Cas pédagogique L`industrie des Jeux vidéo : concurrence

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Cas pédagogique L`industrie des Jeux vidéo : concurrence
L’industrie des Jeux vidéo : concurrence
duopolistique et externalités de réseau
Cas Pédagogique
d’Economie industrielle et des organisations
Bertrand Quélin
Groupe HEC
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
2
Cas pédagogique
L’industrie des Jeux vidéo : concurrence
duopolistique et externalités de réseau
Sommaire
Page
Introduction : Définition du marché et des produits ..........................................................................2
I- Les premiers jeux vidéo sont américains.........................................................................................2
I-1 Présentation de l'industrie et des acteurs.................................................................................................2
i) Les premiers fabricants et la formation de l’industrie
ii) Les éditeurs de jeux
iii) Le marché des premiers jeux
II- Les Japonais relancent le marché grâce aux consoles 8 bits ......................................................5
II-1 Historique du marché de la première génération ....................................................................................5
II-2 Le concept de console de jeux lancé par Nintendo.................................................................................6
i) Nintendo a parié sur la reprise des jeux vidéo à domicile
ii) La NES est un produit grand public
iii) Les consoles se différencient des ordinateurs familiaux
II-3 Les fabricants de la première génération 8 bits.......................................................................................6
i) Nintendo
ii) Sega
iii) Les autres fabricants
iv) Les "substituts" : les ordinateurs personnels
II-4 Les relations au sein de l'industrie ..........................................................................................................9
i) Le marché des jeux vidéo 8 bits est caractérisé par la domination de Nintendo
ii) L'industrie de l'édition et ses relations avec les fabricants
iii) La stratégie commerciale et marketing
III- La mise en place de la concurrence Sega / Nintendo ................................................................ 10
III-1 La situation au début de la décennie 1990...........................................................................................10
i) L'évolution de la taille du marché
ii) Les relations avec le marché des ordinateurs personnels
iii) Les stratégies des constructeurs Sega et Nintendo
III-2 Le verrouillage du marché....................................................................................................................14
i) Le verrouillage de l'édition
ii) La fidélisation du consommateur
iii) La commercialisation
IV- Un poids croissant de la technologie .......................................................................................... 15
IV-1 Historique.............................................................................................................................................15
IV-2 Le marché des jeux vidéos 16 bits arrive à maturité............................................................................15
IV-3 L’apparition de hautes technologies issues de l'informatique professionnelle .....................................16
V- L’entrée de Sony sur le marché des consoles vidéo .................................................................. 18
V-1 Sony .....................................................................................................................................................18
1) Historique
2) La technologie du 32 bits
3) Puissance financière
V-2 La situation à la fin du millénaire..........................................................................................................19
1) Évolution du marché
2) Stratégie des principaux acteurs
Annexe A : La technologie des consoles
Annexe B : Données de marché
Annexe C : Comptes consolidés de Sony, Sega et Nintendo
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
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L’industrie des Jeux vidéo : concurrence
duopolistique et externalités de réseau
Questions
•
Quelles sont les positions concurrentielles occupées par les principaux acteurs du
secteur ? Comment évoluent-elles au cours du temps (prix, innovation, attaque
des marchés) ?
•
Quelles sont les barrières à l’entrée ? Quels sont les comportements de
contournement des nouveaux entrants ?
•
Les acteurs ont-ils intérêt à une guerre des prix sur les consoles ? Comment
arbitrer entre l’extension du parc et le lancement de nouvelles générations ?
Existe-t-il une prime au premier entrant ?
•
A l’aide de la théorie des jeux, vous analyserez la dynamique concurrentielle à
l’œuvre dans cette industrie.
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L’industrie des Jeux vidéo : concurrence duopolistique et
externalités de réseau
Définition du marché et des produits
Le marché des jeux vidéos représentait,
selon Global industry Analysts, un marché
mondial de 7,7 milliards de US$ en 1999. Le
marché des jeux vidéo comprend d'une part
les consoles, exclusivement dédiées au jeu et
conçues pour être connectées à un téléviseur,
et, d'autre part, des logiciels de jeux
spécifiques. En règle générale, les consoles et
les formats des logiciels sont propres à chaque
fabricant. Les logiciels sont conçus pour un
seul type de console et différents jeux sont
disponibles pour chaque catégorie de
consoles. Le marché comprend également les
consoles de jeux portables avec écran
incorporé, en général à cristaux liquides, dotés
eux aussi de plusieurs logiciels pour la même
machine.
Cette définition exclut donc :
- les bornes de jeux d'arcade, qui sont des jeux
à vocation collective, généralement installés
dans les salles de jeux et les débits de
boissons ;
- les micro-ordinateurs, qui sont polyvalents, et
donc pas uniquement dédiés aux jeux ;
- les jeux électroniques de poche, qui n'ont
qu'un seul programme, non interchangeable,
inséré dans la machine.
- Le secteur des jeux sur internet, « on-line »
restait encore émergent en 2001.
Les jeux, qui forment ce que l'on appelle le
"software", par opposition au "hardware" (la
machine), sont des programmes d'une taille
variable dont le support est généralement une
cartouche ou un CD-ROM. Les jeux sont
essentiellement composés d'une Read Only
Memory (ROM ou "mémoire morte"), que l'on
ne peut pas modifier. Certains possèdent
toutefois une RAM (Random Access Memory,
"mémoire vive") permettant d'enregistrer les
meilleurs scores ou de créer des sauvegardes
de l'état d'avancement du jeu.
Les cartouches sont des supports qui
permettent
un
accès
instantané
au
programme, car le jeu est stocké en mémoire
morte, dans une puce. Une fois la cartouche
enclenchée, elle est équivalente à une puce
directement insérée dans la machine. Le CDROM au contraire nécessite des temps
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d'accès au programme plus longs, car le
temps de lecture des informations est plus
élevé que pour une cartouche.
La segmentation classique s’organise
autour des quatre types de jeux existants,
avec les exemples les plus connus :
a/ Les jeux de plates-formes
b/ Les jeux d'action
c/ Les jeux de simulation
d/ Les jeux d'aventure et d’action.
Les deux premiers types de jeux sont
des jeux rapides qui nécessitent un temps
d'accès quasi nul au programme et une taille
mémoire assez peu importante en général ; ils
sont plus adaptés à un support cartouche.
Les deux derniers types de jeux sont
destinés à un public plus âgé, qui désire des
graphismes soignés ou réalistes, un scénario
complexe et long et une bande sonore
originale. Ils réclament une grande place
mémoire, et sont le plus souvent développés
sur micros avant d'être adaptés sur consoles.
Un support CD est plus adapté que des
cartouches : la capacité de stockage prime sur
le temps d'accès à l'information.
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I Les premiers jeux vidéo sont américains
I-1 Présentation
acteurs
de
l'industrie
et
des
1) Les premiers fabricants et la formation
de l’industrie
Les jeux vidéo ont été inventés dans les
années 60 par Nolan Bushnel, dont la société
prend, en 1973, le nom d'Atari. En 1976, Atari
est racheté par le groupe de communication
Warner.
3) Le marché des premiers jeux
En 1982, le marché des jeux vidéo est à
son apogée aux Etats-Unis. Le taux
d'équipement des foyers en console ou en
ordinateur personnel atteint 15%. 11,5 millions
de consoles ont été vendues sur le sol
américain de 1979 à juin 1982 dont 70% par
Atari. Le nombre de consoles disponibles sur
le marché culmine à la même époque.
Tous ces systèmes sont incompatibles
entre eux sauf la console Coleco qui dispose
d'un adaptateur pour les jeux Atari. Cette
multiplication de systèmes et, par conséquent,
celle des catalogues de jeux qui leur sont
propres crée une certaine confusion chez le
consommateur, confusion accentuée par
l'invasion de copies de jeux de mauvaise
qualité.
Au quatrième trimestre 1982 aux EtatsUnis et à la fin 1984 en France, les ventes de
consoles commencent à plafonner. Dans un
marché rétréci, la concurrence s'intensifie
entre les nombreux fabricants. Atari doit, dès
1983, fermer son usine de Californie avant
d'être bradé quelques mois plus tard par
Warner. Mattel quitte le marché à la fin 1983.
Les prix des consoles chutent rapidement
(tableau 3).
En 1979, Atari sort la console VCS 2600
(Video Computer System). La mode des jeux
video commence vraiment avec cette première
console Atari qui prendra 44% du marché
américain. Dès l’année suivante, Atari détient
ainsi les trois quarts du marché américain des
jeux vidéo estimé à $ 320 millions. Le solde
est entre Mattel - leader mondial de l'industrie
du jouet (avec les poupées Barbie entre
autres) - qui a lancé l'Intellivision et un petit
fabricant nommé Odissey.
Les années 80 voient l'apparition des
consoles séparant le matériel du logiciel.
Consécutivement à la mutation des produits,
les activités de fabrication du hardware et
l'édition de jeux deviennent plus nettement
indépendantes. Certains fabricants comme
Atari et, dans une moindre mesure, Mattel
intègrent l'édition.
Attirés par le succès (Atari est
l'entreprise qui a connu la plus forte croissance
dans l'histoire américaine à cette époque là),
Coleco, Milton Bradley, Parker et Texas
Instrument lancent leurs consoles entre 1982
et 1983. Seule la console de Coleco, filiale de
CBS, arrive véritablement à percer.
En 1983, l'offre de hardware atteint son
apogée aux Etats-Unis.
De plus, on trouve aussi une dizaine de
modèles d'ordinateurs personnels, tous conçus
pour les mêmes applications : jeux vidéo,
éducation, gestion domestique. Leurs prix
varient de 45 $ à 290 $, le gros du marché se
situant aux alentours de 100 $. Les
nombreuses options proposées augmentent le
prix d'acquisition d'un système complet
(mémoire, joysticks, imprimantes) à 800 $ en
moyenne.
Au cours de cette période, les acteurs
du marché se sont livrés à des guerres de prix
entraînant des pertes énormes. Ainsi en 1984,
les trois premiers fabricants américains Atari,
Mattel et Texas Instrument perdaient à peu
près 1,5 milliards de $. La multiplication de
micro-ordinateurs
plus
puissants,
plus
polyvalents et de moins en moins chers ne fit
qu’aggraver cette crise.
Tableau 1 - Matériel disponible aux Etats-Unis en 1983
Constructeur
Modèle
Atari
Coleco Industries
Mattel Electronics
VCS 2600
ColecoVision
Intellivision II
(Sources : Business Week, Fortune)
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Prix mai 83
99 $
140 $
140 $
Options proposées
clavier (90 $)
clavier (200 $)
clavier (180 $)
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Tableau 2 – Volume des ventes aux USA (en millions d’unités)
1982
8.2
60
2
Consoles
Cartouches
Ordinateurs personnels
1983
7
75
5
1984
5
80
7
En Europe et en particulier en France, Philips reste leader du marché devant Atari et Mattel
malgré des consoles et des jeux de moindre qualité. Il existe toutefois un décalage entre le
marché européen et le marché américain à cette époque là. On y retrouve les mêmes
tendances à plusieurs années d'écart en raison du décalage des lancements des consoles
américaines. Ainsi, Atari a vendu 60,000 consoles en France en 1988 et près de 100,000 en
1989 soit plus d'un tiers du marché national alors que ses ventes aux Etats-Unis s'étaient
effondrées depuis 1984 et que la firme avait été vendue par Warner à un prix dérisoire.
