Je le laisse faire, en totale liberté - Haut

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Je le laisse faire, en totale liberté - Haut
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Sundgau
MARD I 8 MAR S 201 6
L ' AL S A CE
FEMMES D’ÉLUS
« Je le laisse faire, en totale liberté »
Kinésithérapeute de métier, Pascale Danési, 68 ans, est l’épouse du sénateur-maire de Tagsdorf et la mère de leurs trois enfants. Jusqu’à sa retraite en 2014, elle n’a jamais
cessé d’assouvir sa passion pour le sport et le patchwork. Son univers est très loin de la politique.
tient en un mot : l’abnégation.
« Un jour, il me dit : je rentrerai
tard. Et il revient à 19 h. Un autre
jour, il me dit : je rentrerai tôt, et
à 23 h, il n’est toujours pas là. Il
ne faut pas poser de question, je
n’attends rien, je le laisse faire,
en totale liberté. C’est son boulot. »
Anne Ducellier
Une pile électrique, madame
100 000 volts, une femme pressée, une boule d’énergie, insatiable sportive… Pascale Danési est
tout cela à la fois. Même lorsqu’elle parle, ses mots semblent
piquer un sprint. Et les années
qui passent n’entament en rien
son dynamisme. À 68 ans, elle a
gardé son tempérament de feu.
Celui-là même qui a dû séduire
René Danési, au lycée d’Altkirch.
« On s’est connus à l’école. On
était ensemble sur les bancs du
lycée, confie-t-elle. Il était en
première, moi en seconde. Il a
redoublé et on s’est retrouvés
ensemble en première. Il était
déjà à fond dans la politique. À
17-18 ans, on allait aux campagnes électorales. »
Super mamie
Elle relit ses discours, mais n’interfère jamais dans ses affaires.
« Je reste à ma place. On est
d’accord presque sur tout. On a
les mêmes avis politiques, mais
je n’ai pas un avis tranché. Je ne
suis pas intransigeante. » La vie
de femme d’élu présente tout de
même des avantages que savoure Pascale Danési : les voyages
officiels en montagne, les invitations aux concerts, les réceptions… Alors non, elle n’a pas du
tout l’impression d’avoir sacrifié
quoi que ce soit à la carrière de
son mari. « Il s’est beaucoup
investi. Et pour s’investir, il faut
être libre de toutes contraintes à
la maison. »
« La politique, je n’y
comprends rien »
Après le bac qu’ils décrochent en
1966, direction Strasbourg : elle
commence des études de kinésithérapeute, lui suit une maîtrise
d’histoire. Ils habitent chez Madame Danesi mère, qui tient un
commerce de lingerie à Strasbourg. Ils se marient en 1967,
sont parents en 1968. Et encore
étudiants ! « Quand j’ai fini mes
études, j’ai travaillé à l’hôpital
de Cronenbourg. Puis, on s’est
installés à Tagsdorf en 1974. On a
construit une maison à côté de
mes beaux-parents. » René Danesi, lui, n’est pas sorti d’affaire :
après sa maîtrise d’histoire, il
enchaîne avec Sciences Po puis
l’Institut des hautes études européennes. « J’ai épousé un homme politique et je le savais : je
n’ai pas été trompée sur la marchandise ! », rigole Pascale Danési. Un univers bien loin du
sien. « Personnellement, la politique, je n’y comprends rien. Je
suis un peu nulle. Mais j’essaie
de suivre. »
Un peu hyperactive ?
Dès le début, elle soutient son
mari. Parce qu’elle se dit « assez
sociable », elle s’investit dans la
vie municipale. Elle se charge des
quêtes pour la lutte contre le
cancer, par exemple. Concerts,
repas, grandes réunions politiques… Elle l’accompagne partout, du moins, quand elle peut.
Maman pour la 2e fois en 1975, la
jeune femme doit mener de front
vie privée et vie professionnelle.
Elle exerce comme kinésithérapeute à mi-temps.
