Voici le compte rendu détaillé de la journée par Sabine

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Voici le compte rendu détaillé de la journée par Sabine
Groupe Midi-Pyrénées
Compte rendu de la journée ABF Midi-Pyrénées du 17 novembre 2008 :
quelle bibliothèque dans le musée ?
Journée d’étude organisée au Muséum d’histoire naturelle de Toulouse
En intégrant bibliothèques et outils web 2.0 dès leur conception, les nouveaux espaces
muséaux s’ouvrent à de nouvelles perspectives en direction du public. Avec une offre sur place et
en ligne, quels sont les enjeux des bibliothèques au sein de ces musées, en terme de ressources
documentaires, de services, et vers quel public ?
Deux exemples concrets et récents de réalisations muséales intégrant d’une part une bibliothèque
et d’autre part les outils web 2.0 ont servi d’appui pour cette journée : le Muséum d’Histoire
Naturelle de Toulouse et le musée du quai Branly à Paris.
La bibliothèque du Muséum de Toulouse1 a d’abord été présentée par Anne Ingremeau,
responsable du pôle documentaire.
Le Muséum, fermé pendant 10 ans (1997-2007) pour restructuration, était un établissement
représentatif d’un musée scientifique « classique» dont les fonds documentaires ont été rassemblés
spécifiquement autour des collections, utilisés par les chercheurs en interne et constitués au fil de
l’eau. Cette documentation était éparpillée dans le bâtiment et l'accès se faisait sur rendez-vous.
Une bibliothèque enfantine scientifique, créée en 1976 (la 2e en France), était néanmoins un
élément notable d’innovation dans ce contexte.
Le projet de redéfinition des missions et des collections du Muséum a permis de repenser
différemment l’offre et la structuration de l’établissement et a d’emblée donné une place aux
bibliothèques du Muséum. Tous les services en effet ont été pensés pour être adaptés à la vie et à la
programmation du musée, ainsi qu'à l'accueil de tous ses publics (visiteurs et personnel). Par
ailleurs, le développement de partenariats institutionnels a été un autre élément prépondérant du
projet. C’est ainsi que des partenaires municipaux et régionaux ont été sensibilisés et mobilisés : la
Médiathèque de Toulouse pour l’intégration au SIGB Unicorn, le Centre Régional des Lettres dans
le cadre des plans régionaux de conservation (jeunesse et périodiques), le Réseau d’Information
Développement Durable et Environnement en Midi-Pyrénées (Reside.mip)2.
Aujourd'hui 3 salles de lecture sont proposées au public, gérées par 9 agents et offrant 40 places
assises.
La bibliothèque tout public ou bibliothèque Emile Cartailhac, la seule à avoir conservé son aspect
muséal grâce aux anciennes vitrines réemployées pour les rayonnages, propose 2000 ouvrages, 18
abonnements en consultation sur place uniquement, et 12 postes d'accès aux ressources
électroniques.
La bibliothèque d'étude, dans le prolongement de la bibliothèque Cartailhac et dont les collections
sont en accès indirect, offre 10000 ouvrages, environ 100 abonnements spécialisés, et 4 postes
internet. Un fonds ancien de 180 volumes est également consultable.
1
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http://www.museum.toulouse.fr
http://www.residemip.org
Sabine Naegelain ABF- Groupe Midi-Pyrénées 1, rue de Périgord 31000 TOULOUSE
La médiathèque jeunesse, dénommée "Pourquoi pas ?", avec 2000 ouvrages, 12 abonnements et 4
postes d'accès aux ressources électroniques, accueille son public les mercredi, samedi et dimanche
et propose également activités et accueil de classes accompagnées d’enseignants.
Le problème majeur de fonctionnement actuellement rencontré est révélateur du positionnement des
bibliothèques au sein du Muséum. Le public doit en effet pour le moment s’acquitter du droit
d’entrée au Muséum pour accéder aux ressources documentaires.
Un palliatif temporaire a été conçu pour le public académique et universitaire mais ne permet pas de
résoudre le problème de fond.
Ainsi, malgré une volonté forte d’associer pleinement les bibliothèques dans la vie du Muséum dès
les débuts du projet, celles-ci demeurent soumises à une organisation qui ne leur permet pas d’être
autonomes dans l’accueil du public. Les bibliothèques du Muséum doivent-elles être uniquement un
outil d’accompagnement du public au moment des visites et au service du personnel en charge de la
recherche et de la gestion des collections, ou peuvent-elles prétendre à plus que cela et acquérir un
statut plus indépendant ?
Pour Odile Grandet, conservatrice directrice adjointe du département Patrimoine et
collections, la question se pose dans les mêmes termes malgré un contexte différent pour la
médiathèque du musée du quai Branly à Paris3.
Une comparaison rapide des bibliothèques et des musées amène les constatations suivantes :
bibliothèque et musée sont tous les deux un espace public, sont deux institutions qui collectent et
accumulent, qui ont une même origine et une histoire partagée.
La bibliothèque de musée est-elle donc seulement une collection juxtaposée à une autre ou plus que
cela ?
