security challenges, 31 mars 2010. http://ec.europa.eu/development/icenter/repository/COMM_PDF_COM_2010_0127_EN.PDF
40
http://ec.europa.eu/agriculture/organic/index_fr.htm
41
Réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères, Conclusions du Conseil sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le cadre de l’aide
extérieure, mai 2013, p. 3. http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_data/docs/pressdata/EN/foraff/137318.pdf (disponible uniquement en anglais)
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
et, ainsi, une amélioration de la nutrition.
De plus, suite à cette conversion, le capital
naturel des petites exploitations – tel que la
fertilité des sols, les niveaux de biodiversité
agricole, la capacité de rétention d’eau et
la maîtrise des crues et des glissements de
terrain – a augmenté au fil du temps34.
17
18
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
PHOTO
L’UE ET L’OBJECTIF
D’ÉRADICATION DE LA FAIM
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Soutenir, dans le cadre de l’après 2015, un objectif « Faim Zéro » ambitieux, mettant en évidence l’importance de l’agriculture.
Entre autres indicateurs, un objectif futur visant à éradiquer la faim doit intégrer les indicateurs relatifs à la petite agriculture,
tels que les investissements des pays dans la petite agriculture, la part de l’APD allouée à l’agriculture durable ou l’existence de
plans nationaux de mise en œuvre des systèmes de production agricole durables ;
„„ Porter à au moins 10 % la part d’Aide publique au développement (APD) allouée à l’agriculture durable : l’Union européenne
dépense environ chaque année 45 milliards d’euros à sa politique agricole commune. Le nouveau cadre financier pluriannuel
pour la période 2014-2020 prévoit que 36 % de son budget sera consacré à la promotion de l’agriculture en Europe43. La tendance est différente lorsque l’on examine la part de l’APD (Aide publique au développement) allouée à l’agriculture. En termes
de quantités, le soutien aux activités agricoles dans les pays dits en développement ne fait pas partie des priorités des politiques
de développement de l’Union européenne. En 2012, l’UE a en effet dépensé moins de 5 % du total de son APD à l’agriculture44. Ce montant est bien trop faible lorsque l’on tient compte des recommandations des différents experts et rapports de
haut niveau, qui soulignent que les investissements dans l’agriculture sont essentiels pour réduire l’extrême pauvreté et la faim.
42
Ibid, p. 2
43
Parlement européen, Département thématique B : Conclusions du Conseil européen sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et la PAC, p. 40.
http:// www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/note/join/2013/495846/IPOL-AGRI_NT(2013)495846_FR.pdf
44
Statistiques de l’OCDE, http://stats.oecd.org/Index.aspx?lang=fr&SubSessionId=8f1c49ac-536a-460e-ba11-6ea35d0ead8e&themetreeid=3
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
„„ Promouvoir un objectif d’éradication de la faim ambitieux, accordant une place importante à l’agriculture durable dans les
négociations sur l’après 2015. Caritas se réjouit que les ministres des Affaires étrangères de l’UE soulignent, dans les conclusions du Conseil de mai 2013, la nécessité « de garantir que la faim et la sécurité alimentaire et nutritionnelle soient bien prises
en compte dans la définition des priorités de l’après 2015 » 42 ;
19
L’environnement et
3
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
le changement climatique
20
Contexte
Le changement climatique et la sécurité
alimentaire sont intrinsèquement liés. De
nombreux éléments démontrent que nous
sommes en passe de compromettre les
fondements écologiques de notre système
alimentaire mondial. Aussi bien la base de
ressources naturelles que les services écosystémiques nécessaires pour soutenir la
production agricole mondiale sont gravement affaiblis45, ce qui fait planer un danger
sur la sécurité alimentaire et augmente les
risques et les vulnérabilités des communautés pauvres, dans un monde menacé par
l’accélération du changement climatique.
Faute de garantir une durabilité en termes
écologiques, toute avancée réalisée dans
le domaine de la sécurité alimentaire sera
fragile et temporaire. Un principe clé de la
doctrine sociale de l’Église catholique est la
protection de la Création, ce qui exige que
nous respections les ressources du monde
en leur qualité de bien commun partagé.
Ceci génère une responsabilité aussi bien
individuelle que collective à prendre des
mesures urgentes af in de garantir les
moyens d’existence des générations futures.
De plus, nous revendiquons le fait que le
travail de Caritas soit guidé par l’option
préférentielle pour les pauvres, un principe
central de la doctrine sociale de l’Église
catholique, au cœur de toute action que
Caritas entend mettre en œuvre ou de
tout changement qu’elle préconise. Il incombe particulièrement aux responsables
politiques et aux institutions nationales et
européennes de réduire la pauvreté parmi
les plus vulnérables du monde. L’accélération du changement climatique nuit gravement à la sécurité alimentaire des groupes
les plus pauvres et fragilisés de la planète.
Pour Caritas, il est donc d’une importance
capitale de trouver des solutions justes au
changement climatique.
L’empreinte
écologique
L’humanité est confrontée à un défi d’envergure, consistant à nourrir une population mondiale croissante sans pousser
l’empreinte écologique de l’humanité audelà des frontières planétaires. L’empreinte
écologique peut être définie, en termes généraux, comme l’impact global des activités
humaines, mesuré en fonction de l’espace
biologique productif (en terres et en eaux)
nécessaire pour produire les biens consommés et assimiler les déchets produits.
Plus simplement, elle correspond à la quantité de ressources environnementales requises
pour produire les biens et services nécessaires
pour mener un mode de vie donné46. L’empreinte écologique varie considérablement
d’un pays à l’autre, étant donné qu’elle diffère
en fonction des individus, selon les choix de
chacun en termes de ressources utilisées pour
vivre d’une certaine manière. Parce que l’empreinte écologique des habitants de certains
pays a un impact néfaste sur la vie des populations d’autres états, ce concept est important
au moment de discuter de la justice sociale
dans le contexte des frontières planétaires.
Les impacts du
changement
climatique sur la
sécurité alimentaire
Selon les prévisions du GIEC – le Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – la hausse des températures et les modifications des régimes de
pluies et de précipitations découlant du
changement climatique auront un profond
impact sur l’agriculture et les écosystèmes
de nombre des régions les plus pauvres au
monde. Ces dernières sont caractérisées par
la plus faible capacité économique, institutionnelle, scientifique et technique à faire
face et à s’adapter. D’une manière générale,
les pays les moins avancés sont les plus
touchés par les nombreuses conséquences
du changement climatique, en raison de
facteurs tels que les changements démographiques rapides, la volatilité des taux
de croissance économique et l’instabilité
institutionnelle47.
Dans les régions arides et semi-arides, où
vivent plus de 650 millions de personnes
parmi les plus pauvres et les plus exposées
à l’insécurité alimentaire, l’agriculture est
particulièrement vulnérable aux risques liés
à l’évolution et à l’instabilité du climat, et
en particulier aux sécheresses48. Alors que
les taux de CO2 atteignent des niveaux
jamais vus depuis 15 millions d’années,
la Banque mondiale indique que les tendances actuelles en matière d’émissions
poussent le monde vers un réchauffement
45
PNUE, Avoiding Future Famines: Strengthening the Ecological Foundation of Food Security through Sustainable Food Systems, PNUE : Nairobi, Kenya, 2012. http://
www.unep.org/publications/ebooks/avoidingfamines/portals/19/UNEP_Food_Security_Report.pdf
46
www.footprintnetwork.org
47
GIEC, Towards New Scenarios For Analysis of Emissions, Climate Change, Impacts and Response Srategies, 2007. http://ipcc-data.org/docs/ar5scenarios/IPCC_
Final_Draft_Meeting_Report_3May08.pdf
48
Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition, Sécurité alimentaire et changement climatique, Rome, 2012. http://www.fao.org/fileadmin/user_upload/hlpe/hlpe_documents/HLPE_Reports/HLPE-Rapport-3-Changement_climatique-Juin_2012.pdf
des températures qui atteindra les 4°C d’ici
la fin du siècle. Selon les prévisions, cela
entraînera des vagues de chaleur sans précédent, de graves sécheresses et d’importantes inondations dans de nombreuses
régions, avec de graves retombées sur les
systèmes humains, les écosystèmes et les
services associés49. 50
pertes de rendement dans des conditions
d’agriculture pluviale53, tandis que des simulations indiquent que les rendements de
maïs dans le Nord de l’Ouganda, le Sud du
Soudan et les zones semi-arides du Kenya
et de la Tanzanie pourraient chuter de 20
%54. Dans un monde où le réchauffement
atteindrait 4°C, le changement climatique
arables souffrent de dégradation et perdent
en productivité 56. Près d’1,5 milliard de
personnes dépendent directement de ces
zones victimes de dégradation, l’érosion
des sols étant particulièrement importante
en Afrique57. La plupart de cette dégradation est causée par la déforestation, l’érosion éolienne et par l’eau, la salinisation,
Données extraites du projet de la Banque mondiale50:
„„ L’émergence d’extrêmes de températures élevées sans précédent dans les tropiques va occasionner des impacts sensiblement
plus forts sur l’agriculture et les écosystèmes
„„ L’augmentation moyenne du niveau des mers pourrait s’avérer 15 à 20 % supérieure dans les régions tropicales par rapport
au reste du monde
„„ L’intensité croissante des cyclones tropicaux pourrait être ressentie de manière disproportionnée dans les régions tropicales
„„ La croissance de l’aridité et des sécheresses pourrait augmenter de façon substantielle dans de nombreuses régions en développement dans les zones tropicales et sous-tropicales.
