DOSSIER Affaire NMPP c/ MLP: une appréciation étroite de

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DOSSIER Affaire NMPP c/ MLP: une appréciation étroite de
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N° 4 – Mai 2006
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DOSSIER
Affaire NMPP c/ MLP : une appréciation étroite de la notion de facilité
essentielle
Cour d’appel de Paris, 1e chambre, section H, 31 janvier 2006, NMPP c/ MLP
Les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) et les Messageries
Lyonnaises de Presse (MLP), les deux principaux opérateurs du marché de la
distribution de la presse nationale, s’affrontent depuis 2002 autour du logiciel
« Presse 2000 », détenu par les NMPP et installé chez les dépositaires de presse
pour gérer la distribution des journaux et des magazines.
Les MLP ont créé leur propre logiciel, « TID », mais celui-ci n’est utilisé par les
dépositaires que pour recueillir des informations sur la répartition des titres chez les
éditeurs, et non pour transmettre des flux d’informations aux diffuseurs. Pour assurer
cette dernière tâche, les dépositaires utilisent « Presse 2000 ». En l’absence
d’interopérabilité entre « Presse 2000 » et « TID », les dépositaires doivent ressaisir
les informations obtenues par « TID » pour les télécharger sur « Presse 2000 », ce
qui engendre une perte de temps, des retards et des erreurs. Les MLP ont donc
réclamé un accès à « Presse 2000 », que refusent les NMPP.
Par décision du 22 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a estimé que les
NMPP abusaient de leur position dominante en refusant un accès à leur logiciel,
celui-ci étant susceptible de constituer une installation essentielle pour la distribution
de la presse. Le Conseil a prononcé des mesures conservatoires, notamment
l’obligation d’accorder aux MLP un accès direct au tronc commun du logiciel.
Cette décision fut confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 février
2004. Mais la Cour de cassation a annulé cet arrêt le 12 juillet 2005. Elle a en effet
estimé qu’il n’était pas démontré que des solutions alternatives économiquement
raisonnables ne pouvaient pas être mises en œuvre par les MLP.
Dans l’arrêt du 31 janvier 2006, la Cour d’appel de Paris, à laquelle l’affaire a été
renvoyée, se conforme à la décision de la Cour de cassation et annule les mesures
conservatoires prononcées par le Conseil de la concurrence.
Elle reprend les principes dégagés par la Cour de justice des Communautés
européennes dans l’arrêt Bronner du 26 novembre 1998, en énonçant que
l’installation n’est pas essentielle si un concurrent peut créer une infrastructure
alternative sans devoir surmonter des obstacles techniques, réglementaires ou
économiques d’une importance déraisonnable.
Selon les juges, d’une part, les MLP ont mis en place un logiciel concurrent qui leur
permet d’exercer leur activité, la saisie manuelle des informations ne constituant pas
une contrainte technique déraisonnable, et, d’autre part, les MLP peuvent concevoir
un logiciel correspondant à leurs besoins réels, différents de ceux des NMPP.
Force est de constater que la Cour d’appel de Paris, comme la Cour de cassation,
interprètent étroitement la notion de facilité essentielle et admettent facilement la
possibilité de reconstituer une infrastructure comparable à celle à laquelle le
concurrent souhaite accéder.
Or, en l’espèce, la problématique était plus complexe que celle de l’affaire Bronner.
En effet, il ne suffisait pas aux MLP de créer un logiciel alternatif à « Presse 2000 »
pour être compétitif ; encore fallait-il mettre au point un logiciel pouvant
s’interconnecter avec ce dernier et convaincre les dépositaires de l’utiliser. Et même
sur ce dernier point les choses s’avéraient difficiles, le Conseil de la concurrence
ayant relevé que les dépositaires refusaient d’utiliser un autre logiciel que « Presse
2000 ».
Il aurait sans doute fallu davantage prendre en compte les « particularités du
contexte concurrentiel sur le marché considéré », comme a pu le faire, dans des
circonstances comparables, la Commission européenne dans sa décision IMS
Health du 3 juillet 2001.
ACTUALITES
Peut être enregistré en tant que marque un signe qui, dans une langue
étrangère, est descriptif des produits concernés
CJCE, 1e chambre, 9 mars 2006, aff. C-421/04, Matratzen Concord c/ Hukla
Germany
La société Hukla Germany est titulaire de la marque « Matratzen » en Espagne pour
désigner des produits de literie. La société Matratzen Concord a demandé
l’annulation de cette marque, invoquant son caractère descriptif des produits
concernés. Le terme « Matratzen » signifie en effet « matelas » en allemand.