La médiathèque du Quai Branly, créée comme le musée qui l’abrite il y a deux ans, est le résultat de
la fusion des fonds documentaires du Musée de l'Homme et du Musée National des Arts Africains
et Océaniens (MNAAO).
Actuellement, les collections de la médiathèque se répartissent en 3 espaces distincts séparés
physiquement et proposant des horaires d'ouverture différents :
- une salle d'actualité et d'information pour le grand public, à savoir le salon de lecture Jacques
Kerchache que l'on vient visiter en même temps que le musée. Cette salle regroupe environ 4000
documents présentés temporairement selon des thématiques en lien avec l'actualité du Musée,
sélectionnés à partir des collections.
- une bibliothèque d’étude et de recherche pour un public académique et universitaire.
- une salle de consultation des archives sur l’histoire des collections du musée.
L'accès à ces espaces est gratuit, la consultation sur place est la règle, le prêt à domicile étant
réservé au personnel.
Les collections documentaires étant conçues en priorité pour accompagner les collections et la vie
du musée, le bilan de fonctionnement deux ans après l’ouverture fait apparaître néanmoins un usage
différent et relativement autonome des bibliothèques : l’accès gratuit amène un lectorat propre pour
le salon de lecture, mais également pour la bibliothèque universitaire.
Par ailleurs, les outils web 2.0 utilisés par le musée apportent une valorisation différente des
collections et permettent d’autonomiser la médiathèque à l’intérieur du musée. Le site web devient
dès lors le quatrième lieu de diffusion des collections muséales et documentaires grâce à une
communication établie pour chaque partie et une visualisation depuis l’extérieur des richesses de
l’institution.
Malgré ces évolutions notables, la définition du rôle de la bibliothèque au sein du musée demeure
délicate ; celle-ci n'est pas au cœur des missions du musée, mais remplit sa fonction de service
public de manière particulière et prend toute sa place dans le fonctionnement de l’ensemble.
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http://www.quaibranly.fr
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Sabine Naegelain ABF- Groupe Midi-Pyrénées 1, rue de Périgord 31000 TOULOUSE
L’après-midi de cette journée d’étude a permis ensuite d’évoquer plus précisément les services au
public en ligne et les usages 2.0 pour penser la bibliothèque hors les murs du musée, en
resituant les interrogations dans une réflexion plus globale.
Gaëlle Crenn a présenté son travail, en partenariat avec Geneviève Vidal, pour le
Laboratoire des Sciences de l’information et de la communication (LabSIC) de Paris 13, dans une
approche ancrée en sciences de l'information et de la communication avec pour objectif de rendre
compte de l'appropriation de la technologie web 2.0 dans la sphère muséale.
Cette étude s’appuie sur une double problématique : qu’en est-il des technologies web 2.0 dans la
sphère muséale et patrimoniale et quelle est la situation des bibliothèques par rapport aux musées
dont elles dépendent dans ce contexte ?
Un retour en arrière sur la définition du web 2.0 permet de montrer qu’il s’agit d’une technologie
née de l'interaction entre plusieurs fonctionnalités, qui se fonde sur une philosophie de partage
offrant aux utilisateurs des potentialités d'action sur les contenus.
L’étude menée porte sur une centaine de musées (avec une prédominance des musées d’art) en
France, Europe et dans l’aire anglo-saxonne et la démarche suivie a consisté à mener une analyse
des fonctionnalités des sites web de ces établissements et d’identifier des logiques d'usages.
L’étude montre que l’introduction de technologies web 2.0 permet la mise en avant de la promotion
et de la diffusion de l'information (notamment les actualités) d'une institution mais également
l’appropriation des institutions par le public grâce à des possibilités comme la création d’une galerie
personnelle, des visites personnalisées par de l’indexation, de l’annotation, des commentaires,
discussions ou échanges.
Le web 2.0 permet aussi la création de contenus, qui peut aller du simple avis sur une œuvre, une
exposition ou une action du musée jusqu’à la création au sens propre du terme (le public peut par
exemple mettre en partage des œuvres personnelles).
Avec l’arrivée du web 2.0 dans les musées, de nouveaux enjeux institutionnels apparaissent pour
l’institution autour de la définition et de la diffusion de l'auctorialité, de la légitimité et de l'autorité.
Ces innovations dans les musées et leurs conséquences ont un intérêt évident pour les bibliothèques,
car les deux institutions partagent entre autres cette préoccupation du public. Les expériences
menées en musée peuvent servir d’exemple aux bibliothèques, qu’elles soient dans ou en-dehors de
ceux-ci.
Patrick Hernebring, en charge notamment des actions de numérisation pour la médiathèque
de Toulouse, a quant à lui fait part du retour sur expérience de la valorisation d’un fonds d’image
sur Flickr4, outil phare du web 2.0.
Le fonds Eugène Trutat, rassemblant 15 000 photographies des Pyrénées de 1880 à 1920, est
numérisé depuis 2000 ; il a d'abord été diffusé en interne à la Médiathèque de Toulouse5 via le
logiciel Micromusée accessible depuis une borne OPAC.
