DOSSIER Affaire NMPP c/ MLP: une appréciation étroite de
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DOSSIER Affaire NMPP c/ MLP: une appréciation étroite de
14, boulevard du Général Leclerc PROPRIETE INTELLECTUELLE - TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION 92527 Neuilly-sur-Seine cedex N° 4 – Mai 2006 Tél : 01.47.38.54.00 Fax : 01.47.38.54.99 www.fidal.fr www.fidalweb.fr DOSSIER Affaire NMPP c/ MLP : une appréciation étroite de la notion de facilité essentielle Cour d’appel de Paris, 1e chambre, section H, 31 janvier 2006, NMPP c/ MLP Les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP) et les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), les deux principaux opérateurs du marché de la distribution de la presse nationale, s’affrontent depuis 2002 autour du logiciel « Presse 2000 », détenu par les NMPP et installé chez les dépositaires de presse pour gérer la distribution des journaux et des magazines. Les MLP ont créé leur propre logiciel, « TID », mais celui-ci n’est utilisé par les dépositaires que pour recueillir des informations sur la répartition des titres chez les éditeurs, et non pour transmettre des flux d’informations aux diffuseurs. Pour assurer cette dernière tâche, les dépositaires utilisent « Presse 2000 ». En l’absence d’interopérabilité entre « Presse 2000 » et « TID », les dépositaires doivent ressaisir les informations obtenues par « TID » pour les télécharger sur « Presse 2000 », ce qui engendre une perte de temps, des retards et des erreurs. Les MLP ont donc réclamé un accès à « Presse 2000 », que refusent les NMPP. Par décision du 22 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a estimé que les NMPP abusaient de leur position dominante en refusant un accès à leur logiciel, celui-ci étant susceptible de constituer une installation essentielle pour la distribution de la presse. Le Conseil a prononcé des mesures conservatoires, notamment l’obligation d’accorder aux MLP un accès direct au tronc commun du logiciel. Cette décision fut confirmée par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 12 février 2004. Mais la Cour de cassation a annulé cet arrêt le 12 juillet 2005. Elle a en effet estimé qu’il n’était pas démontré que des solutions alternatives économiquement raisonnables ne pouvaient pas être mises en œuvre par les MLP. Dans l’arrêt du 31 janvier 2006, la Cour d’appel de Paris, à laquelle l’affaire a été renvoyée, se conforme à la décision de la Cour de cassation et annule les mesures conservatoires prononcées par le Conseil de la concurrence. Elle reprend les principes dégagés par la Cour de justice des Communautés européennes dans l’arrêt Bronner du 26 novembre 1998, en énonçant que l’installation n’est pas essentielle si un concurrent peut créer une infrastructure alternative sans devoir surmonter des obstacles techniques, réglementaires ou économiques d’une importance déraisonnable. Selon les juges, d’une part, les MLP ont mis en place un logiciel concurrent qui leur permet d’exercer leur activité, la saisie manuelle des informations ne constituant pas une contrainte technique déraisonnable, et, d’autre part, les MLP peuvent concevoir un logiciel correspondant à leurs besoins réels, différents de ceux des NMPP. Force est de constater que la Cour d’appel de Paris, comme la Cour de cassation, interprètent étroitement la notion de facilité essentielle et admettent facilement la possibilité de reconstituer une infrastructure comparable à celle à laquelle le concurrent souhaite accéder. Or, en l’espèce, la problématique était plus complexe que celle de l’affaire Bronner. En effet, il ne suffisait pas aux MLP de créer un logiciel alternatif à « Presse 2000 » pour être compétitif ; encore fallait-il mettre au point un logiciel pouvant s’interconnecter avec ce dernier et convaincre les dépositaires de l’utiliser. Et même sur ce dernier point les choses s’avéraient difficiles, le Conseil de la concurrence ayant relevé que les dépositaires refusaient d’utiliser un autre logiciel que « Presse 2000 ». Il aurait sans doute fallu davantage prendre en compte les « particularités du contexte concurrentiel sur le marché considéré », comme a pu le faire, dans des circonstances comparables, la Commission européenne dans sa décision IMS Health du 3 juillet 2001. ACTUALITES Peut être enregistré en tant que marque un signe qui, dans une langue étrangère, est descriptif des produits concernés CJCE, 1e chambre, 9 mars 2006, aff. C-421/04, Matratzen Concord c/ Hukla Germany La société Hukla Germany est titulaire de la marque « Matratzen » en Espagne pour désigner des produits de literie. La société Matratzen Concord a demandé l’annulation de cette marque, invoquant son caractère descriptif des produits concernés. Le terme « Matratzen » signifie en effet « matelas » en allemand. La CJCE, interrogée à titre préjudiciel par les juges espagnols, estime que la directive communautaire du 21 décembre 1988 sur les marques « ne s’oppose pas à l’enregistrement dans un Etat membre, en tant que marque nationale, d’un vocable emprunté à la langue d’un Etat membre dans laquelle