La réduction de la superficie de terres
arables dans les régions tropicales sera plus
prononcée en Afrique, en Amérique latine
et en Inde, tandis que l’inondation des
terres agricoles devrait peser lourdement
sur les rendements agricoles. 10,7 % des
terres agricoles d’Asie du Sud pourraient
être exposés à des inondations, conjointement à une intensification de 10 % des
phénomènes cycloniques51.
Les recherches menées depuis 2007 montrent
une augmentation plus rapide que prévu du
risque de réduction des rendements agricoles
associée au réchauffement climatique. Des
impacts négatifs ont déjà été observés. Selon
les estimations, la production mondiale de
maïs et de blé a chuté respectivement de 3,8
et 5,5 % en raison du changement climatique
constaté depuis 198052. D’ici 2050, et faute
d’adaptation, les pertes de rendement prévues
seront de 14 à 25 % pour le blé, 19 à 34 % pour
le maïs et 15 à 30 % pour le soja.
En Afrique, 65 % des zones de culture
actuelles du maïs seraient affectés par des
devrait vraisemblablement devenir le principal moteur des changements des écosystèmes, détrônant ainsi la destruction des
habitats au rang de plus grande menace
pesant sur la biodiversité. Il est probable
que surviennent des pertes de biodiversité à
grande échelle – du fait de la déforestation,
la désertification, les incendies de forêts,
les maladies, les nuisibles, les espèces envahissantes et la modification des biomes.
Simultanément, les préjudices portés à
l’écosystème devraient réduire de manière
considérable la fourniture des services écosystémiques dont dépend la société, tels que
la pêche et la protection des littoraux par les
récifs coralliens et les mangroves55.
Dégradation
des terres
L’érosion des sols contribue grandement à
la dégradation des terres ; il est estimé qu’à
l’échelle internationale, 24 % de la surface totale de la planète et 20 % des terres
l’acidification, le compactage et la pollution
découlant des pratiques agricoles inadaptées et intensives58.
Dans la plupart des pays en développement, les terres se prêtant à une expansion
des superficies cultivées sont rares. Elles
sont pratiquement inexistantes en Asie
du Sud-Est et au Proche-Orient/Afrique
du Nord. Les terres disponibles à cet effet
en Afrique subsaharienne et en Amérique
latine présentent, dans plus de 70 % des
cas, des contraintes au niveau du sol et du
terrain 59.
Néanmoins, on peut s’attendre à une intensification de la pression sur les terres
disponibles due à l’augmentation de la production de biocarburants et à l’expansion
des agglomérations. L’Agence internationale de l’énergie et la FAO estiment que
la superficie totale consacrée aux cultures
bioénergétiques devrait augmenter de 13,9
à 34,5–58,5 millions d’hectares d’ici 2030
– soit une augmentation comprise entre 0,8
et 1,7 million d’hectares par an à l’horizon
2030 (l’équivalent de la superficie terrestre
50
49
Banque mondiale, Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World Must be Avoided, World Bank: Washington, DC, 2012. http://www-wds.worldbank.org/external/
default/WDSContentServer/WDSP/IB/2012/12/20/000356161_20121220072749/Rendered/PDF/NonAsciiFileName0.pdf
50
Ibid.
51
Ibid.
52
D. Lobell et al, Climate Trends and Global Crop Production since 1980, Science, 5 mai 2011
53
Banque mondiale, Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World Must be Avoided, Banque mondiale : Washington, DC, 2012. http://www-wds.worldbank.org/
external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2012/12/20/000356161_20121220072749/Rendered/PDF/NonAsciiFileName0.pdf
54
FIDA/PNUE, Smallholders, food security, and the environment, FIDA/PNUE : Rome, 2013. http://www.unep.org/pdf/SmallholderReport_WEB.pdf
55
Banque mondiale (2012), Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World Must be Avoided, Banque mondiale : Washington, DC
56
PNUE, Avoiding Future Famines: Strengthening the Ecological Foundation of Food Security through Sustainable Food Systems, PNUE : Nairobi, Kenya, 2012. http://
www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2012/12/20/000356161_20121220072749/Rendered/PDF/NonAsciiFileName0.pdf
57
Ibid.
58
PNUE, The Environmental Food Crisis, PNUE : Nairobi, 2009. http://www.unep.org/pdf/FoodCrisis_lores.pdf
59
FAO, Produire plus avec moins – Guide à l’intention des décideurs sur l’intensification durable de l’agriculture paysanne, Rome: FAO, 2011. http://www.fao.org/ag/saveand-grow/fr/index.html
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
Le changement climatique selon la Banque mondiale
21
du Venezuela)60. De la même manière, la
Banque mondiale prévoit que la superficie des villes et l’étalement urbain seront
multipliés par 2,5 d’ici 2030, couvrant
ainsi quelque 100 millions d’hectares, soit
l’équivalent de 1,1 % du total des surfaces
cultivées des pays, avec la possibilité qu’ils
viennent à représenter jusqu’à 5 à 7 % du
total des terres arables61.
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
Eau
L’agriculture compte pour 70 % de l’ensemble des prélèvements d’eau douce effectués dans les rivières et les aquifères ;
cependant, la pression s’accentue du fait
que la part d’eau disponible pour l’agriculture devrait chuter à 40 % à l’horizon
2050 62. Près de 80 % des terres cultivées
sont non irriguées 63, et seuls 24 % des
22
terres arables sont cultivés en ayant recours
à l’irrigation à partir d’eaux de surface ou
de nappes souterraines64. Les aquifères fossiles non renouvelables sont déjà épuisés,
comme c’est le cas en Egypte, en Libye
et dans la région du Pendjab 65, alors que,
dans de nombreuses régions de Chine et
d’Inde, les niveaux de nappes souterraines
chutent d’un à trois mètres par an 66. La
consommation d’eau à usage domestique
devrait doubler en Afrique subsaharienne
d’ici 2050 et connaître une augmentation
comprise entre 20 et 90 % en Asie, tandis que le total de la demande mondiale en
eau pourrait doubler d’ici 2050, face aux
pressions exercées par l’industrie et l’urbanisation67. Dans l’ensemble, le Programme
mondial pour l’évaluation des ressources
en eau indique que 90 % des trois milliards
de personnes qui viendront s’ajouter à la
population mondiale d’ici 2050 pourraient
vivre dans des régions déjà confrontées à un
stress hydrique considérable68.
Biodiversité
D’importants services écosystémiques sont
également menacés. Au siècle dernier, environ 75 % des ressources phytogénétiques ont
été perdues et un tiers de la biodiversitéactuelle pourrait disparaître d’ici à 205069. Du
point de vue de la sécurité alimentaire, il est
essentiel d’inverser ces tendances compte
tenu du rôle primordial que joue la diversité
génétique végétale dans l’augmentation et le
maintien de la production d’aliments et de
la diversité nutritionnelle70. Les petits producteurs et les peuples autochtones jouent
un rôle déterminant dans l’utilisation et la
Étude de cas Caritas – S’attaquer à la dégradation des terres au Bangladesh
Le Bangladesh est l’un des pays au monde les plus affectés par le changement climatique. Caritas soutient
la mise en œuvre d’une agriculture plus respectueuse du climat au sein des communautés locales.
Dans 47 villages de la région des Chittagong Hill Tracts, dans le Sud-Est du Bangladesh, des communautés tribales minoritaires
travaillent aux côtés d’organisations locales soutenues par Caritas Bangladesh afin d’abandonner leurs pratiques de culture sur
brûlis, particulièrement destructives pour les forêts, pour passer à des systèmes de culture durables basés sur l’agro-écologie.
Mises en danger par les attaques violentes de l’Armée et des nouveaux colons, et menacées d’expropriation de leurs terres collectives
et d’usurpation de leurs droits fonciers, peu garantis, sur ces dernières, de nombreuses minorités pratiquaient la culture sur brûlis,
au détriment des terres, du sol et de l’environnement.
Pour autant, une formation collective dispensée à 2 000 familles, portant sur l’amélioration de la gestion des terres, l’irrigation
et l’analyse et l’enrichissement des sols, l’élevage, l’adoption d’engrais naturels, la conservation des semences, la production de
riz et le développement des variétés de fruits et de légumes grâce à la mise en place de nouvelles pépinières à boutures a permis
d’augmenter la production d’aliments de 20 %, de réduire les coûts de production de 20 % et d’améliorer sensiblement la diversité
des apports alimentaires, notamment chez les femmes et les enfants. Des campagnes de sensibilisation de la population portant
sur les questions en lien avec l’alimentation, la santé et les droits fonciers collectifs ont également renforcé les connaissances et la
résilience des communautés minoritaires.
