Raphaël Zarka_Glossaire - les églises

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Raphaël Zarka_Glossaire - les églises
L’Abbé Nollet
Raphaël Zarka
glossaire
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L’exposition L’Abbé Nollet consiste en la présentation au sein des églises de trois pièces
sculpturales : une réplique d’une draisine servant à se déplacer sur le monorail inventé par
l’ingénieur Bertin, une installation de deux cônes en fonte d’aluminium et la présentation en grande
dimension d’une photographie d’Éric Antoine.
COLLECTION
Ce qui intéresse particulièrement Raphaël Zarka, c’est l’élan du collectionneur plus
que la collection elle-même. C’est cette curiosité qui habite tout collectionneur, ce
regard particulier qu’il porte sur un objet et qui l’amènera à l’ajouter à une collection
qui le contextualisera.
Cet esprit de collection caractérise la démarche au quotidien de l’artiste qui crée
dans son œuvre un décalage de point de vue sur une réalité, pour amener le
spectateur à la voir autrement.
CONTEXTE
Tout objet, qu’il soit identifié et reconnu (un plot de signalisation) ou ramené à
sa seule forme (un cône), trouve, dans le contexte où il se situe, les conditions de
sa perception : un même objet peut être ainsi perçu différemment selon qu’il est
présent physiquement ou à travers son image, qu’il soit isolé ou intégré dans un
ensemble ou une collection, posé chez soi ou installé dans un lieu d’exposition.
La démarche de Raphaël Zarka consiste à déplacer des éléments (identifiés ou non)
dans un nouveau contexte (celui de ses œuvres) qui créé les conditions d’une autre
visibilité.
La draisine joue ainsi avec un nouveau contexte spatial (celui des églises).
Le double cône, forme déduite d’un objet scientifique du XVIIIe siècle élaboré
par l’Abbé Nollet, trouve place dans un autre contexte historique : notre
contemporanéité.
Ces deux répliques se trouvent enfin rapprochées dans le contexte artistique de l’exposition.
DÉPLACEMENT
Raphaël Zarka aborde dans cette exposition la notion de déplacement.
Le déplacement est évoqué par le double mouvement d’aller-retour dans les
différentes pièces. Par le mouvement de la draisine en va-et-vient sur le monorail
auquel elle était destinée. Par l’’aller-retour du skateur qui s’élève et retombe. Enfin
par la référence au dispositif empirique et scientifique élaboré par l’Abbé Nollet.
Mais Zarka met aussi en pratique une forme particulière de déplacement : le
glissement sémantique, le déplacement du sens.
DOUBLE
Raphaël Zarka convoque dans cette exposition l’idée du double : les deux motos
au cœur de la réplique de la draisine, les deux cônes issus de l’instrument de l’Abbé
Nollet.
Le choix de l’image d’Éric Antoine renvoie aussi à une sculpture construite sur une
forme double.
Le double est souvent au cœur du travail de Raphaël Zarka : en doublant la réalité
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par la construction de répliques, il la rend déplaçable. Le double s’accompagne donc
du déplacement. Les répliques sont déplacées dans un nouveau contexte qui favorise
les conditions d’une autre perception de leur réalité.
Un déplacement de perception s’opère, qu’il associe à la pratique du skateur : une
sculpture dans l’espace public recouvre un autre usage pour ce skateur dès lors
qu’elle est « skatée ». Elle prend alors pour lui un nouveau sens, dérivé de sa pratique.
En positionnant une forme dans un contexte différent, Raphaël Zarka va
augmenter ses possibilités de signification, comme « doubler » son sens.
FORME
Pour Raphaël Zarka, les formes existent en nombre limité dans le monde, à l’image
des solides de Platon qui regroupaient de manière exhaustive les différents solides
simples qui pouvaient exister.
Zarka collecte ces formes dans différents contextes : objets de démonstration
scientifique, peintures de la renaissance, formes en béton abandonnées.
