1 – L `HISTOIRE DE L` EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L
Transcription
1 – L `HISTOIRE DE L` EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L
IUFM DE BOURGOGNE Concours de recrutement de professeur des écoles Comment utiliser l’argile autrement qu’à des fins utilitaires ? ROUMIEUX Isabel Mr Patrick CORGUILLET ANNEE 2004 N° 03STA00191 1 SOMMAIRE INTRODUCTION 3 1 – HISTOIRE DE L’EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES A L’ECOLE 4 1.1. 1.1.1. 1.1.2. 1.1.3. 1.1.4. 1.2. 1.2.1. 1.2.2. 1.2.3. 1.3. L’enseignement artistique à partir du 18ème siècle La Révolution Le second Empire La Troisième République Début du 20ème siècle 1968, le point tournant 1971, Culture/Education nationale : l’amorce du dialogue A partir des années 80 Les instructions officielles de 1995 Le plan pour les arts et la culture à l’école 2 – UTILISATION DE L’ARGILE A TRAVERS LE TEMPS QUELQUES EXEMPLES 2.1. 2.2. 2.2.1. 2.3. 24 2.4. 2.4.1. 2.5. 2.6. 2.7. 2.8. 2.9. 2.9.1. 2.10. 2.11. 4 4 5 6 9 10 12 12 14 17 20 Caractères généraux de la céramique : quelques définitions Le paléolithique Les techniques de l’art du paléolithique L’art du néolithique 21 22 23 L’Egypte La Mésopotamie L’art grec L’art précolombien Les arts sans trace L’art aborigène L’Europe occidentale : céramique populaire La faïence D’autres utilisations de l’argile Quelques artistes contemporains 25 26 27 29 31 31 32 32 34 35 3 – MISE EN ŒUVRE PEDAGOGIQUE 3.1. 3.2. 42 Premier stage en responsabilité Deuxième stage en responsabilité 36 Conclusion 46 Bibliographie 47 2 Annexes 48 Introduction L’année dernière, j’ai eu la responsabilité d’une classe de 29 élèves en maternelle. Tout au long de l’année, je leur ai proposé des séances d’arts plastiques, enfin ce que je croyais être de l’art plastique, mais qui était en fait plus du travail manuel. Consciente du manque de connaissances que j’ai de cette matière, j’ai souhaité mettre à profit ce temps de recherche qui nous est donné, afin de pouvoir appréhender par la suite, de façon plus efficace l’enseignement des arts plastiques. Connaissant bien le matériau qu’est l’argile, puisque j’ai pendant quelques années travaillé chez un artisan potier, et travaillé comme animatrice, responsable de l’atelier poterie dans un centre de vacances, j’ai voulu que ce matériau soit la « pierre d’achoppement » autour duquel s’articule mon mémoire. J’ai pu observer à diverses occasions le plaisir sincère qu’ont les jeunes enfants à « tripatouiller » de la terre, les jeunes enfants, mais les moins jeunes également ! J’ai donc orienté mon travail sur ces trois axes suivants : les premier, faire un bref rappel historique de l’évolution de l’enseignement des arts plastiques, le second sur l’utilisation de l’argile faite par les hommes, avec l’intention d’être une source d’inspiration pour des orientations pédagogiques, et pour terminer la mise en œuvre pédagogique. 3 1 – L ’HISTOIRE DE L’ EVOLUTION DES ARTS PLASTIQUES À L’ ECOLE 1.1 – L’enseignement artistique à partir du XVIIIème siècle Rousseau dans son Emile (cf .Emile ou de l’Education,Gallimard Folio essai) fut le premier à sentir toute l’importance du rôle que pouvait jouer le dessin dans l’éducation. Pour lui, son action sur le développement de la personnalité de l’enfant était bénéfique tant sur le plan pratique que sur le plan physique. Rousseau réagissait ainsi contre une conception de l’enseignement privilégiant uniquement le développement intellectuel et psychologique qui, par l’intermédiaire des humanités classiques, exerçait depuis le XVII ème siècle une dictature rhétorique sur l’ensemble des savoirs et sur le mode de la connaissance ; seuls le verbe et l’écriture apparaissaient dignes d’exprimer à la perfection les subtilités de nos perceptions de la réalité et de nos visions de l’imaginaire. La domination des conceptions objectives, rationnelles et abstraites véhiculées par la pensée classique perdure au XIX ème siècle sous la forme académique et universitaire : elle explique en partie la cécité subjective des « intellectuels » à l’égard du monde physique et de la réalité visible. L’enseignement artistique doit au contraire remédier à ce qui apparaît de plus en plus à d’autres, qui reprennent la vision de Rousseau, comme lacune, voire même comme une infirmité de l’esprit. 1.1.1 – La Révolution A côté des Ecoles centrales, on institue en 1795 les écoles spéciales artistiques de peinture, de sculpture et d’architecture. Quatremère de Quincy, ( 1755 – 1849 homme politique et archéologue français auteur de : « Considérations sur les arts du dessin en France », Paris 1791) exhorte le nouveau régime à détruire le privilège mystérieux qui faisait des arts « l’apanage des 4 grands, et des riches ». Ce souci de démocratisation des arts sera favorable non seulement à leur production mais aussi à la prospérité nationale. L’accès du peuple à l’art est donc tenu pour un puissant facteur de cohésion idéologique. Il était important qu’une formation adéquate éduque le goût, éveille et développe le sentiment artistique en même temps que des savoir-faire nécessaires à certains métiers. Le poids des traditions conduira a attribuer ce rôle à la pratique du dessin qui aura une double finalité : utilitaire et culturelle. Le gouvernement doit travailler à l’éveil et à la culture du sentiment artistique. Les Beaux - Arts sont un des plus puissants moyens d’attacher le peuple à la chose publique. Si l’enseignement des arts est utile pour tous par la puissance de ses vertus à la fois dans le domaine moral et dans celui du prestige national, il l’est tout particulièrement pour les classes déshéritées. La connaissance des œuvres d’arts est donc chez le peuple un facteur d’embellissement national ; individuel et social, mais aussi d’accroissement de la productivité et des forces économiques nationales. 1.1.2 – Le Second Empire Une nouvelle conception se fait jour à l’occasion de la 1ère Exposition Universelle à Londres en 1851 avec la mise en valeur systématique des produits des arts et métiers : les savoir-faire techniques s’en trouvent grandement valorisés et entrent ainsi dans le champ des préoccupations des responsables Le Comte Léon de Laborde (1807 – 1869 homme politique « Travaux de la Commission française sur l’Industrie des Nations ») évoquait dès 1851 à l’occasion de l’Exposition Universelle où il représente la France, l’immense bénéfice que vaudrait à l’industrie française un enseignement obligatoire du dessin dans les écoles primaires. 