Source : Caritas Bangladesh, Caritas France (SCCF)
60
PNUE, Avoiding Future Famines: Strengthening the Ecological Foundation of Food Security through Sustainable Food Systems, PNUE : Nairobi, Kenya, 2012. http://
www.unep.org/publications/ebooks/avoidingfamines/portals/19/UNEP_Food_Security_Report.pdf
61
Banque mondiale, The Dynamics of Global Urban Expansion, World Bank: Washington, DC, 2005. http://siteresources.worldbank.org/INTURBANDEVELOPMENT/Resources/dynamics_urban_expansion.pdf
62
OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050, OCDE : Paris, 2012. http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/
environment/perspectives-de-l-environnement-de-l-ocde-a-l-horizon-2050_env_outlook-2012-fr#page3
63
FAO, Produire plus avec moins – Guide à l’intention des décideurs sur l’intensification durable de l’agriculture paysanne, Rome : FAO, 2011. http://www.fao.org/ag/
save-and-grow/fr/index.html
64
PNUE, Towards a Green Economy: Pathways to Sustainable Development and Poverty Eradication, PNUE : Nairobi, 2011. http://sustainabledevelopment.un.org/
content/documents/126GER_synthesis_en.pdf
65
Gouvernement du R-U., Foresight. The future of food and farming, London: Government Office for Science, 2011. http://www.scp-knowledge.eu/sites/default/files/
knowledge/attachments/11-546-future-of-food-and-farming-report.pdf
66
FAO, Safeguarding Food Security in Volatile Global Markets, FAO : Rome, 2011. http://www.fao.org/docrep/013/i2107e/i2107e13.pdf
67
Gouvernement du R-U., Foresight. The future of food and farming, London: Government Office for Science, 2011. http://www.scp-knowledge.eu/sites/default/files/
knowledge/attachments/11-546-future-of-food-and-farming-report.pdf
68
PNUE, Avoiding Future Famines: Strengthening the Ecological Foundation of Food Security through Sustainable Food Systems, PNUE : Nairobi, Kenya, 2012. http://
www.unep.org/publications/ebooks/avoidingfamines/portals/19/UNEP_Food_Security_Report.pdf
69
FAO, Produire plus avec moins – Guide à l’intention des décideurs sur l’intensification durable de l’agriculture paysanne, Rome : FAO, 2011. http://www.fao.org/ag/
save-and-grow/fr/index.html
70
PNUE, The Environmental Food Crisis, PNUE : Nairobi, 2009. http://www.unep.org/pdf/FoodCrisis_lores.pdf
71
FIDA/PNUE, Smallholders, food security, and the environment, FIDA/PNUE : Rome, 2013. http://www.unep.org/pdf/SmallholderReport_WEB.pdf
72
L’IUCN est une organisation environnementale d’envergure internationale. Elle dispose du statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies et
considère la biodiversité comme un élément central de l’ensemble des politiques de développement. Elle dispose de plusieurs groupes de travail scientifiques
travaillant sur ce sujet. www.iucn.org
L’expérience
de Caritas
L’impact du changement climatique affectera la plupart des populations pauvres
du monde, qui disposent de bien moins
de ressources pour s’adapter à ces changements. En sa qualité de confédération
composée d’organisations humanitaires et
de développement, Caritas est particulièrement préoccupée par l’impact du changement climatique sur les communautés
les plus pauvres de la planète. Les avancées accomplies pour garantir la sécurité
alimentaire de tout un chacun pourraient
bien être balayées d’un revers de la main
par le changement climatique. L’adaptation
et l’atténuation du changement climatique
sont donc déterminantes pour assurer la
sécurité alimentaire, ainsi que la durabilité
des moyens d’existence futurs.
Forte de son expertise dans le domaine
du développement local, Caritas a déjà
eu l’occasion de juger de l’importance de
concevoir et mettre en œuvre des programmes adaptés aux contextes locaux et
aux systèmes écologiques. La construction de communautés résilientes et la mise
en œuvre d’interventions modulables en
matière d’adaptation, s’attaquant non seulement aux problèmes actuels, mais anticipant également la variabilité future du climat peuvent être accomplies en renforçant
les capacités et les connaissances locales.
Partout sur la planète, Caritas œuvre à
promouvoir la gestion communautaire des
ressources naturelles, l’agriculture durable,
la mise en place de mesures relatives à l’eau
et à l’assainissement et les programmes de
réduction des risques.
LE CHANGEMENT
CLIMATIQUE ET L’UE
Sans le leadership et la participation de l’UE et des autres pays industrialisés, les
stratégies visant à atténuer le changement climatique n’aboutiront pas. Les pays
industrialisés, qui ont construit leur richesse sur une utilisation non durable des
ressources de la planète, ont une dette envers la communauté internationale.
Il est urgent d’introduire des objectifs plus stricts en matière de réduction des
émissions ; de plus, cela permettrait d’envoyer un fort signal en termes de leadership sur le plan international.
En outre, un soutien plus important est nécessaire de la part de l’UE pour
passer de toute urgence à une agriculture plus durable, diversifiée, capable de
s’adapter et résiliente au changement climatique. Les politiques et les aides de
l’UE doivent adopter une perspective plus vaste, et prendre en compte les interactions entre changement climatique et sécurité alimentaire. En reconnaissant
le caractère multifonctionnel de l’agriculture et ses dimensions environnementales, l’UE doit orienter ses politiques d’aide afin de contribuer à préserver les
savoirs traditionnels, en développant les compétences des agriculteurs et la
connaissance de la biodiversité.
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Définir un objectif contraignant également en matière de réduction des
émissions, afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ainsi qu’en
termes d’aide apportée aux pays en développement afin de faire face aux
impacts dévastateurs du changement climatique ;
„„ Intégrer des objectifs climatiques contraignants lors de la conception et de
la mise en œuvre de l’ensemble des politiques de l’UE, y compris ses politiques agricoles, de transport, industrielles, etc. ;
„„ Utiliser les meilleures pratiques dans les évaluations de l’impact sur le
développement durable dans le but d’inclure de solides garanties sociales
et relatives aux droits de l’homme dans les contrats d’investissements et les
accords signés entre l’UE et les pays en voie de développement ayant un
impact sur les populations vulnérables et leur capacité à faire face au changement environnemental et climatique ;
„„ Accroître le soutien apporté à l’agro-écologie intelligente face au climat,
basée sur la petite agriculture, ainsi qu’à la conservation communautaire des
ressources naturelles (sols, eau, forêts) des pays en développement.
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
conservation in situ de la diversité génétique
végétale, du fait que les variétés de cultures
locales sont souvent plus capables de s’adapter, plus rustiques et plus résistantes que les
variétés modernes. Lors de la sécheresse qui
a touché le Sud-Ouest de la Chine lors du
printemps 2010, par exemple, la plupart
des variétés modernes de légumes et de céréales ont été perdues, alors que la majorité
des variétés indigènes ont survécu71. Ceci
n’est qu’un exemple démontrant la valeur
ajoutée des espèces naturelles dans différentes régions du monde. Selon l’IUCN,
l’Union internationale pour la conservation
de la nature72, « aucun autre élément distinctif de la Terre n’a été si radicalement influencé
par l’activité humaine. En modifiant la biodiversité, nous exerçons une forte influence sur le
bien-être des humains et sur celui de toutes les
créatures vivantes ». Face à tout cela, la valeur
économique de la biodiversité devrait être
davantage reconnue et prise en compte lors
de l’élaboration de nouvelles politiques agricoles, aussi bien dans le Nord que dans le Sud.
23
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
4
24
La nutrition
CONTEXTE
Trois millions d’enfants meurent chaque
année dans le monde des conséquences
de la dénutrition73. 162 millions d’enfants
souffrent de graves retards de croissance
(définis comme une taille trop petite par
rapport à l’âge) et 99 millions d’enfants
âgés de moins de cinq ans présentent une
insuffisance pondérale. 56 % de l’ensemble
des enfants connaissant un retard de croissance vivent en Asie et 36 % en Afrique74.
La dénutrition aiguë a des conséquences
irréversibles sur le développement physique et cognitif, notamment lors des deux
premières années de la vie d’un enfant.
Les mauvais résultats scolaires d’un enfant
entraînent des chutes moyennes des revenus futurs pouvant atteindre les 22 %75.
Les enfants grandissant dans des familles
pauvres ont une plus grande propension
à souffrir de dénutrition. Les carences en
oligo-éléments, les retards de croissance,
ainsi que la surcharge pondérale et l’obésité sont tous des symptômes des mêmes
problèmes sous-jacents : la pauvreté, les
inégalités et le dysfonctionnement d’un
système alimentaire incapable de satisfaire
les besoins sanitaires et nutritionnels de la
population.76
Entre 2000 et 2012, la prévalence du retard
de croissance à l’échelle mondiale a reculé
de 33 à 25 %. Lors de la 65ème Assemblée
mondiale de la Santé, qui s’est tenue en
avril 2012, la communauté internationale
s’est engagée à atteindre un nouvel objectif mondial : réduire de 40 %, d’ici 2025,
76
Activités de Caritas :
Services de nutrition pour les enfants mal-nourris du Burkina Faso76
Caritas Autriche soutient le travail en cours d’OCADES Caritas Burkina, en mettant l’accent sur la prévention de la malnutrition des enfants
dans le diocèse de Dori au Burkina Faso. Cette région est particulièrement touchée par la malnutrition chez les enfants de mois de 5 ans.
Caritas oriente son action en se basant sur trois piliers :
„„ Éducation à la nutrition : Au moyen d’un programme d’éducation, le personnel de Caritas rend visite aux familles, dans les villages, pour leur apprendre à prévenir la dénutrition, les pratiques de soins indispensables et à reconnaître les symptômes d’une
dénutrition aiguë.
„„ Alimentation thérapeutique dans un centre d’alimentation (CREN) : les enfants dont le diagnostic a été établi par le personnel de Caritas, ou par un centre de santé gouvernemental, sont envoyés dans un centre d’alimentation thérapeutique pour des
traitements thérapeutiques. Les patients reçoivent normalement une bouillie à base de soja, de lait en poudre et d’huile. Suivant
leur état, les enfants séjournent dans le centre entre 7 jours et 3 semaines. Ensuite, il est demandé aux mamans de venir régulièrement au centre pour faire examiner leur enfant.