il est dépourvu de caractère distinctif ou est descriptif des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, à moins que les milieux intéressés dans l’Etat membre dans lequel l’enregistrement est demandé soient aptes à identifier la signification de ce vocable ». Accorder des droits privatifs sur un mot usuel dans une langue étrangère soulève néanmoins des difficultés. Ces droits empêchent les concurrents étrangers qui importent leurs produits d’user librement d’un terme générique dans leur langue, de sorte que cela peut constituer un obstacle à la libre circulation des marchandises entre Etats membres de la Communauté européenne. De plus, cela peut conduire à des décisions contradictoires au sein de la Communauté, allant à l’encontre d’une application harmonisée des règles relatives aux marques : un signe descriptif dans un Etat membre, ne pouvant constituer une marque dans ce pays, pourrait valablement être enregistré dans un autre Etat membre. Un signe peut acquérir un caractère distinctif par l’usage et constituer une marque valable TPICE, 1e chambre, 5 avril 2006, aff. T-388/04, Habib Kachakil Amar c/ OHMI Une société espagnole a demandé l’enregistrement en tant que marque d’un signe constitué d’une courbe terminée par un triangle, pour désigner des vêtements de sport. Elle faisait valoir que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait. Pour constituer une marque valable, un signe doit en effet être distinctif, c’est-à-dire permettre de distinguer les objets qu’il désigne. Ce caractère distinctif peut s’acquérir par l’usage. Pour cela, rappelle le TPICE, saisi par la société après le rejet de sa demande d’enregistrement par l’OHMI, il est nécessaire « qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée ». Ainsi, la couleur « mauve-lilas » a été admise à l’enregistrement parce qu’associée dans l’esprit du public au chocolat Milka. Le TPICE indique que pour apprécier si le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage, « il convient de tenir compte de facteurs tels que la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque […] ». Le tribunal estime en l’espèce que la société n’apporte pas la preuve que le signe est considéré comme une marque par le public ou est connu par une partie importante du public, et rejette par conséquent le recours. La protection des marques renommées s’applique à l’encontre des signes identiques et similaires Cour d’appel de Versailles, 12e chambre, section 1, 27 avril 2006, Mme Milka B. c/ Société Kraft Foods Schweiz Holding EN BREF Publication de la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale au sein de l’Union européenne Décret n° 2006-15 du 5°janvier 2006, JO 7 janvier 2006 Le texte porte publication de la convention du 29 mai 2000, entrée en vigueur le 23 août 2005, relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne. Cette convention comporte un titre III relatif à l’interception des télécommunications, notamment par l’intermédiaire des fournisseurs de services. La société Kraft Foods, titulaire de la marque « Milka » et de la marque de couleur « mauve-lilas » pour désigner du chocolat et des confiseries, a constaté qu’un site internet était exploité sous le nom de domaine « milka.fr » par une couturière prénommée Milka, laquelle détenait une enseigne « Milka couture ». Kraft Foods a saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre, qui a condamné la couturière à transférer le nom de domaine, au motif que celle-ci avait fait un usage injustifié de la marque renommée « Milka ». La Cour d’appel de Versailles confirme ce jugement. Elle rappelle qu’un prénom, à la différence d’un nom patronymique, ne confère pas de droit privatif à son détenteur, à moins de démontrer que celui-ci est célèbre sous ce prénom. Surtout, la Cour condamne l’utilisation d’un signe qui, sans être strictement identique, est similaire à une marque renommée. Par un arrêt du 12 juillet 2005 constituant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a en effet énoncé que la protection des marques renommées prévue à l’article L. 713-5 du Code de la propriété intellectuelle s’applique à l’encontre non seulement des signes identiques mais aussi des signes similaires. En l’espèce, le nom de domaine « milka.fr » était identique à la marque « Milka », l’adjonction du suffixe « .fr » n’affectant pas l’identité des signes, et la couleur utilisée comme fond d’écran était d’une nuance suffisamment proche de celle de la marque de couleur « mauve-lilas » pour que les internautes établissent un lien entre les signes. L’aspiration d’adresses électroniques sur internet constitue une collecte de données personnelles déloyale Cour de cassation, chambre criminelle, 14 mars 2006, pourvoi n° 05-83-423 Une société utilisait des logiciels permettant d’« aspirer » sur internet les adresses électroniques de particuliers afin d’adresser à ces derniers des courriels publicitaires non sollicités. La Cour de cassation approuve les juges du fond qui ont condamné le responsable de cette société. Retenant que des adresses électroniques constituent des données personnelles au sens