5 (Rappelons que le terme même de « dessin » est ambigu ; il dérive de la même racine que « dessein » et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, il se confond avec lui, les deux orthographes étant utilisées indifféremment. Pour les académiciens, dessiner c’est d’abord marquer une intention, traduire un projet, autrement dit, signifier un « ordre » ; ordre que l’esprit impose à la fugacité des formes. Progressivement, c’est la notion de « dessin » comme technique de représentation qui va s’imposer, dans la langue comme dans les pratiques. L’enseignement va se scléroser en un « académisme » qui se traduit par une stricte imitation de la statuaire antique et par une représentation codifiée du modèle vivant : les poses sont convenues et les proportions sont déduites d’un « canon ». Le poids de la tradition académique et des formations artisanales (les corporations se maintiennent jusqu’au XIXème siècle) font qu’est mis en œuvre un apprentissage traditionnel du Dessin dans sa forme la plus instrumentale). Il entrevoyait clairement le sens de l’évolution sociale et les nouveaux rapports de production. Le dessin dans cette perspective, devenait « planche de salut de l’ouvrier ». L’enseignement des arts du dessin s’inscrit dans un programme complet de réorganisation pédagogique du système de l’enseignement public, destiné à constituer une jeunesse nouvelle. La réorganisation du dessin en France dans les établissements primaires et secondaires sera établie par une commission de ce Conseil Supérieur des Beaux-arts en 1876. L’enseignement du dessin et des arts obligatoires dans tous les cycles d’études y est présenté comme une nécessité socio-économique fondamentale. Le dessin est la base de toutes les industries : tout homme doit donc apprendre le dessin, au même titre que l’écriture. 1.1.3 – La Troisième République 6 En 1871 se met en place la IIIème République française et avec elle apparaît l’enseignement gratuit, laïc et obligatoire (1881 – 1882). Cependant, il existe une divergence fondamentale et deux courants s’opposent quant à l’enseignement des arts. Pour le premier, l’Art est par essence chose aristocratique, le fait d’une élite, « Vulgariser, démocratiser l’art ! Tentative absurde et coupable ! L’art et le peuple, deux contraires : l’un c’est le luxe, c’est l’inutile, l’autre c’est le labeur, l’âpre poursuite de l’intérêt matériel ». En revanche, l’autre courant pense qu’il s’agit d’un blasphème de dire que « l’art est une chose aristocratique. Il est chose humaine entre toutes, comme la religion, comme toutes les formes de l’idéal. Le goût, le sens de la beauté, est l’un des caractères constitutifs de l’homme, au même titre que le sens moral ou que le sentiment religieux. Pour E. Pécaud et C. Baude, auteurs du premier manuel sur l’art (destiné aux enfants de l’école primaire en 1887) « Une démocratie ne peut sans se démentir faire deux ordres d’éducation et par conséquent deux classes, deux cités. Elle est tenue d’ouvrir à tous les citoyens, au peuple comme aux riches, toutes les avenues de la Vérité et de la Beauté ». C’est dans cette perspective que sera fondée en 1907 la Société Nationale de l’Art à l’école, sous le haut patronage du Président de la République, Armand Fallières (1841 – 1931). Son comité de direction comprend des hommes politiques et des fonctionnaires artistes de l’Ecole d’Art pour préparer, par delà l’enseignement des arts et du dessin donné à l’école primaire, « un avenir plus heureux en plaçant les générations nouvelles dans un milieu propre à influencer salutairement sur l’hygiène, l’esprit et le goût de l’enfance. Les fondateurs de la IIIème République ont dû batailler ferme pour finalement imposer comme obligatoire cet enseignement parmi les disciplines nobles. Il faudra l’abolition des corporations et de leur système d’apprentissage pour contraindre les pouvoirs publics à créer des écoles techniques et professionnelles où le dessin sera l’écriture de l’industrie. 7 Dès la naissance de cette école républicaine, l’éducation artistique est au programme sous la forme du dessin d’art et du chant. En 1879, dans le cadre de la grande réforme de l’enseignement entrepris par Jules Ferry (1832 – 1893 Ministre de l’Instruction publique de 1879 à 1883) un large débat oppose Félix Ravaisson (Philosophe et peintre amateur) à Eugène Guillaume (1822-1905, sculpteur, directeur honoraire de l’Ecole des Beaux Arts) à l’occasion d’une commission chargée d’établir un programme, une méthode et un choix de modèles pour l’enseignement du Dessin à tous les niveaux. Guillaume est connu pour ses positions en faveur d’une méthode « géométrique » : « Nous devons dire avant tout que le dessin doit être considéré au début bien plutôt comme un mode de représentation positive que comme un moyen d’exprimer des sentiments. Il faut le considérer surtout sous le rapport de la correction et de l’exactitude, l’envisager par son côté utile qui consiste d’abord à bien copier ». Si la formation du goût reste une préoccupation, elle doit être soumise aux règles de la géométrie. Il fait de la géométrie un passage obligé : tracé et division de lignes droites, évaluation et reproduction des angles, tracé des circonférences, polygones réguliers, rosaces étoilées, etc… Pour lui ce n’est qu’à partir de ces figures simples, exactement exécutées, qu’il devient possible d’aborder le dessin d’ornement (feuillages, animaux), puis la figure humaine. Le recours à l’analyse est permanent. En revanche pour Ravisson, la géométrie n’est tout au plus qu’un moyen de corriger l’œil. Pour lui, l’important est de saisir « l’expression du caractère ou de l’esprit des formes ». L’esquisse d’une figure humaine n’est pas la recherche d’une structure cachée et préexistante, matérialisée par un ensemble de tracés géométriques, mais l’indication de ce qui anime la figure, par « faire tout d’abord sentir la nature de ces courbes sinueuses ou serpentines ». Le débat Ravisson/Guillaume ne fait donc que reconduire, sous une forme actualisée, les discussions qui agitaient les académiciens depuis le XIIème siècle. Ce sont deux conceptions de la place de l’homme dans le monde qui s’oppose à travers la façon dont on va éduquer l’œil et donc conditionner la qualité du regard porté sur les choses. 8 Pour l’une, le monde est déjà un tout constitué en dehors de l’homme, il n’est pas libre de conduire sa vie ; il est le jouet d’une logique qui le dépasse et qui conditionne toutes ses actions ; Pour l’autre, c’est le monde qui doit être pensé à partir de l’homme et mis à son service ; la liberté se construit et la vérité n’a de sens que par rapport à celui qui l’affirme comme telle. Cette seconde conception sera l’une des sources d’inspiration des réformateurs du siècle suivant. Cependant, l’un et l’autre sont d’accord sur les finalités culturelles et préprofessionnelles à donner au Dessin : ils souhaitent développer le goût en prenant pour modèle les chefs d’œuvres incontestés du passé, et du même coup, servir les intérêts de l’industrie. Par contre, leur approche diamétralement opposée du dessin les divise résolument sur le plan de la méthode pour y parvenir. L’enseignement artistique poursuit donc des finalités utilitaires et économiques. On cherche à former le goût du peuple pour garder la prépondérance sur le marché des produits de luxe : on forme des ouvriers aptes à copier et une classe différente des élites apte à la consommer. A cette époque on cherche donc à introduire la culture à l’école, à élever le peuple tout en préservant un clivage social. 