La médiathèque de Toulouse avait besoin d'un réceptacle pour accueillir et valoriser ce fonds et a
donc pour cela choisi Flickr, à l'instar de la Bibliothèque du Congrès6.
L'intérêt de cet outil pour la médiathèque de Toulouse était sa fonctionnalité d’indexation partagée,
afin d’obtenir des précisions ou des informations sur des annotations souvent très vagues d’Eugène
Trutat sur ses clichés, un certain nombre de sites ou d'événements étant restés non identifiés.
4
http://www.flickr.com : avec 3 milliards de photographies et 25 millions de visites par mois, il s’agir d’un espace de
partage de photographies et de vidéos. Il offre des possibilités d'indexation partagée et une fonctionnalité de
géolocalisation.
5
http://www.bibliotheque.toulouse.fr
6
http://www.flickr.com/photos/Library_of_Congress
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Sabine Naegelain ABF- Groupe Midi-Pyrénées 1, rue de Périgord 31000 TOULOUSE
Projet mené avec beaucoup de circonspection et conçu dans une démarche pragmatique et
progressive (un départ à quelques centaines de clichés, pour arriver à 600 images en ligne
aujourd’hui), celui-ci rencontre aujourd’hui un certain succès en terme de consultations.
77 % de ces consultations journalières passent directement par Flickr, mais aussi par Wikipedia
(suite à cette mise en ligne, l’article « Eugène Trutat » s’est étoffé), ou par citations par la presse en
ligne. La mise en ligne sur un outil de partage a assuré une bonne communication à ce fonds.
En revanche, l'enrichissement de l'indexation s’avère décevant ; on obtient au mieux une traduction
anglaise des termes français, parfois approximatifs. Les commentaires la plupart du temps n’ont
aucun intérêt scientifique. Flickr ne répond pas non plus à des attentes professionnelles en terme de
catalogage et d'indexation, d’autant que ce système demande en contrepartie des moyens humains.
Cette interface n’est pas non plus une interface de recherche performante.
Après cette expérience, la médiathèque de Toulouse souhaiterait maintenant développer sa propre
plateforme avec un protocole OAI et l'utilisation du Dublin Core.
Partie d’un besoin particulier pour la mise en valeur d’une collection iconographique, dont le
traitement en bibliothèque est la plupart du temps spécifique, l’expérience menée par la
Médiathèque de Toulouse est intéressante en terme de communication mais décevante sur le plan
intellectuel et documentaire.
Anne Blanquer-Maumont, responsable du département Information et Samuel Bosson,
webmaster du Muséum de Toulouse ont finalement clôturé la journée par la présentation des actions
de l’établissement en matière de web 2.0.
La première action consiste en une démarche de veille pour rassembler les différents points de vue
sur le web 2.0 et sur les expériences menées sur le sujet dans les autres métiers. A l’instar de ce qui
a été présenté par la Médiathèque de Toulouse autour du fonds Trutat, le constat qui en découle
montre que des outils existent, des besoins aussi et que cette situation débouche nécessairement sur
des initiatives et des essais dans les bibliothèques et les musées.
La transcription de cette analyse dans le projet du Muséum a permis que les publics et le Muséum
deviennent acteurs du débat, et qu’une plateforme d'échange sur des sujets d'actualité soit perçue
comme intéressante pour établir des connexions entre disciplines et thématiques.
La deuxième action porte sur la définition des objectifs du site web du Muséum. Outil promotionnel
et outil d'information, celui-ci doit servir à préparer et prolonger la visite, doit faire vivre le musée
hors les murs, doit être une plateforme d'échanges et doit être un outil de personnalisation et de
fidélisation, d'où l’apparition et l’utilisation des outils du web 2.0. Quatre plateformes sont
actuellement utilisées par le Muséum : Netvibes (veille sur les thématiques du Muséum), Del.icio.us
(partage de favoris), Flickr (partage d’images), Twitter (microbloging, conversation avec les
internautes).
Ainsi, la délégation de contenus est aujourd’hui effective sur certaines parties du site web du
Muséum, valable aussi pour les bibliothèques : l'agenda, la partie "s'informer" et les actualités.
En revanche, la politique suivie autour de l’autorité et de l’auctorialité sur les outils web 2.0 utilisés
par le Muséum est très claire : l’identification du locuteur (utilisateur ou institution) est toujours
clairement affichée.
Le Muséum, et par conséquent, les bibliothèques de cet établissement, ont donc souhaité par cette
expérience sortir de la logique "vitrine" pour entrer dans une logique "relationnelle" avec leur
public.
Cette journée d’étude, par la présentation d’exemples concrets d’utilisation des outils web 2.0 dans
les musées et les bibliothèques, aura permis de constater dans quelle mesure ces changements
technologiques peuvent permettre d’une part de faire évoluer le rapport au public de ces institutions
et de redéfinir leurs missions, d’autre part de donner une place particulière aux bibliothèques de
musées, qui sont ainsi individualisées tout en restant au cœur des établissements
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Sabine Naegelain ABF- Groupe Midi-Pyrénées 1, rue de Périgord 31000 TOULOUSE