„„ Caritas utilise le séjour thérapeutique des enfants dans le centre pour éduquer les mamans accompagnant leurs enfants. On leur
enseigne comment préparer des repas nutritifs et quels légumes cultiver dans leur jardin potager. Elles sont également sensibilisées à l’importance de l’hygiène et aux aspects sanitaires.
73
UNICEF, Committing to Child Survival. A Promise Renewed. Progress Report 2013, p. 27. http://www.unicef.org/publications/files/APR_Progress_
Report_2013_9_Sept_2013.pdf
74
Base de données conjointe de l’Unicef, l’OMS et Banque mondiale sur la malnutrition chez l’enfant, Estimations pour 2012, septembre 2013. http://www.who.
int/nutgrowthdb/jme_2012_summary_note_v2.pdf
75
Voir le site de l’UNICEF, http://www.unicef.org/french/nutrition/
76
Pour de plus amples informations, veuillez consulter : Caritas, http://www.caritas.at/auslandshilfe/projekte/afrika/burkina-faso/zentren-fuer-ernaehrungssicherung-und-beratung/ (disponible en allemand uniquement)
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Promouvoir un objectif d’éradication de la faim ambitieux, accordant une importance particulière à la nutrition dans les
négociations portant sur l’après 2015 de l’UE. Le nombre d’enfants de moins de 5 ans présentant un retard de croissance
devrait être ramené de 26 % actuellement à 5% d’ici 2030.
„„ La Commission européenne, dans sa communication de mars 2013, ainsi que les ministres européens des Affaires étrangères, dans les conclusions de leur Conseil de mai 2013, ont salué l’objectif mondial visant à réduire de 40 % le nombre
d’enfants souffrant d’un retard de croissance d’ici 2025 ; cependant, ils ont fait part de leurs doutes quant à la probabilité
d’atteindre cet objectif, avançant que « les tendances actuelles sont loin d’aller dans le sens de l’objectif de l’OMS » ;
„„ Augmenter le soutien accordé aux pays ayant un taux élevé de dénutrition : Caritas salue la communication « Améliorer la
nutrition maternelle et infantile dans le cadre de l’aide extérieure : un cadre stratégique de l’UE » publiée par la Commission en mars 2013 et reprise par le Conseil européen des ministres des Affaires étrangères en mai 201378 79. Il est désormais essentiel de mettre rapidement en pratique les propositions formulées dans cette communication ;
„„ Renforcer le soutien accordé aux pays dans leur lutte contre la dénutrition. Le gaspillage de nourriture, l’un des principaux
comportements contribuant à la malnutrition, devrait également être revu. Des interventions spécifiques en matière de
nutrition, des communications sur les changements de comportement, l’apport d’oligo-éléments ainsi que des interventions
en matière d’alimentation complémentaire et thérapeutique devraient être rendues possibles et améliorées ;
„„ Apporter un soutien aux pays présentant un taux élevé de dénutrition afin d’améliorer l’accès aux services sanitaires de
base, notamment pour les femmes et les enfants ;
„„ Adopter une approche holistique et intégrée maintenant les liens existants entre la sécurité alimentaire et les politiques
sociales et sanitaires.
le nombre d’enfants de moins de cinq ans
présentant un retard de croissance. D’autres
objectifs ont été fixés concernant l’anémie,
l’allaitement exclusif au sein, l’insuffisance
pondérale à la naissance, la surcharge pondérale et l’émaciation77.
Pour atteindre cet objectif, les quatre piliers
de la sécurité alimentaire - la disponibilité,
l’accès, l’utilisation/qualité et la stabilité,
ainsi que les autres facteurs affectant la
nutrition, à savoir les conditions de vie, la
qualité environnementale, les pratiques de
santé et de soins, doivent tous être pris en
compte. Des mesures visant l’amélioration
des pratiques de soin (prise en charge des
enfants, pratiques d’alimentation, connaissances nutritionnelles, habitudes alimentaires et distribution de la nourriture au
sein des foyers), de l’hygiène, de l’assainissement et de la sécurité alimentaire sont
fondamentales pour corriger l’état nutritionnel de l’enfant.
Dans de nombreux pays, Caritas soutient
des programmes et des activités dans le
but de traiter et de prévenir la dénutrition,
notamment chez les enfants atteints de
maladies telles que le kwashiorkor ou le
marasme. Les 1000 premiers jours de la vie
d’un enfant sont notamment déterminants
pour combattre les effets à long terme de la
dénutrition. Forte de son réseau de représentants et de volontaires dans les paroisses du
monde entier, Caritas travaille aux côtés des
populations vivant dans des régions très isolées. Il est essentiel d’impliquer les familles
et l’ensemble des communautés pour contrôler la forte prévalence de la dénutrition.7879
77
OMS, Plan d’application exhaustif concernant la nutrition chez la mère, le nourrisson et le jeune enfant approuvé par la 65e Assemblée mondiale de la Santé, avril
2012. http://www.who.int/nutrition/topics/WHA65.6_annex2_fr.pdf
78
Conseil de l’Union européenne, Conclusions du Conseil sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle dans le cadre de l’aide extérieure, 29 mai 2013. http://www.
consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/EN/foraff/137318.pdf (disponible en anglais uniquement)
79
Commission européenne, Communication de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil, Améliorer la nutrition maternelle et infantile dans
le cadre de l’aide extérieure, mars 2013. http://ec.europa.eu/europeaid/documents/enhancing_maternal-child_nutrition_in_external_assistance_en.pdf
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
la nutrition
et l’ue
25
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
26
L’expérience de Caritas
Étude de cas Caritas Résilience en Mauritanie
Depuis 2011, Caritas Mauritanie oriente ses efforts vers
l’éradication de la faim dans l’une des régions les plus pauvres du pays, le Gorgol, également connue comme « le
Triangle de la Pauvreté ». La wilaya de Monguel, principale cible de l’intervention, est affectée par des sécheresses
cycliques, comme celle de 2012. Les aléas climatiques, la
pénurie d’eau et d’infrastructures, la déforestation continue et la faiblesse des mécanismes communautaires ont
augmenté la vulnérabilité des familles rurales et réduit
leur capacité de réponse aux crises récurrentes. Dans cette
région, le droit à l’alimentation est constamment violé en
raison de la spéculation et de l’importante fluctuation des
prix (les deux tiers du stock de céréales sont importés). Le
manque d’accès à la nourriture pendant la saison sèche (de
mars à juillet) constitue un autre problème majeur, principalement dû à l’isolement géographique des communautés,
au manque d’accès à l’irrigation, à l’absence de formation
et de technologie, ainsi qu’à la pénurie d’infrastructures.
Bien que l’administration locale ait mis en place une stratégie en vue de promouvoir la résilience de la région, les
programmes gouvernementaux n’abordent pas le problème
dans sa globalité. Caritas Mauritanie aide les communautés à renforcer leur résilience au moyen d’une approche
intégrée dont le principal pilier est l’établissement de
mécanismes de base, concertés avec la société civile,
améliorant leur organisation et leurs capacités (sens de
l’organisation, alphabétisation, services vétérinaires, etc.).
D’autre part, une gestion efficace des ressources en eau, la
diversification et le renforcement de la production agropastorale (encouragement des jardins communautaires et de
l’agriculture communautaire à petite échelle), la création
de services communautaires et d’activités génératrices
de revenus, ainsi que l’accent mis sur les femmes (qui sont
les chefs de famille en raison des migrations saisonnières)
constituent des instruments qui permettent de renforcer la
résilience et de réduire la vulnérabilité. Dans cette région,
comme dans de nombreux autres cas, la principale cause
de l’insécurité alimentaire est structurelle et pourrait donc
être combattue en adoptant une approche d’ensemble
adaptée à la situation locale, dans le but de préparer ces
communautés à faire face aux crises.
Renforcer
la résilience
Contexte
Face à la hausse, voire à la flambée, des prix
des denrées alimentaires, les chocs énergétiques, la multiplication des catastrophes
naturelles, la contagion économique, les
pandémies et les perturbations à plus long
terme telles que le changement climatique,
la dégradation de l’environnement et les
crises prolongées, il est devenu indispensable de renforcer la résilience des foyers
et des communautés face aux risques, aux
chocs et aux perturbations pouvant s’avérer
catastrophiques.
La FAO définit la résilience comme la
capacité des personnes ou des communautés à absorber et à se relever des effets des
crises (récurrentes ou non) et à se réorganiser en intégrant ces changements, tout en
conservant la même structure de base, le
même fonctionnement, la même identité et
la capacité de réagir et de s’adapter80.
En octobre 2012, la Commission européenne a publié une communication sur
« l’approche de l’UE sur la résilience », à
partir des expériences des crises de sécurité
alimentaire81. Cela a permis d’enrichir le
débat sur la question et d’offrir une visibilité à un certain nombre de crises africaines
presque oubliées. Il faut également préciser,
toutefois, que la prévention, la préparation
et l’évaluation des risques ne peuvent se
faire que de manière globale, cohérente et
exhaustive.
Les crises récentes, telles que la flambée du
prix des denrées alimentaires en 2008 et
80
81
82
83
84
2011, les sécheresses récurrentes au Sahel
et dans la Corne de l’Afrique, le séisme
en Haïti et, dernièrement, le typhon aux
Philippines, ont permis de tirer la sonnette d’alarme et de mettre en lumière les
risques et la vulnérabilité des communautés
les plus pauvres du monde. Le nombre de
personnes exposées aux inondations et aux
cyclones tropicaux a doublé depuis 1970,
et, en 2015, la moitié des personnes vivant
avec moins de 1,25 $ par jour vivra dans un
État fragile ou touché par un conflit82.