1.1.4 – Début du XXème siècle Petit à petit, l’enseignement artistique va s’installer à l’école primaire. En 1902 le dessin géométrique est confié aux professeurs de mathématiques et disparaît complètement des horaires consacrés à la leçon de Dessin. En 1909 une réforme du dessin le détache de son aspect académique et introduit la liberté d’expression et l’imaginaire, elle élargit le champ des activités et des techniques proposées aux élèves : dessin ou croquis de mémoire, dessin fait hors de la classe. La présence du travail en couleur est affirmée et le modelage est introduit : « le crayon de couleur, le pastel, l’aquarelle, ne seront plus des fruits défendus. La méthode Guillaume est longuement critiquée. Des idées nouvelles sur l’éducation se sont développées qui ont transformé les mentalités : « on doit aux médecins éducateur tels que Itard (1775-1838), Seguin 9 (1812-1880), et, plus près de nous Maria Montessori (1870-1952) et Decroly (18711932) d’avoir, en mettant au point une pédagogie pour enfants déficients, préparé l’épanouissement, au début du XXème siècle, des principaux mouvements d’éducation nouvelle. Mais ce n’est que dans les années 20 que le dessin enfantin est reconnu comme une activité à part entière qui s’intègre dans le processus d’apprentissage. La création libérée est alors placée au premier plan des activités artistiques et la copie académique n’occupe plus cette place prépondérante. L’enfant a besoin de s’exprimer, on lui en laisse l’opportunité. C’est sous la Cinquième République que la démocratisation culturelle deviendra un objectif du gouvernement, André Malraux (1901-1976, écrivain, aventurier et homme politique, ministre de l’intérieur puis de la culture sous la présidence du Général de Gaulle) retire à l’Education Nationale des domaines tels que les arts, les lettres, l’architecture afin de créer un nouveau ministère centré sur la culture et il devient alors ministre d’Etat chargé des affaires culturelles. Il décide de rendre les œuvres capitales de l’humanité accessibles à tous (création de maisons de la culture en 1961) et ce droit à la culture, enjeu politique et social, sera vite intégré dans les missions de l’école. 1.2 – 1968 le point tournant En 1968 a lieu à Amiens un colloque autour du thème « Pour une école nouvelle » ; dès le premier jour, son président affirme que face aux évolutions sociales et techniques, « l’éducation ne peut désormais se résumer à une simple transmission des connaissances ; il faut mener l’élève, le futur citoyen, à l’autonomie, en renonçant à « une conception exclusivement intellectualiste et encyclopédique de la culture ». L’éducation artistique est au cœur du débat, une réflexion est portée sur la différence qu’il y a entre « l’enseignement artistique », discipline ayant ses exigences propres, et « l’éducation artistique » intimement intégrée à la formation générale. L’enseignement artistique servant la formation culturelle de l’individu est au cœur de la nouvelle polémique. On raye l’idée que l’utilité d’une discipline repose seulement sur sa rentabilité économique. La distinction entre les matières nobles ou utiles et les 10 arts d’agrément, « notion fausse relevant d’une conception bourgeoise périmée », est récusée, tout comme la hiérarchie traditionnelle des enseignements. L’éducation artistique est appelée à jouer un rôle clé dans ce renouvellement pédagogique. On ne cherche toujours pas à susciter des vocations artistiques mais on veut laisser une place plus importante à la créativité naturelle des enfants, les ouvrir sur le monde extérieur. C’est donc à cette époque que l’art semble prendre une vraie place dans l’éducation, mais ces concepts développés lors du colloque d’Amiens resteront utopiques et ne seront pas immédiatement mis en place. Mais qu’est ce que la créativité ? Définition : aptitude de celui qui est créatif, faculté à développer face à une situation nouvelle, une réponse originale et adaptée. Terminologie : être créatif c’est : ● Se ménager le temps de diverger, de rêver, de s’éloigner des données contraignantes du problème à résoudre pour y parvenir ensuite enrichi ● Considérer que chaque problème admet un grand nombre de solutions et que la moisson du plus grand nombre de solution possible accroît la probabilité d’apparition de la solution la mieux adaptée ● Accepter de ne pas rejeter a priori une idée même si elle paraît totalement inadaptée au problème posé ● Aller voir plus loin si la solution ne s’y trouve pas Créativité à l’école En pédagogie aujourd’hui, l’expression spontanée par l’enfant de ses pensées, de ses sensations ou sentiments est considérée comme un besoin, une nécessité. Cependant, cette spontanéité devient créativité lorsqu’elle répond à un projet par la recherche des moyens d’expression les plus pertinents, lorsqu’elle s’appuie sur une attitude réfléchie et volontaire. Celle-ci permet d’utiliser de façon délibérée la multitude des moyens, des techniques, des codes, et des concepts caractérisant le moyen d’expression choisi. 11 La créativité permet alors d’apporter une réponse personnelle et originale à une proposition, une incitation, une question plastique. 1.2.1 – 1971 Culture/Education nationale : l’amorce du dialogue Dans les années 70, l’implication du ministère de la Culture dans celui de l’Education Nationale ne cesse de s’accroître. L’idée mère qui existe depuis la IIIème République, l’égalité d’accès à la culture, fait naître des actions culturelles en milieu scolaire. En 1971 sont crées les FIC (Fonds d’Intervention Culturelle) qui introduisent à l’école des expositions itinérantes, des initiations à la musique et au théâtre… Jusqu’à sa disparition en 1985 le FIC permet d’expérimenter la plupart des actions culturelles en milieu scolaire qui se sont développées dans les années 80. En 1975 est mise en place la Loi Haby (René Haby, ministre de l’Education Nationale de 1974 à 1978 sous la présidence de Valéry Giscar-d’Estaing), celle-ci insiste sur la place qui doit être faite à la sensibilité artistique et à la créativité dans la formation primaire et secondaire, ainsi que sur le nécessaire équilibre entre les disciplines intellectuelles, artistiques, manuelles, physiques et sportives afin de garantir l’épanouissement de l’enfant. La collaboration entre les ministères de la Culture et de l’Education nationale se développe autour d’une priorité : assurer à tous l’égalité des chances devant la culture, à travers l’action culturelle en milieu scolaire. La recherche d’une démocratisation culturelle est donc concrétisée dans les actions du FIC. Celle-ci se renforce avec la création de la Mission d’action culturelle en milieu scolaire en 1977 au sein de l’Education nationale. Cette mission met en place des projets d’activités éducatives et culturelles (PACTE) qui complètent les contenus de l’enseignement. Des nouvelles méthodes pédagogiques sont alors expérimentées « non pas pour enseigner autre chose mais pour enseigner autrement ». Le but de ces actions culturelles qui se succèdent est de mener de plus en plus l’enfant à la création et de le rendre acteur de son savoir. 