Elle cesse de travailler après la
Pascale Danési, sexagénaire hyperactive, avec la photo de son mariage, en 1967. naissance de sa petite dernière
en 1982. Mais même à la maison, pendant huit ans, elle continue de s’activer hors les murs.
Elle se lance dans le patchwork.
Elle donne des cours de manutention de malades et de gymnastique corrective à l’hôpital
d’Altkirch. Elle anime des camps
scouts avec ses enfants, part en
classe de mer et de neige avec
eux. Elle préside depuis 25 ans le
club de gym L’Altkirchoise, où
elle a été entraîneur puis juge.
Elle a reçu l’agrément pour accompagner les enfants de l’école
de Tagsdorf à la piscine. Et elle a
été monitrice de ski. « J’accompagnais les enfants aux mercredis de neige dans les Vosges avec
la MJC. Le dimanche, j’y retournais avec le bus de la mairie
d’Altkirch ! »
On peut dire que le sport, c’est
sa seconde nature. Cette passion
lui permet d’être avec ses enfants et de compenser l’absence
de leur papa qui fera toute sa
carrière au Comité d’action économique du Haut-Rhin (Cahr),
parallèlement à ses engagements politiques.
En 1990, l’épouse reprend son
travail à temps plein à Ferrette.
Elle rentre chaque midi pour
déjeuner avec sa fille, alors en
CE2. Au bout de quatre ans, les
trajets lui pèsent trop, elle s’installe avec un associé à Altkirch.
Et à 50 ans, elle s’offre un cabinet flambant neuf, pour elle seule, au départ. Elle finira par
s’associer. « Je n’y arrivais plus
seule ! Mon métier m’a beaucoup accaparée, reconnaît Pascale Danesi. Je travaillais jusqu’à
13-14 heures par jour, week-end
compris, parce que j’étais spécialiste des bronchiolites. » Spécialiste ou pas de cette infection
respiratoire des bébés, c’est madame qui fait les courses et la
cuisine. « Mon mari ne sait rien
faire, à part éplucher les légumes. » En revanche, elle lui laisse
les finances. « La paperasse, ce
Photo L’Alsace/A.D.
n’est pas mon truc. » La gestion
comptable, c’est la spécialité de
monsieur, qui terminera sa carrière comme directeur financier
au Cahr.
« Sénateur, ça n’a rien changé »
Et les vacances, on en parle ?
« Quand les enfants étaient petits, on louait une maison près de
la mer. Depuis qu’ils sont grands,
on part tous les deux pendant
deux semaines en croisière, on
fait du tourisme culturel. En vacances, mon mari arrive à décrocher. » Décrocher ? Un détail qui
a son importance : parce que
pendant tout ce temps, Monsieur
Danési, lui, prend du galon en
politique. Maire depuis l’âge de
24 ans, il devient conseiller régional, président-fondateur du
Sivom, président de l’association
des maires du Haut-Rhin… puis
sénateur depuis 2014. Tous ces
mandats cumulés n’effraient pas
son épouse. « Sénateur, ça n’a
Mandats de René Danési
« Pas trop de bêtises ! »
Pas un jour ne passe sans qu’on cite un élu dans le journal. En janvier, leur exposition atteint son paroxysme avec les cérémonies des vœux qui s’enchaînent. C’est justement lors d’une telle cérémonie qu’un maire a offert des fleurs à son épouse devant l’assistance, aussi médusée qu’attendrie. « Je la remercie de me supporter au quotidien », a soufflé l’édile.
C’est vrai, ça : quelle vie ces élus surexposés, débordés et souvent absents mènent-ils à leur épouse ! La plupart d’entre elles restent dans l’ombre, loin des flashs et des projecteurs. Et si, pour une fois, nous leur donnions la parole, pour témoigner de leur quotidien de femme d’élu ?
