1 – L `HISTOIRE DE L` EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L

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1 – L `HISTOIRE DE L` EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L
IUFM DE BOURGOGNE
Concours de recrutement de professeur des écoles
Comment utiliser l’argile autrement qu’à
des fins utilitaires ?
ROUMIEUX Isabel
Mr Patrick CORGUILLET
ANNEE 2004
N° 03STA00191
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
3
1 – HISTOIRE DE L’EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L’ECOLE
4
1.1.
1.1.1.
1.1.2.
1.1.3.
1.1.4.
1.2.
1.2.1.
1.2.2.
1.2.3.
1.3.
L’enseignement artistique à partir du 18ème siècle
La Révolution
Le second Empire
La Troisième République
Début du 20ème siècle
1968, le point tournant
1971, Culture/Education nationale : l’amorce du dialogue
A partir des années 80
Les instructions officielles de 1995
Le plan pour les arts et la culture à l’école
2 – UTILISATION DE L’ARGILE A TRAVERS LE TEMPS
QUELQUES EXEMPLES
2.1.
2.2.
2.2.1.
2.3.
24
2.4.
2.4.1.
2.5.
2.6.
2.7.
2.8.
2.9.
2.9.1.
2.10.
2.11.
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4
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6
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10
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12
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Caractères généraux de la céramique : quelques définitions
Le paléolithique
Les techniques de l’art du paléolithique
L’art du néolithique
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L’Egypte
La Mésopotamie
L’art grec
L’art précolombien
Les arts sans trace
L’art aborigène
L’Europe occidentale : céramique populaire
La faïence
D’autres utilisations de l’argile
Quelques artistes contemporains
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31
31
32
32
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3 – MISE EN ŒUVRE PEDAGOGIQUE
3.1.
3.2.
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Premier stage en responsabilité
Deuxième stage en responsabilité
36
Conclusion
46
Bibliographie
47
2
Annexes
48
Introduction
L’année dernière, j’ai eu la responsabilité d’une classe de 29 élèves en maternelle.
Tout au long de l’année, je leur ai proposé des séances d’arts plastiques, enfin ce que
je croyais être de l’art plastique, mais qui était en fait plus du travail manuel.
Consciente du manque de connaissances que j’ai de cette matière, j’ai souhaité mettre
à profit ce temps de recherche qui nous est donné, afin de pouvoir appréhender par la
suite, de façon plus efficace l’enseignement des arts plastiques.
Connaissant bien le matériau qu’est l’argile, puisque j’ai pendant quelques années
travaillé chez un artisan potier, et travaillé comme animatrice, responsable de l’atelier
poterie dans un centre de vacances, j’ai voulu que ce matériau soit la « pierre
d’achoppement » autour duquel s’articule mon mémoire.
J’ai pu observer à diverses occasions le plaisir sincère qu’ont les jeunes enfants à
« tripatouiller » de la terre, les jeunes enfants, mais les moins jeunes également !
J’ai donc orienté mon travail sur ces trois axes suivants : les premier, faire un bref
rappel historique de l’évolution de l’enseignement des arts plastiques, le second sur
l’utilisation de l’argile faite par les hommes, avec l’intention d’être une source
d’inspiration pour des orientations pédagogiques, et pour terminer la mise en œuvre
pédagogique.
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1 – L ’HISTOIRE DE L’ EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES À L’ ECOLE
1.1
– L’enseignement artistique à partir du XVIIIème siècle
Rousseau dans son Emile (cf .Emile ou de l’Education,Gallimard Folio essai) fut le premier à
sentir toute l’importance du rôle que pouvait jouer le dessin dans l’éducation. Pour
lui, son action sur le développement de la personnalité de l’enfant était bénéfique tant
sur le plan pratique que sur le plan physique. Rousseau réagissait ainsi contre une
conception de l’enseignement privilégiant uniquement le développement intellectuel
et psychologique qui, par l’intermédiaire des humanités classiques, exerçait depuis le
XVII ème siècle une dictature rhétorique sur l’ensemble des savoirs et sur le mode de
la connaissance ; seuls le verbe et l’écriture apparaissaient dignes d’exprimer à la
perfection les subtilités de nos perceptions de la réalité et de nos visions de
l’imaginaire.
La domination des conceptions objectives, rationnelles et abstraites véhiculées par la
pensée classique perdure au XIX ème siècle sous la forme académique et
universitaire : elle explique en partie la cécité subjective des « intellectuels » à l’égard
du monde physique et de la réalité visible. L’enseignement artistique doit au contraire
remédier à ce qui apparaît de plus en plus à d’autres, qui reprennent la vision de
Rousseau, comme lacune, voire même comme une infirmité de l’esprit.
1.1.1
– La Révolution
A côté des Ecoles centrales, on institue en 1795 les écoles spéciales artistiques de
peinture, de sculpture et d’architecture.
Quatremère de Quincy, ( 1755 – 1849 homme politique et archéologue français auteur
de : « Considérations sur les arts du dessin en France », Paris 1791) exhorte
le
nouveau régime à détruire le privilège mystérieux qui faisait des arts « l’apanage des
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grands, et des riches ». Ce souci de démocratisation des arts sera favorable non
seulement à leur production mais aussi à la prospérité nationale.
L’accès du peuple à l’art est donc tenu pour un puissant facteur de cohésion
idéologique. Il était important qu’une formation adéquate éduque le goût, éveille et
développe le sentiment artistique en même temps que des savoir-faire nécessaires à
certains métiers.
Le poids des traditions conduira a attribuer ce rôle à la pratique du dessin qui aura
une double finalité : utilitaire et culturelle.
Le gouvernement doit travailler à l’éveil et à la culture du sentiment artistique. Les
Beaux - Arts sont un des plus puissants moyens d’attacher le peuple à la chose
publique.
Si l’enseignement des arts est utile pour tous par la puissance de ses vertus à la fois
dans le domaine moral et dans celui du prestige national, il l’est tout particulièrement
pour les classes déshéritées. La connaissance des œuvres d’arts est donc chez le
peuple un facteur d’embellissement national ; individuel et social, mais aussi
d’accroissement de la productivité et des forces économiques nationales.
1.1.2
– Le Second Empire
Une nouvelle conception se fait jour à l’occasion de la 1ère Exposition Universelle à
Londres en 1851 avec la mise en valeur systématique des produits des arts et métiers :
les savoir-faire techniques s’en trouvent grandement valorisés et entrent ainsi dans le
champ des préoccupations des responsables
Le Comte Léon de Laborde (1807 – 1869 homme politique « Travaux de la
Commission française sur l’Industrie des Nations ») évoquait dès 1851 à l’occasion de
l’Exposition Universelle où il représente la France, l’immense bénéfice que vaudrait à
l’industrie française un enseignement obligatoire du dessin dans les écoles primaires.
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(Rappelons que le terme même de « dessin » est ambigu ; il dérive de la même
racine que « dessein » et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, il se confond avec
lui, les deux orthographes étant utilisées indifféremment.
Pour les académiciens, dessiner c’est d’abord marquer une intention, traduire un
projet, autrement dit, signifier un « ordre » ; ordre que l’esprit impose à la
fugacité des formes.
Progressivement,
c’est
la
notion
de
« dessin »
comme
technique
de
représentation qui va s’imposer, dans la langue comme dans les pratiques.
L’enseignement va se scléroser en un « académisme » qui se traduit par une
stricte imitation de la statuaire antique et par une représentation codifiée du
modèle vivant : les poses sont convenues et les proportions sont déduites d’un
« canon ». Le poids de la tradition académique et des formations artisanales (les
corporations se maintiennent jusqu’au XIXème siècle) font qu’est mis en œuvre
un apprentissage traditionnel du Dessin dans sa forme la plus instrumentale).
Il entrevoyait clairement le sens de l’évolution sociale et les nouveaux rapports de
production. Le dessin dans cette perspective, devenait
« planche de salut de
l’ouvrier ». L’enseignement des arts du dessin s’inscrit dans un programme complet
de réorganisation pédagogique du système de l’enseignement public, destiné à
constituer une jeunesse nouvelle.
La réorganisation du dessin en France dans les établissements primaires et
secondaires sera établie par une commission de ce Conseil Supérieur des Beaux-arts
en 1876.
L’enseignement du dessin et des arts obligatoires dans tous les cycles d’études y est
présenté comme une nécessité socio-économique fondamentale.
Le dessin est la base de toutes les industries : tout homme doit donc apprendre le
dessin, au même titre que l’écriture.
1.1.3
– La Troisième République
6
En 1871 se met en place la IIIème
République française et avec elle apparaît
l’enseignement gratuit, laïc et obligatoire (1881 – 1882). Cependant, il existe une
divergence fondamentale et deux courants s’opposent quant à l’enseignement des
arts.
Pour le premier, l’Art est par essence chose aristocratique, le fait d’une élite,
« Vulgariser, démocratiser l’art ! Tentative absurde et coupable ! L’art et le peuple,
deux contraires : l’un c’est le luxe, c’est l’inutile, l’autre c’est le labeur, l’âpre poursuite
de l’intérêt matériel ».
En revanche, l’autre courant pense qu’il s’agit d’un blasphème de dire que « l’art est
une chose aristocratique. Il est chose humaine entre toutes, comme la religion,
comme toutes les formes de l’idéal. Le goût, le sens de la beauté, est l’un des
caractères constitutifs de l’homme, au même titre que le sens moral ou que le
sentiment religieux.
Pour E. Pécaud et C. Baude, auteurs du premier manuel sur l’art (destiné aux enfants
de l’école primaire en 1887) « Une démocratie ne peut sans se démentir faire deux
ordres d’éducation et par conséquent deux classes, deux cités. Elle est tenue d’ouvrir à
tous les citoyens, au peuple comme aux riches, toutes les avenues de la Vérité et de la
Beauté ».
C’est dans cette perspective que sera fondée en 1907 la Société Nationale de l’Art à
l’école, sous le haut patronage du Président de la République, Armand Fallières (1841
– 1931).
Son comité de direction comprend des hommes politiques et des fonctionnaires
artistes de l’Ecole d’Art pour préparer, par delà l’enseignement des arts et du dessin
donné à l’école primaire, « un avenir plus heureux en plaçant les générations
nouvelles dans un milieu propre à influencer salutairement sur l’hygiène, l’esprit et le
goût de l’enfance.