12 1.2.2 –A partir des années 80 La politique de démocratisation des enseignements artistiques s’accélère de façon spectaculaire au cours des années 80 sous l’impulsion de Jack Lang, (Ministre de la culture de 81 à 86, puis Ministre de la culture et de la communication de 88 à 92) qui en fait l’une de ses priorités. En 1981 le PACTE laisse place aux PAE (Projets d’action éducative) qui élargissent leurs objectifs et accroissent leurs moyens. Ces actions sont nombreuses et plus faciles à mettre en place car elles ne nécessitent pas d’interventions extérieures et sont flexibles dans leur durée et leur envergure. L’action culturelle à l’école se diversifie, on met en place des classes en patrimoines, des classes d’initiation artistique, des ateliers de pratiques artistiques et l’on aborde toujours la musique, les arts plastiques mais aussi le théâtre, cinéma, audiovisuel, patrimoine, architecture, photographie… On ouvre l’enfant à une multitude d’expériences culturelles. L’accent est mis sur la création. Désormais, la nécessité d’une confrontation directe avec l’œuvre et avec les artistes n’est pas à remettre en cause. La nature même de l’éducation artistique l’exige, dès lors que celle-ci ne se réduit pas à l’apprentissage de techniques ou à la transmission de connaissances. Afin de jeter les bases d’une éducation artistique diversifiée dans ses disciplines, élargie dans ses techniques, largement ouverte à une collaboration entre les secteurs éducatifs et culturel, un protocole d’accord entre le ministère de l’Education nationale et le ministère de la culture est signé en 1983. Il marque le début d’une prise en compte concrète et active de l’ensemble des disciplines artistiques à l’école afin d’entamer une action commune plus efficace. Le thème de l’éducation artistique lancé par le colloque d’Amiens (en 68) semble faire l’objet d’un consensus, par delà des clivages politiques. 13 L’article premier de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989 insiste sur le fait que les enseignements artistiques « concourent directement à la formation de tous les élèves ». Les années 90 renforceront le désir de démocratisation culturelle, celle-ci s’appuyant sur le développement de la culture à l’école primaire. Le ministère de l’Education nationale réaménage donc les rythmes scolaires afin de laisser une plus grande place à la culture. 1.2.3 – Les instructions officielles de 1995 En 1995, sous le ministère de François Bayrou (ministre de l’éducation nationale de 93 à 97) de nouvelles mesures officielles remplacent celles de 1985. La cohésion culturelle ne peut être assurée que par une formation scolaire. C’est pourquoi ces nouveaux programmes, « cadre de référence nécessaire à l’action de chaque enseignant » donnent des instructions pour le passage de la culture à l’école primaire. Les instructions officielles de 1995 en matière d’arts plastiques sont largement inspirées du complément aux programmes et instructions de 1985. Le point majeur autour duquel s’articule ce complément est « l’éducation du regard comme préalable aux activités » : il s’agit de transformer la vision naturelle en un regard esthétique. On apprend à l’élève à avoir un regard esthétique (esthétique au sens étymologique du terme : explorer le monde à l’aide de tous ses sens avec émotion, intelligence et sensibilité cf. Avant propos de l’Education artistique à l’école, CNDP) sur toute chose, mais le maître ne laisse pas croire à l’élève qu’à ses yeux tout se vaut. Dans ce cadre là, les enseignants sont amenés à concevoir des ateliers d’éveil sensoriel où chaque enfant découvrira le pouvoir de ses sens sur le monde. La terre deviendra un matériau plus privilégié à cette expérimentation surtout au cycle 1 et au cycle 2. C’est de l’éducation que naîtra l’idée que l’enfant doit « manipuler » « sentir » « imaginer » « créer ». C’est aussi dans ce complément qu’apparaît l’idée de la 14 création d’un musée personnel : « collecter et collectionner des matériaux de toute nature (objets, images, textes, diapositives…) avec ou sans intention d’utilisation directe ou immédiate ». Ces textes insistent sur l’importance de ne pas rendre ces activités stériles, sans liens d’une séance à l’autre. Ils soulignent donc l’intérêt d’une continuité dans l’apprentissage plastique et l’importance de la formulation d’un but aux activités d’une année. L’école maternelle, cycle des apprentissages premiers, est un « lieu d’expériences et d’apprentissages essentiels qui permettent aux enfants de devenir grands (…). Tout est organisé pour que l’enfant agisse et participe. La pratique des arts plastiques se résume à trois verbes : « imaginer, sentir, créer ». « L’enfant développe sa sensibilité, son imagination et sa capacité de créer, ses facultés d’attention et de concentration, son esprit critique et son aptitude à exprimer ses goûts et ses choix ». Ce sont donc les bases de l’enseignement culturel et artistique en maternelle : l’expérimentation. Il nous faut montrer aux enfants, leur faire entendre, leur faire faire, leur faire ressentir, leur faire échanger. Au cycle 2, l’élève opère un élargissement de ses moyens, de ses combinaisons, improvisations, expérimentations, documentations, créations. Pour ce qui est de la pratique, on multiplie les expériences et en théorie l’enfant commence à approcher les œuvres, les artistes aussi bien à travers des reproductions qu’à travers des visites de musées ou de galerie d’art. Sa connaissance culturelle s’amorce et son expression artistique est mise en valeur (expositions, explications…). Durant le cycle 3, les disciplines scolaires sont approfondies et les enfants vont affirmer leurs affinités avec telle ou telle discipline. C’est pourquoi la pratique et les connaissances sont élargies. A la fin de la scolarité dans le primaire, l’enfant a donc mis au point un musée personnel complet et des connaissances culturelles diverses : œuvres d’art, artistes, démarches. 