Sachant qu’en 2010 20 % des personnes
sous-alimentées dans le monde (environ
166 millions) vivaient dans 22 pays en
crise prolongée83, il est clair que l’UE ne
peut se contenter de poursuivre ses actions
habituelles. Elle doit adopter une approche
plus ciblée, exhaustive, de longue durée,
fondée sur les droits des personnes et axée
sur le climat pour assurer la résilience des
communautés marginalisées et confrontées
à de multiples menaces. Il est impératif que
les États atténuent et supportent davantage
la charge croissante des risques, tout en
aidant dans un même temps les communautés locales à devenir plus autonomes et
à revendiquer leurs droits.
Parallèlement, l’extension de la protection
sociale est une première étape cruciale.
Environ 75 à 80 % de la population n’a
accès à aucun système global de protection
sociale contre les effets du chômage, de la
maladie ou du handicap, sans parler des
mauvaises récoltes, des catastrophes naturelles ou de la flambée du coût des denrées
alimentaires. Lorsqu’une crise survient,
des millions de personnes sans protection
sociale se retrouvent alors à dépendre de
leur famille, de leurs propres mécanismes
d’adaptation, de l’envoi de fonds ou de la
charité. Très souvent, elles doivent recourir
à des mesures drastiques, comme retirer les
enfants de l’école pour économiser de l’argent, remettre à plus tard des soins médicaux, émigrer vers les villes ou vendre leurs
outils de production, tels que des terres,
des semences ou du bétail, mettant ainsi en
péril leur capacitéà subsister et à surmonter
les chocs à venir84.
À cet égard, le rôle de la diversification et de
l’assurance est crucial. L’accès à l’assurance
peut aider la communauté à mieux gérer
les risques et à considérablement améliorer
la résilience en cas de catastrophe. L’assurance peut être adaptée à différents secteurs : l’agriculture, le logement, la santé,
et les revenus, avec des outils tels que la
micro-assurance. Les collectivités locales
devraient faciliter l’accès aux assurances
des familles vulnérables afin d’étendre la
protection sociale.
De la même manière, bien que la diversification constitue un moyen traditionnel
de faire face au risque, elle empêche les
économies d’échelle et peut donc se révéler
inefficace. Lorsque des mécanismes adéquats de gestion des risques sont mis en
place sous la forme de protection sociale,
d’assurance ou d’accès au crédit, l’activité
économique d’une famille peut se concentrer sur des opérations ayant un maximum
de rentabilité et générant des ressources qui
permettront de réduire la pauvreté.
FAO, FAO-Adapt/Programme-cadre sur l’adaptation au changement climatique, 2011. http://www.fao.org/docrep/014/i2316f/i2316f00.pdf
European Commission, Communication From The Commission To The European Parliament And The Council, The EU Approach To Resilience: Learning From Food
Security Crises, 2012. http://ec.europa.eu/europeaid/what/food-security/documents/20121003-comm_en.pdf
Oxfam, Pas de hasard : Résilience et inégalités face au risque, Oxfam : Oxford, 2013. http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/bp172-no-accident-resilience-inequality-of-risk-210513-fr_1.pdf
FAO, L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde, FAO : Rome, 2010. http://www.fao.org/docrep/013/i1683f/i1683f00.htm
O. De Schutter et M. Sepulveda, Underwriting the Poor, A Global Fund for Social Protection, note d’information 7, octobre 2012. http://www.ohchr.org/
Documents/Issues/Food/20121009_GFSP_en.pdf
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
5
27
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
La vulnérabilité face aux catastrophes
peut être considérablement réduite si la
population est bien informée et encouragée à cultiver un esprit de prévention des
catastrophes et de résilience. Cette tâche
nécessite de collecter, compiler et diffuser
les connaissances et les informations pertinentes au sujet des risques et des vulnérabilités, ainsi que de renforcer les moyens.
Il est également nécessaire de prendre des
mesures proactives, en gardant à l’esprit
que les phases de secours, de réhabilitation et de reconstruction qui font suite à
une catastrophe offrent des opportunités
de rétablissement des moyens d’existence,
ainsi que de planification et reconstruction
des structures physiques et socio-économiques, d’une manière qui permet de renforcer la résilience de la communauté et de
réduire la vulnérabilité aux futurs risques
de catastrophes85.
Étude de cas Caritas – Intervention face à la catastrophe au Burkina Faso
Au Burkina Faso, la sécheresse de 2012 a affecté 2 millions de personnes. Le réseau
international Caritas a lancé un appel d’urgence international visant à aider plus de
7 000 familles. Des actions ont été mises en œuvre afin d’aider ces familles à se relever
et à produire à nouveau des aliments.
A la suite de la sécheresse, de nombreux foyers ont été forcés de manger une partie
des céréales qu’ils prévoyaient de planter pour la prochaine récolte, de tuer les derniers animaux qu’ils possédaient et de vendre les outils servant à cultiver la terre. La
solidarité traditionnelle les a poussées à partager leurs biens avec les paysans les plus
affectés, ce qui a généralisé les effets du manque de capitalisation.
La réponse apportée par Caritas pour faire face à ce problème comprenait 3 composantes principales, toutes liées les unes aux autres. Une distribution gratuite
d’aliments aux familles les plus vulnérables (7 036 familles), une activité de suivi de
la malnutrition chez l’enfant (21 000 enfants ont bénéficié du programme de nutrition) et un programme d’appui aux activités agro-pastorales (2 260 familles). Cette
dernière composante combinait la distribution d’animaux, de semences et d’outils à
des prix subventionnés, ainsi que des formations et des dons en espèces afin d’aider les
familles à recouvrer leur capacité de production.
Après l’intervention, une évaluation a été menée, avec pour résultat un impact
économique considérable sur l’économie locale, une réduction du nombre d’enfants
abandonnés et une amélioration de la production dans les communautés concernées.
28
Source : Caritas Burkina (OCADES), Caritas Espagne
85
Nations Unies, Cadre d’action de Hyogo pour 2005-2015, Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes, 18-22 janvier 2005, Kobe, (Hyogo, Japon).
http://www.unisdr.org/2005/wcdr/intergover/official-doc/L-docs/Hyogo-framework-for-action-french.pdf
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Mettre l’accent sur le renforcement de l’approche basée sur la communauté : Caritas recommande de reconnaître le droit à
l’alimentation comme fondement de toutes les mesures relatives à la sécurité alimentaire. Soutenir l’organisation collective,
au niveau communautaire, d’hommes et de femmes issus de communautés pauvres afin de renforcer les connaissances, les
savoir-faire, l’autonomisation, ainsi que la reconnaissance de leurs droits ;
„„ Mettre l’accent sur l’approche de la résilience dans un contexte d’urgence : Caritas recommande d’intégrer l’approche de la
résilience à toutes les phases d’urgence, des systèmes d’alerte précoce à la phase de réhabilitation, en passant par la préparation aux risques de catastrophe.
„„ Intégrer la résilience aux programmes sur l’alimentation et la nutrition : Caritas recommande que les Directives volontaires
sur (i) le droit à une alimentation adéquate et (ii) l’utilisation des terres et des ressources naturelles soient adoptées et mises
en œuvre, non seulement par un grand nombre de pays partenaires, mais aussi par les pays européens86 ;
„„ Renforcer les initiatives de protection sociale dans le cadre du processus pour l’après 2015 : Caritas recommande de mettre
en place un Fonds mondial de protection sociale pour 48 des pays les moins avancés87 ;
„„ Proposer une source de fonds pérenne et prévisible pour mettre en œuvre des actions dans le cadre de l’initiative européenne AGIR88 : Caritas recommande que les deux principaux piliers de la protection sociale bénéficient d’une attribution
rapide de fonds pour pouvoir obtenir des résultats. En ce qui concerne le troisième pilier, la production alimentaire, nous
recommandons des mesures visant à préserver et à développer le secteur de la production alimentaire nationale plutôt que
des « politiques régionales pour la libre circulation des biens et des services »89.
86
Cela devrait être reflété dans le « Plan d’action
pour la résilience dans les pays sujets aux crises,
2013-2020 », http://ec.europa.eu/echo/files/
policies/resilience/com_2013_227_ap_crisis_
prone_countries_en.pdf (disponible en anglais
uniquement)
87
Cette mesure a été proposée par le BIT
88
le 9 octobre 2012. Ce fonds aurait deux
fonctions : aider les 48 pays les moins avancés
(PMA) à mettre en place un « plancher de
protection sociale », et servir de prestataire
de réassurance facilitant le redressement si
le système de protection sociale d’un pays se
trouvait accablé par un événement inattendu
tel qu’une sécheresse extrême ou de graves
inondations.