de la loi Informatique et Libertés, elle indique que ces données doivent être considérées comme collectées et traitées lorsqu’elles sont rassemblées dans un fichier (l’un des logiciels utilisés en l’espèce procédait par capture et stockage de l’information), voire sans être enregistrées dans un fichier dès lors qu’elles sont « mémorisées, ne serait-ce qu’un instant dans la mémoire vive de l’ordinateur » (un autre logiciel utilisé se contentait d’exploiter l’information sans la stocker). La Cour estime qu’ « est déloyal le fait de recueillir, à leur insu, des adresses électroniques personnelles de personnes physiques sur l’espace public d’internet, ce procédé faisant obstacle à leur droit d’opposition ». La Cour de cassation semble ainsi considérer que la collecte de données au mépris de l’obligation de recueillir le consentement de la personne concernée peut être sanctionnée sur le fondement de l’article 216-18 du Code pénal, ce qui n’était pas évident à la lecture du texte. La responsabilité de Google dans la commercialisation de liens publicitaires n’est pas celle d’un simple hébergeur Tribunal de grande instance de Nice, 7 février 2006, TWD Industrie c/ Google France, Google Inc. Google a développé un programme, dénommé « AdWords », permettant le référencement d’annonces publicitaires automatisées à l’aide de mots-clés. Ces annonces s’affichent sous forme de liens hypertextes (ou liens commerciaux) en marge des résultats de recherche quand l’internaute effectue une recherche à partir de l’un de ces mots-clés. La société TWD Industrie, titulaire de la marque « Remote-Anything », a constaté que lorsqu’on effectuait une recherche sur Google à partir de sa marque, s’affichaient des liens vers des sites proposant des produits concurrents des siens ou dénigrant ses produits. Elle a alors assigné Google en contrefaçon, concurrence déloyale et publicité de nature à induire en erreur. Le tribunal affirme que « l’usage des mots-clés […] n’est pas en soi un procédé anticoncurrentiel ». Il réserve toutefois le cas où l’atteinte portée aux droits du demandeur « serait manifeste, notamment par un usage délibérément trompeur, par dénigrement systématique des références du concurrent, voire par l’usage d’une marque notoire ». Mais le tribunal refuse d’assimiler le moteur de recherche, pris en tant que gestionnaire d’un outil de publicité organisé au moyen de liens commerciaux, à un simple hébergeur. Il estime que Google « ne [peut] être considér[é], dans le cadre du programme AdWords, comme [un] simpl[e] prestataire[e] techniqu[e], puisqu’[il] assur[e] par ce service la fourniture de biens ou de services, à savoir une prestation publicitaire payante ». Les magistrats, relevant que Google a pris les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble, rejettent les demandes de TWD Industrie. L’employeur est responsable des fautes commises par ses salariés sur internet Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 2e chambre, 13 mars 2006, Lucent Technologie c/ SA Escota, Lycos France, M. Nicolas B. Un salarié a réalisé sur son lieu de travail un site internet « escroca.com » destiné à dénigrer la société Escota. Celle-ci a alors agi contre l’auteur du site pour contrefaçon de marque et contrefaçon de site, mais aussi contre l’employeur de ce dernier et l’hébergeur du site. Les premiers juges ont condamné l’auteur du site pour contrefaçon de marque, ainsi que l’employeur en sa qualité de commettant du fait des actes de son préposé, mais ils n’ont pas retenu la responsabilité de l’hébergeur. La Cour d’appel confirme le jugement. Depuis un arrêt d’Assemblée plénière du 19°mai 1988, l’employeur ne s’exonère de sa responsabilité en tant que commettant que si son préposé a agi hors de ses fonctions, sans autorisation de l’employeur et à des fins étrangères à ses attributions. Pour retenir la responsabilité de l’employeur, la Cour d’appel retient que le salarié a agi dans le cadre de ses fonctions qui consistaient à effectuer des tests de qualité et de fiabilité du matériel fabriqué et pour lesquelles un ordinateur et un accès internet étaient mis à sa disposition. De plus, celui-ci a agi avec l’autorisation de l’employeur. Les juges se fondent sur une note de service par laquelle l’employeur autorisait son personnel à utiliser les équipements informatiques pour consulter d’autres sites que ceux présentant un intérêt en relation directe avec leur activité. Enfin, la Cour relève qu’il n’a pas agi à des fins étrangères à ses attributions, dès lors que la note de service lui permettait de disposer d’un accès internet en dehors des heures de travail. Retrouvez la lettre d’information Propriété intellectuelle - Technologies de l’information sur nos sites www.fidal.fr et www.fidalweb.com F I D A L – société d’avocats Société d’exercice libéral à forme anonyme à directoire et conseil de surveillance © FIDAL 2006 Capital : 2 658 000 Euros RCS 775726433 Nanterre TVA Union Européenne FR 28 775 726 433 – APE 741 A Siège social : 12, bd du Général Leclerc 92200 Neuilly-sur-Seine France Tél : 01 47 38 54 00– www.fidal.fr Barreau des Hauts-de-Seine