15 Les arts plastiques en primaire sont donc des suites d’expérimentations, afin que l’enfant fonde sa propre démarche artistique. Ils sont aussi une ouverture à la culture en montrant aux enfants œuvres et démarches artistiques. En 1997, les Instructions Officielles sont accompagnées d’un document sur la notion de progression, le rôle de l’enseignant, la justification des exemples donnés et sur le dispositif pédagogique. Cette note d’accompagnement souligne la nécessité d’une continuité des pratiques à l’école primaire en fonction des compétences à obtenir par cycle. L’enseignant doit prévoir cette continuité et mettre en place des situations d’apprentissage adéquat. Le maître devra avoir, lors des séances, une attitude aussi attentive que distanciée ; il est le moteur de la création et le mentor des savoirs et de la formulation (le hasard devant être pris en compte). Le dispositif pédagogique doit être varié, il doit donc enchaîner différents moments comme la sollicitation des enfants, l’analyse des œuvres, la relation avec des productions d’artistes… La culture artistique nourrit à tout moment la pratique plastique. « La démocratisation culturelle passe par l’éducation artistique des plus jeunes, de l’école maternelle à l’université ». C’est sur cette conviction qu’ont été établies les circulaires de juillet 98 signées conjointement par Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale et Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Ces circulaires sont destinées à relancer la collaboration des deux ministères en matière d’éducation artistique et culturelle. L’action culturelle qui existe à cette époque est donc insuffisante à leurs yeux et n’est l’affaire que de quelques « pionniers ». Les deux ministres veulent aller plus loin que ce qui a déjà été fait : les moyens de l’époque sont insuffisants, il faut donc mettre en place des espaces culturels scolaires appropriés, et encourager les initiatives des collectivités territoriales en ce qui concerne les actions culturelles (accueil d’artistes au sein des écoles, sensibilisation au patrimoine). On veut développer les matières culturelles et donc la formation des maîtres doit elle aussi être révisée en leur offrant une formation culturelle à l’IUFM, car seuls des 16 professeurs formés et donc compétents peuvent ouvrir leur élèves au monde de la culture. Cette même année, Claude Allègre, lors d’une conférence de presse le 9 avril, fera le bilan positif de ce partenariat éducation/culture et il réitérera la conception que la démocratisation culturelle passe avant tout par l’école et fait des arts plastiques un enseignement à part entière : « Le développement de l’imagination, de la sensibilité, du rêve , de la délectation, de la créativité individuelle ou collective font en effet partie de la vocation de l’école tout autant que l’acquisition des savoirs ». Avec le changement de ministre de l’éducation en 1999, la vocation culturelle de l’enseignement n’est pas tombée aux oubliettes, bien au contraire : Jack Lang, nouveau ministre, a fait de la culture à l’école son cheval de bataille 1.3 - Le plan pour les arts et la culture à l’école Jack Lang est nommé ministre de l’éducation nationale en 1999 et propose dès le 14 décembre 2000, conjointement avec la ministre de la culture Catherine Tosca le plan de développement des arts et de la culture à l’école. Sa philosophe est simple, elle se fonde d’abord sur une volonté de rupture : ne plus considérer l’art comme le supplément d’âme du système éducatif, la matière à pratiquer après toutes les autres, la matière sacrifiée (comme c’est trop souvent le cas) aux savoirs plus « fondamentaux ». Cette opposition, cette hiérarchisation doivent cesser. Pour le ministre, il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour organiser la rencontre de tous les arts. Il n’y a pas d’autre lieu que l’école pour instaurer de manière précoce le contact avec les œuvres. Il n’y a pas enfin, d’autre lieu que l’école pour réduire les inégalités d’accès à l’art et à la culture. Lors d’une conférence de presse, Jack Lang, diffuse les lignes applicables de son plan sur cinq ans, celui-ci dégageant des moyens budgétaires et humains, ainsi que les orientations pour l’éducation culturelle et artistique. (Les classes à projet artistique et culturel PAC). Les convictions du ministre sont les suivantes : l’art n’est ni futilité, ni secondaire, pour lui, l’intelligence sensible est inséparable de l’intelligence rationnelle, (après la 17 deuxième guerre mondiale, aux USA, les dirigeant doivent trouver des solutions nouvelles aux problèmes nationaux et en particulier augmenter rapidement les capacités économiques du pays. A cette époque, un chercheur Guilford démontre qu’il existe deux formes d’intelligence complémentaires : la pensée convergente et la pensée divergente. Pour lui l’intelligence n’est pas seulement l’aptitude à trouver LA bonne réponse à une question mettant en jeu des capacités analytiques et déductives. Elle ne se limite pas à la seule pensée convergente dont le degré de maîtrise se mesure par le test du QI et qui peut se définir ainsi : Pensée convergente : « pensée qui se situe dans le domaine des déductions logiques : elle est la fonction dominante lorsque les données sont suffisantes pour déterminer une réponse unique » Guilford introduit la notion de pensée divergente. Celle-ci repose, pour un sujet donné, sur les informations dont il dispose et en particulier celles qu’il a mémorisées. Plus les informations sont riches, variées et nombreuses, plus l’exercice de la pensée divergente est enrichi. La pensée divergente peu t se définir ainsi : Pensée divergente : « Ce serait l’opération la plus caractéristique et la plus représentative de la créativité car elle permet de réussir des tâches pour lesquelles les solutions sont multiples » Aujourd’hui commence à s’établir un consensus sur la nécessité de considérer la divergence comme le complément indispensable de la convergence pour accomplir un acte véritablement créatif) l’enfant ne peut connaître un épanouissement harmonieux et équilibré que si son intelligence rationnelle et son intelligence sensible sont développées en harmonie et en complémentarité. Or, l’éveil de la sensibilité est un merveilleux sésame pour les autres formes d’intelligence. A travers l’art et la culture, les autres disciplines deviennent vivantes, 18 plus riches, plus denses. La pratique artistique développe une pensée mobile et souple qui permet de faire face de manière inventive à des situations inhabituelles. L’art est une méthode d’appropriation des savoirs, faisant appel à l’affectif, à l’intelligence sensible, à l’émotion : il modifie l’écoute, le regard, le rapport à soi et le rapport aux autres, et donne confiance en soi. Nous venons de voir, au cours de cette brève rétrospective que l’enseignement des Arts plastiques n’est pas né d’un simple coup de baguette magique, mais qu’il est précédé d’une longue histoire durant laquelle les rapports entre l’art et l’Ecole n’ont cessé de se transformer sous l’influence de multiples facteurs : politiques, économiques, idéologiques. Le raisonnement et la logique sont privilégiés, au détriment de la sensibilité et de la créativité : les disciplines scientifiques sont considérées comme les seules formations d’excellence. La « rentabilité » des enseignements sur le marché du travail prend le pas sur le développement équilibré de toutes les dimensions de la personnalité. L’enseignement du dessin est préconisé mais en tant que savoir-faire technique, qui sera utile pour les