Les fondateurs de la IIIème République ont dû batailler ferme pour finalement
imposer comme obligatoire cet enseignement parmi les disciplines nobles. Il faudra
l’abolition des corporations et de leur système d’apprentissage pour contraindre les
pouvoirs publics à créer des écoles techniques et professionnelles où le dessin sera
l’écriture de l’industrie.
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Dès la naissance de cette école républicaine, l’éducation artistique est au programme
sous la forme du dessin d’art et du chant. En 1879, dans le cadre de la grande réforme
de l’enseignement entrepris par Jules Ferry (1832 – 1893 Ministre de l’Instruction
publique de 1879 à 1883) un large débat oppose Félix Ravaisson (Philosophe et
peintre amateur) à Eugène Guillaume (1822-1905, sculpteur, directeur honoraire de
l’Ecole des Beaux Arts) à l’occasion d’une commission chargée d’établir un
programme, une méthode et un choix de modèles pour l’enseignement du Dessin à
tous les niveaux.
Guillaume est connu pour ses positions en faveur d’une méthode « géométrique » :
« Nous devons dire avant tout que le dessin doit être considéré au début bien plutôt
comme un mode de représentation positive que comme un moyen d’exprimer des
sentiments. Il faut le considérer surtout sous le rapport de la correction et de
l’exactitude, l’envisager par son côté utile qui consiste d’abord à bien copier ».
Si la formation du goût reste une préoccupation, elle doit être soumise aux règles de
la géométrie. Il fait de la géométrie un passage obligé : tracé et division de lignes
droites, évaluation et reproduction des angles, tracé des circonférences, polygones
réguliers, rosaces étoilées, etc… Pour lui ce n’est qu’à partir de ces figures simples,
exactement exécutées, qu’il devient possible d’aborder le dessin d’ornement
(feuillages, animaux), puis la figure humaine. Le recours à l’analyse est permanent.
En revanche pour Ravisson, la géométrie n’est tout au plus qu’un moyen de corriger
l’œil. Pour lui, l’important est de saisir « l’expression du caractère ou de l’esprit des
formes ». L’esquisse d’une figure humaine n’est pas la recherche d’une structure
cachée et préexistante, matérialisée par un ensemble de tracés géométriques, mais
l’indication de ce qui anime la figure, par « faire tout d’abord sentir la nature de ces
courbes sinueuses ou serpentines ».
Le débat Ravisson/Guillaume ne fait donc que reconduire, sous une forme actualisée,
les discussions qui agitaient les académiciens depuis le XIIème siècle. Ce sont deux
conceptions de la place de l’homme dans le monde qui s’oppose à travers la façon
dont on va éduquer l’œil et donc conditionner la qualité du regard porté sur les
choses.
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Pour l’une, le monde est déjà un tout constitué en dehors de l’homme, il n’est pas
libre de conduire sa vie ; il est le jouet d’une logique qui le dépasse et qui conditionne
toutes ses actions ;
Pour l’autre, c’est le monde qui doit être pensé à partir de l’homme et mis à son
service ; la liberté se construit et la vérité n’a de sens que par rapport à celui qui
l’affirme comme telle.
Cette seconde conception sera l’une des sources d’inspiration des réformateurs du
siècle suivant.
Cependant,
l’un
et
l’autre
sont
d’accord
sur
les
finalités
culturelles
et
préprofessionnelles à donner au Dessin : ils souhaitent développer le goût en prenant
pour modèle les chefs d’œuvres incontestés du passé, et du même coup, servir les
intérêts de l’industrie. Par contre, leur approche diamétralement opposée du dessin
les divise résolument sur le plan de la méthode pour y parvenir.
L’enseignement artistique poursuit donc des finalités utilitaires et économiques. On
cherche à former le goût du peuple pour garder la prépondérance sur le marché des
produits de luxe : on forme des ouvriers aptes à copier et une classe différente des
élites apte à la consommer.
A cette époque on cherche donc à introduire la culture à l’école, à élever le peuple tout
en préservant un clivage social.
1.1.4
– Début du XXème siècle
Petit à petit, l’enseignement artistique va s’installer à l’école primaire. En 1902 le
dessin géométrique est confié aux professeurs de mathématiques et disparaît
complètement des horaires consacrés à la leçon de Dessin. En 1909 une réforme du
dessin le détache de son aspect académique et introduit la liberté d’expression et
l’imaginaire, elle élargit le champ des activités et des techniques proposées aux
élèves : dessin ou croquis de mémoire, dessin fait hors de la classe. La présence du
travail en couleur est affirmée et le modelage est introduit : « le crayon de couleur, le
pastel, l’aquarelle, ne seront plus des fruits défendus. La méthode Guillaume est
longuement critiquée.
Des idées nouvelles sur l’éducation se sont développées qui ont transformé les
mentalités : « on doit aux médecins éducateur tels que Itard (1775-1838), Seguin
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(1812-1880), et, plus près de nous Maria Montessori (1870-1952) et Decroly (18711932) d’avoir, en mettant au point une pédagogie pour enfants déficients, préparé
l’épanouissement, au début du XXème siècle, des principaux mouvements
d’éducation nouvelle.
Mais ce n’est que dans les années 20 que le dessin enfantin est reconnu comme une
activité à part entière qui s’intègre dans le processus d’apprentissage. La création
libérée est alors placée au premier plan des activités artistiques et la copie
académique n’occupe plus cette place prépondérante.
L’enfant a besoin de
s’exprimer, on lui en laisse l’opportunité.
C’est sous la Cinquième République que la démocratisation culturelle deviendra un
objectif du gouvernement, André Malraux (1901-1976, écrivain, aventurier et
homme politique, ministre de l’intérieur puis de la culture sous la présidence du
Général de Gaulle) retire à l’Education Nationale des domaines tels que les arts, les
lettres, l’architecture afin de créer un nouveau ministère centré sur la culture et il
devient alors ministre d’Etat chargé des affaires culturelles. Il décide de rendre les
œuvres capitales de l’humanité accessibles à tous (création de maisons de la culture
en 1961) et ce droit à la culture, enjeu politique et social, sera vite intégré dans les
missions de l’école.
1.2
– 1968 le point tournant
En 1968 a lieu à Amiens un colloque autour du thème « Pour une école nouvelle » ;
dès le premier jour, son président affirme que face aux évolutions sociales et
techniques, « l’éducation ne peut désormais se résumer à une simple transmission
des connaissances ; il faut mener l’élève, le futur citoyen, à l’autonomie, en renonçant
à « une conception exclusivement intellectualiste et encyclopédique de la culture ».
L’éducation artistique est au cœur du débat, une réflexion est portée sur la différence
qu’il y a entre « l’enseignement artistique », discipline ayant ses exigences propres, et
« l’éducation artistique » intimement intégrée à la formation générale.
L’enseignement artistique servant la formation culturelle de l’individu est au cœur de
la nouvelle polémique. On raye l’idée que l’utilité d’une discipline repose seulement
sur sa rentabilité économique. La distinction entre les matières nobles ou utiles et les
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arts d’agrément, « notion fausse relevant d’une conception bourgeoise périmée », est
récusée, tout comme la hiérarchie traditionnelle des enseignements.
L’éducation artistique est appelée à jouer un rôle clé dans ce renouvellement
pédagogique. On ne cherche toujours pas à susciter des vocations artistiques mais on
veut laisser une place plus importante à la créativité naturelle des enfants, les ouvrir
sur le monde extérieur. C’est donc à cette époque que l’art semble prendre une vraie
place dans l’éducation, mais ces concepts développés lors du colloque d’Amiens
resteront utopiques et ne seront pas immédiatement mis en place.
Mais qu’est ce que la créativité ?
Définition : aptitude de celui qui est créatif, faculté à développer face à une situation
nouvelle, une réponse originale et adaptée.
Terminologie : être créatif c’est :
● Se ménager le temps de diverger, de rêver, de s’éloigner des données
contraignantes du problème à résoudre pour y parvenir ensuite enrichi
● Considérer que chaque problème admet un grand nombre de solutions et que
la moisson du plus grand nombre de solution possible accroît la probabilité
d’apparition de la solution la mieux adaptée
● Accepter de ne pas rejeter a priori une idée même si elle paraît totalement
inadaptée au problème posé
● Aller voir plus loin si la solution ne s’y trouve pas
Créativité à l’école
En pédagogie aujourd’hui, l’expression spontanée par l’enfant de ses pensées,
de ses sensations ou sentiments est considérée comme un besoin, une nécessité.
Cependant, cette spontanéité devient créativité lorsqu’elle répond à un projet
par la recherche des moyens d’expression les plus pertinents, lorsqu’elle s’appuie sur
une attitude réfléchie et volontaire. Celle-ci permet d’utiliser de façon délibérée la
multitude des moyens, des techniques, des codes, et des concepts caractérisant le
moyen d’expression choisi.
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La créativité permet alors d’apporter une réponse personnelle et originale à
une proposition, une incitation, une question plastique.
1.2.1
– 1971 Culture/Education nationale : l’amorce du dialogue
Dans les années 70, l’implication du ministère de la Culture dans celui de l’Education
Nationale ne cesse de s’accroître. L’idée mère qui existe depuis la IIIème République,
l’égalité d’accès à la culture, fait naître des actions culturelles en milieu scolaire.
En 1971 sont crées les FIC (Fonds d’Intervention Culturelle) qui introduisent à l’école
des expositions itinérantes, des initiations à la musique et au théâtre… Jusqu’à sa
disparition en 1985 le FIC permet d’expérimenter la plupart des actions culturelles en
milieu scolaire qui se sont développées dans les années 80.
En 1975 est mise en place la Loi Haby (René Haby, ministre de l’Education Nationale
de 1974 à 1978 sous la présidence de Valéry Giscar-d’Estaing), celle-ci insiste sur la
place qui doit être faite à la sensibilité artistique et à la créativité dans la formation
primaire et secondaire, ainsi que sur le nécessaire équilibre entre les disciplines
intellectuelles, artistiques, manuelles, physiques et sportives afin de garantir
l’épanouissement de l’enfant.
La collaboration entre les ministères de la Culture et de l’Education nationale se
développe autour d’une priorité : assurer à tous l’égalité des chances devant la
culture, à travers l’action culturelle en milieu scolaire.