Pendant cette période, la console Atari est vendue en France à moins de 400 F et la marque
dispose du plus vaste catalogue de jeux du marché vendus entre 90 et 150 F l'unité.
Tableau 3 - Evolution du prix des consoles en France fin 1983 / fin 1984
Prix moyen Noël 83
ATARI VCS 2600
CBS Colecovision
MATTEL Intellivision
PHILIPS C52
1,300 F
1,800 F
1,700 F
900 F
Les ventes de consoles baissent jusqu’à
être presque nulles en 1985. L’industrie rentre
en crise.
Prix minimum Noël 84
590 F
1,250 F
750 F
590 F
avec des jeux de qualité souvent douteuse,
compatibles avec plusieurs types de hardware.
2) Les éditeurs de jeux
Parallèlement, le phénomène de
substitution au profit des ordinateurs
personnels semble s’accentuer.
L'édition est plus atomisée que la
fabrication. A cette époque, on compte une
douzaine d'éditeurs importants parmi lesquels
Activision, Imagic, Sega, Taïto, Atari, Namco,
Electronic Arts, Mattel, Parker et Williams sont
les plus remarquables. Taïto, Sega, Atari et
Namco sont les quatre leaders du marché de
l'arcade. Ils adaptent leurs logiciels aux
consoles.
Les fabricants tentent d'accompagner
cette tendance et proposent tous des claviers
compatibles avec leurs consoles. Atari
renonce à lancer le modèle 7800 de console
mais ajoute à son catalogue deux modèles
d'ordinateurs personnels, l'Atari 400 et l'Atari
800.
Le développement des jeux connaît un
rythme soutenu : plus de 350 jeux ont été
édités en 1982 et 300 en 1983 (données
agrégées pour les jeux, consoles et
ordinateurs personnels). Les systèmes propres
aux différentes consoles ne sont généralement
pas ou mal protégés ce qui permet à de
nombreux petits éditeurs d'inonder le marché
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Toutes les prévisions s'accordent pour
condamner les consoles face aux nouveaux
ordinateurs aux fonctions plus nombreuses et
diversifiées. Le succès foudroyant de la NES
lancé dès 1985 par Nintendo n'en sera que
plus inattendu.
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Tableau 4 - Volume des ventes annuelles (en milliers d'unités)
CONSOLES DE JEUX
1982
1983
1984
Etats-Unis
7,900
5,600
4,000
Europe
1,635
1,770
1,620
France
250
275
200
II. LES JAPONAIS RELANCENT LE
MARCHE GRACE AUX CONSOLES 8-BITS
II-1 Historique du marché de la
première génération
En 1983, durant le premier trimestre de
l'année, le marché des jeux vidéo atteint son
maximum en volume de vente, mais un
phénomène de dumping et une escalade dans
le consentement de rabais se manifestent au
cours du second semestre. Cette baisse des
prix s'explique par la mauvaise qualité des jeux
qui inondent le marché. Les ventes déclinent
de 33% à la fin de l'année. La même année,
Nintendo
lance
le
Family
Computer
("Famicom") au Japon. C'est une console de
technologie 8 bits exclusivement dédiée aux
jeux. Le prix de la console est de 15,000 Yens
(65$) ; l'Atari 2800 est proposé à 24,600 Yens
(105$) selon les taux de change de l’époque.
En 1984, Atari présente son dernier
produit, le 7800, mais ne le commercialise pas.
De son côté, Coleco cesse la fabrication de
consoles. Mattel ferme son département
électronique et Warner Communication brade
Atari à un prix dérisoire.
En 1985, la Famicom est lancée aux
Etats-Unis sous le nom de NES (Nintendo
Entertainment System).
En 1986, Sega entre sur le marché des
consoles 8-bits avec la Master System. Cette
société assure le lancement de la console à la
fois aux Etats-Unis et au Japon. Les ventes
globales annuelles de consoles Nintendo
s'élèvent à 1 million d'unités.
En 1987, Nintendo commercialise la
NES (avec le jeu Super Mario) et Sega la
Master System en Europe. The Legend of
Zelda est le premier jeu à se vendre à plus
d'un million d'exemplaires. Atari ouvre à
nouveau son département de jeux vidéo.
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MICRO-ORDINATEURS
Etats-Unis
2,800
6,000
9,500
Europe
535
1500
2,150
France
70
180
300
En 1988, NEC introduit au Japon une
gamme de trois consoles : 8-bits, 16-bits et
portable. Les jeux NEC sont compatibles sur
les trois consoles.
La NES connaît un difficile décollage en
Grande Bretagne, jusqu'à la sortie du jeu
Tortues Ninjas. Atari attaque Nintendo en
justice pour abus de position dominante, en
vertu des lois anti-trust américaines.
En 1989, Amstrad lance une console 8bits, la GX 4000. Les consoles 16-bits, Sega
Genesis et NEC Turbografx-16, commencent à
arriver sur le marché américain.
En 1990, on estime que 30 millions de
NES ont été vendues aux Etats-Unis depuis
son lancement. Le taux de pénétration de la
NES est de 30% aux Etats-Unis. La
commercialisation de Super Mario 3 de
Nintendo débute sur le marché américain.
Vendu à 7 millions d'exemplaires avant la fin
de l'année, il devient le jeu vidéo le plus vendu
de tous les temps à cette époque là. La
console 16-bits de Nintendo, la Super
Famicom, est présentée au Japon. Atari lance
sa console portable aux Etats-Unis, la Lynx.
En 1991, on estime que 42 millions de
NES ont été vendues aux Etats-Unis depuis
son lancement. La ludothèque correspondante
s’élève à près de 500 titres.
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L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
II-2 Le concept de console de jeux
lancé par Nintendo
II-3 Les fabricants
génération 8-bits
1) Nintendo a parié sur la reprise des jeux
vidéo à domicile
1) Nintendo
La panoplie de base de la console NES
est très simple :
- une console, exclusivement dédiée
au jeu, de la taille d'un petit
magnétoscope qui se branche sur le
poste de télévision ;
- une panoplie d'une cinquantaine de
jeux qui accompagnent la console lors
de son lancement ;
- un "joypad", ou manette de jeu.
"Nous avons mené des études et conclu
que le consommateur était encore intéressé
par ce type de produit, mais qu'il était déçu par
la qualité des produits existants" déclarait Bill
White, directeur de la publicité et des relations
publiques de Nintendo.
2) La NES est un produit grand public
Elle peut être considérée comme un
produit grand public :
- par son prix : $100 environ pour la
console, à son lancement ;
- $ 30 à 50 pour un jeu ;
- par sa technologie qui emploie des
composants banalisés ;
- par la simplicité de la conception de la
console qui permet à tout enfant, même
en bas âge, de jouer de manière
autonome ;
- par ses canaux de distribution à
grande échelle.
3) Les consoles se
ordinateurs familiaux
différencient
des
Elles
n'offrent
aucune
possibilité
d'extensions périphériques et s'assument
clairement en tant que machines à jouer pures.
Le marché des consoles souffre au départ d'un
complexe face aux ordinateurs familiaux. On
constate ce phénomène à travers, par
exemple, le choix de la dénomination de
Family Computer de la machine de Nintendo
lors de sa sortie au Japon. Devant la réussite
du concept, ils rebaptisent trois ans plus tard
leur console "Nintendo Entertainment System"
(NES), qui est donc d'emblée et clairement
une machine dédiée exclusivement au jeu.
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
de
la
première
Historique
Créé en 1899 à Kyoto, Nintendo était à
l'origine un producteur de cartes à jouer et de
divers petits jeux de société. Dans les années
70, la firme opère une diversification dans les
machines à sous et les appareils pour cafés et
salles de jeux vidéo. Elle se lance également
sur le marché des jeux électroniques avec les
"mini-jeux" Game&Watch, qui connaîtront un
succès mondial. C'est à cette époque que le
personnage de Mario, plombier de son état, a
été inventé. Nintendo persiste dans cette voie
et, en 1983, lance sa première console de jeux
familiale au Japon. Le succès est considérable
et, dès le milieu des années 80, un foyer
nippon sur trois possède une "Famicom".
Technologie
Nintendo a dès le départ insisté sur la
qualité de la console, tant du point de vue
graphique (nouvelle technologie 8 bits) que de
la finition, robuste et soignée.
Les jeux Nintendo sont mémorisés dans
des composants électroniques (mémoires
ROM) et non sur des disquettes ou cartouches
magnétiques (comme le sont les jeux pour
micro-ordinateurs); ils sont pratiquement
impossibles à copier. En outre, en raison des
normes de télévision différentes d'un continent
à un autre, les cartouches de jeux achetées au
Japon sont inutilisables sur une console
américaine ou européenne.
Nintendo a décidé de vendre sa console
à un prix inférieur à 1 000 F l'unité. Pour cela, il
a fallu acheter massivement des composants
électroniques (à NEC, Matsushita ou Motorola,
leaders mondiaux des semi-conducteurs) et
produire au moins un million d'exemplaires dès
le lancement, sans être certain de la demande.
Le prix de la console était ainsi environ 4 fois
moins élevé que celui des ordinateurs
familiaux (C64, Amstrad CPC 124), avec des
jeux 50% plus chers.
Publicité et marketing
Ayant en quelque sorte créé un nouveau
marché, Nintendo a fait de sa politique
commerciale un axe stratégique majeur. La
promotion du produit fut particulièrement
importante, et les canaux employés étaient
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
adaptés au cœur de cible, les garçons de 5 à
15 ans :
- Co-promotion avec de grandes
entreprises (Pepsi-Cola) pour gagner
des consoles ;
- Utilisation commerciale des héros
Nintendo : dessin animé Super-Mario
aux Etats-Unis, par exemple ;
- Publication de magazines payants :
Nintendo Power aux Etats-Unis. La
croissance du nombre d'abonnés fait
que Nintendo possède un fichier
renseigné sur près de 30% de ses
clients fin 1989 ;
- Lignes téléphoniques pour connaître
les astuces des jeux, ligne nationale
pour diffuser les informations Nintendo
hebdomadaires
(Captain
Nintendo
Hotline) ;
- Mise en place de championnats de
jeux vidéo.
9
2) Sega
Historique
SErvice GAmes est créé en 1951 pour
assurer la maintenance au Japon des
machines de jeux (flippers, juke-box) importés
des Etats-Unis. Petit à petit, Sega conçoit et
commercialise ses propres jeux pour devenir
dans les années 70 un des leaders mondiaux
des jeux d'arcades. La société consolide son
savoir-faire technique et créatif dans l'arcade
pour préparer son entrée sur le marché des
consoles en 1986, avec la Master System.