métiers. Il faut attendre les années 70 pour qu’un réel changement s’opère. L’objectif de l’éducation artistique devient celui de donner aux élèves une formation équilibrée, en cultivant des capacités que les enseignements traditionnels ne sont pas toujours à même de développer : la créativité et l’imagination, la curiosité, l’autonomie, le sens critique et celui de l’observation, ainsi que l’aptitude à former et à exprimer des jugements personnels. Il s’agit donc, non pas de former de nouveaux artistes, mais de donner aux enfants les moyens d’observer et de comprendre le monde qui les entoure, en affinant leur perception et leur discernement. On n’a réellement commencé à prendre en compte l’importance de la dimension artistique dans l’éducation générale qu’en 1968. Cependant au terme de ce travail, un point m’interpelle et m’interroge sur la place qui est à nouveau donnée au dessin : « La pratique régulière du dessin est prioritaire. Elle entre en relation avec les autres formes d’expression, parfait pour les anticiper (dessins préparatoires, croquis explicatif, schéma, étude composition, plan de fabrication, etc…) 19 Est-ce du déjà vu ? Dans la seconde partie, je retracerai, mais d’une manière qui ne sera en rien exhaustive, l’utilisation que les hommes ont fait de l’argile à travers le temps. Il ne s’agit en aucun cas d’un catalogue, mais cette recherche pourra donner des pistes qui permettront de servir de point d’ancrage pour un travail pédagogique aussi divers que varié. 2 – UTILISATION DE L’ARGILE A TRAVERS LE TEMPS : Quelques exemples Depuis les temps les plus reculés, et encore aujourd’hui, des objets les plus grossiers aux plus raffinés, de l’utilité des ustensiles ménagers à des œuvres d’art sans autre but que la pure contemplation esthétique, des expressions populaires les plus truculentes aux architectures secrètes de la forme, en dépit d’une fragilité certaine alliée à l’indestructibilité, les arts céramiques sont omniprésents tout au long de l’histoire des hommes, tout au long de leur existence. Dans la vallée de l’Indus fleurissait, il y a quelque 4500 ans une civilisation extrêmement évoluée. Parmi les feuilles de Harapa, les archéologues modernes découvrent des objets d’art d’une frappante beauté. Un jour ils trouvent une toute petite charrette, avec son conducteur, tirée par deux bœufs. Un bout de ficelle sort de la tête des deux animaux : lorsqu’on tire sur cette ficelle, la tête de bœuf se balance d’avant en arrière. C’est un de ces jouets que les petits enfants de l’époque tiraient derrière eux comme ceux d’aujourd’hui traînent un petit camion ou une auto. Plusieurs autres jouets sont ainsi découverts. Ils possèdent un point commun : ils sont tous en argile cuite. De cette même argile dont étaient faites les briques des maisons des Sumériens et, bien avant eux encore, les récipients dans lesquels les hommes de l’âge de la pierre polie déposaient des céréales et de l’huile. L’invention de la poterie fut une étape décisive pour l’évolution de la civilisation. Les premières poteries apparaissent simultanément vers 7000 ans avant Jésus Christ en des lieux géographiquement éloignés les uns des autres. 20 Jusqu’à l’invention de la céramique, l’homme n’a créé que des formes. Avec l’art céramique, il crée un nouveau matériau, qui possède des propriétés étonnantes : - La plasticité de l’argile lui permet de créer des formes en nombre infini, modifiable, et réversibles ; et d’exprimer ses goûts esthétiques, avec pour seule limite son imagination. Mais qu’est-ce que l’argile ? L’argile est une terre onctueuse, malléable, avide d’eau, mais devenant imperméable lorsqu’elle en est saturée. L’argile durcit en séchant où à la cuisson. Depuis les temps les plus anciens, elle se prête à la construction et à la poterie. 2.1 – Caractères généraux de la céramique : quelques définitions La céramique est l’art de façonner l’argile et d’en fixer les formes par la cuisson. La poterie est, de manière plus limitative, la confection de récipients (vulgairement de pots) en céramique. Le terme céramique vient du grec Kéramos = argile, terre à potier, mais ce terme a probablement une racine indo-européenne plus ancienne : krm = brûler C’est en effet la cuisson de l’argile qui fait la céramique Les caractères généraux de la céramique sont les suivants : - elle est omniprésente à partir du Néolithique - elle est pratiquement indestructible mais non incassable, elle est au contraire très fragile et le document archéologique est le plus souvent un fragment ou tesson. - elle est spécifique dans : - sa composition - sa forme - son décors 21 Ces caractères en font un excellent indicateur archéologique. C’est un fait reconnu de tous, que pour chaque période des temps antiques, la céramique constitue le meilleur et le plus sûr des chronomètres (J. DECHELETTE 1904). 2.2 – Le paléolithique Les informations les plus anciennes nous sont apportées par l’art de la pierre taillée, le paléolithique, où naissent les premiers instruments façonnés par la volonté et la main de l’homme. L’homme imite le tracé que l’ours laissait sur la paroi des cavernes pour y aiguiser ses ongles, et ce sont des méandres tracés sur une voûte : grotte d’Altamira Espagne). Bientôt le primitif perfectionne son empreinte ; il imprime en couleurs ou il cerne sa main tout entière étalée (main cernée de rouge, grotte de Gargas, Hautes Pyrénées). Cheval tracé au doigt sur argile et percé de trous, grotte de Montespan, Haute Garonne. Les hommes du début de l’âge du Renne extrayaient des parois de certaines cavernes l’enduit argileux qui les couvrait ; leur doigt, en s’enfonçant dans la masse argileuse y laissaient des traces, des sillons plus ou moins profonds, ailleurs des doigts souillés d’ocre ou d’argile glissant sur une surface rocheuse claire. 22 Grottes de Lascaux II Qu’est-ce que l’ocre ? L’ocre est un pigment minéral composé de : goethite, un hydroxyde de fer qui lui donne sa couleur - kaolinite, une argile très pure - et de quelques résidus de quartz 2.2.1 – Les techniques de l’art du paléolithique a) la peinture : il s’agit d’une technique artistique par addition. On ajoute un pigment à un support. Les supports privilégiés sont les parois des grottes. La palette de couleur est étroitement liée à la capacité des matières premières à fournir un pigment. Parmi les colorants, citons : l’ocre (jaune), le charbon de bois (noir), l’argile (rouge). 