La recherche d’une démocratisation culturelle est donc concrétisée dans les actions
du FIC. Celle-ci se renforce avec la création de la Mission d’action culturelle en
milieu scolaire en 1977 au sein de l’Education nationale. Cette mission met en place
des projets d’activités éducatives et culturelles (PACTE) qui complètent les contenus
de l’enseignement. Des nouvelles méthodes pédagogiques sont alors expérimentées
« non pas pour enseigner autre chose mais pour enseigner autrement ». Le but de ces
actions culturelles qui se succèdent est de mener de plus en plus l’enfant à la création
et de le rendre acteur de son savoir.
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1.2.2
–A partir des années 80
La politique de démocratisation des enseignements artistiques s’accélère de façon
spectaculaire au cours des années 80 sous l’impulsion de Jack Lang, (Ministre de la
culture de 81 à 86, puis Ministre de la culture et de la communication de 88 à 92) qui
en fait l’une de ses priorités.
En 1981 le PACTE laisse place aux PAE (Projets d’action éducative) qui élargissent
leurs objectifs et accroissent leurs moyens. Ces actions sont nombreuses et plus
faciles à mettre en place car elles ne nécessitent pas d’interventions extérieures et
sont flexibles dans leur durée et leur envergure.
L’action culturelle à l’école se diversifie, on met en place des classes en patrimoines,
des classes d’initiation artistique, des ateliers de pratiques artistiques et l’on aborde
toujours la musique, les arts plastiques mais aussi le théâtre, cinéma, audiovisuel,
patrimoine, architecture, photographie… On ouvre l’enfant à une multitude
d’expériences culturelles.
L’accent est mis sur la création. Désormais, la nécessité d’une confrontation
directe avec l’œuvre et avec les artistes n’est pas à remettre en cause. La nature même
de l’éducation artistique l’exige, dès lors que celle-ci ne se réduit pas à l’apprentissage
de techniques ou à la transmission de connaissances.
Afin de jeter les bases d’une éducation artistique diversifiée dans ses disciplines,
élargie dans ses techniques, largement ouverte à une collaboration entre les secteurs
éducatifs et culturel, un protocole d’accord entre le ministère de l’Education nationale
et le ministère de la culture est signé en 1983. Il marque le début d’une prise en
compte concrète et active de l’ensemble des disciplines artistiques à l’école afin
d’entamer une action commune plus efficace.
Le thème de l’éducation artistique lancé par le colloque d’Amiens (en 68) semble faire
l’objet d’un consensus, par delà des clivages politiques.
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L’article premier de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 insiste sur le
fait que les enseignements artistiques « concourent directement à la formation de
tous les élèves ».
Les années 90 renforceront le désir de démocratisation culturelle, celle-ci s’appuyant
sur le développement de la culture à l’école primaire. Le ministère de l’Education
nationale réaménage donc les rythmes scolaires afin de laisser une plus grande place
à la culture.
1.2.3 – Les instructions officielles de 1995
En 1995, sous le ministère de François Bayrou (ministre de l’éducation nationale de
93 à 97) de nouvelles mesures officielles remplacent celles de 1985.
La cohésion culturelle ne peut être assurée que par une formation scolaire. C’est
pourquoi ces nouveaux programmes, « cadre de référence nécessaire à l’action de
chaque enseignant » donnent des instructions pour le passage de la culture à l’école
primaire. Les instructions officielles de 1995 en matière d’arts plastiques sont
largement inspirées du complément aux programmes et instructions de 1985.
Le point majeur autour duquel s’articule ce complément est « l’éducation du regard
comme préalable aux activités » : il s’agit de transformer la vision naturelle en un
regard esthétique. On apprend à l’élève à avoir un regard esthétique (esthétique au
sens étymologique du terme : explorer le monde à l’aide de tous ses sens avec
émotion, intelligence et sensibilité cf. Avant propos de l’Education artistique à
l’école, CNDP) sur toute chose, mais le maître ne laisse pas croire à l’élève qu’à ses
yeux tout se vaut.
Dans ce cadre là, les enseignants sont amenés à concevoir des ateliers d’éveil sensoriel
où chaque enfant découvrira le pouvoir de ses sens sur le monde.
La terre deviendra un matériau plus privilégié à cette expérimentation surtout au
cycle 1 et au cycle 2.
C’est de l’éducation que naîtra l’idée que l’enfant doit « manipuler » « sentir »
« imaginer » « créer ». C’est aussi dans ce complément qu’apparaît l’idée de la
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création d’un musée personnel : « collecter et collectionner des matériaux de toute
nature (objets, images, textes, diapositives…) avec ou sans intention d’utilisation
directe ou immédiate ».
Ces textes insistent sur l’importance de ne pas rendre ces activités stériles, sans liens
d’une séance à l’autre. Ils soulignent donc l’intérêt d’une continuité dans
l’apprentissage plastique et l’importance de la formulation d’un but aux activités
d’une année.
L’école maternelle, cycle des apprentissages premiers, est un « lieu d’expériences et
d’apprentissages essentiels qui permettent aux enfants de devenir grands (…). Tout
est organisé pour que l’enfant agisse et participe.
La pratique des arts plastiques se résume à trois verbes : « imaginer, sentir, créer ».
« L’enfant développe sa sensibilité, son imagination et sa capacité de créer, ses
facultés d’attention et de concentration, son esprit critique et son aptitude à exprimer
ses goûts et ses choix ».
Ce sont donc les bases de l’enseignement culturel et
artistique en maternelle : l’expérimentation.
Il nous faut montrer aux enfants, leur faire entendre, leur faire faire, leur faire
ressentir, leur faire échanger.
Au cycle 2, l’élève opère un élargissement de ses moyens, de ses combinaisons,
improvisations, expérimentations, documentations, créations. Pour ce qui est de la
pratique, on multiplie les expériences et en théorie l’enfant commence à approcher les
œuvres, les artistes aussi bien à travers des reproductions qu’à travers des visites de
musées ou de galerie d’art. Sa connaissance culturelle s’amorce et son expression
artistique est mise en valeur (expositions, explications…).
Durant le cycle 3, les disciplines scolaires sont approfondies et les enfants vont
affirmer leurs affinités avec telle ou telle discipline. C’est pourquoi la pratique et les
connaissances sont élargies.
A la fin de la scolarité dans le primaire, l’enfant a donc mis au point un musée
personnel complet et des connaissances culturelles diverses : œuvres d’art, artistes,
démarches.
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Les arts plastiques en primaire sont donc des suites d’expérimentations, afin que
l’enfant fonde sa propre démarche artistique. Ils sont aussi une ouverture à la culture
en montrant aux enfants œuvres et démarches artistiques.
En 1997, les Instructions Officielles sont accompagnées d’un document sur la notion
de progression, le rôle de l’enseignant, la justification des exemples donnés et sur le
dispositif pédagogique. Cette note d’accompagnement souligne la nécessité d’une
continuité des pratiques à l’école primaire en fonction des compétences à obtenir par
cycle.
L’enseignant doit prévoir cette continuité et mettre en place des situations
d’apprentissage adéquat. Le maître devra avoir, lors des séances, une attitude aussi
attentive que distanciée ; il est le moteur de la création et le mentor des savoirs et de
la formulation (le hasard devant être pris en compte).
Le dispositif pédagogique doit être varié, il doit donc enchaîner différents moments
comme la sollicitation des enfants, l’analyse des œuvres, la relation avec des
productions d’artistes… La culture artistique nourrit à tout moment la pratique
plastique.
« La démocratisation culturelle passe par l’éducation artistique des plus jeunes, de
l’école maternelle à l’université ». C’est sur cette conviction qu’ont été établies les
circulaires de juillet 98 signées conjointement par Claude Allègre, ministre de
l’éducation nationale et Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la
communication. Ces circulaires sont destinées à relancer la collaboration des deux
ministères en matière d’éducation artistique et culturelle.
L’action culturelle qui existe à cette époque est donc insuffisante à leurs yeux et n’est
l’affaire que de quelques « pionniers ». Les deux ministres veulent aller plus loin que
ce qui a déjà été fait : les moyens de l’époque sont insuffisants, il faut donc mettre en
place des espaces culturels scolaires appropriés, et encourager les initiatives des
collectivités territoriales en ce qui concerne les actions culturelles (accueil d’artistes
au sein des écoles, sensibilisation au patrimoine).
On veut développer les matières culturelles et donc la formation des maîtres doit elle
aussi être révisée en leur offrant une formation culturelle à l’IUFM, car seuls des
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professeurs formés et donc compétents peuvent ouvrir leur élèves au monde de la
culture.
Cette même année, Claude Allègre, lors d’une conférence de presse le 9 avril, fera le
bilan positif de ce partenariat éducation/culture et il réitérera la conception que la
démocratisation culturelle passe avant tout par l’école et fait des arts plastiques un
enseignement à part entière : « Le développement de l’imagination, de la sensibilité,
du rêve , de la délectation, de la créativité individuelle ou collective font en effet partie
de la vocation de l’école tout autant que l’acquisition des savoirs ».
Avec le changement de ministre de l’éducation en 1999, la vocation culturelle de
l’enseignement n’est pas tombée aux oubliettes, bien au contraire : Jack Lang,
nouveau ministre, a fait de la culture à l’école son cheval de bataille
1.3
- Le plan pour les arts et la culture à l’école
Jack Lang est nommé ministre de l’éducation nationale en 1999 et propose dès le 14
décembre 2000, conjointement avec la ministre de la culture Catherine Tosca le plan
de développement des arts et de la culture à l’école.
Sa philosophe est simple, elle se fonde d’abord sur une volonté de rupture : ne plus
considérer l’art comme le supplément d’âme du système éducatif, la matière à
pratiquer après toutes les autres, la matière sacrifiée (comme c’est trop souvent le
cas) aux savoirs plus « fondamentaux ».
Cette opposition, cette hiérarchisation doivent cesser.
Pour le ministre, il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour organiser la rencontre de
tous les arts. Il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour instaurer de manière précoce le
contact avec les œuvres. Il n’y a pas enfin, d’autre lieu que l’école pour réduire les
inégalités d’accès à l’art et à la culture.
Lors d’une conférence de presse, Jack Lang, diffuse les lignes applicables de son plan
sur cinq ans, celui-ci dégageant des moyens budgétaires et humains, ainsi que les
orientations pour l’éducation culturelle et artistique. (Les classes à projet artistique et
culturel PAC).