Technologie
La Master System utilise la même
technologie 8-bits que la console Nintendo
NES.
Commercialisation
En 1988, Nintendo a dépensé 20 M$ en
spots publicitaires. Les opérations de
promotion et de publicité concernant les
produits Nintendo ont atteint 60M$ en 1989.
Puissance financière
En 1988-1989, Nintendo affiche un taux
de marge industrielle supérieur à 30%. Le ratio
est moitié moindre pour Hasbro et Mattel,
entreprises en bonne santé dans le secteur du
jouet. Ce décalage s'explique par la différence
au niveau du cycle de production (taux de
sous-traitance, robotisation, nature des
approvisionnements...), mais aussi par la
marge de manœuvre dont dispose Nintendo
pour fixer ses marges.
Le groupe a financé son développement
en utilisant exclusivement ses ressources
propres, il n'a pas recouru à l'endettement. Les
investissements sont peu élevés, en liaison
avec les immobilisations corporelles. Nintendo
opère en effet en propre à partir de deux
usines, cinq bureaux, deux plates-formes de
distribution au Japon et une aux Etats-Unis.
Les filiales hors Japon sont des relais
commerciaux. L'industrie du hardware est peu
capitalistique à cette époque, car elle passe en
grande partie par la sous-traitance.
Nintendo présente un excédent de
trésorerie d'exploitation proche de son résultat
d'exploitation. Cette trésorerie disponible
constitue un véritable "trésor de guerre" pour
répondre aux attaques d'un éventuel rival, ou
effectuer des acquisitions dans un marché très
mouvant.
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Pour combler son retard sur Nintendo,
Sega décide de lancer la Master System
simultanément au Japon et aux Etats-Unis
puis, un an après (en 1987), en Europe (soit
en même temps que la NES). Avec trois ans
de retard sur la NES au Japon, la console
Master System n'a pas permis à Sega de
concurrencer frontalement Nintendo, qui jouit
d'un quasi-monopole avec environ 90% de
parts de marché. Le retard n'a été que d'un an
aux Etats-Unis, mais la position dominante du
leader n'a que faiblement été érodée car Sega
a raté son démarrage en raison d'un contrat de
commercialisation avec un distributeur trop
petit et pas assez solide. Ceci a servi de leçon
pour attaquer le marché européen, car Sega a
passé un contrat avec un distributeur exclusif
beaucoup plus sérieux, Virgin Loisirs.
Sa stratégie, en tant que nouvel entrant
en 1986, s’appuie, d'une part, sur des prix
intéressants aux éditeurs afin de les pousser à
développer sur leur machine, et d'autre part,
sur le développement d’un savoir-faire propre
en matière d'édition de jeux.
Les éditeurs tiers paient un OEM supply
fee (Original Equipment Manufacturing) de
l'ordre de 20$ par cartouche à Nintendo, et de
l'ordre de 16$ à Sega. De plus, Electronic Arts
(EA), qui a été le premier éditeur tiers à se
lancer dans l'aventure en éditant des jeux pour
la Master System a bénéficié de clauses
contractuelles favorables : droit d'éditer plus de
quatre jeux par an, possibilité pour EA de
fabriquer ses propres cartouches, et en
contrepartie, exclusivité des jeux EA sur
10
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
support Sega pendant six mois. Cette
possibilité sera étendue ultérieurement à
d'autres éditeurs travaillant pour Sega et
même pour Nintendo, comme Acclaim et
Accolade.
La Master System est un échec au
Japon et rencontre un succès très limité aux
Etats-Unis. Cela provient du fait que la Master
System ne présente aucune amélioration
technologique par rapport à la NES, et est
vendue à un prix sensiblement similaire. Enfin,
elle arrive sur un marché déjà sérieusement
dominé par Nintendo. A l'inverse, les consoles
sortent en même temps en Europe, et la
Master System se taille une part de marché
honorable, même si sa ludothèque, qui est
plus restreinte que celle de sa concurrente, ne
lui permet pas d'être le leader.
Sega a enfin profité de la taille
écrasante de Nintendo de deux manières :
- Le marché que Nintendo a créé est
d'une taille importante, en volume
comme en valeur, ce qui a induit la
génération spontanée d'éditeurs tiers
désireux de développer pour un tel
marché ; les machines Sega et Nintendo
étant très proches technologiquement,
Sega n'a eu aucun mal à convaincre les
éditeurs tiers d'adapter leurs jeux sur la
Master System.
- Nintendo était soupçonné de pratiques
concurrentielles déloyales, tant au
Japon qu'aux Etats-Unis. L'arrivée de
Sega lui était utile d'une certaine
manière, et Nintendo ne s'y est pas
opposé trop durement (en interdisant
aux éditeurs de développer sur standard
Sega, par exemple).
prendre des positions en tant que fabricants de
consoles. La gamme d'Atari ne comprend
qu'un seul modèle : la console portable Lynx.
Elle utilise une technologie 8-bits avec un
écran couleur, mais elle est handicapée par un
prix élevé (environ 1000 FF) et par un
catalogue de jeux relativement pauvre. En
effet, Atari a des difficultés pour convaincre les
éditeurs tiers de développer des jeux pour sa
console. L'offre d'Amstrad se limite à une
machine 8-bits, la GX 4000, qui ne bénéficie
pas d'une promotion suffisante.
4) Les "substituts"
personnels
:
les
ordinateurs
Atari, Amstrad et Commodore dominent
le marché des ordinateurs personnels. Ces
produits se développent principalement en
Europe où ils ne souffrent pas de la
concurrence des consoles de jeux japonaises.
En effet, Nintendo n'a véritablement percé en
Europe qu'à la fin des années 1980, ce qui a
permis aux fabricants d'ordinateurs familiaux
d'avoir le champ relativement libre. Le produit
"phare" au milieu des années 1980 était le
Commodore 64. Les jeux étaient édités sur
bande magnétique et sur disquette de format
5'1/4. Ces supports requéraient un temps de
chargement des jeux relativement long (surtout
pour les cassettes), et permettaient aux
utilisateurs de copier illégalement les jeux
commercialisés par les fabricants.
Au Japon, le développement des
ordinateurs familiaux était handicapé par les
problèmes posés par le clavier, non adapté à
l'écriture japonaise. Par ailleurs, la politique
protectionniste japonaise n'a pas permis aux
constructeurs étrangers de s'imposer sur le
marché nippon.
3) Les autres fabricants
NEC, troisième fabricant japonais de
jeux vidéo, a sorti trois consoles (portable, 8 et
16 bits) en 1988. Les jeux disponibles sont
compatibles avec les trois appareils sans
distinction, et peuvent être utilisés partout dans
le monde (compatibilité des normes). Ainsi,
l'ensemble de la ludothèque de NEC a pu être
lancée sur le marché français dès novembre
1989. Les consoles et les jeux sont distribués
en France par la Sodipeng, une petite société
créée pour l'occasion. Elle ne compte que sur
la presse spécialisée et le parrainage d'une
émission pour enfants pour promouvoir les
produits NEC.
Les fabricants américains de microordinateurs Atari et Amstrad tentent de
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Il n'y a guère qu'aux Etats-Unis que les
ordinateurs et les consoles sont véritablement
en concurrence. Concurrence de courte durée,
car les prix des micro-ordinateurs, alourdis par
des fonctions nouvelles, ne sont pas
compétitifs par rapport aux prix de vente des
consoles.
De plus, les ordinateurs demeurent un
objet
plutôt
technique
et
utilisable
individuellement ; tandis que les consoles
installées sur le téléviseur –qui est le plus
souvent au salon– permettent de jouer à
plusieurs : en famille ou entre amis dans une
ambiance plus conviviale.
11
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
II-4 Les
l'industrie
relations
au
sein
de
1) Le marché des jeux vidéo 8 bits est
caractérisé par la domination de Nintendo
En
1986,
cinq
constructeurs
interviennent sur le marché. Nintendo domine
de très loin le lot avec 80% de parts de
marché. Les autres japonais Sega et NEC se
partagent les 20% restants
américains Atari et Amstrad.
avec
les
Entre 1983 et 1991, 14,5 millions de
Famicom sont vendues au Japon. La part de
marché de Nintendo sur le marché nippon
s'élève à 90%.
Tableau 5 - Taux d'équipement des foyers
en consoles Nintendo (Famicom ou NES) en 1989
Japon
Etats-Unis
Europe
Aux Etats-Unis, Nintendo contrôle 80% du
marché fin 1988. La société a vendu cette
même année, sur le marché américain, 7
millions de consoles et 32,5 millions de
cartouches. Ceci
représente un chiffre
d'affaires de 1,7 milliards de $ ( le marché total
du jouet s'élève à 10,2 milliards de $). Loin de
ralentir, le mouvement continue. En 1990,
Nintendo détient 90% du marché américain
des jeux vidéo et 21% des ventes globales de
jouets. Au total, sur le marché américain,
Nintendo a vendu 42 millions d'exemplaires de
NES entre 1983 et 1991.
2) L'industrie de l'édition et ses relations
avec les fabricants
"On parle beaucoup de hardware, mais
la chose importante est la manière dont vous
développerez un software de qualité à un
rythme accéléré" pouvait déclarer Hiroshi
Yamauchi, Président de Nintendo. A cette
époque, la palette des jeux accompagnant la
NES présente un grand nombre de titres dans
des catégories différentes. Si Nintendo a
commencé par développer ses propres jeux,
l'entreprise a rapidement fait appel à des
éditeurs tiers et ne développe plus qu'un jeu
sur trois à la fin des années 80.
Les conditions imposées aux sociétés éditrices
sont draconiennes :
- analyse de leur structure financière ;
- paiement d'un droit d'entrée pour être
licencié. Le montant de ce droit dépend
du pouvoir de négociation dont dispose
l'éditeur (réputation, taille expérience) ;
- développement du jeu, qui sera refusé
s'il n'est pas conforme à la qualité
exigée par Nintendo ;
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
40%
25%
3%
- le risque est assumé par l'éditeur :
pour mettre un jeu sur cartouche, il doit
acheter
au
minimum
500
000
cartouches vierges à 50F l'unité,
payables 50% à la commande, 50% à la
fabrication. Nintendo décide du plan de
commercialisation des jeux, d'où un
délai de plusieurs mois entre l'acompte
et la commercialisation. Si le jeu ne se
vend pas, Nintendo gagne tout de
même de l'argent. Si l'éditeur ne veut
pas prendre à son compte le risque de
fabrication,
il
est
exclusivement
rémunéré en royalties (environ 10F par
jeu vendu au-delà de 100 000 unités) ;
- les sociétés sous licence n'ont pas le
droit de créer plus de quatre nouveaux
jeux par an sur la NES ;
- des clauses d'exclusivité empêchent
les éditeurs de développer les mêmes
jeux pour les fabricants de consoles
concurrentes ;
- l'éditeur fournit le jeu à Nintendo, qui
édite la cartouche de jeu, puis c'est
Nintendo qui la distribue, choisit ou
non de référencer le programme, et
détermine son emplacement sur le
rayon.