23 b) la gravure : sans doute s’agit-il de la technique la plus résistance à l’usure du temps. Les supports sont quant à eux de nature plus variés. Il peut s’agir de parois de grottes, de plaquettes d’argile (site exceptionnel de plaquettes ornées à Gönnersdorf en Allemagne) représentant un bestiaire ou prédominent mammouths et chevaux. Sur quelques rares plaquettes des caricatures humaines. c) la sculpture : (suppression ou soustraction) les supports utilisés sont divers et variés : argile, calcaire, grès, marne et bois d’origine animale. Les objets représentés sont eux aussi divers. Les plus connus sont sans doute les statuettes féminines (Vénus) et également les représentations animales. d) le modelage : (ajouts) les représentations peuvent être aussi bien des Vénus que des représentations animales. Des plaquettes d’argiles modelées, sans forme évidente sont fréquemment mises à jour. Le modelage consiste à faire d’un support malléable une forme animale ou humaine. Ces supports sont ensuite cuits afin de leur conférer une certaine résistance. 2.3 – L’art du néolithique La plus grande découverte du Néolithique fût, sans aucun doute la terre cuite. La première terre argileuse fut probablement modelée par un enfant comme le raconte la légende mythologique des Luya du Kenya : « Aux origines, les hommes ne connaissaient pas la fabrication des pots d’argiles et utilisaient de simples calebasses qui poussaient à l’état sauvage. Les enfants avaient remarqué ces belles calebasses que leur mère récoltait dans brousse. Ils eurent alors l’idée de reproduire ces objets en façonnant dans des petits blocs d’argile. Les pots qu’ils avaient fabriqués furent mis au feu par hasard et les enfants, très observateurs, remarquèrent, qu’une fois durcis, ces pots retenaient l’eau. Quand les mères virent que ces pots étaient plus pratiques, elles les utilisèrent et en fabriquèrent pour leur usage personnel ». 24 Certains préhistoriens allemands ont voulu faire de la céramique le fossile directeur qui permettait de suivre les migrations de race, en fait les types de céramique semblent s’être propagé sur de grandes aires de civilisation, exemple : la céramique rubanée, d’origine danubienne caractérise les peuples agriculteurs qui au cours du IIIème millénaire avant Jésus Christ on envahi les terres noires d’Europe centrale. La céramique plus fine, décorée de lignes incisées à décors de damiers et de losanges caractérise la France et l’Italie. La céramique cordée, ornée par impression des cordes sur l’argile fraîche apparaît un peu plus tard avec le cuivre. (La vannerie est antérieure à la poterie, c’est un fait acquis. Mais de cette constatation sont nées d’autres thèses sur les origines de la poterie. « La forme ronde de la poterie fabriquée sans l’usage du tour du potier, avec la technique du colombin est probablement issue des formes tressées des vanneries spiralées ». Certains chercheurs pensent qu’une couche d’argile étalée dans un panier pour le rendre étanche fut à l’origine du premier essai de céramique. Sur toutes les premières poteries qu’il avait appris à façonner, l’homme grava un décor, imitant l’entrelacement de la vannerie et du nattage. Il se servira d’ailleurs souvent de morceaux de vannerie ou de tissu pour en marquer l’empreinte sur l’argile fraîche. L’exécution des premières terres cuites à l’usage essentiellement domestique fut confiée aux femmes avant de devenir l’œuvre d’artisans spécialisés et si la poterie ne constitue pas le premier artisanat puisque la vannerie et le tissage la précèdent, elle fut sans doute la première rencontre de deux fonctions primordiales : l’une matérielle et utilitaire, l’autre artistique et spirituelle 2.4 – Egypte 25 De nombreuses découvertes de gravures rupestres dans les cavernes des falaises, avec des représentations d’animaux, bêtes à cornes nous rapprochent des figures pariétales des âges précédents. C’est dans la céramique que se marque l’effort artistique. De rares figurines féminines en argile ont été recueillies dans les tombes, elles n’ont que des amorces de bras et les jambes réunies finissent en pointe. Comme la Mésopotamie, l’Egypte de la période prédynastique se servit de l’argile et de paille de roseau de la vallée du Nil pour construire ses premiers palais en brique, simplement séchés au soleil. Il était donc naturel que l’utilisation de l’argile comme matériaux de construction aboutisse très rapidement à la poterie. Jamais une œuvre n’était signée. Elle devait être parfaite, à la fois belle, utile et solide pour plaire aux dieux, au pharaon « dieu vivant » et accompagner les morts dans leur longue course de l’Au-delà. La poterie utilitaire commune était rarement décorée. On se servait uniquement de la terre naturelle qui devenait rouge brique ou brun foncé suivant le degré de cuisson. En dehors de toute poterie rituelle ou funéraire existait une production commune utilisée et produite dans les villages sans aucun décor, mais aux formes très belles, d’autres jarres servaient de bibliothèques pour y ranger les papyrus. Il existait aussi des statuettes en terre cuite d’un usage répandu. 2.4.1 – Mésopotamie Comme en Egypte, plusieurs sites ont fourni des céramiques de plus en plus évoluées. C’est le moment de l’invention de l’écriture qui est au début, comme en Egypte la représentation des objets, l’usage, ainsi que l’obligation d’écrire au stylet sur des petits pains d’argile, l’a dégradée et a conduit les scribes à décomposer leurs dessins en une suite de petites lignes qui ont donné l’écriture cunéiforme. Il existe des poteries de grandes tailles, grossières à forme carénée. Les pièces polies sont rares, les morts sont inhumés dans des jarres. Petit à petit la céramique devient plus fine, élégante, façonnée à la tournette, au décor monochrome à éléments géométriques et sujets isolés : volatiles, poissons et aussi des compositions centrales à signification religieuse et symbolique. 26 2.5 – L’art grec Les artistes grecs ont pratiqué maintes techniques. Ils ont su dessiner et peindre selon des procédés dont certains nous déconcertent. Au Xème siècle avant Jésus Christ naît une céramique funéraire de style protogéométrique. Les vases sont destinés à surmonter les tombes dans lesquelles on y plaçait les offrandes. Le décor est parfaitement ordonné, condensé, les compositions sont sévères et rigoureuses. L’évolution de la céramique archaïque révèle une constante recherche dans la représentation de la figure humaine qui progressivement va devenir le thème exclusif des peintres céramistes. Au VIème et Vème siècle avant Jésus Christ nous atteignons les grandes périodes de la céramique grecque avec une très large variété dans les formes et dans les décors. Des scènes de la mythologie vont envahir la poterie pendant plus de trois siècles. La qualité du dessin est remarquable. 