89
AGIR (Alliance globale pour l’Initiative Résilience) a pour objectif de contribuer à renforcer
la résilience des pays du Sahel face aux crises
alimentaires et nutritionnelles récurrentes dans
cette région. Cette alliance part du principe que
le moment est venu de redoubler d’efforts pour
aider les populations du Sahel, et notamment
les plus vulnérables, à mieux affronter ces crises
répétées. http://ec.europa.eu/echo/policies/
resilience/agir_en.htm (disponible en anglais
uniquement)
CEDEAO, CILSS, UEMOA, Feuille de route
régionale AGIR, 2012. http://www.oecd.org/
fr/csao/publications/AGIR%20roadmap_fr_
FINAL.pdf
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
LA RÉSILIENCE
ET L’UE
29
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
6
30
Cohérence des politiques
pour le développement
Contexte
L’UE a l’obligation légale de veiller à ce
que l’impact extérieur de ses politiques
n’affecte pas son objectif de coopération au
développement visant à réduire la pauvreté
des pays étrangers (article 208 du Traité de
Lisbonne). Toutefois, certaines politiques
européennes pourraient affecter négativement les efforts déployés en faveur de la
sécurité alimentaire et de la réduction de
la pauvreté dans les pays pauvres : la spéculation sur les denrées alimentaires sur les
marchés européens des matières premières
peut entraîner une hausse et une instabilité des prix, la politique énergétique de
l’Europe en matière d’agrocarburants peut
avoir une forte influence sur le prix mondial des céréales, au détriment des petits
producteurs des pays les plus pauvres, et la
Politique agricole commune de l’Europe
adoptée en décembre 2013 pourrait faire
concurrence aux marchés agricoles locaux
des pays pauvres. Seuls un engagement plus
fort de l’ensemble de l’UE envers la Cohérence des politiques pour le développement
(CPD) et une plus grande adhésion à une
approche fondée sur les droits de l’homme
permettront de garantir la cohérence de ces
politiques avec les objectifs de réduction
de la pauvreté et leur adéquation avec les
besoins et les droits des communautés les
plus pauvres.
La CPD implique que l’ensemble des
domaines politiques de l’UE doivent soutenir les besoins des pays en développement, ou au moins qu’ils ne soient pas en
contradiction avec l’objectif de réduction
de la pauvreté. Le respect de l’article 208
requiert en premier lieu d’adopter le principe global de « ne pas nuire » dans les
relations extérieures de l’UE. L’approche
fondée sur les droits de l’homme permet
de mieux comprendre le concept de CPD,
étant donné qu’elle décrit une relation plus
dynamique entre les détenteurs de droits
et les acteurs assujettis à des obligations,
ainsi que le partage des responsabilités et la
concrétisation progressive des droits. Caritas Europa est membre du réseau européen
d’ONG CONCORD. En novembre 2013,
CONCORD a publié son rapport annuel
« Pleins Feux sur la Cohérence des Politiques au service du Développement » qui
citait, à titre d’exemple, la manière dont les
investissements européens dans l’agriculture ont un impact négatif sur la vie des
habitants de nombreux pays africains90.
Les membres de Caritas Europa mettent
en particulier l’accent sur les politiques
suivantes de l’UE qui peuvent avoir des
implications néfastes sur la vie des pauvres :
Campagne de Caritas : Pour une alimentation
abordable, stop à la spéculation sur les aliments
En 2012 et 2013, Caritas Autriche a mené une campagne de plaidoyer ayant pour but l’introduction de règlements stricts visant la
spéculation sur les marchés européens des matières premières.
Caritas a attiré l’attention du public autrichien sur les conséquences
dramatiques de la spéculation sur les produits alimentaires sur les
petits producteurs pauvres. 16 000 Autrichiens ont signé une pétition adressée au ministre des Finances, membre du Conseil pour
les affaires économiques et financières (ECOFIN), lui demandant de promouvoir activement l’intégration de régulations strictes
sur les marchés des matières premières agricoles dans la nouvelle
Directive européenne relative aux marchés d’instruments financiers (MiFID II).
Photo : Caritas remet les 16 000 signatures à l’ancienne ministre des Finances autrichienne,
conjointement à des représentants d’ONG autrichiennes (novembre 2012)
90
Concord, Pleins Feux sur la Cohérence des Politiques au service du Développement. L’impact réel des politiques de l’UE sur la vie des pauvres, Concord : Bruxelles, 2013.
http://www.cncd.be/IMG/pdf/2013-09_rapport_concord.pdf
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A) SPÉCULATION
SUR LES DENRÉES
ALIMENTAIRES
Une forte instabilité et une hausse globale
du prix des denrées alimentaires au niveau
mondial semblent désormais devoir prévaloir. De nombreux facteurs influencent
le prix des denrées alimentaires, tels que
les sécheresses, l’insuffisance des chaînes
d’approvisionnement et des infrastructures,
l’augmentation de la production d’éthanol,
le prix du pétrole ou la pénurie de stocks.
Évolution des prix des matières premières
au niveau international91 :
800
31
Cependant, ces arguments ne suffisent
plus à expliquer totalement les crises alimentaires mondiales. De nombreuses
études ont conclu que la spéculation sur les
produits alimentaires de base était un facteur important de l’évolution des prix ces
dernières années. Selon l’Indice de la faim
dans le monde 2011, la spéculation est l’une
des principales causes de la hausse des prix
et de leur instabilité constante92. La spéculation sur les denrées de base, en particulier, a considérablement augmenté au cours
697 USD
Wheat
Blé
Maize
Maïs
Rice
Riz
700
600
500
540 USD
344 USD
400
300
200
100
0
324 USD
245 USD
161 USD
223 USD
273 USD
111 USD
2004
2008
des 10 dernières années : sa part est passée
de 23 % en 1998 à 69 % en 200893.
Caritas soutient des programmes dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne visant
à accroître la sécurité alimentaire des petits
producteurs, qui sont particulièrement vulnérables face à l’augmentation du prix des
denrées de base. En Éthiopie, par exemple,
un ménage moyen dépense deux tiers de
ses revenus pour l’alimentation. Une petite
augmentation des prix a donc un impact
conséquent sur les stratégies de subsistance
de ces ménages. À l’heure actuelle, 21 pays
africains sur 29 ne sont pas en mesure de
répondre par eux-mêmes à la demande de
produits alimentaires. De nombreux pays
d’Afrique sont contraints d’importer des
produits alimentaires et sont donc très sensibles à l’évolution internationale des prix.
Le prix des produits importés est généralement lié à leur cours sur le marché mondial.
En République démocratique du Congo,
où 70 % de la population souffre d’un accès insuffisant à l’alimentation, le prix des
denrées de base n’a cessé d’augmenter ces
dernières années94.
2013
91
Voir la base de données de la FAO sur les prix des denrées de base dans le monde
92
Welt hunger ilfe, IFPRI, Concern Worldwide, Acted, Indice de la Faim dans le Monde 2011. Relever le défi de la faim. Maîtriser les chocs et la volatilité excessive des
prix alimentaires. p. 26. http://www.ifpri.org/sites/default/files/publications/ghi11fr.pdf
93
Finance Watch, Investing not betting, 2012. http://www.finance-watch.org/press/press-releases/328-investing-not-betting-fw-position-paper/?/
94
K. Wohlmuth, Global Food Price Increases and Repercussions on Africa: Which Public Policy Interventions are really appropriate? Dans : A. Knorr, A. Lemper, A. Sell,
K. Wohlmuth (Ed.): Berichte aus dem Weltwirtschaftlichen Colloquium der Universität Bremen, Nr. 123, mars 2012, p. 4. http://www.iwim.uni-bremen.de/
Siakeu/Wohlmuth-Number-123.pdf
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LA CPD ET L’UE : SPÉCULATION
SUR LES DENRÉES ALIMENTAIRES
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Défendre une régulation plus forte des marchés des matières premières agricoles. En janvier 2014, un accord a été conclu
concernant la Directive européenne relative aux marchés d’instruments financiers (MiFID II), accord qui offre la possibilité de réguler la spéculation excessive sur les denrées alimentaires. Bien qu’il reste encore de nombreuses failles en matière de législation sur la spéculation sur les denrées alimentaires, Caritas a salué cette entente, qui permettra d’accroître
la transparence des échanges de produits agricoles et d’introduire des limitations sur la commercialisation d’instruments
financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole au moyen de limites de position. D’importantes failles
demeurent cependant, qui pourraient menacer l’efficacité des nouvelles règles relatives aux limites de position. Comme
le dénonce Caritas depuis le début du processus législatif, ces limites seront fixées par les autorités nationales et non par
l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) ou d’autres autorités européennes. La Directive MiFID devrait
être finalisée d’ici 2016. Il existe un risque que se produise une course à l’abîme : afin d’attirer davantage les acteurs
financiers, les États membres pourraient rivaliser de mesures de régulation permissives ;
32
„„ Veiller à ce que les règles de la Directive MiFID II en matière de transparence et de limites de position soient appliquées
de manière très rigoureuse afin de stopper la spéculation excessive sur les denrées alimentaires sur les marchés européens
des matières premières. Il est important de contrôler et de soutenir indéfectiblement le processus de mise en œuvre des
limites de position par les autorités compétentes ;
„„ Demander aux acteurs financiers européens de s’abstenir d’une spéculation excessive sur les marchés à terme des matières
premières. Avec la crise financière, la population européenne a perdu confiance dans le fonctionnement des marchés
financiers européens et des banques, qui en sont les acteurs les plus importants95. Les banques devraient s’engager à ce que
leurs opérations d’investissement n’aient pas de conséquences néfastes sur le prix des denrées alimentaires de base.
•
•
•
95
Elles devraient pour cela :
Renoncer, dans le cadre de la gestion de leurs fonds, à investir dans des produits financiers dont les retours ont un lien
direct avec les prix des produits agricoles.
Éviter de proposer à leurs clients des produits et des fonds directement liés à une spéculation sur les prix des matières
premières agricoles ou leurs différences de prix.
Informer leurs clients des possibles conséquences néfastes, sur le plan humanitaire, des investissements spéculatifs sur les
marchés des matières premières agricoles.
