Interrogatoire de Michel Jubin - Revenir sur

Transcription

Interrogatoire de Michel Jubin - Revenir sur
Interrogatoire de Michel Jubin. 16 avril 1765
Transcription : Gwenaël GUYON
Source : Arch. Dep. d’Ille-et-Vilaine, cote, 4 B-4846-11, Les régaires de l’évêché
dans Véronique Pinson- Ramin, Criminalité et répression à Rennes au XVIIIe siècle d’après
les archives des justices seigneuriales rennaises
Mots-clés : Interrogatoire, régaire, Évêché de Rennes.
« L’an mil sept cent soixante cinq sezième avril, aux cinq heures de l’après de midi, Nous
Henry Thomas Picquet avocat au Parlement sénéchal et seul juge de la juridiction de la
Prévallais et Matignon de Rennes, faisant fonction de juge ordinaire de celle des Réguaires de
l’éveché dudit Rennes aiant pour ajoint le greffier de la même juridiction des réguaires ,
sommes transportés aux prisons dudit Rennes ou étant dans la chambre de la geole avons de
nous représenter au particulier qui fut emprisonné hier au soir environ les dix heures par
Hamonou sergent et ses assistants, et quelques temps après, ledit concierge le Brun des
Guichetiers etant venu nous dire qu’il ne pouvoit par monter ny faire monter ledit particulier
par l’escalier non seulement a cause de la resistance mais encore parcequ’une saignée qu’il
avoit eu au pied droit s’etant delicé par les efforts qu’il avoit fait, il dependoit du sang, nous
avons descendu au bas de l’escalier ou nous avons trouvé un particulier de moienne taille
couché sur une petite murette entre le bas dudit escalier et la porte de la cave, portant barbe et
cheveux bruns, vétu d’un gilet de laine blanche et d’une paire de culotte brune et pieds nuds,
les mains emmenottées et les fers au pied gauche et outre cela tenu en respect par l’un des
guichetiers, lequel nous avons fait asseoir sur ladite murette, et après qu’on lui a mis une
compresse et une ligature sur sa saignée, lui avons ordonné de lever la main à son possible
pour préster serment de nous dire la vérité, il nous a répondu qu’il l’avoit levée bien d’autres
fois et a refusé d’y satisfaire et demandant de l’eau pour rafraichir son chaste corps et lui en
aiant servi il n’a point voulu en boire.
L’avons encore interpellé une seconde fois de lever la main droite autant qu’il le pourroit
faire, et enfin une troisième, sans en avoir eu aucune réponse, en conséquence de quoy avons
procédé à ses interrogatoires comme il suit.
Interrogé de ses nom, surnom, age, qualité et demeure avant qu’il fut en ce lieu.
a repondu qu’il se nommoit aujourd’hui comme hier.
Interrogé comme il s’appeloit hier.
a repondu tout de même.
Interrogé pour la troisième fois
n’a rien repondu
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Interrogé ou il demeuroit avant d’etre venu a Rennes.
a repondu qu’il demeurait chez…droit la…et que sa maison etoit au village de la Chalotière.
Interrogé quels sont ses plus proches voisins.
a repondu que ce sont Julien Hervé et Guillaume Gaignoux.
Interrogé ou il etoit vendredi dernier.
a repondu avoir été dans des endroits.
Interrogé dans quels endroits.
a repondu qu’il etoit au bourg.
Interrogé s’il etoit avec sa mère.
a repondu qu’il etoit a faire son salut.
Interrogé ce qu’il faisoit pour son salut.
a repondu qu’il etoit a communier ou les autres vont.
Interrogé ou il etoit le soir du même jour de vendredi.
a repondu en se tournant vers le coté gauche et elevant la voix, mon vachou.
Interrogé ou etoit sa mere le mesme soir.
a repondu qu’elle etoit dans sa demeurance ordinaire.
Interrogé de ce qu’elle est devenue.
a repondu que nos gens l’ont tué.
Interrogé quels sont ceux qui l’ont tuée.
a repondu que ce sont les gens de nous juges, qu’ils ont pensé le tuer lui mesme.
Interrogé qui sont ces gens la.
a repondu que ce sont les gens qui courrent le sabat.
Interrogé s’il etoit présent lorsque sa mère fut massacrée.
a repondu qu’oui
Interrogé pourquoy il ne secouroit donc pas sa mere.
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a repondu qu’il essaya de les chasser avec de l’eau bénite mais qu’ils etoient plus de quarante.
Interrogé pourquoy il est venu ici.
a repondu que c’est ce qu’il veut savoir
Interrogé par qui et comment y a été amené.
a repondu que ca été par Pierre Marquer avec sa charrette et son harnois.
Interrogé encore une fois pourquoy on l’a enfermé en ce lieu.
a repondu que c’est parce que l’on disoit qu’il etoit fou, et que ces gens vouloient avoir son
perir bien.
Interrogé s’il a des frères et sœurs.
a repondu que son frère s’appelle Julien Jubin.
Interrogé s’il etoit au sermon de ma passion vendredi saint.
a repondu que c’est ce qui lui a fait tourner l’esprit.
Interrogé s’il etoit jeudi au soir dans le domaine de la Chapelle dependant de Pierre Fitte.
A repondu, non, et voulant continuer l’interrogatoire il a dit qu’il n’en pouvoir plus, et qu’il
vouloit a boire et a manger, et qu’il lui falloit du vin, lors de quoy la femme du concierge lui
aiant une beurrée , il en a mangé quelques morceaux qu’on lui a coupé et bu une partie d’une
chopine de cidre qu’on lui avoit mis dans une ecuelle de terre, laquelle il a renversé et
répandu le reste du cidre en se remuant. Voulant encore continuer de l’interrogatoire, il a dit
qu’il vouloit se confesser, et que jusqu'à l’avoir fait, il ne nous repondroit plus sur quoy aiant
fait venir le chapelain des prisons par l’un des guichetiers, ledit particulier prisonnier a dit
qu’il connaissoit point ce prêtre la, qu’il falloit avoir le sieur Lepez de la paroisse de Bruz
auquel il alloit a confesse depuis la mort du precedent recteur. Lui aiant représenté qu’il
n’etoit pas possible d’avoir celui qu’il demandoit, il a tenu différents propos audit chapelain,
mais ne pouvant pas etre présents a sa confession, quand il se détermina a la faire , et etant
dailleurs sept heures et quart frapés, nous nous somme retirés, sauf a revenir continuer les
interrogatoire, lorsqu’on pourra esperer plus de disposition de sa part a répondre, de quoy
nous avons decerné acte audit lieu ledit jour et an, après avoir néanmoins donné lecture audit
particulier desdits interrogatoires et de ses confessions et dénégations, et l’avoir interpellé de
signer ou de nous declarer qu’il ne sait point signer, ce qu’il a refusé de faire, neuf mots et une
lettre rayés nuls. »
Picquet – Chevalier.
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