Les convictions du ministre sont les suivantes : l’art n’est ni futilité, ni secondaire,
pour lui, l’intelligence sensible est inséparable de l’intelligence rationnelle, (après la
17
deuxième guerre mondiale, aux USA, les dirigeant doivent trouver des solutions
nouvelles aux problèmes nationaux et en particulier augmenter rapidement les
capacités économiques du pays. A cette époque, un chercheur Guilford démontre
qu’il existe deux formes d’intelligence complémentaires : la pensée convergente
et la pensée divergente. Pour lui l’intelligence n’est pas seulement l’aptitude à
trouver LA bonne réponse à une question mettant en jeu des capacités
analytiques et déductives. Elle ne se limite pas à la seule pensée convergente
dont le degré de maîtrise se mesure par le test du QI et qui peut se définir
ainsi :
Pensée convergente : « pensée qui se situe dans le domaine des déductions
logiques : elle est la fonction dominante lorsque les données sont suffisantes
pour déterminer une réponse unique »
Guilford introduit la notion de pensée divergente. Celle-ci repose, pour un sujet
donné, sur les informations dont il dispose et en particulier celles qu’il a
mémorisées. Plus les informations sont riches, variées et nombreuses, plus
l’exercice de la pensée divergente est enrichi. La pensée divergente peu t se
définir ainsi :
Pensée divergente : « Ce serait l’opération la plus caractéristique et la plus
représentative de la créativité car elle permet de réussir des tâches pour
lesquelles les solutions sont multiples »
Aujourd’hui commence à s’établir un consensus sur la nécessité de considérer la
divergence comme le complément indispensable de la convergence pour accomplir
un acte véritablement créatif) l’enfant ne peut connaître un épanouissement
harmonieux et équilibré que si son intelligence rationnelle et son intelligence sensible
sont développées en harmonie et en complémentarité.
Or, l’éveil de la sensibilité est un merveilleux sésame pour les autres formes
d’intelligence. A travers l’art et la culture, les autres disciplines deviennent vivantes,
18
plus riches, plus denses. La pratique artistique développe une pensée mobile et souple
qui permet de faire face de manière inventive à des situations inhabituelles.
L’art est une méthode d’appropriation des savoirs, faisant appel à l’affectif, à
l’intelligence sensible, à l’émotion : il modifie l’écoute, le regard, le rapport à soi et le
rapport aux autres, et donne confiance en soi.
Nous venons de voir, au cours de cette brève rétrospective que l’enseignement
des Arts plastiques n’est pas né d’un simple coup de baguette magique, mais qu’il est
précédé d’une longue histoire durant laquelle les rapports entre l’art et l’Ecole n’ont
cessé de se transformer sous l’influence de multiples facteurs : politiques,
économiques, idéologiques.
Le raisonnement et la logique sont privilégiés, au détriment de la sensibilité et de la
créativité : les disciplines scientifiques sont considérées comme les seules formations
d’excellence. La « rentabilité » des enseignements sur le marché du travail prend le
pas sur le développement équilibré de toutes les dimensions de la personnalité.
L’enseignement du dessin est préconisé mais en tant que savoir-faire technique, qui
sera utile pour les métiers.
Il faut attendre les années 70 pour qu’un réel changement s’opère. L’objectif de
l’éducation artistique devient celui de donner aux élèves une formation équilibrée, en
cultivant des capacités que les enseignements traditionnels ne sont pas toujours à
même de développer : la créativité et l’imagination, la curiosité, l’autonomie, le sens
critique et celui de l’observation, ainsi que l’aptitude à former et à exprimer des
jugements personnels.
Il s’agit donc, non pas de former de nouveaux artistes, mais de donner aux enfants les
moyens d’observer et de comprendre le monde qui les entoure, en affinant leur
perception et leur discernement.
On n’a réellement commencé à prendre en compte l’importance de la dimension
artistique dans l’éducation générale qu’en 1968.
Cependant au terme de ce travail, un point m’interpelle et m’interroge sur la place qui
est à nouveau donnée au dessin : « La pratique régulière du dessin est prioritaire.
Elle entre en relation avec les autres formes d’expression, parfait pour les anticiper
(dessins préparatoires, croquis explicatif, schéma, étude composition, plan de
fabrication, etc…)
19
Est-ce du déjà vu ?
Dans la seconde partie, je retracerai, mais d’une manière qui ne sera en rien
exhaustive, l’utilisation que les hommes ont fait de l’argile à travers le temps. Il ne
s’agit en aucun cas d’un catalogue, mais cette recherche pourra donner des pistes qui
permettront de servir de point d’ancrage pour un travail pédagogique aussi divers que
varié.
2
– UTILISATION DE L’ARGILE A TRAVERS LE TEMPS : Quelques exemples
Depuis les temps les plus reculés, et encore aujourd’hui, des objets les plus grossiers
aux plus raffinés, de l’utilité des ustensiles ménagers à des œuvres d’art sans autre but
que la pure contemplation esthétique, des expressions populaires les plus truculentes
aux architectures secrètes de la forme, en dépit d’une fragilité certaine alliée à
l’indestructibilité, les arts céramiques sont omniprésents tout au long de l’histoire des
hommes, tout au long de leur existence.
Dans la vallée de l’Indus fleurissait, il y a quelque 4500 ans une civilisation
extrêmement évoluée. Parmi les feuilles de Harapa, les archéologues modernes
découvrent des objets d’art d’une frappante beauté. Un jour ils trouvent une toute
petite charrette, avec son conducteur, tirée par deux bœufs. Un bout de ficelle sort de
la tête des deux animaux : lorsqu’on tire sur cette ficelle, la tête de bœuf se balance
d’avant en arrière. C’est un de ces jouets que les petits enfants de l’époque tiraient
derrière eux comme ceux d’aujourd’hui traînent un petit camion ou une auto.
Plusieurs autres jouets sont ainsi découverts. Ils possèdent un point commun : ils
sont tous en argile cuite. De cette même argile dont étaient faites les briques des
maisons des Sumériens et, bien avant eux encore, les récipients dans lesquels les
hommes de l’âge de la pierre polie déposaient des céréales et de l’huile.
L’invention de la poterie fut une étape décisive pour l’évolution de la civilisation. Les
premières poteries apparaissent simultanément vers 7000 ans avant Jésus Christ en
des lieux géographiquement éloignés les uns des autres.
20
Jusqu’à l’invention de la céramique, l’homme n’a créé que des formes. Avec l’art
céramique, il crée un nouveau matériau, qui possède des propriétés étonnantes :
-
La plasticité de l’argile lui permet de créer des formes en nombre infini,
modifiable, et réversibles ; et d’exprimer ses goûts esthétiques, avec pour
seule limite son imagination.
Mais qu’est-ce que l’argile ?
L’argile est une terre onctueuse, malléable, avide d’eau, mais devenant imperméable
lorsqu’elle en est saturée. L’argile durcit en séchant où à la cuisson. Depuis les temps
les plus anciens, elle se prête à la construction et à la poterie.
2.1
– Caractères généraux de la céramique : quelques définitions
La céramique est l’art de façonner l’argile et d’en fixer les formes par la cuisson.
La poterie est, de manière plus limitative, la confection de récipients (vulgairement de
pots) en céramique.
Le terme céramique vient du grec Kéramos = argile, terre à potier, mais ce terme a
probablement une racine indo-européenne plus ancienne : krm = brûler
C’est en effet la cuisson de l’argile qui fait la céramique
Les caractères généraux de la céramique sont les suivants :
- elle est omniprésente à partir du Néolithique
- elle est pratiquement indestructible mais non incassable, elle est au contraire
très fragile et le document archéologique est le plus souvent un fragment ou tesson.
- elle est spécifique dans :
- sa composition
- sa forme
- son décors
21
Ces caractères en font un excellent indicateur archéologique. C’est un fait reconnu de
tous, que pour chaque période des temps antiques, la céramique constitue le meilleur
et le plus sûr des chronomètres (J. DECHELETTE 1904).
2.2
– Le paléolithique
Les informations les plus anciennes nous sont apportées par l’art de la pierre taillée,
le paléolithique, où naissent les premiers instruments façonnés par la volonté et la
main de l’homme.
L’homme imite le tracé que l’ours laissait sur la paroi des cavernes pour y aiguiser ses
ongles, et ce sont des méandres tracés sur une voûte : grotte d’Altamira Espagne).
Bientôt le primitif perfectionne son empreinte ; il imprime en couleurs ou il cerne sa
main tout entière étalée (main cernée de rouge, grotte de Gargas, Hautes Pyrénées).
Cheval tracé au doigt sur argile et percé de trous, grotte de Montespan, Haute
Garonne.
Les hommes du début de l’âge du Renne extrayaient des parois de certaines cavernes
l’enduit argileux qui les couvrait ; leur doigt, en s’enfonçant dans la masse argileuse y
laissaient des traces, des sillons plus ou moins profonds, ailleurs des doigts souillés
d’ocre ou d’argile glissant sur une surface rocheuse claire.
22
Grottes de Lascaux II
Qu’est-ce que l’ocre ?
L’ocre est un pigment minéral composé de :
goethite, un hydroxyde de fer qui lui donne sa couleur
- kaolinite, une argile très pure
- et de quelques résidus de quartz
2.2.1 – Les techniques de l’art du paléolithique
a) la peinture : il s’agit d’une technique artistique par addition. On ajoute un
pigment à un support. Les supports privilégiés sont les parois des grottes.
La palette de couleur est étroitement liée à la capacité des matières
premières à fournir un pigment. Parmi les colorants, citons : l’ocre (jaune),
le charbon de bois (noir), l’argile (rouge).
23
b) la gravure : sans doute s’agit-il de la technique la plus résistance à l’usure
du temps. Les supports sont quant à eux de nature plus variés. Il peut s’agir
de parois de grottes, de plaquettes d’argile (site exceptionnel de plaquettes
ornées à Gönnersdorf en Allemagne) représentant un bestiaire ou
prédominent mammouths et chevaux. Sur quelques rares plaquettes des
caricatures humaines.
c) la sculpture : (suppression ou soustraction) les supports utilisés sont divers
et variés : argile, calcaire, grès, marne et bois d’origine animale. Les objets
représentés sont eux aussi divers. Les plus connus sont sans doute les
statuettes féminines (Vénus) et également les représentations animales.
d) le modelage : (ajouts) les représentations peuvent être aussi bien des Vénus
que des représentations animales. Des plaquettes d’argiles modelées, sans
forme évidente sont fréquemment mises à jour.
