Cinglante défaite pour Bush
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Cinglante défaite pour Bush
magenta jaune cyan noir LA POLITIQUE * Cinglante d!faite pour Bush ELECTIONS AM"RICAINES. Le Parti démocrate a remporté hier une large victoire dans des élections au Congrès ayant pris l!allure de référendum sur la guerre en Irak. Première conséquence, Bush a limogé son secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. P OUR la première fois depuis douze ans, le Parti démocrate s!est assuré le contrôle de la Chambre des représentants. Et il pourrait aussi emporter le Sénat, où la majorité restait hier suspendue à un seul siège. Ces législatives sont un véritable camouflet pour le président George W. Bush, élu en 2000. Est-ce un raz de mar!e d!mocrate ? Oui, même si le parti de l!Ane ne conquiert pas — encore — les deux chambres. Dans un système électoral où, d!habitude, plus de 90 % des sortants sont réélus, le fait d!avoir gagné près de trente sièges à la Chambre représente un tour de force. Au Sénat, où seuls 7 sièges étaient vraiment en jeu, les démocrates en ont remporté 5 et un dernier (en Virginie) penche en leur faveur, même s!il faudra attendre un recompte des voix dans les semaines à venir pour être fixé. D!où un casse-tête : pour l!heure, les démocrates dominent avec 50 sièges (sur 100 au total), contre 49 aux républicains. Si ces derniers arrachent l!égalité, l!avantage leur reviendra, puisque le président du Sénat, qui n!est autre que le vice-président des Etats-Unis, Dick Cheney, dispose d!une « voix double ». Pour le parti de l!Eléphant, c!est la pire défaite depuis la débâcle consécutive au scandale du Watergate en 1974. Bush est-il d!savou! ? Clairement oui. Ces législatives faisaient figure de référendum pour ou contre le président, pour ou contre « sa » guerre en Irak. Et George W. Bush a assumé luimême, dès hier soir, dans sa conférence de presse à la MaisonBlanche, sa « large part de responsabilité » dans la déroute de son parti. Signe qu!il a reçu le message : le limogeage de Donald Rumsfeld (lire ci-dessous). Près de quatre électeurs sur dix ont indiqué avoir voté pour s!opposer à Bush et 62 % d!entre eux ont estimé que ce scrutin avait des implications nationales. Selon ces sondages « sorties des urnes », quatre thèmes ont dominé chez les électeurs : la corruption des élus du Congrès sortant, le terrorisme, la guerre en Irak et les (relatives) difficultés économiques. Or, les trois derniers relevant de la responsabilité du président, c!est sa politique menée depuis six ans qui a été rejetée. Loin d!un sys- Nancy Pelosi, la bête noire du pr!sident 1 2 WASHINGTON, HIER. Nancy Pelosi. (REUTERS/LARRY DAWNING.) New York (Etats-Unis) «B WASHINGTON (ETATS-UNIS), HIER. Les supporters du Parti d!mocrate laissent !clater leur joie " l’annonce des r!sultats des !lections au Congr#s. (REUTERS/JASON REED.) tème de cohabitation à la française, Bush n!a aucune raison de démissionner et ne pourra de toute façon pas se représenter en 2008. Mais il a intérêt à réorienter sa politique s!il ne veut pas quitter le pouvoir dans deux ans avec la cote de popularité la plus basse de l!histoire. Y a-t-il un risque de blocage politique ? Pas vraiment. Cette cohabitation à l!américaine n!est pas nouvelle : Ronald Reagan, George Bush père et Bill Clinton — pour ne citer que les trois prédécesseurs de Bush — ont tous eu à gouverner à un moment ou à un autre avec une des deux chambres du Congrès sous la coupe de l!opposition. Les deux camps doivent alors faire des concessions. Mais le chef de la Maison-Blanche reste en défi- 3 La Chambre des représentants 228 Ce basculement changet-il quelque chose pour l’Irak ? Non. Bush reste le « commandant en chef » et le principal décisionnaire sur la conduite de la guerre. Aucun enthousiasme n!a d!ailleurs été enregistré à Bagdad et au Moyen-Orient. Le Congrès pourra, au mieux, jouer le rôle d!aiguillon pour contraindre la MaisonBlanche à examiner d!autres stratégies, à chercher une solution politique. Les démocrates veulent pousser le président à « éloigner les boys des zones dangereuses », ce qui signifie déléguer de plus en plus aux Irakiens la sécurité dans leur pays. Thomas Cantaloube (! New York) et Henri Vernet Le Sénat 12 (résultats incomplets 1 (résultats incomplets hier à 22 heures) hier à 22 