La plupart de ces conditions structurent
encore le marché dix ans plus tard. Cette
emprise permet à Nintendo de réguler le
marché. Le marché est en croissance
extraordinaire, et les éditeurs tirent l'essentiel
de leurs revenus des jeux commercialisés par
Nintendo. De fait, c'est Nintendo qui fixe la
marge et la rentabilité de ses éditeurs tiers :
Nintendo domine le marché des éditeurs de
logiciels.
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
Le problème est délicat pour tout
nouveau fabricant. Il doit assumer le risque de
voir les éditeurs refuser de développer des
jeux pour sa console, si son parc n'a pas
atteint la masse critique.
On peut se fonder sur les données
suivantes :
- on estime le coût de développement
par titre à 1,6 millions de US$;
- pour un jeu Super-NES, les OEM
supply fees varient entre $16 et $24 par
cartouche, selon la taille du jeu ;
- Les frais de commercialisation et de
promotion des ventes s'élèvent à 25% du CA
- une cartouche est vendue au détail à
l’équivalent de $80 HT ; la marge du
distributeur est fixée à 45% ;
- Un jeu à succès (un "hit") peut espérer
atteindre un taux de pénétration de 10 % des
machines installées, mais un jeu de qualité
normale tourne autour de 3 %.
Il existe donc deux paliers, critiques
pour le fabricant et pour l'éditeur, en terme de
ventes cumulées :
- A moins de 1 million de consoles
vendues, la plupart des éditeurs ne
développent pas de nouveaux jeux ;
- Entre 1 et 3 millions de consoles
vendues, ils adaptent des jeux faisant
déjà partie de leur catalogue, en les
améliorant ;
- Avec plus de 3 millions de machines
vendues, un fabricant est sûr de trouver
de
nombreux
éditeurs
prêts
à
développer de nouveaux jeux pour sa
machine.
3) La stratégie commerciale et marketing
12
car les éditeurs n'ont pas la taille suffisante
pour se doter d'une force de vente propre.
Au milieu des années 1980, la taille de
Nintendo ne lui permet pas de commercialiser
directement ses produits sur les marchés
étrangers. Le fabricant japonais est contraint
de passer par des sociétés de distribution bien
implantées dans les pays où il veut développer
ses ventes. Prenons le cas de la France, où
Nintendo a fait appel à Bandaï France S.A.
L'accord entre Bandaï et Nintendo porte
principalement
sur
l'importation et
la
distribution de matériel de jeux de marque
Nintendo. L'accord de distribution fait de
Bandaï le distributeur exclusif des produits
Nintendo en France. En contrepartie, il
s'engage à ne pas commercialiser des produits
concurrents sans l'accord de Nintendo.
Lorsque la notoriété de Nintendo est
suffisante, la société rachète le distributeur
exclusif ou crée son propre réseau
commercial, en contournant l'interdiction
contractuelle qui le lie. Ainsi, au 31 décembre
1992, les droits de distribution accordés à
Bandaï des produits Nintendo n'ont pas été
renouvelés. Ils ont été cédés à une société
nouvellement créée, Nintendo France. En
réalité, Nintendo a débauché plus de la moitié
du service commercial de Bandaï, et celle-ci
s'est vue contrainte de céder également les
actifs relatifs à l'activité de distribution.
La distribution
Les détaillants sont échaudés par
l'échec de la première vague de jeux vidéos.
Ils sont néanmoins séduits par l'argumentaire
de vente de Nintendo qui leur promet :
- une garantie de reprise des invendus ;
- une minimisation des stocks ;
- un merchandising offensif.
L’évolution de la commercialisation
Les fabricants de jeux vidéo ont une
stratégie de commercialisation de leurs
produits qui évolue en fonction du degré de
maturité du marché. En tant que leader, c'est
bien entendu Nintendo qui, le premier, a mis
en pratique cette stratégie.
Sur son marché d'origine, le Japon,
Nintendo s'est chargé dès 1983 de la
commercialisation de ses consoles. Les
logiciels sont distribués indépendamment des
consoles, car ce sont les éditeurs de jeux qui
sont censés avoir la responsabilité de leur
commercialisation. Dans la pratique, c'est
souvent Nintendo qui distribue aussi les jeux
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Toutefois, l'utilisation de techniques
marketing particulièrement agressives font
rapidement de l'industrie des jeux vidéo un
marché tiré par la demande. Les distributeurs,
aussi gros soient ils, ne peuvent imposer leurs
conditions de vente. Les produits Nintendo
disposent d'une notoriété forte tant auprès des
professionnels que de la clientèle. Avec la
force publicitaire et la notoriété de Nintendo, le
fournisseur exclusif a quasiment pré-vendu
ses produits, et les distributeurs sont pieds et
poings liés.
Le responsable des achats Télé-Vidéo à
Carrefour France soulignait en 1991 la
dépendance des distributeurs à l'égard de la
clientèle et de Bandaï : "On pouvait
13
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
difficilement se passer de Nintendo qui
représente 65% du chiffre d'affaires du rayon
Télé-Vidéo. En raison de la forte demande et
face à des fabricants comme Nintendo, nous
sommes amenés à accepter les conditions
qu'ils nous offrent sans marge de négociation.
De même, un vendeur du rayon Electronique
Grand Public de Darty soulignait que Le
problème avec ce type de produit, c'est que
nous vendons les consoles au prix d'achat
auquel nous ajoutons la TVA. En réalité, nos
seuls profits sont les remises de fin d'année
accordées par Bandaï. Par ailleurs, la
demande est telle que si je n'ai pas ces
produits, je perds des clients."
Au Japon, Nintendo contrôle la
distribution par le biais du Shoshin-kaï, une
association de 70 grossistes de jouets.
L'entreprise dispose d'une forte influence dans
cette association, ce qui lui permet de
verrouiller l'ensemble de la filière des jeux.
Nintendo a ainsi menacé les fabricants de
jouets de ne plus les livrer s'ils distribuaient
des produits Sega.
III - La mise en place de la concurrence
Sega-Nintendo
III-1 La situation au début de la décennie
1990
1) L’évolution de la taille du marché
On peut prendre comme référence les
chiffres d’affaires de Sega et Nintendo ;
toutefois, cette donnée est à prendre avec
précaution, car elle inclut les ventes toutes
générations confondues.
Tableau 6 - Parts de marché sur le segment des consoles 16-bits en 1993
Répartition en %
Sega
Nintendo
Japon
22
78
Etats-Unis
49
51
Europe
59
41
Source: Goldman Sachs
Graphique 1 – CA de Sega et Nintendo (Milliards de Yens)
700
600
500
400
Sega
Nintendo
300
200
100
0
1988
1989
1990
1991
De deux fabricants en 1988, ils sont
passés à six en 1990 à se disputer une
industrie de plus en plus convoitée : Nintendo,
Sega, NEC, SNK, Atari et Amstrad. Les deux
fabricants occidentaux sont quasiment horsjeu. Les chances de succès de la console
portable Lynx de l'américain Atari sont
hypothéquées par le faible nombre de jeux
disponibles. La console 8-bits de l'anglais
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
1992
1993
1994
Amstrad rivalise techniquement avec les
japonaises, mais la pauvreté de son parc de
jeux la rend peu attractive. SNK et NEC
occupent des positions marginales : la Neogeo de SNK est une console 16-bits
techniquement la meilleure dans tous les
domaines, mais onéreuse (3,000 FF la
console, 1,200 FF le jeu). Si le parc de jeux de
NEC est relativement important avec près de
14
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
200 titres, il y a une pénurie de logiciels
exploitant vraiment les performances de sa
console 16-bits, la Coregrafx. La part de
marché totale de ces quatre différents
fabricants se situe autour de 10%.
Le taux d'équipement des foyers
français s'élève fin 1992 à 25% selon l'institut
de sondage Nielsen, avec en moyenne 1,3
console par foyer (à la même époque, le taux
d'équipement américain frôle les 40%). Les
ventes de software se situent aux alentours de
10 millions de jeux. Au total, les jeux vidéo
représentent 30% en valeur du marché des
jeux et jouets.
Dès 1991, on constate aux Etats-Unis
un recul du marché des jeux vidéo - à
l'exclusion des jeux électroniques - qui passe
de 3 milliards de $ en 1990 à 2,7 milliards de
US$.
Tableau 7 - Les ventes de consoles en France en 1992
Nintendo
Sega
Atari
8-bits
16-bits
Portable
330 000
400 000
530 000
600 000
700 000
300 000
90 000
Total
1 660 000
1 300 000
90 000
Source: Points de Vente
2) Les relations avec le marché des microordinateurs personnels
Les consoles empruntent à l'industrie
informatique les composants dont elles ont
besoin. Elles utilisent des processeurs anciens
et bien connus : lorsque Sega équipe sa
machine d'un Motorola 68000 (16 bits), les
processeurs 68010 et 68020 existent déjà (32
bits). On observe de nombreuses adaptations
sur consoles de succès software provenant
des micros, et inversement. Les fabricants de
micros ont en partie abandonné le marché de
l'informatique familiale. Des machines bas de
gamme occupent encore le marché, et nombre
d'utilisateurs adoptent les consoles.
3) Les stratégies des constructeurs Sega et
Nintendo
i) Sega
L’introduction du 16 bits
Si Sega a appliqué les mêmes recettes
que Nintendo dans le développement de sa
console
8-bits,
son retard dans
la
commercialisation ne lui a pas permis de
contester la suprématie du leader. C'est à
partir de 1989, avec la sortie d'une nouvelle
console 16-bits à support cartouche (appelée
Genesis aux Etats-Unis et Megadrive en
Europe), que Sega a commencé à attaquer les
positions de Nintendo. Cette console bénéficie
d'un micro-processeur deux fois plus puissant,
ce qui permet de rendre les jeux plus rapides
et de concevoir des graphismes plus réalistes.
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Bien que l'offre soit qualitativement
supérieure, la politique de prix de Sega est la
même que celle qui a fait le succès de
Nintendo : faibles marges sur les consoles
(entre 15 et 20%), marges plus importantes
sur les logiciels (entre 30 et 40%). L'innovation
technologique de Sega se manifeste
également avec le lancement d'une console
portable 8-bits début 1991. Dotée d'un écran
couleur, elle est compatible, grâce à un
convertisseur, avec la Master System 8-bits.
Elle peut aussi servir de récepteur TV et de
moniteur camescope.
La même année, Sega lance le MegaCD, console auxiliaire se branchant sur une
Megadrive 16 bits, à support CD. Le Mega-CD
n'est pas une console de jeux à part entière,
mais un lecteur de CD périphérique muni d'un
processeur propre permettant d'améliorer la
performance du processeur, puisque le
Motorola 68000 passe de 7,6 sur la Megadrive
seule à 12,5 MHz.