Le modelage consiste à faire d’un support malléable une forme animale ou
humaine. Ces supports sont ensuite cuits afin de leur conférer une certaine
résistance.
2.3
– L’art du néolithique
La plus grande découverte du Néolithique fût, sans aucun doute la terre cuite.
La première terre argileuse fut probablement modelée par un enfant comme le
raconte la légende mythologique des Luya du Kenya :
« Aux origines, les hommes ne connaissaient pas la fabrication des pots
d’argiles et utilisaient de simples calebasses qui poussaient à l’état sauvage. Les
enfants avaient remarqué ces belles calebasses que leur mère récoltait dans brousse.
Ils eurent alors l’idée de reproduire ces objets en façonnant dans des petits blocs
d’argile. Les pots qu’ils avaient fabriqués furent mis au feu par hasard et les
enfants, très observateurs, remarquèrent, qu’une fois durcis, ces pots retenaient
l’eau. Quand les mères virent que ces pots étaient plus pratiques, elles les utilisèrent
et en fabriquèrent pour leur usage personnel ».
24
Certains préhistoriens allemands ont voulu faire de la céramique le fossile directeur
qui permettait de suivre les migrations de race, en fait les types de céramique
semblent s’être propagé sur de grandes aires de civilisation, exemple : la céramique
rubanée, d’origine danubienne caractérise les peuples agriculteurs qui au cours du
IIIème millénaire avant Jésus Christ on envahi les terres noires d’Europe centrale.
La céramique plus fine, décorée de lignes incisées à décors de damiers et de losanges
caractérise la France et l’Italie.
La céramique cordée, ornée par impression des cordes sur l’argile fraîche apparaît un
peu plus tard avec le cuivre. (La vannerie est antérieure à la poterie, c’est un fait
acquis. Mais de cette constatation sont nées d’autres thèses sur les origines de la
poterie. « La forme ronde de la poterie fabriquée sans l’usage du tour du potier, avec
la technique du colombin est probablement issue des formes tressées des vanneries
spiralées ».
Certains chercheurs pensent qu’une couche d’argile étalée dans un panier pour le
rendre étanche fut à l’origine du premier essai de céramique.
Sur toutes les premières poteries qu’il avait appris à façonner, l’homme grava un
décor, imitant l’entrelacement de la vannerie et du nattage. Il se servira d’ailleurs
souvent de morceaux de vannerie ou de tissu pour en marquer l’empreinte sur l’argile
fraîche.
L’exécution des premières terres cuites à l’usage essentiellement domestique fut
confiée aux femmes avant de devenir l’œuvre d’artisans spécialisés et si la poterie ne
constitue pas le premier artisanat puisque la vannerie et le tissage la précèdent, elle
fut sans doute la première rencontre de deux fonctions primordiales : l’une matérielle
et utilitaire, l’autre artistique et spirituelle
2.4
– Egypte
25
De nombreuses découvertes de gravures rupestres dans les cavernes des falaises, avec
des représentations d’animaux, bêtes à cornes nous rapprochent des figures pariétales
des âges précédents.
C’est dans la céramique que se marque l’effort artistique. De rares figurines féminines
en argile ont été recueillies dans les tombes, elles n’ont que des amorces de bras et les
jambes réunies finissent en pointe.
Comme la Mésopotamie, l’Egypte de la période prédynastique se servit de l’argile et
de paille de roseau de la vallée du Nil pour construire ses premiers palais en brique,
simplement séchés au soleil. Il était donc naturel que l’utilisation de l’argile comme
matériaux de construction aboutisse très rapidement à la poterie.
Jamais une œuvre n’était signée. Elle devait être parfaite, à la fois belle, utile et solide
pour plaire aux dieux, au pharaon « dieu vivant » et accompagner les morts dans leur
longue course de l’Au-delà.
La poterie utilitaire commune était rarement décorée. On se servait uniquement de la
terre naturelle qui devenait rouge brique ou brun foncé suivant le degré de cuisson.
En dehors de toute poterie rituelle ou funéraire existait une production commune
utilisée et produite dans les villages sans aucun décor, mais aux formes très belles,
d’autres jarres servaient de bibliothèques pour y ranger les papyrus.
Il existait aussi des statuettes en terre cuite d’un usage répandu.
2.4.1 – Mésopotamie
Comme en Egypte, plusieurs sites ont fourni des céramiques de plus en plus évoluées.
C’est le moment de l’invention de l’écriture qui est au début, comme en Egypte la
représentation des objets, l’usage, ainsi que l’obligation d’écrire au stylet sur des
petits pains d’argile, l’a dégradée et a conduit les scribes à décomposer leurs dessins
en une suite de petites lignes qui ont donné l’écriture cunéiforme.
Il existe des poteries de grandes tailles, grossières à forme carénée. Les pièces polies
sont rares, les morts sont inhumés dans des jarres. Petit à petit la céramique devient
plus fine, élégante, façonnée à la tournette, au décor monochrome à éléments
géométriques et sujets isolés : volatiles, poissons et aussi des compositions centrales à
signification religieuse et symbolique.
26
2.5
– L’art grec
Les artistes grecs ont pratiqué maintes techniques. Ils ont su dessiner et peindre selon
des procédés dont certains nous déconcertent.
Au Xème siècle avant Jésus Christ naît une céramique funéraire de style
protogéométrique. Les vases sont destinés à surmonter les tombes dans lesquelles on
y plaçait les offrandes. Le décor est parfaitement ordonné, condensé, les compositions
sont sévères et rigoureuses.
L’évolution de la céramique archaïque révèle une constante recherche dans la
représentation de la figure humaine qui progressivement va devenir le thème exclusif
des peintres céramistes.
Au VIème et Vème siècle avant Jésus Christ nous atteignons les grandes périodes de
la céramique grecque avec une très large variété dans les formes et dans les décors.
Des scènes de la mythologie vont envahir la poterie pendant plus de trois siècles. La
qualité du dessin est remarquable.
27
Avec la peinture en noir, le dessin était plat et les silhouettes toujours statiques, avec
la peinture rouge, il va devenir plus libre, les détails des lignes à l’intérieur même de
la surface du dessin permettront de souligner le mouvement animé du corps humain.
Vers 400 avant Jésus Christ disparaîtront les vases pour les rites funéraires.
Après cet âge d’or de la céramique, vers 450 la qualité commence à baisser. Le peintre
trop habile, impose son décor à la forme du vase, le potier est alors au service du
peintre.
Cette coupure marque rapidement une désharmonie entre la forme et le décor.
Dans la période archaïque le potier et le peintre ne faisaient qu’un mais dans la
période classique de grande production, on aboutira à une spécialisation et à une
coupure entre le potier et le peintre.
(Il me semble important de rappeler que, avant la Renaissance, on ne fait pas la
différence entre l’artiste et l’artisan. L’artiste se forme « sur le tas », au
contact du maître confirmé et dans la confontration aux réalités du métier. Les
apprentis devaient reconduire les pratiques antérieures et reproduire les
schémas existants. L’artiste de l’Antiquité et du Moyen Age devait soumettre sa
pratique et sa production à un ordre supérieur, qu’il soit rituel, religieux ou
politique. Il n’avait quasiment pas de droit à faire valoir sa singularité et il était
impensable de voir des créateurs adopter des positions provocatrices,
marginales, ou subversives à l’égard des structures régnantes.
Peu à peu, dans un contexte économique et politique qui change, la peinture, la
sculpture et l’architecture conquièrent le statut « d’arts libéraux » et se
dégagent progressivement du carcan des corporations, qui ont toujours le
monopole des activités artistiques et des formations correspondantes.
Bien que soumis à la commande et dépendant matériellement de son mécène,
l’artiste de la Renaissance n’en a pas moins une certaine marge de liberté
d’expression et il peut maintenant se permettre de penser par lui-même
Avec la création des académies, dont la première est fondée en 1462 à Florence,
une intense réflexion se développe dans tous les domaines de la pensée.
28
L’artiste participe aux débats qui agitent le cercle des érudits, lui-même,
souvent, est aussi poète, musicien et possède une culture étendue. La
Renaissance voit naître, avec les écoles des académies, un enseignement
artistique qui se démarque de celui des ateliers des artistes et des artisans.
On
oppose
l’esprit/travail
souvent
artiste/artisan ;
du
copie/interprétation ;
corps,
maîtrise
intellectuel/manuel ;
travail
de
dessin/couleur ;
raison/intuition ;
technique/imagination ;
imitation/invention ;
nature/culture ; vrai/vraisemblable).(cf. annexe 3)
Les documents céramiques renferment un trésor de renseignements sur la vie et les
croyances des anciens grecs.
Ils sont aussi de précieux documents d’art, par leur forme et leur matière, par la
finesse et la couleur de l’argile, par l’éclat inaltérable du vernis noir. Mais surtout les
représentations dont la plupart d’entre eux sont couverts ont à nos yeux l’intérêt
inappréciable de nous conserver le reflet des œuvres disparues de la grande peinture,
qui n’a pas cessé d’inspirer les peintres de vases.
29
2.6
– l’art précolombien :
Mexique
Les diverses civilisations préclassiques du Mexique central du XIIème au VIIIème
siècle avant Jésus Christ connaissaient parfaitement la céramique, réalisant des vases
en terre cuite. Les unes réalisèrent des récipients en terre cuite en s’inspirant de la vie
quotidienne de leur peuple (danseurs, acrobates, artisans…) d’autres produisirent une
abondante variété de céramiques peintes, des masques funéraires d’argile aux visages
sereins, ainsi que des poteries zoomorphes et anthropomorphes (jaguar, oiseau,
crapaud…).
D’autres encore fabriquèrent des urnes funéraires assez prodigieuses.
Les Mayas furent aussi de remarquables potiers. Les dessins sont très riches et les
formes élégantes souvent zoomorphes (félins, serpents, oiseaux…).
Des figurines en terre cuite sont modelées avec réalisme et un charme très sensible.
Homme debout (
céramique)
100 av.J.-C 300 apr. J.-C
Danseur costumé (céramique)
vers 300-500
Pérou
30
Au Pérou, à travers les différentes civilisations qui se sont succédées, on découvre une
très grande variété de céramiques : les poteries funéraires furent les plus belles par
leurs formes et leurs décors.