Banque centrale européenne, Explaining EU citizens’ trust in the ECB in normal and crisis times, 2012 http://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpwps/ecbwp1501.pdf
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33
Étude de cas Caritas – L’accaparement des terres en Colombie
Près de 17 000 membres de 43 communautés rurales afro-colombiennes pauvres du
département de Chocó, dans l’Ouest de la Colombie, représentés par l’organisation
COCOMOPOCA, ont récemment remporté un combat juridique de 12 ans pour
gagner un titre foncier collectif portant sur 73 000 hectares de terres ancestrales. Ils en
avaient été précédemment chassés par des paramilitaires et des membres des guérillas
armées, et ont finalement découvert que la multinationale britannique aurifère cotée en
bourse, AngloGold Ashanti, s’était vue concéder d’importantes concessions aurifères
sur les trois quarts de la zone couverte par le titre foncier collectif récemment obtenu.
Grâce à l’accompagnement, aux formations et à l’appui juridique dispensés par le diocèse
de Quibdó et la Pastorale sociale, il a fallu un an aux membres de COCOMOPOCA
d’Atrato, de Bagadó, de Cértegui et de Lloró, au terme d’une enquête s’étant parfois
avérée dangereuse, menée en 2012, pour découvrir que le gouvernement avait concédé à
AngloGold Ashanti des concessions aurifères portant sur 55 000 hectares de leurs terres
ancestrales, sans le consentement libre, préalable et éclairé des communautés.
À leur retour dans le département de Chocó, les communautés de COCOMPOCA
découvrirent que des hommes armés protégeaient des dizaines d’opérations minières à
petite et moyenne échelle, sur leurs territoires, et que leur sécurité alimentaire était menacée par la contamination des terres et des rivières par des produits chimiques toxiques.
(Source : COCOMOPOCA et Diocèse de Quibdó)
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
B) GOUVERNANCE
FONCIÈRE
34
Caritas Europa est très préoccupée par
l’extension des accaparements de terre au
détriment de l’autosuffisance alimentaire.
Les investissements étrangers, ainsi que la
ruée sur les terres, sont à l’origine d’acquisitions massives de terres à grande échelle et
de l’expropriation des ressources en terres,
forêts et eau appartenant aux pauvres des
zones rurales en vertu du droit coutumier.
Les droits fonciers précaires des communautés offrent peu de protection contre
les pressions commerciales croissantes sur
les terres dans le monde, qui découlent de
l’urbanisation, du tourisme, de l’extraction
minière, ainsi que de la production alimentaire et de biocarburants96. La propriété
foncière des petits producteurs se trouve
menacée par les acquisitions de terres à
grande échelle, découlant notamment des
investissements étrangers dans l’agriculture (visant par exemple à assurer la sécurité alimentaire dans un pays développé
ou à produire des agrocarburants), sans le
consentement libre, préalable et éclairé des
communautés locales, et sans partage adéquat des avantages.
Les cultures vivrières et les biocarburants
sont les principaux moteurs de ce phénomène mondial alarmant d’accaparement
des terres, qui s’est traduit par l’acquisition
ou la location, par de gros investisseurs, de
concessions foncières d’une superficie de
32,6 millions d’hectares, au titre des 755
accords passés depuis 2000 97, un chiffre
sans précédent. Un nombre important de
ces projets implique des entreprises européennes basées dans des pays de l’UE, y
compris au Royaume-Uni, en France, en
Allemagne et en Italie98. Très souvent, les
communautés rurales pauvres ont été dépossédées des terres, de l’eau, des forêts et
des écosystèmes qui relevaient du droit foncier coutumier, au profit de projets de production de biocarburants99 ; elles n’ont que
rarement donné leur consentement libre,
préalable et éclairé ou n’ont reçu qu’une
maigre compensation, voire aucune, ainsi
que de faibles opportunités d’emploi100.
Des expulsions forcées ainsi que des violations des droits de l’homme ont également
été rapportées.
LA CPD ET L’UE : LES RÉGIMES FONCIERS
L’Union européenne a participé et contribué aux négociations sur les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des
régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, adoptées en 2012. Elle participe en outre au processus lancé par
le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) des Nations Unies pour développer et assurer une appropriation générale des
Principes pour un investissement agricole responsable (« iar »).
Caritas formule les recommandations suivantes à l’intention de l’UE :
„„ Contribuer à la prévention des accaparements de terres en soutenant les pays partenaires dans l’adoption des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte
de la sécurité alimentaire nationale ;
„„ Peser d’un poids supérieur sur la conclusion des négociations actuellement en cours au sein du CSA concernant les nouveaux
Principes pour un investissement agricole responsable (iar). Ces principes devraient guider l’ensemble des acteurs européens
en vue de promouvoir des investissements dans l’agriculture qui contribuent à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi
qu’à la réalisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale101 ;
„„ Réguler et contrôler de façon stricte les investissements du secteur privé européen dans les agricultures des pays en développement, dans l’optique de privilégier l’autonomisation des petits producteurs ainsi que leur accès et leur contrôle des ressources
productives ;
„„ Retirer le soutien accordé aux propositions alternatives, mais non transparentes et non démocratiques, de cadres de coopération entre pays et de plans d’investissement adoptés au titre de la Nouvelle Alliance du G8 pour la sécurité alimentaire et la
nutrition en Afrique.
96
W. Anseeuw et al., Les droits fonciers et la ruée sur les terres. Conclusion du projet de recherche sur les pressions commerciales sur les terres dans le monde, ILC : Rome,
2012. http://www.landcoalition.org/sites/default/files/publication/1205/ILC%20GSR%20report_ENG.pdf (disponible en anglais uniquement)
97
Land Matrix, Land Matrix Newsletter, juin 2013. http://www.landmatrix.org/media/filer_public/2013/06/10/lm_newsletter_june_2013.pdf
98
ActionAid, Fuelling hunger: new data reinforces why the UK must tackle damaging biofuels policies at the G8 and the EU, ActionAid : Londres, 2013. http://www.
actionaid.org.uk/sites/default/files/publications/if_media_report.pdf ; Land Matrix Web of Transnational Deals. http://www.landmatrix.org/get-the-idea/webtransnational-deals/, consulté le 7 juillet 2013
99
ActionAid, Meals per gallon, The Impact of industrial biofuels on people and global hunger, ActionAid : Londres, 2010. http://www.actionaid.org.uk/sites/default/
files/doc_lib/meals_per_gallon_final.pdf ; ActionAid, Fuelling Evictions, Community Cost of EU Biofuels Boom, Dakatcha Woodlands, Kenya, ActionAid : Bruxelles,
2011. http://www.actionaid.org/sites/files/actionaid/aa_dakatcha_report_final.pdf
100
W. Anseeuw et al., Les droits fonciers et la ruée sur les terres. Conclusion du projet de recherche sur les pressions commerciales sur les terres dans le monde, ILC : Rome,
2012. http://www.landcoalition.org/sites/default/files/publication/1205/ILC%20GSR%20report_ENG.pdf (disponible en anglais uniquement)
101
Voir aussi : Concord, Rapport Pleins Feux sur la Cohérence des Politiques au service du Développement. L’impact réel des politiques de l’UE sur la vie des pauvres, 2013.
http://www.cncd.be/IMG/pdf/2013-09_rapport_concord.pdf
LA CPD ET L’UE :
LES BIOCARBURANTS
Caritas formule la recommandation suivante à l’intention de l’UE :
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
„„ Éviter l’utilisation à grande échelle d’agrocarburants de première génération
qui ont un impact négatif sur la sécurité alimentaire des pays du Sud, vérifier
attentivement l’impact potentiel des agrocarburants de deuxième et troisième
génération, privilégier l’efficacité énergétique et déployer davantage d’efforts
pour le développement de systèmes de transport à faible émission de carbone,
plus respectueux sur le plan environnemental et social.
C) Agrocarburants
La hausse du prix du pétrole, alliée à la
nécessité de réduire la dépendance énergétique vis-à-vis des pays producteurs de
pétrole politiquement instables, a poussé
les pays du Nord à développer la production à grande échelle de biocarburants,
également appelés agrocarburants. Les
conséquences de la production d’agrocarburants varient en fonction de la situation
de chaque pays, de la technologie utilisée
et du type de culture. De façon générale,
cette forte demande de l’Europe en termes
d’agrocarburants a de graves répercussions
sur les communautés et les écosystèmes
vulnérables du Sud. L’accaparement des
terres par de grandes entreprises se fait au
détriment des moyens d’existence locaux,
des forêts et des droits de l’homme102 . Il
est urgent d’agir pour stopper l’expansion
de la production d’agrocarburants à partir
de cultures vivrières ou de cultures énergétiques dédiées, qui ont peu ou pas d’effets
sur le climat, mais qui consomment les
ressources naturelles rares et affectent le
droit à l’alimentation des populations, en
particulier des populations pauvres des
zones rurales, en épuisant le sol et l’eau
nécessaires aux cultures de subsistance103.
La crise alimentaire de 2007–2008 a amené
le monde à réfléchir à ce sujet ; en 2009,
la FAO a déclaré que la demande en agrocarburants était l’une des causes de la crise
alimentaire et qu’elle avait contribué aux
récentes augmentations du prix des denrées
de base, en mettant encore plus en péril la
sécurité alimentaire104.