La CJCE, interrogée à titre préjudiciel par les juges espagnols, estime que la
directive communautaire du 21 décembre 1988 sur les marques « ne s’oppose pas à
l’enregistrement dans un Etat membre, en tant que marque nationale, d’un vocable
emprunté à la langue d’un Etat membre dans laquelle il est dépourvu de caractère
distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement
est demandé, à moins que les milieux intéressés dans l’Etat membre dans lequel
l’enregistrement est demandé soient aptes à identifier la signification de ce
vocable ».
Accorder des droits privatifs sur un mot usuel dans une langue étrangère soulève
néanmoins des difficultés. Ces droits empêchent les concurrents étrangers qui
importent leurs produits d’user librement d’un terme générique dans leur langue, de
sorte que cela peut constituer un obstacle à la libre circulation des marchandises
entre Etats membres de la Communauté européenne. De plus, cela peut conduire à
des décisions contradictoires au sein de la Communauté, allant à l’encontre d’une
application harmonisée des règles relatives aux marques : un signe descriptif dans
un Etat membre, ne pouvant constituer une marque dans ce pays, pourrait
valablement être enregistré dans un autre Etat membre.
Un signe peut acquérir un caractère distinctif par l’usage et constituer une
marque valable
TPICE, 1e chambre, 5 avril 2006, aff. T-388/04, Habib Kachakil Amar c/ OHMI
Une société espagnole a demandé l’enregistrement en tant que marque d’un signe
constitué d’une courbe terminée par un triangle, pour désigner des vêtements de
sport. Elle faisait valoir que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage
qui en avait été fait.
Pour constituer une marque valable, un signe doit en effet être distinctif, c’est-à-dire
permettre de distinguer les objets qu’il désigne. Ce caractère distinctif peut
s’acquérir par l’usage.
Pour cela, rappelle le TPICE, saisi par la société après le rejet de sa demande
d’enregistrement par l’OHMI, il est nécessaire « qu’au moins une fraction
significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les
services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée ». Ainsi, la
couleur « mauve-lilas » a été admise à l’enregistrement parce qu’associée dans
l’esprit du public au chocolat Milka.
Le TPICE indique que pour apprécier si le signe a acquis un caractère distinctif par
l’usage, « il convient de tenir compte de facteurs tels que la part de marché détenue
par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette
marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir,
la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une
entreprise déterminée grâce à la marque […] ».
Le tribunal estime en l’espèce que la société n’apporte pas la preuve que le signe
est considéré comme une marque par le public ou est connu par une partie
importante du public, et rejette par conséquent le recours.
La protection des marques renommées s’applique à l’encontre des signes
identiques et similaires
Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, section 1, 27 avril 2006, Mme Milka B. c/
Société Kraft Foods Schweiz Holding
EN BREF
Publication de la convention relative à l’entraide
judiciaire en matière
pénale au sein de l’Union
européenne
Décret n° 2006-15 du
5°janvier 2006, JO 7 janvier 2006
Le texte porte publication
de la convention du 29 mai
2000, entrée en vigueur le
23 août 2005, relative à
l’entraide judiciaire en
matière pénale entre les
Etats membres de l’Union
européenne.
Cette convention comporte
un titre III relatif à l’interception des télécommunications, notamment par
l’intermédiaire des fournisseurs de services.
La société Kraft Foods, titulaire de la marque « Milka » et de la marque de couleur
« mauve-lilas » pour désigner du chocolat et des confiseries, a constaté qu’un site
internet était exploité sous le nom de domaine « milka.fr » par une couturière
prénommée Milka, laquelle détenait une enseigne « Milka couture ».
Kraft Foods a saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre, qui a condamné la
couturière à transférer le nom de domaine, au motif que celle-ci avait fait un usage
injustifié de la marque renommée « Milka ».
La Cour d’appel de Versailles confirme ce jugement. Elle rappelle qu’un prénom, à la
différence d’un nom patronymique, ne confère pas de droit privatif à son détenteur, à
moins de démontrer que celui-ci est célèbre sous ce prénom.
Surtout, la Cour condamne l’utilisation d’un signe qui, sans être strictement
identique, est similaire à une marque renommée. Par un arrêt du 12 juillet 2005
constituant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a en effet énoncé
que la protection des marques renommées prévue à l’article L. 713-5 du Code de la
propriété intellectuelle s’applique à l’encontre non seulement des signes identiques
mais aussi des signes similaires.
En l’espèce, le nom de domaine « milka.fr » était identique à la marque « Milka »,
l’adjonction du suffixe « .fr » n’affectant pas l’identité des signes, et la couleur
utilisée comme fond d’écran était d’une nuance suffisamment proche de celle de la
marque de couleur « mauve-lilas » pour que les internautes établissent un lien entre
les signes.
L’aspiration d’adresses électroniques sur internet constitue une collecte de
données personnelles déloyale
Cour de cassation, chambre criminelle, 14 mars 2006, pourvoi n° 05-83-423
Une société utilisait des logiciels permettant d’« aspirer » sur internet les adresses
électroniques de particuliers afin d’adresser à ces derniers des courriels publicitaires
non sollicités. La Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont condamné le
responsable de cette société.