heures) 195 Démocrates 4 nitive maître du jeu, dans ce régime présidentiel. Son droit de veto, en particulier, lui permet de rejeter un projet de loi. A l!inverse, il lui faudra composer avec l!opposition pour promouvoir ses initiatives. Changeant de pied, Bush s!est dit hier prêt à « travailler avec les démocrates ». Ces derniers ont surtout gagné un « pouvoir de nuisance » envers l!administration Bush, grâce aux puissantes commissions de contrôle et d!enquête parlementaires. S!ils ont écarté l!idée d!entamer une procédure de destitution (impeachment) du président, ils vont pouvoir plonger leur nez dans les dossiers que la Maison-Blanche ne veut pas rendre publics : politique énergétique, torture des prisonniers de guerre, déclenchement du conflit irakien… Républicains 435 sièges 50 Démocrates 49 Républicains 100 sièges IENVENUE Madame Speaker ». C!est ainsi que Nancy Pelosi sera désormais accueillie à Washington. A 66 ans, l!élue démocrate de San Francisco va devenir la première femme des Etats-Unis à o c c u p e r l e f a u t e ui l d e « speaker », c!est-à-dire présidente de la Chambre des représentants, et la troisième personnalité de l!Etat. Fille de l!ancien maire de Baltimore, mère de cinq enfants et grand-mère de six bambins, elle est l!une des architectes de la victoire de son parti. Et elle entend appliquer son programme « dans les cent premières heures » de sa mandature, qui démarrera le 20 janvier : hausse du salaire minimum, baisse des taux des crédits étudiants, extension de la couverture médicale pour les seniors… Mais la question sur toutes les lèvres est : comment va-t-elle s!entendre avec Bush, dont elle va devenir l!un des principaux interlocuteurs ? Nancy Pelosi, représentant une des circonscriptions les plus à gauche, a régulièrement dénoncé « l!incompétence » du président, son « manque de jugement et d!expérience ». Il faut donc s!attendre à des étincelles. T.C. Rumsfeld paie l’!chec irakien New York (Etats-Unis) L WASHINGTON, HIER. Donald Rumsfeld et George W. Bush. (AP/GERALD HERBERT.) E FUSIBLE a sauté. Après six années tumultueuses à la tête du Pentagone, Donald Rumsfeld, tenu pour responsable du bourbier irakien, a été poussé hier vers la sortie. Une semaine à peine après que George W. Bush eut assuré qu!il entendait garder son secrétaire à la Défense pour les deux dernières années de son mandat. Ce revirement, que le président justifie par « la nécessité d!introduire une perspective fraîche au Pentagone », souligne la faiblesse nouvelle de la MaisonBlanche, obligée de prendre en compte le message envoyé par l!électorat. Selon le journaliste Bob Woodward, Rumsfeld, âgé de 74 ans, avait déjà présenté deux fois sa démission (dont une fois après les révélations sur la prison d!Abou Ghraib). La troisième aura été la bonne. Aux côtés du vice-président Dick Cheney, qu!il avait connu en travaillant pour Richard Nixon dans les années 1970, Rumsfeld était devenu un poids lourd de l!administration Bush depuis les attentats du 11 Septembre et les guerres d!Afghanistan et d!Irak. Arrogant et s#r de lui Au point d!éclipser les autres ministres et d!alarmer la first lady, Laura Bush, qui craignait que l!impopularité du secrétaire à la Défense ne finisse par couler définitivement le « commandant en chef ». Pour se préserver et montrer qu!il est capable d!évoluer, Bush a dû trancher. Après les départs des numéros deux et trois du Pentagone, Paul Wolfowitz et Douglas Feith, Rumsfeld est le dernier des architectes de la guerre en Irak à faire ses valises. Hier déjà, une association d!avocats défendant des détenus de Guantanamo estimait que sa démission rendait Donald Rumsfeld vulnérable à des poursuites judiciaires pour son rôle dans la torture. Le CCR et plusieurs organisations de défense des droits de l!homme s!apprêtent à déposer une plainte contre lui pour torture devant un tribunal allemand. Dans plusieurs livres parus récemment aux Etats-Unis, de nombreux généraux en activité critiquent « l!absence complète de crédibilité » de leur patron auprès des gradés. Considéré comme arrogant et sûr de lui, Rumsfeld avait fini par incarner l!aveuglement américain au Proche-Orient. Bush a immédiatement désigné un successeur : Robert Gates, ancien directeur de la CIA et proche de la famille Bush. T.C. 4 JEUDI 9 NOVEMBRE 2006 magenta jaune cyan noir