Ces formes sont à la fois une incarnation de forme idéale (rhombicuboctaèdre,
cône…) et la manifestation d’un usage particulier.
Avec la draisine, la forme est directement liée à l’usage. L’espace ménagé par la
structure qui relie les deux motos est conçu pour épouser la forme d’un monorail.
Son approche de la forme joue sur une perte ou une reconnaissance de l’usage en
vue de son renouvellement.
HISTOIRE
Du fait que toutes les pièces de l’exposition soient des répliques d’objets du passé,
le travail de Raphaël Zarka entretient un rapport étroit avec l’histoire. Histoire des
sciences, histoire des techniques, histoire de l’art.
La forme peut avoir été utilisée de différentes façons selon le contexte (scientifique,
artistique, technique), et selon les époques (Renaissance, XVIIe sièce, années 1960).
À chaque période de l’histoire, les hommes ont perçu le monde et ses formes de
manière différente. Ce décalage du regard qu’apporte l’histoire soutend une idée
importante chez Zarka : nous percevons les formes avec un regard culturel.
IMAGE
L’image se définit par la représentation ou bien par la réplique perceptible d’un
objet. Le travail de Raphaël Zarka peut être qualifié par cette approche de l’image.
Les pièces de Zarka se caractérisent autant par leur universalité formelle que par
leur existence dans des contextes antérieurs : elles sont un double, une image.
La pièce est présente pour que le spectateur s’en fasse une image, dans le contexte
de l’exposition.
MÉCANIQUE
La mécanique est la partie des sciences physiques qui étudie la cinétique, le
mouvement et l’équilibre des corps.
L’Abbé Nollet réalisait au XVIIIe siècle des instruments de démonstration des
phénomènes mécaniques : son bicône se met en mouvement une fois posé sur un
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double pan incliné, par lui-même et sans action extérieure.
Ce phénomène mécanique se retrouve visuellement approché trois siècles plus tard
dans le déroulement de la figure du skateur photographié sur le double pan par Éric
Antoine.
La draisine est, elle, construite pour un mouvement cinétique le long du monorail.
Le skateur est en mouvement sur le panneau d’affichage.
Ces mécanismes de cinétique présents dans les différentes pièces réunies dans cette
exposition, participent à une mise en mouvement de l’imaginaire du spectateur.
PHOTOGRAPHIE
La photographie présentée aux églises montre une sculpture de Kowalski utilisée
par un skateur pour réaliser une figure. Cette image, prise par Éric Antoine, a
déjà été utilisée par Raphaël Zarka dans le cadre d’une autre exposition : Riding
Modern Art présentée dans le cadre de la biennale de Lyon en 2007. Elle était alors
présentée dans une série de photographies de sculptures publiques pratiquées par
des skateboarders.
Pour L’Abbé Nollet, cette photographie est tirée à très grand format et s’affiche dans
un cadre de panneau publicitaire.
Son format fait écho aux deux cônes présentés dans le bâtiment, réplique agrandie
du bicône de l’Abbé Nollet. La forme de la sculpture figurant le double pan
emprunté par le bicône.
La photographie rendue au format d’une affiche confirme l’orientation prise par Zarka
: il s’agit, dans cette exposition, de porter un regard sur un usage alternatif des formes.
RAPPROCHEMENT
Le choix des différentes pièces pour cette exposition est organisé autour d’un
certain nombre de rapprochements.
Dans la photographie au format affiche, la sculpture qu’emprunte le skateur a la
forme de la structure sur laquelle l’Abbé Nollet posait le bicône.
Dans les églises, le rapprochement de la draisine et des deux cônes se fait sous le
signe de la cinétique : ce sont des objets réalisés pour une mise en mouvement.
C’est en pratiquant des rapprochements entre les différentes pièces que le spectateur
est invité à lire l’exposition.
RÉPLIQUE
La réplique reprend une forme déjà existante, trouvée et choisie par Raphaël Zarka.