On trouve aussi en céramique des instruments de musique (flûtes, trompettes…) des
pendentifs, des jouets en forme d’oiseaux munis d’un sifflet etc…
Chez beaucoup d’indiens, le vase est un être vivant. Il possède une âme qui s’échappe
dans une plainte quand il est brisé.
Récipient anthropomorphe
Vers 450 – 550
2.7
Jarre à goulot étrier
Vè- VIè siècle
– Les arts sans trace
Les restes de l’art préhistorique ne sont que d’infimes vestiges d’une activité à coup
sûr beaucoup plus diverse. Il y a certainement d’autres formes d’art abolies faute de
support durable.
Ne voit-on pas les Indiens Pueblos exécuter sur le sol, avec du sable coloré, des
compositions parfaites, admirables, les « sands painting », qui ne doivent pas
survivre à la cérémonie qui les a provoquées et qu’on efface avant le lever du soleil ?
2.8
– l’art aborigène
31
L’art aborigène, dont les supports ont longtemps été les rochers, les parois des
grottes, et l’écorce, utilise quatre couleurs : le noir, le blanc, le jaune et le rouge. Le
noir est fabriqué avec du charbon, le blanc avec du kaolin roche argileuse blanche
friable ; le jaune et le rouge, avec de l’ocre qui est mêlée de graisse. Ces matières sont
moulues au moyen d’une pierre. Les artistes créent la plupart des motifs avec leurs
doigts. Les dessins représentent souvent des plantes et des animaux, ou des motifs
abstraits au style géométrique.
2.9
– Europe occidentale : céramique populaire
En tout lieu où se sont trouvés réunis les trois éléments suivants : terre glaise, eau et
bois, ont existé des ateliers de potiers, soit fixes soit itinérants.
Une des terres cuites les plus anciennes du monde a été trouvée dans un foyer
magdalénien de l’Ariège, dans la grotte des Trois frères.
A partir d’un morceau d’argile, tout est possible. C’est pourquoi les poteries
populaires sont d’une variété de formes extraordinaires, mais qui n’ont pas tellement
changé depuis le Moyen Age puisqu’elles répondent aux mêmes besoins utilitaires de
chaque région.
32
2.9.1 – La faïence
La poterie à émaux stannifères est appelée faïence. Ce serait l’Italie, Girolamo Della
Robbia, appelé par François 1er qui aurait introduit en France, vers 1528 la technique
de la faïence. Bernard Palissy (1510) fut le premier faïencier français dont nous
connaissons le nom. Il fut le premier à tenter de sortir des influences étrangères et à
imposer son style personnel.
La faïence de la Renaissance était beaucoup plus destinée à l’apparat qu’à un usage
quotidien. Mais progressivement en dehors des services de table raffinés pour la cour
et la bourgeoisie, la faïence entra dans la vie quotidienne des classes plus modestes.
A la fin du XVIIIème siècle, un type de faïence dite « patriotique et révolutionnaire »
fut vendue en très grande quantité. On les appelait « faïences parlantes », faisant
l’écho de tous les grands événements politiques pendant plus d’un siècle.
Véritables bandes dessinées avec images et légendes.
Un autre style de faïence populaire entre XVI et XVIIème siècle fut l’épi de faîtage qui
servait de couronnement au pignon des demeures seigneuriales.
Sa fonction utilitaire était de protéger le faîte de la toiture des infiltrations d’eau ; son
autre fonction, correspond au signe extérieur de richesse de chaque seigneur.
En dehors de cette faïence populaire, il existait une production plus luxueuse des
grandes manufactures.
33
C’est à la fin du XVIII siècle qu’apparaît la céramique vraiment industrielle, avec les
procédés de décors par impression (décalcomanies). La faïence ne peut pas lutter
contre cette évolution. La petite série de pièces uniques devint de plus en plus rare,
sauf dans les ateliers ruraux.
Les grands peintres de l’époque, comme Odilon Redon, Edouard Vuillard, Kees Van
Dongen, Auguste Renoir etc… décorèrent des faïences dans le célèbre atelier du
céramiste Methey qui avait mis au point la technique de la faïence stannifère avec une
gamme très riche de coloris permettant au peintre une composition très libre (en
1907).
Mais cette faïence de « peintre » comme plus tard en 1942 avec des peintres tels que
Jean Le Doux, Jean Cocteau ne fut pas une réussite.
La plupart se contentaient de reproduire des compositions planes qui n’étaient pas
conçues pour l’espace circulaire d’une assiette et surtout la plupart de ces peintres ne
voulurent pas s’astreindre à apprendre la technique particulière du feu.
Picasso fut sans aucun doute à l’origine d’un nouvel intérêt pour la céramique en
France
Femme à la mantille.
34
2.10
– D’autres utilisations de l’argile
Des éléments donnés en vrac qui peuvent donner des pistes pédagogiques :
L’argile a servi de « brouillon » pour de nombreux sculpteurs (Michel Ange,
Rodin, etc.)
L’argile sert à construire des maisons (Afrique)
L’argile sert pour les décors architecturaux.
L’ocre a servi pour peindre des fresques (cathédrales et autres monuments)
L’ocre est toujours utilisée par certaines tribus pour le maquillage
2.11
– Ce que font les artistes contemporains avec l’argile
A titre d’exemples, j’évoquerai des artistes tels que :
Charles Simonds, Gilberto Zorio (cf. annexes 4)
35
Richard Long, (1945, sculpteur britanique), au CAPC de Bordeaux, réalise une pièce
ronde avec de la boue collectée dans la Garonne, sur place, puis projetée sur le mur.
Ainsi Richard Long recréer dans les musés des évocations de ses « promenades » avec
de l’ardoise, de la pierre, du bois ou de la boue qu’il prélève durant ses parcours.
Ousmane Sow (1935 né à Dakar)
Ses sculptures sont faites à base de fibres végétales, de boues de résine et construites
dans une pâte secrète. Ses personnages et ses animaux modelés plus grands que
nature, sont arrangés en groupes qui racontent chacun une histoire.
Ousmane Sow
Nous verrons donc dans la 3ème partie, à la lumière des recherches effectuées, quels
ont été mes choix en réponse à ma problématique de départ.
3
– MISE EN ŒUVRE PEDAGOGIQUE
3.1. – Premier stage en responsabilité
36
Il s’est déroulé à l’école élémentaire de Tanlay, en cycle 2, dans une classe de 5 GS et
18 CP.
Les mythes de création de l’homme à partir d’une poignée de terre sont de toutes les
latitudes et de toutes les cultures.
Parmi eux, le mythe des deux Guélas m’a servi de point d’ancrage pour mettre en
œuvre mon premier travail avec l’argile.
« En Afrique, il y avait, lorsque la terre et le ciel étaient vides, deux créatures très puissantes : le Guéla d’en bas, qui vivait la nuit et le Guéla d’en haut, maître de
la lumière…(cf annexe 1) ».
Démarche :
J’ai construit les séance d’arts plastiques autour de la découverte de l’Afrique et en
particulier de l’art africain répondant ainsi à la construction d’une compétence
transversale importante : « l’enfant connaît l’existence d’autres civilisations et
d’autres cultures».
Durant les trois semaines, j’ai lu aux élèves plusieurs contes africain : Rafara, Alba,
Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot. Nous avons situé l’Afrique sur la carte et sur le
globe, nous avons parlé de l’habitat.
Après avoir lu collectivement aux élèves l’histoire du Guéla d’en haut et du Guéla d’en
bas, l’objectif était que les enfants oralisent et racontent à leur tour l’histoire pour
qu’ils puissent répondre à ma question :
-
A votre avis, à quoi va servir l’argile que j’ai apportée, que va-t-on pouvoir
en faire ?
Les réponses ont fusé, « Nous allons nous transformer en Guéla et fabriquer des
hommes, des femmes, des animaux… ».
Mais avant de commencer à créer, il a été important de partir à la découverte de la
terre, en recherchant grâce à un contact direct, les toutes premières sensations et
émotions.
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Séance 1 : objectif : expérimentation sur le matériau
● Rentrer en contact avec la matière
Sans chercher à représenter quelque chose, expérimenter tout ce que l’on peut faire
avec la terre : pétrir, tirer, aplatir, rouler en boule, en boudin, enfoncer ses doigts…
● Empreinte
Faire des traces avec des petits objets du quotidien : fourchettes, peignes, clous, stylo,
ciseaux, capsules etc…
● Eléments naturels : feuilles, coquillages, cailloux…
Nous avons fait une composition sur une galette avec les empreintes et les éléments
naturels choisis par les enfants.
Remarques :
L’expérimentation sur la nature du matériau n’a pas fait l’objet de séance particulière,
mais des observations, des explications ont été donné tout au long des différentes
séances.
Exemples :
- tant que l’argile n’a pas été portée à 600° elle peut toujours repasser de l’état
sec et à l’état de pâte ou liquide
-
Quand on ajoute de l’eau dans le seau où l’on récupère l’argile, l’argile
devient « bouillie », barbotine. C’est cette barbotine qui nous sert à coller
les morceaux d’argile entre eux.
Séance 2 : objectif : «réaliser des personnages avec de l’argile »
Consigne :
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Comme le Guéla, vous allez fafriquer des hommes, des personnages. Il faut que ces
personnages tiennent debout (contrainte) et si ce n’est pas le cas, nous reformerons
une boule d’argile pour pouvoir la réutiliser.
Déroulement : présentation du projet
Le but du travail d’arts plastiques pendant ces trois semaines que nous allons passer
ensemble va être de réaliser un village africain. Vous allez créer comme dans le conte
des deux Guélas des hommes, des animaux.
Mais aujourd’hui, la première étape est la création des hommes.
Réactions, commentaires, résultats :
Tout d’abord, il faut que je souligne ce qui à mes yeux a été le plus important, c’est
l’extrême plaisir que les enfants éprouvent au contact de ce médium qu’est l’argile.
Déjà lors de la première séance je l’avais observé, mais ce plaisir ne s’est tari à aucun
moment et tous les élèves sans exception se sont engagés dans une démarche de
création.
Certains élèves n’ont pas répondu à la consigne et ont fabriqué des arbres, des
animaux, me demandant à plusieurs reprises s’ils pouvaient faire des voitures ou tout
autre chose.
Je leur ai proposé d’aller regarder dans les livres que j’avais apportés sur l’art africain
comment étaient représentés les personnages. Engagés fortement dans le projet
initial, ils ont semble t –il eu un manque de confiance en eux dans leur capacité à
réaliser un personnage ressemblant. Le monde des animaux leur semblant plus
proche.
