Dieu en procès

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Dieu en procès
Dieu en procès
Auteur(s) : Raphael Picon
119 pages, 20 x 14 cm,
éditeur : les éditions de l'atelier, 2009
Deux critiques :
1) critique de Arrêt aux Pages
http://www.arretauxpages.com/catalogue/fiche.php?Rech=reference&param=2660012
La question sur laquelle Raphaël Picon nous fait réfléchir est la suivante : « n’est-ce
donc pas parce-que Dieu n’est pas raisonnablement crédible que nous continuons à croire
en lui ? » Raphaël Picon est doyen de la Faculté de théologie protestante de Paris. Il a
soutenu sa thèse sur la pensée de John Cobb et s’est spécialisé sur les théologies du
pluralisme. Il s’est fait connaître par son travail sur la théologie à la portée de tous, qu’il a
transmis dans son livre « Tous théologiens ».Les prédicateurs laïcs le connaissent bien
grâce à l’ouvrage collectif qu’il a dirigé « L’art de prêcher ». Bref, Raphaël Picon est un
théologien qui veut nous faire réfléchir théologiquement et je gage que ce livre y
contribuera. En 3 chapitres, Raphaël Picon nous place face à Dieu en nous interrogeant : de
quel Dieu parlons-nous dans nous disons « je crois en Dieu ». Raphaël Picon a l’art non
seulement de prêcher, mais aussi de faire chanceler une élaboration de pensée que l’on
croyait inamovible, à savoir que d’un côté « croire excède tout argumentaire et toute
compréhension rationnelle je crois parce-que c’est comme ça, cela me dépasse et d’un autre
côté, face à cette foi qui s’impose de manière irrépressible, le vocable « dieu » se trouve
soumis à la condition de la pluralité et de la relativité (p.90). Dieu s’élabore
intellectuellement en fonction de la société dans laquelle on vit. Ce Dieu là est
intellectualisé, exprimé par une culture donnée et de plus s’inscrit dans une attente
particulière. « Dieu est ce qui fait réponse à une préoccupation ultime (p.91). Y aurait-il
donc un autre chemin pour penser Dieu, entre ce « croire en excès » et cette rationalité du
croire, entre cette extravagance de l’évangile, entre la foi relevant du seul don de Dieu qui
se dispenserait de toute analyse et ce Dieu qui devient crédible au terme d’une démarche
rationnelle ? Raphaël Picon nous répond qu’ « entre l’impensé et l’indiscutable, une
théologie de la crédibilité affirmera la possibilité d’un Dieu pensable et pouvant être
raisonnablement cru, sans pour autant se trouver limité et enclos dans les conditions de ce
pensable » (p.100). C'est-à-dire, que dans cette manière de penser, « le Dieu des
philosophes et le Dieu des croyants s’appellent mutuellement. » (p.101) Comment ?
Raphaël P. fait ici appel à l’un de ses maîtres André Gounelle pour expliquer cela à travers
un exemple : « De même le biologiste, le psychologue et le sociologue étudient les
structures, les stratégies et les comportements de l’amour. Ils ne font pas le récit d’une
aventure amoureuse ou d’une relation amoureuse particulière, tel qu’on peut le lire dans un
roman ou une biographie ». En résumé, « s’il ne s’agit pas de fonder la foi sur la raison, ni
de prouver rationnellement l’existence de Dieu, il s’agit de soutenir que Dieu peut être
pensé intellectuellement, et que la foi chrétienne se doit, pour être valide et communicable,
d’atteindre à partir de méthodes rationnelles, un certain degré d’intelligibilité (p.101).
Raphaël Picon va plus loin en disant que Dieu est crédible en fonction de l’image que nous
nous en faisons, il est aussi relatif, en tant qu’il est relié, dans le sens où il n’est plus tout
seul ou encore ab-solu. La théologie chrétienne de l’incarnation soutient cette dimension
relative de son Dieu, en pensant et en le croyant comme un Dieu avec, relié à la finitude
humaine. (p.102). Ainsi Dieu est crédible, ou encore « se laisse croire » selon le
vocabulaire de R. P. p.104 en fonction de la relation que le croyant établit avec Lui. C’est la
relation de foi qui s’installe entre Dieu et soi qui constitue Dieu. R. P. cite alors Martin
Luther dans son « Grand catéchisme » : « Ce à quoi tu attaches ton cœur et tu te fis est
proprement ton Dieu ». Si Dieu est crédible c’est donc bien parce-qu’il désigne d’abord ,
pour nous ce qui nous concerne fondamentalement. Mais en même temps, ce Dieu crédible
par soi est aussi « ce qui nous ouvre à autrui, nous transforme et nous déplace » p. 105.
Alors, Dieu devient le signe d’un infini, d’un exorbitant. « Croire en Dieu serait la manière
la plus souveraine qui soit d’affirmer que tout ne s’épuise pas dans le monde des objets
finis, d’ouvrir un horizon qui permette de dépasser le poids des déterminismes , l’inertie de
la force des choses , le règne du déjà connu ». Ce Dieu crédible dans son invraisemblance
(p. 106) réconcilie le Dieu des philosophes et le Dieu des croyants, en élaborant un système
théologique et religieux acceptable, crédible. R. P. fait ici l’écho de la Théologie du process
qui travaille à rendre ce discours sur Dieu acceptable par nos contemporains. Et cette
élaboration d’une pensée rend alors impossible l’obscurantisme et le fondamentalisme
religieux. Car ce discours religieux doit alors rendre compte, doit expliquer en fonction de
sa propre méthode d’investigation. R. P. conclue en disant qu’un Dieu ainsi exposé est
nécessairement soumis à la critique. Mais oui, dit-il, vive la critique qui rend la religion
imparfaite et qui la maintient vivante.
2) Critique de la Revue Etudes
http://www.revue-etudes.com/Questions_religieuses/Dieu_en_proces/46/12232
Le procès dont il est question ici est un terme emprunté à la Process Theology qui
s’est développée depuis quelques années aux Etats-Unis, et dont l’auteur s’inspire
largement. Il s’agit d’une conception qui voit Dieu comme puissance de créativité et de
transformation, en devenir d’une certaine manière, et qui nous reste pour une part
inatteignable et indéchiffrable. Mais le livre aborde aussi les procès faits à la croyance en
Dieu, donc les critiques venant en particulier de l’athéisme, bien qu’il ne dise rien des
nombreuses descendances nietzschéennes qui comptent tout de même dans un tel procès.
L’auteur défend la crédibilité de Dieu en cherchant à éviter des preuves rationnelles qui
risqueraient de chosifier la réalité ainsi visée. « Si la foi soutient la possibilité d’un
impensable et renvoie à une réalité qui excède la raison, elle ne saurait pour autant être
impensée et irraisonnable, au risque de devenir pur arbitraire ou folie obscure ». On ne doit
donc pas opposer le Dieu des philosophes et le Dieu des croyants, mais admettre aussi du
même coup que la critique est bienfaisante à l’intérieur de la religion, encore que les
modalités de cette critique restent ici assez vagues. Un livre tonique, dont les bases
philosophiques
sont
assez
floues.
Paul Valadier