Cour de cassation de Belgique Arrêt

Transcription

Cour de cassation de Belgique Arrêt
19 FÉVRIER 2016
C.15.0205.F/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.15.0205.F
P. L.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de
domicile,
contre
M. D.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de
domicile.
C.15.0205.F/2
19 FÉVRIER 2016
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 20 novembre
2014 par la cour d’appel de Bruxelles.
Le conseiller Martine Regout a fait rapport.
L’avocat général Thierry Werquin a conclu.
II.
Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée
conforme, le demandeur présente un moyen.
III.
La décision de la Cour
Sur le moyen :
Quant à la première branche :
L’article 807 du Code judiciaire dispose que la demande dont le juge est
saisi
peut
être
étendue
ou
modifiée,
si
les
conclusions
nouvelles,
contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la
citation, même si leur qualification juridique est différente.
Conformément à l’article 1042 du même code, l’article 807 est applicable
en degré d’appel.
Il suit de ces dispositions légales qu’en degré d’appel également, l’article
807 précité requiert uniquement que la demande étendue ou modifiée soit fondée
sur un fait ou un acte invoqué dans la citation. Il n’est pas requis que la demande
étendue ou modifiée à l’égard de la partie contre laquelle la demande originaire a
été introduite ait été portée devant le premier juge ou ait été virtuellement
contenue dans la demande originaire.
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L’arrêt, qui considère que la demande nouvelle du demandeur portant sur
le remboursement des allocations familiales perçues par la défenderesse « n’avait
pas été formée devant le premier juge » et que la cour d’appel « ne peut dès lors
en être valablement saisie pour la première fois », ne justifie pas légalement sa
décision de déclarer cette demande nouvelle irrecevable.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.
Quant à la deuxième branche :
L’arrêt énonce que, dans l’appréciation de la situation financière des
parties, « il convient de tenir compte, non seulement des revenus et charges
respectifs des parties, mais également de leur capacité à se procurer des revenus
par l’exercice d’une activité professionnelle ».
Il considère que le demandeur « est employé depuis 1980 dans la société
familiale société anonyme CPR dont il a déclaré à l’audience détenir 40 p.c. des
parts ; [qu’]il s’agit, selon ses mêmes dires, d’une société active dans le domaine
de la construction et du placement de piscines et de cuisines ; [que], suivant les
fiches de salaire qu’il produit pour l’année 2012, un salaire d’environ 1.900 euros
lui a été payé, hors avantages sociaux ; [qu’]il ne produit aucune pièce
justificative de ses revenus pour la période postérieure à 2012 ; [qu’il] ne souhaite
manifestement pas éclairer la cour [d’appel] sur ses revenus réels ; [qu’]ainsi, il ne
dépose non plus aucune pièce ayant trait à la société familiale CPR ».
Il en conclut que, « sur la base des éléments dont la cour [d’appel] dispose,
la capacité [du demandeur] à se procurer des revenus professionnels sera estimée
à un minimum de 4.000 euros nets par mois ».
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que l’arrêt déduit de la seule
circonstance connue que le demandeur détient 40 p.c. des parts de la société CPR
que celui-ci « dispose de revenus supplémentaires de 2.100 euros nets par mois
par rapport à son salaire net », repose sur une lecture inexacte de l’arrêt et, partant,
manque en fait.
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Quant à la troisième branche :
L’arrêt constate que les parties « se sont séparées au mois de mai 2011 dans
le cadre d’une ordonnance actant l’accord des parties » qui « stipulait que
[la défenderesse] quittait le domicile conjugal avec A. qu’elle hébergeait à titre
principal [et] que [le demandeur] payait une contribution alimentaire de 250 euros
par mois ».
L’arrêt relève qu’« il n’est pas contesté que [le défendeur] a maintenu ses
paiements mensuels de 250 euros à [la demanderesse] alors que cette dernière n’a
pas hébergé A. à titre principal ».
L’arrêt considère que « c’est tout à fait volontairement que [le défendeur] a
continué durant une longue période à payer ces sommes sans agir d’une
quelconque manière pour faire correspondre la situation réelle de l’hébergement
d’A. à une décision juridique » et décide qu’« il n’y a pas lieu de faire droit à ses
demandes formées devant le premier juge le 31 août 2002 tendant à entendre
supprimer la contribution alimentaire fixée par l’ordonnance d’accord du
magistrat cantonal et à obtenir la restitution des sommes payées ».
Il ne ressort pas de ces motifs que l’arrêt considère que le demandeur était
titulaire d’un droit subjectif au remboursement des sommes payées à titre de
contribution alimentaire pour l’enfant.
Le moyen, qui, en cette branche, suppose le contraire, manque en fait.
Quant à la quatrième branche :
L’arrêt constate que le divorce des parties a été prononcé par jugement du
12 octobre 2012 et que ce jugement est passé en force de chose jugée depuis le 10
mai 2013.
Il énonce que la défenderesse a perçu 1.190 euros par mois d’allocations
de chômage pour l’année 2012 et 990 euros par mois d’allocations en 2013,
montants auxquels il y a lieu d’ajouter 100 euros par mois de revenus de son
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compte-titres. Il considère que, depuis septembre 2014, la capacité contributive de
la défenderesse a augmenté d’environ 200 euros par mois.
Il évalue par ailleurs la capacité contributive du demandeur à 4.500 euros
par mois tant avant qu’après la transcription du divorce.
À propos des frais extraordinaires, il énonce que la défenderesse « fait
valoir à juste titre que leur partage par moitié n’est pas justifié eu égard à la
différence importante de capacité contributive des parties, [qu’] il convient de
considérer qu’un partage à raison d’un quart à charge de [la défenderesse] et de
trois quarts à charge [du demandeur] est adéquat [et que] ce partage se fera depuis
la date de la citation ».
L’arrêt prend ainsi en considération, pour fixer la clef de répartition de la
charge des frais extraordinaires, les revenus et possibilités des parties telles qu’il
les a évaluées pour les périodes antérieures et postérieures à la transcription du
divorce.
Du seul fait que la clef de répartition est identique pour les périodes
antérieures et postérieures à la transcription du divorce, il ne peut être déduit en
l’espèce que l’arrêt s’abstient de prendre en considération les éléments de fait qui
caractérisent ces deux périodes.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur une interprétation inexacte de
l’arrêt, manque en fait.
Quant à la cinquième branche :
L’arrêt considère que le demandeur dispose « d’avantages en nature non
négligeables dont un véhicule BMW X3, un téléphone et un ordinateur […], qui
seront évalués à 500 euros par mois ».
Par ces considérations et celles qui sont reproduites en réponse à la
deuxième branche du moyen, l’arrêt détermine les facultés du demandeur et
permet à la Cour d’exercer son contrôle de légalité.
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Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il dit irrecevable la demande nouvelle du
demandeur portant sur le remboursement des allocations familiales ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt
partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à la moitié des dépens et en réserve le surplus
pour qu’il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d’appel de Mons.
Les dépens taxés à la somme de huit cent cinquante euros vingt-neuf centimes
envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient
le président de section Christian Storck, président, le président de section Albert
Fettweis, les conseillers Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et
prononcé en audience publique du dix-neuf février deux mille seize par le
président de section Christian Storck, en présence de l’avocat général Jean Marie
Genicot, avec l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont
M.-Cl. Ernotte
M. Lemal
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M. Regout
A. Fettweis
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Chr. Storck
REQUÊTE/8
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