J’ai accepté d’autres propositions, dans la mesure où celles-ci restaient dans le cadre
du conte.
D’autres élèves ont rempli une partie de la consigne en créant des personnages, mais
n’ont pas pu le faire en trois dimensions, utilisant des boudins de terre comme les
lignes d’un dessin.
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Séance 3 : reprise de la consigne pour la création des animaux (toute sorte d’animaux,
même un bestiaire imaginaire)
Certains élèves sont partis directement sur la consigne en assemblant à la barbotine,
boudins, boule de terre de façon à mettre en œuvre leur proposition.
D’autres ont eu besoin de se sécuriser par un allé et retour régulier entre leur
proposition et les documents de référence que j’avais emportés (une affiche du village
de Kirikou extraite de Education Enfantine, un petit livre de modelage qu’un élève
avait amené de chez lui).
Durant ces trois séances, et de façon spontanée, les enfants s’observent en
permanence, échangent leurs idées, reproduisent les idées des autres à l’identique ou
en les transformant.
Les séquences sont toute aussi riches en production verbale qu’en production
artistique (impressions spontanées, description de chacun par rapport à son travail,
justification de la technique employée, explicitation des difficultés rencontrées).
J’ai organisé pour cela des moments de débat (sorte de mise à distance permettant
aux enfants de réfléchir ensemble à comment résoudre une difficulté). Mon
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expérience professionnelle dans le domaine de la terre m’a été très utile pour aider les
enfants à évoluer dans leur pratique. J’ai pris conscience de l’importance pour
l’enseignant d’anticiper sur les réponses enfantines pour être capable d’apporter une
aide efficace.
Séance 4 : architecture de terre
Consigne : imaginer chacun une habitation (à partir de la lecture de documents sur
les villages africains).
Certains élèves sont partis directement de la boule de terre qu’ils ont creusé pour
former une maison style hutte. D’autres ont expérimenté la technique du colombin
vue par un enfant dans un atelier de poterie.
D’autres enfin, ont utilisé la technique des plaques, technique que nous avons
découverte ensemble.
Séance 5 : réinvestissement animaux et maisons
Bilan : j’ai constaté que l’inscription de cet atelier dans le cadre d’un projet a permis
aux élèves un très bon niveau d’implication, chacun était très motivé pour réaliser et
agencer ses pièces individuelles à la construction collective.
Ce projet s’inscrivait également dans le cadre d’une liaison avec l’autre classe de
maternelle, les réalisations étant exposées conjointement dans l’entrée de l’école.
La préparation matérielle des séances, tant dans la collecte des documents, que dans
la classe (recherche de planches, de tasseaux, de manches à balai coupés, temps de
nettoyage) est à prendre en compte dans l’organisation de la journée (ne pas mettre
une séance semblable en plein milieu de l’après-midi entre deux autres séances).
D’autre part, il a été très frustrant tant pour les élèves que pour moi même de ne
pouvoir totalement finaliser le projet parce que je n’ai trouvé aucun four pour cuire
les réalisations des enfants.
Ce type de projet pourrait parfaitement faire l’objet d’un PAC, l’artiste enrichissant
par son regard et son expérience les séquences préparées par l’enseignant, il aurait pu
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alors engager les enfants vers une découverte de l’émaillage et procéder à une
cuisson.
J’avais pensé par ailleurs pouvoir fabriquer un four éphémère à sciure et réaliser la
cuisson nécessaire, mais le temps à manqué à la mise en œuvre de cette phase.
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3.2.- Deuxième stage en responsabilité
Lors de mon second stage en responsabilité, j’ai souhaité expérimenter un autre
travail avec la terre, cette fois en poudre : la découverte des ocres. Ce stage s’est
effectué à Migennes en CM1 avec une classe de 13 élèves.
Les élèves de cette classe avaient une pratique des arts plastiques très limitée, aucune
production affichée aux murs de la classe, seuls dans le couloir, quatre dessins en noir
et blanc, trace d’une séquence graphique
Si bien qu’ils ont accueilli le projet avec grand enthousiasme.
L’objectif de cette séquence était de réaliser un masque africain, mais en référence à
un ensemble photographique extrait du livre : les Numba de Kau de Leni Riefenstahl.
(cf annexe 2)
Séance 1 : lecture d’images
J’ai affiché au tableau, les douze images des différents types de maquillage. Les
enfants ont observé pendant quelques instants les photographies en silence, puis
chacun est intervenu pour exprimer ses remarques, en réponse à mes questions ;
Les questions portent sur :
◊ Le repérage des couleurs
◊ Le repérage des formes
◊ La description des personnages
◊ Les impressions dégagées par le maquillage
Les élèves mettent par ailleurs ce travail en relation avec les séances de symétrie
réalisées en mathématiques.
Pour finir la séance, les élèves ont fiat un tri au tableau, en regroupant les photos
suivant des critères définis par eux.
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Remarque :
Pendant la phase d’échanges oraux que les enfants ont fait dans la classe, je n’ai pas
pensé à garder des traces de ces oralisations, ils auraient pu m’être utiles pour la
suite.
Séance 2 : réaliser le fond en découvrant la technique de l’ocre sur un support
cartonné.
Consigne : tracer un ovale sur le carton puis effectuer un mélange d’ocre noire + colle
vinylique + eau, que l’on étalera ensuite de façon uniforme.
Difficultés : certains mélanges comportaient peu d’ocre et en l’étalant, la couleur était
grise plutôt que noire. Cela a nécessité le passage d’une seconde couche.
Séances 3 et 4
Dispositif :
ocre rouge, ocre jaune, ocre noire et ocre blanche
Colle vinylique + eau
Chaque élève a pu effectué un ou plusieurs croquis préparatoires à sa production, les
photographies des numba de Kau étaient toujours affichées au tableau comme
référent artistique, aux recherches des enfants.
Sur leur fond noir préparé lors de la séance précédente, ils ont cherché à réaliser une
grosse tête, la plus expressive.
Dans cette première production, les élèves ont à la fois intégré des éléments prélevés
des photographies (alternance des couleurs, graphies) mais ont conservé un style
proche de leur propre dessin d’enfant (forme des bouches, des nez réalistes etc…).
Un élément graphique (l’étoile) n’existant que sur une photographie avait été repris
dans de nombreuses productions enfantines.
Cette photographie a été enlevé en séance 5, afin d’observer la modification des
réponses graphiques.
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Séances 5 et 6
Dispositif : le même qu’en séance 3 et 4 plus des masques fabriqués en bandes
plâtrées sur support masque blanc.
Chaque enfant a gardé ses croquis précédents, mais lors de cette étape, aucun croquis
supplémentaire n’a été envisagé
Ainsi certains enfants ont souhaité délimiter des espaces sur le plâtre au crayon de
papier avant de passer les ocres.
D’autres ont mis en œuvre directement leur idée de création.
Les réponses enfantines lors de cette phase ont montré que chaque enfant s’est un
peu plus dégagé d’un graphisme enfantin pour exploiter pleinement le répertoire de
signes observés et relevés dans les photographies.
J’ai rappelé aux enfants des contraintes liées au matériau, temps de séchage, ne pas
mélanger les couleurs, manipulation de l’outil pour arriver à des graphismes plus fins.
J’ai proposé aux enfants d’alterner des moments où l’on observe sa production et des
moments où on agit ceci permettant de réfléchir à ses choix.
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J’ai aidé les élèves à évaluer leur travail en évoquant avec eux cette étape en arts
plastiques :
- Respect de la consigne
- Niveau d’implication de l’élève
- Application au travail
- Originalité de la production
- Prise en compte du référent culturel proposé.
Dans cette classe de ZEP où les élèves sont très souvent en conflit les uns avec les
autres, ces moments d’arts plastiques ont été des moments « calmes et sereins ».
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Conclusion
Ce mémoire m’a aidé à prendre en compte l’importance de la discipline et de ses
enjeux. La séquence d’arts plastiques est un des moments privilégiés, les enfants sont
dans la plupart des cas toujours volontaires et adhérent facilement au projet présenté
ou choisi avec eux,.souvent très concentrés tant dans la lecture d’images que dans la
réalisation.
Ils ont la parole et se sentent respectés. Les traces encadrables sont mises en valeur,
par affichage pour les autres élèves de la classe, de l’école comme pour les membres
de la famille
C’est une discipline qui permet tant un travail individuel que collectif.
Cette discipline permet au maître d’asseoir un rapport de complicité avec les élèves,
elle permet une pédagogie active en créant des liens entre toutes les disciplines et
finaliser les apprentissages au cœur d’un projet permettant à chacun et à tous de
trouver sa place au sein de la classe.
Le travail avec « la terre » offre une multitude de possibilités, que cela soit avec
l’argile ou l’ocre, et je pense que ce mémoire n’est que le début d’une réflexion qui
sera prolongée dans les années futures.
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Bibliographie
Ouvrages
LAGOUTTE Daniel : Enseigner les arts visuels, Hachette Education
ROUX Claude : L’enseignement de l’art, la formation d’une discipline, J Chambon
HUYGHE René : L’art et l’homme, Larousse
M.C. GENET-DELACROIX, C. TROGER : Du dessin aux arts plastiques, CRDP
région Centre
L’art à l’école, Enseignement et pratiques artistiques, l’Etudiant
BEAULIEU Denise : L’éducation artistique dans le siècle, chronique d’une idée
TERRE « Centre Georges Pompidou », Dessain et Tolra
GLOTON R. CLERO C. : L’activité créatrice chez l’enfant, Casterman
CLERIN Philippe : La sculpture en terre ; Dessain et Tolra
Encyclopédie contemporaine des métiers d’art, la poterie, Dessain et Tolra
Textes officiels :
LANG Jack : Conférence de presse : Orientation pour une politique des arts et de la
culture à l’école
Ministère de l’Education Nationale (1995) : Programmes à l’école primaire, CNDP
Ministère de l’Education Nationale (2002) : Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?
Les Nouveaux programmes, CNDP
Ministère de l’Education Nationale : Le plan pour les arts et la culture à l’école,
CNDP
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Annexe 1
Il y avait avant que toutes les choses soient, sur la Terre et dans le ciel, deux
créatures très puissantes : le Guéla d’en haut et le Guéla d’en bas. Un jour, un
jour de silence, un jour de longue paix dans l’univers, le Guéla d’en bas s’ennuya,
et se mit à bâiller. Alors une motte d’argile sortit de sa bouche. Voyant cela le
Guéla d’en bas dit :
-Oh, je vais faire des hommes, des femmes, des poissons, des animaux et
des plantes avec cette argile.