Retenant que des adresses électroniques constituent des données personnelles au
sens de la loi Informatique et Libertés, elle indique que ces données doivent être
considérées comme collectées et traitées lorsqu’elles sont rassemblées dans un
fichier (l’un des logiciels utilisés en l’espèce procédait par capture et stockage de
l’information), voire sans être enregistrées dans un fichier dès lors qu’elles sont
« mémorisées, ne serait-ce qu’un instant dans la mémoire vive de l’ordinateur » (un
autre logiciel utilisé se contentait d’exploiter l’information sans la stocker). La Cour
estime qu’ « est déloyal le fait de recueillir, à leur insu, des adresses électroniques
personnelles de personnes physiques sur l’espace public d’internet, ce procédé
faisant obstacle à leur droit d’opposition ».
La Cour de cassation semble ainsi considérer que la collecte de données au mépris
de l’obligation de recueillir le consentement de la personne concernée peut être
sanctionnée sur le fondement de l’article 216-18 du Code pénal, ce qui n’était pas
évident à la lecture du texte.
La responsabilité de Google dans la commercialisation de liens publicitaires
n’est pas celle d’un simple hébergeur
Tribunal de grande instance de Nice, 7 février 2006, TWD Industrie c/ Google
France, Google Inc.
Google a développé un programme, dénommé « AdWords », permettant le
référencement d’annonces publicitaires automatisées à l’aide de mots-clés. Ces
annonces s’affichent sous forme de liens hypertextes (ou liens commerciaux) en
marge des résultats de recherche quand l’internaute effectue une recherche à partir
de l’un de ces mots-clés.
La société TWD Industrie, titulaire de la marque « Remote-Anything », a constaté
que lorsqu’on effectuait une recherche sur Google à partir de sa marque,
s’affichaient des liens vers des sites proposant des produits concurrents des siens
ou dénigrant ses produits. Elle a alors assigné Google en contrefaçon, concurrence
déloyale et publicité de nature à induire en erreur.
Le tribunal affirme que « l’usage des mots-clés […] n’est pas en soi un procédé
anticoncurrentiel ». Il réserve toutefois le cas où l’atteinte portée aux droits du
demandeur « serait manifeste, notamment par un usage délibérément trompeur, par
dénigrement systématique des références du concurrent, voire par l’usage d’une
marque notoire ».
Mais le tribunal refuse d’assimiler le moteur de recherche, pris en tant que
gestionnaire d’un outil de publicité organisé au moyen de liens commerciaux, à un
simple hébergeur. Il estime que Google « ne [peut] être considér[é], dans le cadre
du programme AdWords, comme [un] simpl[e] prestataire[e] techniqu[e], puisqu’[il]
assur[e] par ce service la fourniture de biens ou de services, à savoir une prestation
publicitaire payante ».
Les magistrats, relevant que Google a pris les mesures nécessaires pour faire
cesser le trouble, rejettent les demandes de TWD Industrie.
L’employeur est responsable des fautes commises par ses salariés sur
internet
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e chambre, 13 mars 2006, Lucent Technologie c/
SA Escota, Lycos France, M. Nicolas B.
Un salarié a réalisé sur son lieu de travail un site internet « escroca.com » destiné à
dénigrer la société Escota. Celle-ci a alors agi contre l’auteur du site pour
contrefaçon de marque et contrefaçon de site, mais aussi contre l’employeur de ce
dernier et l’hébergeur du site.
Les premiers juges ont condamné l’auteur du site pour contrefaçon de marque, ainsi
que l’employeur en sa qualité de commettant du fait des actes de son préposé, mais
ils n’ont pas retenu la responsabilité de l’hébergeur.
La Cour d’appel confirme le jugement. Depuis un arrêt d’Assemblée plénière du
19°mai 1988, l’employeur ne s’exonère de sa responsabilité en tant que commettant
que si son préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation de l’employeur et à
des fins étrangères à ses attributions.
Pour retenir la responsabilité de l’employeur, la Cour d’appel retient que le salarié a
agi dans le cadre de ses fonctions qui consistaient à effectuer des tests de qualité et
de fiabilité du matériel fabriqué et pour lesquelles un ordinateur et un accès internet
étaient mis à sa disposition. De plus, celui-ci a agi avec l’autorisation de l’employeur.
Les juges se fondent sur une note de service par laquelle l’employeur autorisait son
personnel à utiliser les équipements informatiques pour consulter d’autres sites que
ceux présentant un intérêt en relation directe avec leur activité. Enfin, la Cour relève
qu’il n’a pas agi à des fins étrangères à ses attributions, dès lors que la note de
service lui permettait de disposer d’un accès internet en dehors des heures de
travail.
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