Sega utilise son expérience dans les
jeux d'arcade pour développer une gamme de
logiciels de jeux attractive. En effet, la mise au
point
d'une
nouvelle
console,
plus
performante, doit être accompagnée d'une
ludothèque qui valorise ses capacités
technologiques. Sega exploite son savoir-faire
technologique et créatif, ce qui explique qu'en
1993, le n° 2 du jeu vidéo édite encore 45 %
des jeux qu'il commercialise. Les jeux vidéo,
produits de grande consommation, ne
représentent d'ailleurs pas la totalité de son
chiffre d'affaires : leur part s'élève à 70 %, le
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
reste étant ventilé entre l'industrie du jeu
d'arcade (édition et exploitation de salles) à
29% et les royalties (1%). En 1992, Sega
domine le marché du 16 bits aux Etats-Unis
(50% de PdM) et aussi en Europe (60% PdM).
Une stratégie commerciale agressive
La stratégie internationale de Sega
diverge de celle de Nintendo. Sega attaque le
leader par son maillon faible, l'Europe, et y
introduit le plus rapidement possible sa
console de deuxième génération. Il ne suffit
pas d'un bon produit pour s'imposer, encore
faut-il le faire savoir, et pour cela investir
massivement dans la publicité. En France, où
la firme réalise ses plus gros volumes, Sega
mise sur Virgin, numéro six mondial du disque.
Fort de son expérience dans les produits de
loisirs, Virgin ne cesse de marquer des points
auprès des jeunes consommateurs férus de
high-tech. Le chiffre d'affaires dégagé par le
distributeur français a incité la firme japonaise
à racheter la structure, en juillet 1991, pour
créer une filiale 100% nippone, Sega France.
Avec l'introduction d'une console de
nouvelle génération, Sega vise une clientèle
plus âgée et plus exigeante. "Non pas que
nous ne souhaitions pas séduire les enfants,
bien au contraire", précise le directeur du
marketing de Sega France, Luc Boursier. "Si
nous nous adressons à leurs aînés, c'est pour
tirer parti d'un fait bien connu : on s'intéresse
au scooter quand on a l'âge de faire du vélo".
La différence de positionnement se retrouve
dans les scénarios de certains jeux vedettes,
Sega ayant la réputation de privilégier des
scènes d'une violence inconnue chez
Nintendo. Comme le souligne le responsable
marketing de Nintendo France, Stéphane Bolle
: "Le positionnement de Sega est logique.
C'est une stratégie de numéro deux qui
cherche à se différencier, en l'occurrence par
une certaine agressivité face à un leader plus
serein". Sega a ainsi lancé en 1990 aux EtatsUnis une campagne publicitaire comparative
faisant passer les jeux de Nintendo pour des
jouets pour enfants.
Sega investit de plus en plus dans son
budget publicitaire : en Grande Bretagne il
passe de 54,000$ en 1989 à 1,3 M $ en 1990
pour atteindre 3,390 M $ en 1991.
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
15
La puissance financière
La rentabilité de Sega sur la période
1988-1992 est inférieure à celle de Nintendo,
en raison d'un portefeuille d'activités et de
modes d'exploitation (recours à la soustraitance, montant de R&D...) différents. De
plus, en tant que nouvel entrant sur le marché,
Sega s'est contenté de marges moindres, en
dépit de produits au départ plus sophistiqués.
Toutefois, le montant de sa trésorerie
d'exploitation lui permet d'autofinancer sans
peine des investissements peu élevés. En
revanche, à l'inverse de Nintendo, Sega ne
dispose pas de disponibilités importantes, car
étant plus engagée dans l'édition, Sega investit
davantage que Nintendo. En 1991, Sega
rachète Virgin Mastertronics, distributeur
exclusif de Sega en Europe, et rebaptise ses
filiales Sega UK, Sega France... Sega édite en
propre 90 jeux durant l'année.
ii) Nintendo
L'émergence d'un rival
Nintendo a souvent été accusé de
limiter l'offre de produits et de provoquer
intentionnellement des pénuries. Lors du
lancement de la console portable 8 bits Game
Boy aux Etats-Unis au cours de l'année 1989,
on estime que seulement 20% de la demande
a été satisfaite. Il en est de même pour
certains jeux à succès (Street Fighter II,
Dragon Quest V,...). Cette stratégie a rendu
les détaillants d'autant plus réceptifs à l'arrivée
d'un nouvel intervenant sur le marché.
En amont de la filière, la "loyauté" des
éditeurs envers Nintendo est également mise
à mal. Le coût élevé de fabrication des
cartouches supporté par ceux-ci est de nature
à favoriser un constructeur de consoles
concurrent. De plus, la nouvelle concurrence
permet potentiellement d'augmenter leur
chiffre d'affaires. En effet, chaque éditeur est
limité par le nombre de jeux qu'il a le droit de
développer chaque année sur NES. La
perspective de négocier avec un autre
fabricant est aussi un moyen de mettre un
terme aux contrats d'exclusivité (création d'un
logiciel donné pour un unique fabricant).
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
Le leader lance la console portable-8 bits
Nintendo concentre ses efforts sur la
commercialisation de sa console portable
Game Boy. Alors qu'un million d'unités ont été
vendues en 1989, les ventes atteignent cinq
millions d'exemplaires en 1990. Dans la même
année, 20 millions de cartouches Game Boy
sont vendues. Aux Etats-Unis, le prix de vente
de la console est de 90$, et celui de la
cartouche de 20$. Au total, la console portable
a généré un chiffre d'affaires de près d'un
milliard de $ en 1990.
Face au lancement par Sega de la
Megadrive 16-bits en 1989, Nintendo a une
stratégie attentiste, considérant que le
segment des consoles 8-bits n'est pas encore
saturé, notamment en Europe. "Aux Etats-Unis
et au Japon", explique-t-on chez Nintendo,
"nous avons attendu que le taux d'équipement
des ménages en NES dépasse les 30%".
En 1991, Nintendo lance sa console 16bits, à support cartouche, baptisée SuperFamicom au Japon, SNES (Super Nintendo
Entertainment System) aux Etats-Unis et
Super-Nintendo en Europe.
Elle ne sera lancée sur le Vieux
Continent qu'en avril 1992, pour laisser le
temps à la précédente machine de s'y
épanouir sans risque d'être cannibalisée par la
suivante. Cette stratégie est celle retenue face
à NEC, le géant japonais de l'électronique
(plus de 25 milliards de $ de CA consolidé) a
sorti dès 1988 sa console 16-bits, sans réussir
à éroder les parts de marché de la NES.
Le budget publicitaire en Grande
Bretagne s’élève à 2,500,000 $ en 1990 et à
4,600,000 $ en 1991. La part de marché
mondial de Nintendo sur le 16 bits est estimée
à 45% en 1992.
III-2 Le verrouillage du marché se poursuit
Entre 1983 et 1986, Nintendo régnait
seul sur le marché. En laissant Sega se
développer sur le segment des consoles 16bits, le leader n'endigue pas l'émergence d'un
solide concurrent. Le verrouillage du marché
est dès lors assuré par deux et non plus un
acteur.
1) Le verrouillage de l'édition
Pour chaque console vendue, huit jeux
sont en moyenne achetés. En Europe, le
marché du software sur consoles est huit fois
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
16
plus important que celui du software sur micro.
Ceci explique que toute société de software
cherche à travailler avec les deux leaders
japonais.
Les éditeurs ne contrôlent parmi leurs
créations ni celles qui seront effectivement
commercialisées, ni la fabrication des
cartouches, ni leur commercialisation, ni la
publicité pour assurer leur promotion, ni le prix
de vente desdites cartouches. Si Nintendo et
Sega luttent au coude à coude pour gagner
des parts de marché, ils adoptent une même
stratégie envers les éditeurs de software. La
formule a fonctionné pour Nintendo et ses
sous-traitants durant les années 1980, et
continue à satisfaire les deux parties au début
de la décennie 1990.
2) La fidélisation du consommateur
Cette fidélisation s'opère à la fois par la
console et les jeux :
- Par le hardware : les lignes de produits
sont
évolutives
et poussent
le
consommateur à s'attacher à une
marque ;
- Par le software, en créant des
personnages (Sonic chez Sega, Mario
chez Nintendo) qui donnent lieu à des
sagas, et à un merchandising poussé.
On estime que 40% des ventes du
premier éditeur mondial indépendant Electronic Arts - dérivent de sagas).
- Par les services, Minitel, ligne
téléphonique ou presse écrite, qui
permettent un feed-back des goûts et
des attentes des utilisateurs ; 50.000
appels par jour en 1990 sur la ligne
téléphonique américaine de Nintendo ;
tirage à plus d'un million d'exemplaires
de Nintendo Power ; club de fans
volontairement limités à quelques
milliers d'adhérents.
Sur tous les marchés, on assiste à une
surenchère d'actions de communication en
faveur des produits Nintendo et Sega.
Nintendo consacre, en 1990, 120 millions de $
en promotion et publicité contre 60M$ en
1989. Les dépenses en spots publicitaires
uniquement s'élèvent à 50 M$ pour l'année
1991. En France, Sega installe 5000 meubles
de démonstration dans les différents points de
vente. En 1992, ses investissements
publicitaires se montent à 150 millions de
francs (50 millions en 1991) pour un chiffre
d'affaires de 900 millions. 150 nouveaux jeux
sont introduits dans l'année, soit un total de
360.
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
3) La commercialisation
Les points de vente
La grande distribution, les grands
magasins et les magasins spécialisées (Toys
'R' Us aux États-Unis, Micromania en France)
assurent 95% des ventes. Sega et Nintendo
sont en position de force tant la visibilité de
leur produit est grande.
Les distributeurs
Nintendo et Sega assurent en propre
leur distribution au Japon et aux Etats-Unis,
ainsi que dans la plupart des pays européens.
Avant l'intégration d’une partie de la
distribution, c'était le distributeur exclusif qui
déterminait la communication, le marketing
direct, la promotion, et prenait au passage une
commission. Bandaï France a ainsi été
condamné au titre d'abus de position
dominante, de menace de refus de vendre et
de politique de prix discriminatoires à une
amende de 30 MF.
IV- Un poids croissant de la technologie
IV-1 Historique
En 1992, Nintendo sort, sur la SNES 16bits, la cartouche "StarWing", dotée d'un
processeur FX qui équivaut à un coprocesseur
intégré et qui décharge le processeur principal
d'une partie des calculs graphiques. La
frontière bien établie entre soft et hard
s'estompe. La firme japonaise annonce la
sortie d'une machine 16-bits à lecteur de CD
et/ou d'un lecteur de CD-ROM externe se
connectant sur la SNES. La même année,
Sony se lance dans l'édition de jeux, avec sa
branche Sony Entertainment. L’entrée dans le
capital de Columbia Pictures donne lieu à la
sortie des jeux Cliffhanger, Last Action Hero,
et
d'autres
adaptations
d'œuvres
cinématographiques : leur succès est mitigé.