Nous avons pris contact dès janvier avec quelques épouses. Madame Danési a accepté tout de suite. Son sénateur-maire de mari l’a à peine mise en garde. « Il m’a demandé de ne pas dire trop de bêtises ! » Madame Reitzer a réfléchi 24 heures. Le député-maire lui a-t-il dit quelque chose dans l’intervalle ? « Il m’a répondu : pas de problème. C’est mon fils qui m’a dit de ne pas dire trop de bêtises ! » Quant à Madame Jander (à lire demain), son époux, Nicolas Jander, adjoint au maire d’Altkirch et conseiller départemental, a dû au contraire la convaincre de nous rencontrer… Elle seule s’interrogeait sur la teneur de ses propos. « J’espère ne pas avoir dit trop de bêtises ! », s’est-elle enquise à la fin de l’entretien. Preuve que la pression médiatique pèse aussi sur leurs épaules. Alors merci à toutes ces « femmes de » d’avoir accepté de lever une partie du voile sur leur personnalité et sur leur vie privée, à l’occasion du 8 mars. Et aux ayatollahs de la parité, disons-le tout net : oui, nous rencontrerons aussi des « maris de » femmes politiques. C’est prévu. Mais on a tout le reste de l’année pour ça. La journée des femmes, elle, ne dure que 24 heures, le 8 mars !
A.D.
René Danési est né le 30 août
1947 à Altkirch.
1971 : 1er adjoint au maire de
Tagsdorf
1972 : président fondateur du
Sivom de la vallée de Hundsbach (devenu district en 1990
et communauté de communes en 2000). Fin en 2014.
1974 : maire de Tagsdorf
1982 et 1985 : représentant
des communes rurales du
Haut-Rhin à l’Établissement
public régional
1986 : conseiller régional
1989 : vice-président du conseil régional
1992 : conseiller régional
Depuis 1995 : président de
l’Association des maires du
Haut-Rhin
1998 : conseiller régional
Depuis 1998 : président fondateur du Syndicat départemental d’électricité et de gaz
Archives L’Alsace/J.-F.F.
du Haut-Rhin
2004 : conseiller régional
2008 : maire de Tagsdorf
2010 : conseiller régional
2014 : maire de Tagsdorf
2014 : élu sénateur, il démissionne de son mandat de
conseiller régional.
ALT02
rien changé. Il n’y a aucune
différence. » Son mari se rend
trois jours par semaine à Paris,
du mardi au jeudi, « et le lundi il
n’est pas là non plus ». Sans
parler des obligations locales :
« Il va chez ses attachés parlementaires le matin et souvent
l’après-midi, il a d’autres rendezvous ».
Ses absences sont une question
d’habitude. Ça n’a jamais été un
inconvénient pour Pascale Danési, qui était « très occupée ». « Le
problème, c’est surtout pour mes
enfants. Mon mari ne les a pas
vus beaucoup. Sa carrière était
importante, il ne s’est pas rendu
compte de ce qu’il manquait. »
Le secret de son couple qui dure
De super maman hier, Pascale
Danési s’est transformée en super mamie aujourd’hui : elle garde régulièrement sa petite-fille
Radharani, 2 ans. « La nounou,
c’est moi ! », lâche-t-elle fièrement. Et, qui l’eût cru, Monsieur
le sénateur-maire a levé le pied
pour profiter de sa descendance.
« Maintenant, pour ses petits-enfants, il fait plus d’efforts. Il est
en fin de carrière. Il n’a plus rien
à prouver. » Un samedi matin, il
a même décidé d’aller faire les
courses. « Mais il a mis plus de
deux heures ! » Chassez le naturel, il revient au galop.
À LIRE Dans notre édition de
mercredi, les portraits de Christine Dirrig, Paulette Willemann et
Sandrine Jander.
Repères
Pascale Munsch, née en 1948, est
originaire d’Altkirch. Elle a épousé
René Danési en 1967.
Ils ont trois enfants : Philippe
(1968), Étienne (1975) et Diane
(1982). Ils sont grands-parents
d’une petite fille Radharani, 2 ans,
et d’un petit garçon Arsène, 3 ans.

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