Et il fit des hommes, des femmes, des poissons, des animaux et des plantes. Puis
il dit :
-
Maintenant, je vais mettre du sang dans le corps de ces hommes, de
ces femmes, de ces poissons, de ces animaux et de ces plantes que j’ai
pétris d’argile.
Le Guéla d’en bas versa du sang dans le corps des hommes, des femmes, des
poissons, des animaux mais la vie ne vint pas en eux, ils restèrent froids comme
des statues. Le Guéla d’en bas fit la gueule. Il rentra dans sa grotte et laissa les
hommes, les femmes, les poissons, les animaux et les plantes d’argile dehors. Ce
jour-là, un orage déchira le ciel, la pluie tomba et un grand nombre de créatures
d’argile furent réduites en tas de boue informes. Alors le Guéla d’en bas,
considérant ce désastre, fut pris de remords. Il ramassa quelques hommes,
femmes, poissons, animaux et plantes que la pluie n’avait pas réduit en bouillie et
il les mit à l’abri dans une grotte.
Je vous parle d’un temps très lointain. En ce temps-là, la nuit opaque régnait sur
la Terre, et le Guéla d’en bas devait à toute heure faire du feu pour s’éclairer. La
nuit habitait sur Terre mais le jour habitait au ciel. Le temps était immobile. Or,
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voici que le Guéla d’en haut se penchant au bord du ciel vit que le Guéla d’en bas
avait de beaux jouets d’argile Il lui dit
Hé,
Guéla
d’en
bas, donne-moi quelques-uns de tes hommes, de tes femmes, de tes poissons, de
tes animaux, de tes plantes d’argile. J’allumerai la vie en eux, et à toi, je te
donnerai la lumière de mon soleil.
Le Guéla d’en bas répondit :
-
D’accord, mais donne la vie d’abord.
Le Guéla d’en haut souffla la vie dans le corps des hommes, des femmes, des
poissons, des animaux, des plantes et il fit descendre sur Terre la lumière du
soleil.
Aussitôt les hommes, les femmes se levèrent et se mirent à marcher, les
poissons se levèrent et se mirent à nager, les animaux se levèrent et se mirent à
bondir, les plantes se levèrent et se mirent à pousser. El le Guéla d’en haut dit :
-
Maintenant,
Guéla d’en bas, tiens ta promesse. J’ai donné la vie à tes créatures d’argile, je
t’ai donné la lumière du soleil. En échange donne-moi quelques-uns de tes
hommes, de tes femmes, de tes poissons, de tes animaux, de tes plantes.
Mais le Guéla d’en bas ne voulut rien entendre, il refusa de tenir sa promesse et
les deux Guéla se disputèrent.
Ils se disputeront jusqu’à la fin des temps, je vous le dis, et c’est un grand
malheur. Car depuis le premier jour de leur dispute, le Guéla d’en haut cherche à
reprendre la vie qu’il a soufflée dans les corps terrestres. Et chaque fois que le
Guéla d’en haut parvient à reprendre la vie dans le corps des hommes, des
femmes, des poissons, des animaux, des plantes, une homme, une femme, un
poisson, un animal ou une plante meurt.
Et chaque fois que le Guéla d’en bas insulte le Guéla d’en haut, les hommes, les
femmes, les poissons, les animaux, les plantes sont malades, la tempête souffle,
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la guerre ravage le pays. Et sachez encore que la lune est l’œil du Guéla d’en haut.
De cet œil ouvert le Guéla d’en haut surveille le Guéla d’en bas son ennemi, même
la nuit, quand le Guéla d’en haut reprend au Guéla d’en bas le soleil qu’il lui a
donné avec l’âme des hommes, des femmes, des poissons, des animaux, des
plantes, au temps où les hommes, les femmes, les poissons, les animaux, les
plantes n’étaient que statues d’argile.
Ainsi va la vie.
Annexe
2
Les numa de Kau (Leni Riefenstahl)
L’art du masque
Ce qui est le plus frappant et le plus intéressant chez les Nouba,(tribu vivant
dans une région du Soudan) c’est leur art de la peinture du visage et du corps. Il
existe de par le monde de nombreuses tribus qui pratiquent la peinture du corps,
mais elle n’atteint chez aucune un tel degré de perfection artistique.
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L’imagination des Nouba et leur sens de la forme graphique sortent de
l’ordinaire. A voir comment ils assortissent les couleurs, comment ils font
concorder des éléments décoratifs, des lignes et des figures stylisées dans une
unité harmonique,…
Personne ne sait d’où ils tiennent ce don étonnant.
Sauf durant les mois où ils travaillent aux champs, ils s’enduisent d’huile, se
peignent et se parent tous les jours, se choisissant à chaque fois de nouveaux
« masque », en changeant parfois deux fois par jour.
La signification rituelle de ces peintures n’est pas essentielle. On la devine aux
choix des couleurs de base, et le noir profond, par exemple, que les Nouba
considèrent comme la plus belle couleur, ne peut être utilisé que par les meilleurs
d’entre les combattants. Mais cet interdit ne vaut que lorsqu’il s’agit de se
couvrir entièrement le corps de noir. Comme couleur d’appoint, le noir peut être
utilisé par tout un chacun.
Non, le sens profond de ces peintures, c’est l’exaltation d’une belle apparence.
Chacun essaie de surpasser son voisin. Certains sont très doués, d’autres moins,
mais la plupart sont capables
Ils savent mettre en valeur par la peinture les traits positifs de leur visage et
de leur corps et dissimuler ce qui serait moins beau à voir, ou bien en détourner
les regards.
Les yeux peuvent être agrandis par des taches, des ombres ou soulignés par des
lignes et des cercles. Quand il leur arrive de ne pas peindre les deux moitiés de
leur visage ou de leur corps systématiquement, ils parviennent à transformer
cette dissymétrie en une harmonie parfaite grâce à ce qu’il faut de lignes et de
formes. Tant leur sentiment esthétique est d’une infaillible sûreté et leur
maîtrise extraordinaire.
Avant de se peindre, les Nouba commencent par procéder à fond à leur toilette.
Ils se rasent les poils du corps, qui empêcheraient la couleur d’attacher. Puis ils
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s’enduisent le corps et le visage d’huile, puisque la couleur ne tient que sur une
peau huilée. Ils doivent faire attention à ne pas se mettre trop d’huile, les
couleurs seraient alors trop diluées et se mélangeraient. Ces couleurs se
présentent sous la forme d’une poudre fine et sèche. On pose d’abord les
couleurs de base en frottant avec les mains jusqu’à ce que toute la surface de la
peau soit couverte. Alors peut commencer le dessin des lignes et des figures, qui
est effectué avec un petit morceau de bois. Certains Nouba se sont fabriqué des
tampons de cuir ou de bois et s’en tamponnent le corps.
Ils fabriquent eux-mêmes leurs couleurs. Le noir, c’et de la poussière de
charbon, le blanc est fait de coquillages réduits en poudre, qu’ils ont ramassés
dans le lit desséché d’un fleuve. On trouve aussi, par endroits, du calcaire blanc.
Le jaune et l’ocre jusqu’au rouge, les couleurs principales proviennent surtout
d’une caverne souterraine qui se trouve à quelques kilomètres de Kau. Ils y
puisent une pierre tendre qui contient en oxyde de fer et ils la chauffent pour
obtenir le rouge…
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Annexe 3
L’artisan
Définition (Petit Robert) « L’artisan : personne qui fait un travail manuel à son
propre compte, aidée souvent de sa famille, de compagnons, apprentis, etc. »
L’artisan pratique un métier qui obéit à des règles de fabrication tenant compte
d’une chronologie et l’apprentissage d’une technologie
L’artisan apprend des gestes précis et efficaces pour reproduire en série des
objets souvent utiles.
L’artiste
Définition (Petit Robert) « Personne qui se voue à l’expression du beau, pratique les
beaux-arts
Créateur d’une œuvre d’art »
« Le véritable artiste ne cherche pas à plaire au public, parfois il se doit même
de lui imposer des œuvres qui vont d’un premier abord à l’encontre de ses goûts
afin de les faire évoluer vers d’autres perceptions.
L’artiste est un être fini, mais son art est infini, universel et intemporel.
L’artiste crée grâce à deux éléments indispensables qui se complètent :
L’inspiration qui doit être en renouvellement perpétuel
La technique qui doit être au service des émotions et jamais n’exister que
pour elle-même.
Le véritable artiste n’a pas d’orgueil car il sait (hélas !) que l’art n’a pas de limite
« il sent obscurément à quel point il est éloigné du but, et tandis que d’autres,
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peut-être l’admirent, il déplore de n’être pas encore arrivé là-bas où un génie
meilleur ne brille pour lui que comme un soleil lointain. »
L.V. BEETHOVEN
Annexe 4
Charles Simonds (1945, New York)
Artiste Américan. Il réalise des constructions miniatures, principalement dans les rues de
Manhattan, édifiant les monuments fragiles de villes indiennes hautes de quelques centimètres
avec des matériaux trouvés sur place ou dans les jardins voisins (sable, terre, bois). Ces cité se
logent dans les anfractuosités des murs, s’accrochent aux talus de terrains vagues et Simonds
imagine qu’elles ont été construites, habitées puis abandonnées par une population de « Little
People ». Plus classiquement, il présente aussi ses œuvres en galerie : installés sur des socles
carrés, les remparts d’effritent, les tours et mastabas se tordent sur des sols desséchés, les
habitations sont désertées comme pour signaler le caractère transitoire de toute culture.
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Gilberto Zorio (1944, Andorno Micca
Artiste italien. Il s’inscrit dès ses premières œuvres dans le courant de l’Arte
Povera, lorsqu’il présente en 1967 des travaux instables : colonne posée sur une
chambre à air, surface passée au chlorure de cobalt qui réagissent aux variations
d’humidité en changeant de coloration.
Progressivement, il mêle matériaux traditionnels (terre cuite, cuir…) et
instruments sophistiqués (javelots de fer, éléments de cuivre) pour établir des
relations complexes entre réel et imaginaire
Pour purifier la parole, 1978, 22 fragments de terre cuite, d
270 cm
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