En 1993, on enregistre la sortie aux
Etats-Unis de la Jaguar d'Atari, une console 64
bits. Son prix de vente est de 250$. Elle offre
un support CD.
Le marché convoite aussi la sortie aux
Etats-Unis et au Japon de la 3DO, à la suite de
l’intiative de Trip Hawkins, fondateur de
l’éditeur de jeux Electronic Arts. 3DO
souhaitait licencier la technologie de la console
à des producteurs d’électronique de grande
consommation : AT&T, Matsushita et Sanyo.
La console de 3DO devait inclure un lecteur de
CD-ROM, et un processeur 32-bit. Le prix de
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
17
vente de la console à son lancement était de
750 US$. 3DO laissait les producteurs de
hardware gagner de l’argent sur la vente de la
console et devait générer des revenus en
faisant payer des royalties de 3 US$ par jeu
vendu. Plus de 550 développeurs (y compris
Electronic Arts) ont signé pour commencer à
développer des jeux pour 3DO. L’entreprise
avait été évaluée par les marchés financiers à
plus de 1 milliard de US$ avant même d’avoir
livré la première console. Seulement, malgré
ses performances techniques, 3DO n’a jamais
engendré le moindre volume, à cause du prix
de la console.
Cette même année, Sony édite en
propre ou à travers des filiales une
cinquantaine de jeux et rachète Psygnosis, n°3
de l'édition de jeux sur micro-ordinateurs. Sony
et Electronic Arts s'affranchissent du monopole
de distribution des deux fabricants, et
distribuent leurs jeux en propre.
De son côté, Nintendo abandonne
officiellement les projets d'extension CD pour
la SNES et annonce une alliance avec la firme
californienne Silicon Graphics, référence
incontestée en matière de machines et de
logiciels d'animations graphiques à usage
professionnel. A titre d'exemple, c'est Silicon
Graphics qui a conçu les trucages des films
Terminator 2 et Jurassic Park. Cette alliance
devait donner naissance à la future console
32-bits de Nintendo : "Project Reality". Elle
sortira en septembre 1995 alors que le marché
s’attendait à une console 64-bits ; de plus, elle
ne possèdait pas d’effet 3D et ne disposait que
de deux couleurs (rouge et noir). Il n’y eut
qu’une dizaine de jeux développés, et la
console fut retirée du marché dès la sortie de
la N64.
En 1994, Sega sort aux Etats-Unis une
extension pour la Genesis (16-bits) qui se
branche sur le port cartouche et qui contient
un processeur 32-bits. Cette extension
accepte les cartouches 16-bits et partiellement
-Sega entretient le flou à ce sujet- les futures
cartouches 32-bits de la Saturn (console 32bits de Sega ). Le prix de vente de l'extension
est de 100-120$.
La Playstation de Sony et la console
Saturn de Sega sont lancées fin 1994 ; le prix
de vente de chaque console est d’environ
450$. Le marché des 16-bits est donc évolutif
en matière de hardware, contrairement au
marché des 8 bits ; ceci est un signe de
maturité accrue du marché. Cependant, les
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
16-bits réalisent encore plus de 95% de part
de marché mondial à ce moment.
IV-2 Le marché des jeux vidéos 16 bits
arrive à maturité
Les deux générations de jeux vidéos
précédentes présentent aujourd'hui la même
structure économique que celle imaginée par
Nintendo il y a plus de 10 ans. Elles sont donc
18
comparables et nous enseignent que le
marché arrive à saturation quand le taux
d'équipement des ménages atteint 20-25%.
Hors doublons de consoles, les utilisateurs
possédant plusieurs consoles sont estimés
aujourd'hui à 5-6% du marché, selon Goldman
Sachs. Ce chiffre de 20-25% est valable en
Europe et aux Etats-Unis et au Japon.
Tableau 8 – Nintendo : ventes de consoles et taux de pénétration
Consoles 8-bits
Années
NES: Japon
NES: Etats-Unis
1985
1986
1987
1987
1988
1989
1990
1991
Ventes
(million
d'unités)
3,68
3,90
1,78
2,45
7,20
9,47
7,97
1,72
Taux de
Pénétration
(%)
24,1
24,9
29,0
3,5
11,4
21,4
29,8
31,3
1990
1991
1992
1993
1991
1992
1993
1994
Ventes
(million
d'unités)
1,81
3,55
4,55
4,46
2,45
7,20
9,45
8,63
Taux de
Pénétration
(%)
7,6
16,0
26,5
37,2
6,6
16,6
28,1
36,5
Consoles 16-bits
SNES + Megadrive
Japon
SNES + Genesis
Etats-Unis
Il faut toutefois garder présent à l'esprit
que le déclin des 16-bits est plus lent que celui
des 8-bits. Ceci provient du fait que les
consoles 16-bits actuelles sont évolutives alors
que la gamme des 8-bits était figée. En effet,
les machines 16-bits sont évolutives :
- en terme de machine puisque la
Megadrive s'est vue rajeunie et redesignée en 1993 avec la Megadrive II,
qui est techniquement identique ;
- en terme de support, puisque la
Megadrive a bénéficié de la sortie du
Mega-CD ; de même la console d’Atari
Jaguar est aussi prévue avec une
extension ;
- en terme de processeur même,
puisque Sega sort fin 1994 une
cartouche contenant une puce 32-bits
pour faciliter la transition du parc 16-bits
aux machines 32-bits ; de même
Nintendo sort des cartouches de jeux
avec des co-processeurs intégrés. A
l'instar de la micro-informatique, avec
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
des systèmes de gamme dits "de
compatibilité croissante", ce type de
technologies estompe les ruptures bien
nettes auxquelles on assistait avant à
chaque génération de console.
IV-3 L’apparition de hautes technologies
issues de l'informatique professionnelle
a) Une escalade technologique
Les nouveaux entrants ont une stratégie qui
comporte deux volets :
- Pour attirer le consommateur, ils proposent
des consoles qui apportent une amélioration
technologique majeure et indiscutable par
rapport
aux
machines
actuellement
existantes, en particulier en terme de
processeur ;
- Pour attirer les éditeurs, ils proposent,
comme l'avait fait Sega du temps où il était un
nouvel entrant, des conditions intéressantes
aux éditeurs. C'est le principal moteur de la
19
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
pression des nouveaux entrants pour le CDROM ; en effet, le CD-ROM ne constitue pas
un progrès technologique incontestable par
rapport à la cartouche. Il est vrai qu'il dispose
d'une capacité de mémoire très supérieure,
mais le temps de lecture des informations est
plus élevé. C'est en réalité dans la répartition
des marges du CD-ROM par rapport à celle de
la cartouche qu'il faut chercher la cause de cet
engouement apparemment étonnant.
Tableau 9 – Évolution des ventes de consoles 32-bits (en millions d’unités)
Année
1995
1996
1997
1998
Playstation (Sony)
3,8
9,8
19,4
17,8
N64 (Nintendo)
Lancement
7,8
10,2
Il faut rapporter ces données à la taille
des marchés concernés. La marge est certes
moins grande pour les éditeurs sur le CD-ROM
que sur les cartouches, mais le marché du CDROM est considérablement plus large
potentiellement, à cause de son moindre coût.
2) Les liens avec les géants
l'informatique et de l'électronique
de
Il est important de comprendre qu'il
existe une grande différence entre les
capacités théoriques d'une machine, et le parti
que les programmeurs peuvent en tirer. Cela
dépend essentiellement de la qualité de
l'interface de programmation que le fabricant
fournit aux éditeurs tiers. C'est devenu une
ressource stratégique pour les fabricants. Il
faut noter que ce type de technologie est
nouveau dans l'univers des consoles de jeu, et
provient de l'émergence de machines
technologiquement très performantes.
Une interface de programmation est un
utilitaire qu'utilisent les programmeurs pour
développer un jeu pour une console. Il ne
s'agit
pas
d'un
simple
langage
de
programmation, car l'interface met à la
disposition du programmeur des fonctions
complexes (animation de polygones, 3D,
zoom, rotation, disposition de caméras à
trajectoires paramétrables avec possibilité de
montage des différents plans...) qu'il peut
appeler à l'aide de routines simples. Sur les
machines des générations précédentes, les
interfaces proposaient en général des
fonctions comme la création d'un objet en deux
dimensions, puis son "épaississement" pour lui
donner de la profondeur, et son animation sur
un fond déroulant. Un programme de ce type
était développé en interne par les
programmeurs "maison". Aujourd'hui, très peu
de sociétés dans le monde peuvent créer des
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Saturn (Sega)
Lancement
10,2
5,4
1,1 (arrêt de la production)
interfaces suffisamment puissantes pour
exploiter le potentiel des nouvelles consoles.
Sega a confié la conception de
l'interface de programmation de sa console
Saturn (sortie début 1995) à Microsoft, Sony à
Toshiba et Nintendo à Silicon Graphics. Cette
dernière société est le concepteur de
l'interface graphique professionnelle la plus
utilisée dans le monde pour l'animation
d'images de synthèse en trois dimensions.
C'est un utilitaire qui permet, par exemple, de
concevoir un objet en mode "fils de fer" ou
"polygones", puis de le "mapper" (voir annexe
A), puis de déterminer l'emplacement et la
puissance des sources de lumière qui
l'éclairent, et de déterminer la trajectoire de la
ou des caméras autour de l'objet. Ce type de
programme permet enfin de passer le film de
chaque caméra et d'effectuer le montage des
images,
comme
avec
des
films
cinématographiques.
Le coût de programmation d'un jeu sur
de tels supports est assez élevé, et un
processeur ne vaut que par ce que les
programmeurs peuvent en faire. On constate
toutefois que la console Jaguar d’Atari n'est
pas une machine entièrement 64 bits, mais
plutôt 32/64 bits, ce qui signifie que le
processeur "tourne" à l'intérieur de la machine
en 64 bits, mais communique avec ses coprocesseurs en 32 bits. Le hardware est
proposé à un prix attractif, mais des logiciels
utilisant pleinement les capacités des
machines ne peuvent être commercialisés à
des prix grand public.
De plus en plus d'éditeurs éditent leurs
jeux sur support PC et cartouche de console.
Sega a même annoncé qu'il comptait
développer des jeux sur PC ou d'adapter des
jeux déjà existant sur consoles. Il est en effet
devenu nécessaire d'élargir le marché autant
que possible afin de rentabiliser le process de
20
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
conception
du
jeu.
Les
coûts
de
développement sont sans commune mesure
avec ceux des générations précédentes, ce
qui explique la nécessité pour tous les
constructeurs de s'allier avec des grandes
compagnies du domaine de l'électronique
grand public, de l'informatique ou des médias.
Plus de 50 millions d’unités ont déjà été
vendues (en mars 1999).