Si la réplique de la draisine tente d’être fidèle à l’original, la réplique du bicône ne
conserve ni l’unité, ni l’échelle de l’objet original réalisé par Jean-Antoine Nollet. Il
passe d’un objet unique, manipulable, à un objet double, sculptural.
Zarka a repris à son compte une phrase de Borges : « C’est presque insulter les
formes du monde de penser que nous pouvons inventer quelque chose ou que nous
ayons même besoin d’inventer quoi que ce soit. »
Partant d’une vision du monde où les formes sont sans cesse redistribuées, Zarka ne tente
pas l’invention. Il réutilise ces formes avec d’autres matériaux pour les faire dialoguer avec
un contexte nouveau. La réplique incite à porter un nouveau regard sur le monde.
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SCULPTURE
Dans l’histoire de cette discipline, l’objet sculptural a quitté le socle pour partager
l’espace du spectateur et se confronter au contexte de l’exposition. Dès lors, la forme
sculpturale joue directement avec l’espace.
Les répliques prennent une forme sculpturale : elles investissent un espace.
Au moment où Raphaël Zarka présente son dernier projet aux églises, il présente
également son travail dans une galerie hollandaise. L’exposition s’intitule
Documentary Sculpture (« Sculpture documentaire »). Ce titre est révélateur de la façon
dont il aborde la forme. Elle n’est pas créée de toute pièce mais réalisée à partir d’un
document.
Ces objets sont repris sous forme sculpturale pour leur donner une existence
nouvelle. Ces répliques sont à considérer dans le nouveau cadre sémantique et
artistique donné par Raphaël Zarka.
SKATE
Raphaël Zarka, ancien skateur amateur, est devenu théoricien de cette pratique.
De même qu’il investi l’idée de collection en s’intéressant surtout à la démarche du
collectionneur, il s’intéresse au skateboard de façon souterraine : c’est la manière
dont le skateur envisage les formes et les espaces urbains qu’il va étudier.
Le skateur photographié par Éric Antoine, en utilisant la sculpture de Kowalski
pour réaliser une figure (backside smith grind) y perçoit d’autres appuis que le
spectateur-piéton.
Dans un des deux livres qu’il a consacré au skateboard, Raphaël Zarka écrit: « Le
skateboard a façonné le regard de ceux qui le pratiquent.1 »
À partir d’une réflexion sur cette nouvelle façon d’envisager les espaces, née de
la pratique du skateboard, Raphaël Zarka va proposer des usages alternatifs à des
formes trouvées. Il élargit ce qui a émergé avec le skateboard à une recherche
visuelle sur les formes du monde.
USAGE
L’usage est la pratique habituelle d’un objet, d’un espace.
De manière générale, les sculptures de Raphaël Zarka posent toujours la question
de l’usage de ces formes. L’usage de cette forme à une époque donnée et l’usage
alternatif proposé par l’artiste.
La forme de la draisine est directement déterminée pour son usage unique, pensée
et réalisée en vue de pratiquer un monorail. En délocalisant cet objet, il lui donne
un autre usage.
La possibilité d’un usage autre est annoncée dans la photographie présentée aux
églises. C’est le décalage entre deux façons d’utiliser une même forme qui motive le
travail de Raphaël Zarka : une invitation à doubler, à renouveler notre regard sur le
monde.
1 Raphaël Zarka, La conjonction interdite, notes sur le skate-board, éditions F7, Paris,
2007, p.8.
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En haut :
En bas:
Éric Antoine
Mike Barker en «backside smith grind»,
Paris, La Défense, 2006
Photographie noir et blanc.
Plan incliné et bicônes conçus par
Jen-Antoine Nollet.
Musée Stewart, Montréal
120 x 565 x 325 mm
Bois verni
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En haut :
En bas:
Raphaël Zarka
Les Formes du Repos nº3, 2001
Photographie couleur
© Galerie Michel Rein
La draisine destinée à se déplacer
sur la voie en T inversé de l’Aérotrain
de Jean Bertin, photographiée devant
les anciens hangars de Gometz.
Photographie : DR

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