Le Soudan, l’un des pays les plus pauvres
du monde, mais qui a un énorme potentiel
agricole, a reçu 673 000 tonnes d’aide alimentaire du Programme alimentaire mondial en 2008. En 2009, le pays entendait
exporter 65 millions de litres d’éthanol. Si
l’aide alimentaire a essentiellement bénéficié aux populations pauvres vivant dans des
zones rurales qui étaient négligées depuis
de nombreuses années, la vente d’éthanol
a bénéficié aux investisseurs et consommateurs étrangers des pays développés105. Ce
paradoxe illustre bien la controverse qui
entoure les agrocarburants et leur impact
sur la sécurité alimentaire en relation avec
le changement climatique.
La tendance qui consiste à détourner des
terres autrefois utilisées pour la production
d’aliments destinés à la consommation
humaine et animale ou de fibres afin de
produire des agrocarburants, et à développer l’agriculture ailleurs pour répondre à la
demande existante (et future) en aliments
destinés à la consommation humaine et du
bétail, est appelée « changement indirect
d’affectation des sols ». Le changement indirect d’affectation des sols découlant des
politiques européennes en matière de biocarburants est d’une telle ampleur qu’une
réforme fondamentale s’avère désormais
nécessaire. Une évaluation de l’impact des
plans d’action portant sur les énergies renouvelables adoptés par les États membres
de l’UE106 a montré que d’ici 2020, l’offre
d’agrocarburants dans l’UE devrait dépendre des importations (à hauteur d’environ 50 % pour le « bio »-éthanol et de 41
% pour le « bio »-diesel), ce qui nécessitera
une superficie agricole de 4,1 à 6,9 millions
d’hectares, soit une superficie à peine supérieure à celle de la Belgique et tout juste
inférieure à celle de la République d’Irlande. En quelques années, la production
d’agrocarburants a déjà augmenté de façon
considérable. En 2008, près de 40 millions
d’hectares de terres dans le monde étaient
utilisées pour produire des agrocarburants
(pour couvrir les besoins mondiaux), ce qui
représente une superficie trois fois plus importante qu’en 2004 (13,8 millions d’hectares) et qui correspond à 2,3 % du total des
terres agricoles de la planète107.
102
Friends of the Earth International, Agrofuels explained. http://www.foei.org/en/what-we-do/agrofuels/learn-more
103
Trocaire, Biofuels: fuelling poverty and environmental degradation. Document d’information, mai 2013. http://www.trocaire.org/sites/trocaire/files/pdfs/policy/
Biofuels-Fueling-Poverty.pdf. Caritas Internationalis, Changements climatiques et sécurité alimentaire. Une réflexion de Caritas Internationalis. http://www.caritas.
org/download/25287/
104
FAO, Projet bioénergie et sécurité alimentaire. http://www.fao.org/energy/befs/fr/
105
Caritas Europa, Hunger is a scandal: Food Security for all! A responsibility of Europe, janvier 2010. http://www.caritas.eu/sites/default/files/101126caritas_europafoodsecuritypositionpaperbrochure.pdf
106
107
IEEP, Anticipated Indirect Land Use Change Associated with Expanded Use of Biofuels in the EU – An Analysis of Member State Performance, Institute for European
Environmental Policies IEEP, November 2010. http://www.ieep.eu/assets/786/Analysis_of_ILUC_Based_on_the_National_Renewable_Energy_Action_Plans.
pdf
M. Munting, Évaluation de l’impact de l’expansion des cultures pour biocarburants dans les pays extracommunautaires, Centre Tricontinental, Novembre 2010.
35
36
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
En juin 2013, le « Groupe de haut niveau
de personnalités éminentes » a publié son
rapport sur le programme de développement pour l’après 2015 et proposé l’objectif « d’assurer la sécurité alimentaire
et une nutrition correcte d’ici 2030 ». En
comparaison avec le précédent objectif
des OMD de réduire de moitié la proportion de la population souffrant de la faim,
il inclut des indicateurs supplémentaires
tels que le gaspillage de nourriture, les
formes durables de production et l’importance de l’agriculture. Protégeant le
droit de chacun à une nourriture suffisante, sûre, abordable et nutritive, cette
proposition suit une approche fondée sur
les droits de l’homme. Fin juillet 2013,
le Secrétaire général des Nations Unies
a publié son rapport à l’intention de l’Assemblée générale, où il défend également
un nouvel objectif en vue de l’éradication
de la faim et de la malnutrition avec des
objectifs spécifiques108.
108
Caritas Europa plaide fortement en faveur d’un objectif d’éradication de la faim
à définir dans le futur cadre pour l’après
2015.
„„ Caritas Europa recommande à l’UE et
à ses États membres de promouvoir un
objectif ambitieux d’éradication de la
faim dans le cadre de l’après 2015 et de
s’engager à contribuer à sa réalisation,
à tous les niveaux. Le taux de sous-alimentation doit descendre en-dessous
de 2 % et la proportion d’enfants de
moins de 5 ans présentant un retard de
croissance devrait être ramenée à 5 % ;
•
•
•
„„ L’éradication de la faim devrait être
définie sous la forme d’un véritable
objectif zéro. Le taux mondial de
sous-alimentation doit descendre
en-dessous de 2 % d’ici 2030 (contre
12,5 % au niveau mondial à l’heure
actuelle) et la proportion d’enfants de
moins de 5 ans présentant un retard
de croissance devrait passer de 26 %
aujourd’hui à 5 % ;
•
„„ D’autres indicateurs doivent montrer qu’il est nécessaire d’agir à
différents niveaux afin d’éradiquer
la faim dans le monde et devraient
•
•
•
•
définir clairement les responsabilités
internationales dans la lutte contre
la faim (principe de « Cohérence des
politiques pour le développement »
de l’UE). Les aspects suivants, au
minimum, devraient être directement
pris en compte pour atteindre l’objectif
d’éradication de la faim :
Législation sur le droit à l’alimentation ;
Augmentation de la production
agricole durable, essentiellement en
soutenant la petite agriculture ;
APD directement consacrée aux
aspects de sécurité alimentaire ;
Indicateurs sur les régimes fonciers
(ex. : mise en œuvre des Directives
volontaires des Nations Unies pour
la gouvernance foncière) ;
Stabilité du prix des céréales (grâce,
entre autres, à la limitation de la
spéculation excessive sur les denrées
alimentaires) ;
Changement climatique : mise en
œuvre de mesures d’atténuation et
d’adaptation ;
Politique pour un commerce agricole
équitable ;
Réduction du gaspillage alimentaire.
Nations Unies, A life of dignity for all: accelerating progress towards the Millennium Development Goals and advancing the United Nations development agenda beyond
2015. Page 14. http://www.un.org/millenniumgoals/pdf/A%20Life%20of%20Dignity%20for%20All.pdf
F OOD S E C U R IT Y RE PORT
Objectif d’éradication
de la faim dans le cadre
de l’après 2015
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QUI SOMMES-NOUS ?
„„ Caritas est l’organisation humanitaire et de développement de l’Église catholique. Dans plus de 160 pays, Caritas travaille avec
les pauvres et les personnes vulnérables et marginalisées, indépendamment de leur race et de leur religion. Présente sur le terrain
auprès des communautés locales à travers le monde, Caritas travaille aux côtés des personnes les plus vulnérables et marginalisées au monde.
„„ Caritas Europa est le réseau d’organisations Caritas du continent européen. Elle réunit un total de 49 membres, présents dans 46
pays européens, et fait de nous l’un des principaux acteurs sociaux sur le plan européen. Le réseau offre une visibilité aux besoins
des personnes vivant dans la pauvreté et fait entendre la voix de ses membres auprès des institutions européennes, des États
membres de l’Union européenne, des pouvoirs publics et des acteurs du secteur privé.
„„ Nous croyons qu’il est important d’asseoir les décisions politiques prises à l’échelle internationale sur les personnes les plus affectées par les enjeux actuels. L’objectif du présent rapport est de faire entendre, auprès des responsables de l’élaboration des politiques au niveau de l’UE, la voix de celles et ceux qui vivent dans la pauvreté, en ancrant nos recommandations dans l’expérience
pratique du terrain. Les études de cas sont issues d’une large gamme de projets menés par les partenaires de Caritas à l’échelle
internationale.
Avec le soutien des partenaires de Caritas au Sud, Caritas Europa a élaboré ce
rapport à la lumière des projets menés au cours des deux dernières années dans
le domaine de la sécurité alimentaire, et portant plus précisément sur la protection du droit à l’alimentation.
Alex Wijeratna, en qualité de consultant externe spécialiste de la sécurité
alimentaire, nous a aidé dans la rédaction du rapport et les recherches bibliographiques.
Ce travail n’aurait été possible sans l’appui du groupe de Caritas Europa sur la
coopération internationale. En particulier :
„„ Amparo Alonso
Caritas Spain
„„ Helene Unterguggenberger
Caritas Austria
„„ Martha Rubiano Skretteberg, Tuva Nodeland
Caritas Norway
„„ Jacqueline Hocquet
Secours Catholique
„„ Gauthier de Locht
Caritas Belgium
„„ Albert Schneyder
Caritas Switzerland
„„ Norry Schneider
Caritas Luxembourg
„„ Adriana Opromolla, Martina Liebsch
Caritas Internationalis
„„ Isabel Fernandez, Silvia Sinibaldi
Jorge Nuño Mayer, Peter Verhaeghe, Thorfinnur Omarsson
Caritas Europa
„„ Carlos Nomen
Everythink
Communication Visuelle
Photos dans ce rapport de Caritas Autriche, Caritas Belgique, Caritas Espagne et
Secours catholique / Caritas France.
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Remerciements
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Caritas Europa
Rue de Pascale 4
1040 Brussels - Belgium
T +32 (0)2 280 02 80
F +32 (0)2 230 16 58
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www.caritas.eu