C’est la console ayant le plus grand
nombre de jeux d’excellente qualité (3000 jeux
pour l’actuelle console dont les succès Tomb
Raider et Gran Turismo).
3) Puissance financière
V- L’entrée de Sony sur le marché des
consoles
V- 1 Sony
1) Historique
En 1994, Sony, le géant japonais de
l’électronique grand public a créé la filiale
Sony Computer Entertainment (SCE) pour la
fabrication de la Playstation, de jeux vidéo et
la gestion d’éditeurs tiers. Elle réalise
aujourd’hui 10% du CA du groupe et près d’un
quart des profits.
En plus de la puissance financière et de
la puissance technologique, Sony a réussi sur
le marché des jeux vidéo en ayant de bonnes
relations avec les éditeurs et en ciblant une
nouvelle clientèle, les 15-30 ans. Ce nouveau
ciblage se fait en améliorant la qualité des
graphismes, en privilégiant les jeux de
réflexion, et en intégrant des créatures de rêve
comme Lara Croft par exemple.
2) La technologie du 32-bits
La Playstation de Sony est une console
32 bits, de technologie dite RISC (Reduced
Instruction Set Computer, voir annexe A). Elle
est à support CD uniquement. Sa technologie
permet une excellente qualité graphique.
Les prix sont très compétitifs : la
console, vendue 299$, est un énorme succès
en terme de ventes. Elle est vendue 199$ en
1996, puis 50$ moins chère l’année suivante.
"La Playstation s’est imposée comme
un pilier majeur de notre activité électronique.
Aujourd’hui, tout le groupe Sony est derrière,
prêt à mobiliser toutes ses ressources pour
assurer son succès." indique Nobuyuki Idei, le
Président de Sony.
La puissance financière de Sony a
permis au groupe de rentrer sur le marché des
jeux vidéo où les frais de R&D (le
développement du « emotion engine » a coûté
environ 15 milliards de dollars) et de
marketing (la présentation de la Playstation II
a coûté environ 1 milliard de dollars) sont très
élevés. L’usine qui a servi à la fabrication de la
Playstation a coûté environ six milliards de
dollars.
V- 2 La situation à la fin du millénaire
1) Evolution du marché
Le marché des jeux vidéo et consoles
représentait 20 milliards de dollars en 1999.
Avec 50 millions d’unités de la console
Playstation vendues en 1999, Sony est le
champion incontesté du marché des jeux
vidéo.
Sega est évincé du marché des
consoles de jeux vidéo 32-bits (plus que 3%
du marché en 1999). Sa console Saturn
(vendue à 399$, puis 199$ avec trois jeux en
prime deux ans plus tard) est un échec. Dès
1995, Sega ferme déjà plusieurs filiales.
Tableau 10 - Parts de marché de Sony et Nintendo pour les consoles - début 1999
Nintendo
Sony
Etats-Unis
45%
55%
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Europe
25%
75%
Japon
60%
40%
21
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
Graphique 3 – Chiffre d’affaires de Sony, Nintendo et Sega (en milliards de yens)
800
700
600
500
Sony
Sega
Nintendo
400
300
200
100
0
1994
1995
1996
Les chiffres d’affaires de Sega et
Nintendo comprennent les ventes de toutes
leurs activités (arcade, consoles portables,…)
tandis que celui de Sony ne représente que les
ventes de sa filiale SCE.
2) Stratégie des principaux acteurs
Pour les deux principaux acteurs que
sont Sony et Nintendo, il s’agit de vendre un
maximum de consoles, même à bas prix, et de
se rattraper financièrement sur les jeux. Sony
perçoit comme royalties 25 % du prix de vente
des CD-ROM de la part des développeurs de
jeux vidéo.
i) Sony
En 1999, Sony présente Playstation II
qui sortira en l’an 2000. C’est une console
capable de générer une représentation en 3D
proche des images de synthèse du cinéma.
Elle pourra fonctionner avec des CD-ROM et
avec des DVD-ROM. Les anciens jeux
pourront être lus sur la nouvelle console. La
présentation de la Playstation II a coûté plus
d’un milliard de dollars. Sony entend
consolider sa domination avec sa Playstation II
développée en coopération avec Toshiba. Le
système d’exploitation utilise le logiciel Linux
(rival de Microsoft). Baptisée Emotion engine,
elle est composée d’un microprocesseur 128
bits et d’un synthétiseur graphique : il est 15
fois plus puissant que le Pentium II et 3 fois
plus que le Pentium III (voir annexe A).
Sony veut toucher d’autres cibles
comme les femmes et les personnes âgées en
faisant des jeux faits pour eux. Par ailleurs,
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
1997
1998
Sony tente de "désaisonnaliser" ses ventes
(ne pas seulement les concentrer à la période
de Noël) en rendant la marque Playstation
comme la référence incontournable. Le logo
apparaît partout : école, concert, à la
télévision, sur le web… Les personnes qui
possèdent la console peuvent s’abonner à un
magazine sous la forme de CD-ROM qui leur
permet de connaître les dernières nouveautés
et de bénéficier d’offres spéciales.
Sony a déjà vendu 3 millions de
consoles Play Station II entre Octobre 2000 et
Juin 2001. Cependant, les retards de
lancement et le manque de disponibilité ont
pesé sur les résultats des éditeurs de jeux en
2000.
Sony compte s’allier avec AOL afin de
connecter la Playstation II à Internet via une
connexion à haut débit, afin d’en faire un
véritable support multimédia, transmettant des
services de messagerie et de navigation et
permettant de visionner des DVD.
ii) Nintendo
Nintendo a sorti sa console Nintendo 64
avec dix-huit mois de retard par rapport à
Sony, trop tard pour empêcher que le standard
du marché n’appartienne à Sony. De plus, peu
de jeux intéressants (et compatibles au
nouveau système) sont sortis en même temps.
À cause de sa politique trop rigide
envers le marché de l’édition, Nintendo a
perdu plusieurs de ses éditeurs dès l’arrivée
de Sony sur le marché. Les jeux de la N64
L’industrie des jeux video concurrence duopolistique et externalités de réseau
22
sont rares et chers. De plus, Nintendo est
handicapé par le coût élevé de ses cartouches
(80F plus chères que les CD-ROM de Sony)
ce qui renchérit le prix de vente de ses jeux
(389F en moyenne contre 286 F pour Sony).
millions
à
développer,
le
coût
de
développement sur la GBA se situe entre US$
200,000 et US$ 500,000 par jeu (six à huit
mois de travail pour une équipe de cinq ou six
personnes).
Nintendo multiplie ses promotions en
offrant par exemple des jeux à succès lors de
la vente d’une console. Nintendo dont les jeux
étaient traditionnellement destinés aux 8-12
ans, voudrait maintenant toucher les
adolescents et les adultes avec des jeux
comme F-1 World Grand Prix ou 1080º
Snowboarding.
iii) Sega
En mai 1999, Nintendo annonce la
sortie d’une nouvelle console pour la fin de l’an
2000. Cette console représente une rupture
technologique pour Nintendo qui utilise la
technologie DVD - produit par le géant de
l’électronique Matsushita (marque Panasonic)
- ce qui amènera les utilisateurs de la N64 à
reconstituer leur ludothèque, alors que Sony
s’engage à une compatibilité entre ses
consoles. Le lecteur DVD permettra aussi de
visualiser des films sur la console. Quant au
processeur, il est développé par IBM : la
vitesse de l’horloge centrale (400 MHz) sera
supérieure à celle de la Playstation II, tout
comme celle de l’unité graphique (200 MHz
contre 150MHz). Les deux machines seront
l’une et l’autre dotées d’un bus capable de
traiter 3,2 Gbits d’informations par seconde.
Nintendo reste le seul acteur de renom
pour le marché des consoles portables, depuis
le retrait de la Game Gear de Sega. 110
millions d’exemplaires de la Game Boy (GB)
ont été vendus depuis dix ans. On estime que
pour la population des 14 ans et moins, le taux
de pénétration de la GB est de 65% au Japon,
et de 25% en moyenne dans les pays
développés. Nintendo a lancé en Juin 2001 la
Game Boy Advance (GBA). Vendue à 799 F
en France, elle dispose de la couleur et d’un
processeur 32-bits, contre un processeur 8bits pour l’ancienne version. Elle pourra
également servir de manette de jeu pour la
nouvelle Game Cube. Douze jeux sont
présents au lancement, et sans doute une
quarantaine à la fin de l’année 2001, alors que
la Game Boy initiale avait été lancée avec
seulement 4 jeux. Les 1000 titres actuels
disponibles pour la GB seront compatibles
avec la GBA. Les développeurs de jeux
semblent favorables à la GBA, en raison de
coûts de développement inférieurs : en effet,
alors qu’un titre sur PS-II coûte environ US$ 2
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
En 1998, Sega lance de la console 128
bits Dreamcast à la fin de l’année au Japon.
Elle n’a pas les capacités graphiques
attendues et peu de jeux intéressants suivent.
On affirme dès son lancement qu’elle ne
marquera pas un saut technologique suffisant
pour concurrencer les produits de Nintendo ou
de Sony. Au Japon, la Dreamcast est vendue
à 199 $. Sega annonce en avoir vendu un
million d’unités en quatre mois. En Europe, la
Dreamcast sera vendue à 1,490 FF environ ;
Sega propose de la livrer avec un modem qui
permettra l’accès à Internet et les jeux en
réseau. Pour cela, Sega s’est associé à
l’opérateur British Telecom. Depuis la sortie de
la Dreamcast, le cours du titre de Sega a
perdu plus de 25% de sa valeur en bourse.
Sega reste toutefois leader sur le marché des
arcades qui est en croissance de 15%. Sega
exploite des salles de jeux et des parcs
d’attraction sous les enseignes Segaworld,
Sega Gameworks…
Sega s’est désengagé de la production
de console au début de l’ année 2001, pour se
concentrer sur le développement de jeux pour
Microsoft, Nintendo et Sony.
iv) L’entrée programmée de Microsoft
L’arrivée de la Xbox, prévue en
Novembre 2001, profitera à de nombreux
studios de jeux. La console sera vendue à
299 US$, ce qui correspond, selon les
analystes financiers, à une perte de 125 $ par
console vendue par rapport au coût de
fabrication, ce qui pourrait représenter une
perte cumulée de 2 milliards de $ dans les 5
années à venir. Les développeurs de jeux,
pour leur part, doivent payer de $7 à $8 par
jeu vendu au fabricant de console.
La logique de Microsoft est d’occuper le
terrain : les consoles, à terme, sont
susceptibles de télécharger un flux de
programmes de loisirs et de contenus
culturels, comme des jeux, de la musique ou
des films, ce qui pourrait remettre en cause la
place du PC dans les foyers américains,
japonais et européens, et ainsi l’importance du
système d’exploitation classique de Microsoft.
Annexe A - La technologie des consoles
1- La technologie des consoles 8-bits : des architectures matérielles très particulières
Une console de jeu n'est pas un micro-ordinateur. Pour offrir des possibilités graphiques et sonores
équivalentes ou supérieures, tout en conservant un prix compris entre 300 et 1000 F, les
constructeurs ont développé des processeurs spécifiques et mis au point une architecture adaptée.
Les entrées-sorties sont limitées au strict minimum, une ou deux poignées de jeux et quelques
boutons. Les machines ne sont par conséquent pas évolutives. Les processeurs utilisés sont des
versions améliorées des 8-bits utilisés sur les micro-ordinateurs de première génération (1977 à
1982). Il s'agit principalement du Z 80 de Zilog et d'un 6502-like produit par le Japonais Hudson.
Réalisés dans des technologies modernes, ils sont cadencés à 7,8, voire 12 MHz (contre 2 à 4 MHz à
la fin des années 70). La mémoire vive est rarement très importante car elle contient peu de code
exécutable, n'accueillant que quelques variables et éléments graphiques, notamment le dessin des
objets mobiles, appelés sprites. La NES est architecturée autour d'une variante d'architectures
matérielles très particulières. Une console de jeu n'est pas un micro-ordinateur. Pour offrir des
possibilités graphiques et sonores équivalentes ou supérieures, tout en conservant 6502 de Hudson,
elle offre une résolution graphique de 256*240 pixels et affiche 16 couleurs simultanément.
2- La technologie des consoles de jeux 16 bits
Le microprocesseur est le cœur de la machine. Plus il est rapide (sa vitesse se mesure par la cadence
exprimée en MHz) et plus les possibilités sont étendues pour le graphisme, le son... La mémoire
morte est la capacité de la cartouche ; plus elle est élevée, plus les programmeurs ont de place pour
faire un jeu riche, avec de meilleurs graphismes. La mémoire vive gère l'affichage (mémoire vive
Vidéo) et les données du programme. les capacités graphiques sont très importantes pour l'utilisateur.
Le nombre de pixels (points) détermine la finesse du graphisme, ainsi que le nombre de couleurs
affichables et disponibles. les capacités sonores dépendent de deux facteurs : le nombre de voies (et
donc de sons audibles en même temps) et de la qualité du processeur (analogique ou numérique et
son type : cassette ou CD)
Super Nintendo
Megadrive (SEGA)
Néo-Géo (SNK)
MICROPROCESSEUR:
65C816 (16 bits)
68,000 à 7,6 MHz +
Z80 (8 bits) pour
compatibilité Master
System
68,000 à 12 MHz + Z80
à 4 MHz
CAPACITE CARTOUCHES :
1 Mo
3 Mo
Jusqu'à 41 Mo
MEMOIRE VIVE
ND
128 Ko pour le
programme, la vidéo et
le son
1 Mo Vidéo + 64 Ko
programmes + 68 Ko
disque virtuel
320 x 224 pixels en 64
couleurs parmi 512
nuances
640 x 520 pixels en
4096 couleurs
Synthèse classique, 8
voies stéréo (qualité
CD)
13 voies numériques
(qualité CD)
CAPACITES GRAPHIQUES : 512x 448 pixels en 256
couleurs parmi 32,768
nuances, sans conflit
de proximité.
CAPACITES SONORES :
Chip sonore Sony 8
voies stéréo
SORTIE VIDEO :
SORTIE SON :
PRIX EN 1993 :
PRIX D'UN LOGICIEL
Péritel
Péritel
700 FF
300 / 450 FF
Sources: constructeurs
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Péritel
Péritel + casque
700 FF
300 / 450 FF
Péritel
Péritel
2,900 FF
1,000 FF
3- La technologie des consoles de jeux 32 bits / 64 bits
Les processeurs dit "RISC" (Reduced Instruction Set Computer) sont issus d'une technologie récente
en matière de processeurs. Ils peuvent effectuer beaucoup plus vite qu'une puce classique un nombre
réduit d'instructions spécifiquement sélectionnées - comme l'animation de polygones dans l'industrie
des jeux vidéo. Leur programmation est en revanche plus complexe.
Le CD buffer est une plage mémoire qui stocke des informations en provenance du CD-ROM. Les
normes que Sony et Philips ont fixées ne permettent pas toujours un temps d'accès à l'information
suffisamment rapide pour le jeu. Afin de limiter ce désagrément, une plage de mémoire vive (accès
instantané) est prévue pour alimenter le jeu pendant les séquences les plus rapides.
L'animation de polygones donne l'illusion de graphismes en 3D. C'est pourquoi les capacités
graphiques des machines récentes se mesurent à leurs capacités d'animation de polygones.
Les procédés de shading et de mapping : le Flat Shading consiste à donner une teinte unie pour
chaque face du polygone, la plus claire étant la face éclairée, la plus foncée celle à l'abri de la lumière.
Le Mapping consiste à plaquer sur les faces d'un polygone une texture que l'on a digitalisée (bois,
marbre...) à l'aide d'une caméra. Les images obtenues ont un aspect très réaliste.
3DO (Matsushita)
Amiga CD 32
Jaguar (Atari)
MICROPROCESSEUR:
ARM60 (RISC 32 bits)
+ DSP (son 16 bit) +
deux accélérateurs
graphiques
68020 (32 bits) à 14
MHz
GPU (RISC 64 bits) +
DSP (RISC 32 bits) +
Motorola 68000 (16
bits)
SUPPORT:
CD-ROM
CD-ROM
CD + Cartouches
MEMOIRE VIVE
ND
2 Mo en tout
2 Mo
De 320x200 à 800x600
en 246 couleurs parmi
16.777.216
768x576 pixels en 16
millions de couleurs
sans conflit de
proximité. 3D
12 voies avec
échantillonnage 16 bits
CAPACITES GRAPHIQUES : 640x480 pixels en 16
millions de couleurs,
sans conflit de
proximité
CAPACITES SONORES :
Échantillonnage 16 bits. Son stéréo CD 4 voies
Le DSP autorise le
traitement du son en
temps réel.
SORTIE VIDEO :
SORTIE SON :
PRIX EN 1993 :
NSTC (format japonais) Péritel
Télé ou Hi-Fi
Chaîne Hi-Fi (format
2,500 FF
japonais)
7,000 FF en import
Sources : constructeurs
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Péritel
Péritel
1,890 FF
Dreamcast
(Sega)
Saturn (Sega)
Playstation
(Sony)
N64 (Nintendo)
Deux SH2
Hitachi 32 bits
RISC
R 300A 32 bits
RISC à 33 Mhz
MIPS
64-bit 68020 (32 bits) à
RISC CPU à 14 MHz
93.75 MHz
SUPPORT :
CD ROM : 600
Mo et cartouche
CD ROM : 600
Mo
Cartouches
MEMOIRE VIVE :
2 Mo + 1,5 Mo
vidéo + 512 Ko
son + 512 Ko CD
buffer
36Mbit
1 Mo + 1 Mo
vidéo + 512 Ko
son + 256 Ko CD
buffer
2 Mo en tout
CAPACITES
2,048 couleurs
parmi 16,777,216
en haute
définition.
640x480 pixels
2,048 couleurs
parmi 16,777,216 64-bit graphics
en haute
définition.
De 320x200 à
800x600 en 246
couleurs
parmi
16.777.216
MICROPROCESSEUR:
GRAPHIQUES :
CD-ROM
Son stéréo CD 4
voies
ANIMATION DE
POLYGONES :
1,500,000
900,000
polygones/secon polygones/s (flat)
de (flat).
CAPACITES
SONORES :
32 voies format
PCM,
numériques.
24 voies format
PCM,
numériques
Qualité CD
93.75 MHz
Péritel
PRIX FIN 1994 :
PRIX EN 1999 :
2,900 FF
399 FF
2,900 FF
790 FF
790 FF
à Péritel
Télé ou Hi-Fi
199$
(USA),
±1490
FF
(prévision pour
l’Europe)
Sources: constructeurs
4- les nouvelles consoles
PS II
Gamecube
X-Box
Prix
$ 299
$ 199
$ 299
Lecteur DVD
Standard
Disponible
Optionnel
Interfaces
DVD / CD
Disque optique,
capacité 1.5 GB
DVD / CD
USB ports
1 IEEE 1394
Protection anti-piraterie
Matsushita
Type III PC card
CPU
Graphiques
295 Mhz avec Toshiba
485 Mhz IBM Gekko
6.2 milliards FLOP /
sec.
13 milliards FLOP / sec.
147.5 Mhz graphics
synthetizer
162 Mhz NEC,
250 « Mhz X-chip »
6-12 millions de
polygones / sec.
125 millions de
polygones / sec.
10 millions de
polygones / sec.
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
733 Mhz Intel Pentium
III
Annexe B - Données de marché
Année
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
Marché du jeu vidéo en
France
( en millions de $)
10
15
30
40
50
80
175
215
250
275
350
425
550
450
400
700
891
Marché du jeu vidéo
aux USA
( en milliard de $)
0,5
1
3
2
0,8
0,32
0,5
1,1
2,3
3,4
4
4,2
5,3
4
3,2
4,1
4,6
Ces chiffres prennent en compte les ventes des trois générations de jeux vidéo. Le rétrécissement du
marché américain jusqu'en 1985 s'explique par l'effondrement des ventes de consoles Atari, Coleco...
C'est à partir de 1985 que Nintendo commercialise sa console NES aux Etats-Unis. Dès 1993, c’est la
fin de la deuxième génération de jeux vidéo et les ventes reprennent dès 1995 avec l’arrivée de
Playstation. Le marché français n'a pas connu des variations aussi amples. Les ventes d'ordinateurs
familiaux (Commodore 64, Amstrad...) ont relayées les ventes des premières consoles au milieu des
années 80, avant de passer la main aux consoles japonaises à la fin de la décennie.
 Bertrand Quélin – Groupe HEC
Annexe C
Répartition de la marge par type de support
Exemple de Electronic Arts en 1996
(Estimation de coûts variables, en US$)
PC
CD-Rom
Sony
CD-Rom
N-64
Cartouche
Sega
Cartouche
Prix de détail recommandé
Prix grossiste
Retour1
49
35
4
49-59
35
4
79
45
5
49
35
5
Revenu net
32
32
40
30
1
0
2
2
1
7
2
2
25
7
2
2
14
5
2
2
26
19
4
8
Coût des marchandises vendues
Royalties aux développeurs de console
Royalties aux développeurs de jeux externes2
Royalties sur licences3
Contribution totale
1
2
3
De 10 à 15% du prix grossiste, les délais de fabrication et de livraison sont supérieurs pour les cartouches
De 4% à 15% du revenu net en fonction de l’utilisation d’équipes externes
De 0% à 15% du revenu net, dépendant du coût de la licence (Ex : NBA, FIFA, Ronaldo, Star Wars, …)
Source : William Blair & Co., L.L.C. estimates
 Bertrand Quélin – Groupe HEC

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