27 Avec la peinture en noir, le dessin était plat et les silhouettes toujours statiques, avec la peinture rouge, il va devenir plus libre, les détails des lignes à l’intérieur même de la surface du dessin permettront de souligner le mouvement animé du corps humain. Vers 400 avant Jésus Christ disparaîtront les vases pour les rites funéraires. Après cet âge d’or de la céramique, vers 450 la qualité commence à baisser. Le peintre trop habile, impose son décor à la forme du vase, le potier est alors au service du peintre. Cette coupure marque rapidement une désharmonie entre la forme et le décor. Dans la période archaïque le potier et le peintre ne faisaient qu’un mais dans la période classique de grande production, on aboutira à une spécialisation et à une coupure entre le potier et le peintre. (Il me semble important de rappeler que, avant la Renaissance, on ne fait pas la différence entre l’artiste et l’artisan. L’artiste se forme « sur le tas », au contact du maître confirmé et dans la confontration aux réalités du métier. Les apprentis devaient reconduire les pratiques antérieures et reproduire les schémas existants. L’artiste de l’Antiquité et du Moyen Age devait soumettre sa pratique et sa production à un ordre supérieur, qu’il soit rituel, religieux ou politique. Il n’avait quasiment pas de droit à faire valoir sa singularité et il était impensable de voir des créateurs adopter des positions provocatrices, marginales, ou subversives à l’égard des structures régnantes. Peu à peu, dans un contexte économique et politique qui change, la peinture, la sculpture et l’architecture conquièrent le statut « d’arts libéraux » et se dégagent progressivement du carcan des corporations, qui ont toujours le monopole des activités artistiques et des formations correspondantes. Bien que soumis à la commande et dépendant matériellement de son mécène, l’artiste de la Renaissance n’en a pas moins une certaine marge de liberté d’expression et il peut maintenant se permettre de penser par lui-même Avec la création des académies, dont la première est fondée en 1462 à Florence, une intense réflexion se développe dans tous les domaines de la pensée. 28 L’artiste participe aux débats qui agitent le cercle des érudits, lui-même, souvent, est aussi poète, musicien et possède une culture étendue. La Renaissance voit naître, avec les écoles des académies, un enseignement artistique qui se démarque de celui des ateliers des artistes et des artisans. On oppose l’esprit/travail souvent artiste/artisan ; du copie/interprétation ; corps, maîtrise intellectuel/manuel ; travail de dessin/couleur ; raison/intuition ; technique/imagination ; imitation/invention ; nature/culture ; vrai/vraisemblable).(cf. annexe 3) Les documents céramiques renferment un trésor de renseignements sur la vie et les croyances des anciens grecs. Ils sont aussi de précieux documents d’art, par leur forme et leur matière, par la finesse et la couleur de l’argile, par l’éclat inaltérable du vernis noir. Mais surtout les représentations dont la plupart d’entre eux sont couverts ont à nos yeux l’intérêt inappréciable de nous conserver le reflet des œuvres disparues de la grande peinture, qui n’a pas cessé d’inspirer les peintres de vases. 29 2.6 – l’art précolombien : Mexique Les diverses civilisations préclassiques du Mexique central du XIIème au VIIIème siècle avant Jésus Christ connaissaient parfaitement la céramique, réalisant des vases en terre cuite. Les unes réalisèrent des récipients en terre cuite en s’inspirant de la vie quotidienne de leur peuple (danseurs, acrobates, artisans…) d’autres produisirent une abondante variété de céramiques peintes, des masques funéraires d’argile aux visages sereins, ainsi que des poteries zoomorphes et anthropomorphes (jaguar, oiseau, crapaud…). D’autres encore fabriquèrent des urnes funéraires assez prodigieuses. Les Mayas furent aussi de remarquables potiers. Les dessins sont très riches et les formes élégantes souvent zoomorphes (félins, serpents, oiseaux…). Des figurines en terre cuite sont modelées avec réalisme et un charme très sensible. Homme debout ( céramique) 100 av.J.-C 300 apr. J.-C Danseur costumé (céramique) vers 300-500 Pérou 30 Au Pérou, à travers les différentes civilisations qui se sont succédées, on découvre une très grande variété de céramiques : les poteries funéraires furent les plus belles par leurs formes et leurs décors. On trouve aussi en céramique des instruments de musique (flûtes, trompettes…) des pendentifs, des jouets en forme d’oiseaux munis d’un sifflet etc… Chez beaucoup d’indiens, le vase est un être vivant. Il possède une âme qui s’échappe dans une plainte quand il est brisé. Récipient anthropomorphe Vers 450 – 550 2.7 Jarre à goulot étrier Vè- VIè siècle – Les arts sans trace Les restes de l’art préhistorique ne sont que d’infimes vestiges d’une activité à coup sûr beaucoup plus diverse. Il y a certainement d’autres formes d’art abolies faute de support durable. Ne voit-on pas les Indiens Pueblos exécuter sur le sol, avec du sable coloré, des compositions parfaites, admirables, les « sands painting », qui ne doivent pas survivre à la cérémonie qui les a provoquées et qu’on efface avant le lever du soleil ? 2.8 – l’art aborigène 31 L’art aborigène, dont les supports ont longtemps été les rochers, les parois des grottes, et l’écorce, utilise quatre couleurs : le noir, le blanc, le jaune et le rouge. Le noir est fabriqué avec du charbon, le blanc avec du kaolin roche argileuse blanche friable ; le jaune et le rouge, avec de l’ocre qui est mêlée de graisse. Ces matières sont moulues au moyen d’une pierre. Les artistes créent la plupart des motifs avec leurs doigts. Les dessins représentent souvent des plantes et des animaux, ou des motifs abstraits au style géométrique. 2.9 – Europe occidentale : céramique populaire En tout lieu où se sont trouvés réunis les trois éléments suivants : terre glaise, eau et bois, ont existé des ateliers de potiers, soit fixes soit itinérants. Une des terres cuites les plus anciennes du monde a été trouvée dans un foyer magdalénien de l’Ariège, dans la grotte des Trois frères. A partir d’un morceau d’argile, tout est possible. C’est pourquoi les poteries populaires sont d’une variété de formes extraordinaires, mais qui n’ont pas tellement changé depuis le Moyen Age puisqu’elles répondent aux mêmes besoins utilitaires de chaque région. 32 2.9.1 – La faïence La poterie à émaux stannifères est appelée faïence. Ce serait l’Italie, Girolamo Della Robbia, appelé par François 1er qui aurait introduit en France, vers 1528 la technique de la faïence. Bernard Palissy (1510) fut le premier faïencier français dont nous connaissons le nom. Il fut le premier à tenter de sortir des influences étrangères et à imposer son style personnel. La faïence de la Renaissance était beaucoup plus destinée à l’apparat qu’à un usage quotidien. Mais progressivement en dehors des services de table raffinés pour la cour et la bourgeoisie, la faïence entra dans la vie quotidienne des classes plus modestes. A la fin du XVIIIème siècle, un type de faïence dite « patriotique et révolutionnaire » fut vendue en très grande quantité. On les appelait « faïences parlantes », faisant l’écho de tous les grands événements politiques pendant plus d’un siècle. Véritables bandes dessinées avec images et légendes. Un autre style de faïence populaire entre XVI et XVIIème siècle fut l’épi de faîtage qui servait de couronnement au pignon des demeures seigneuriales. Sa fonction utilitaire était de protéger le faîte de la toiture des infiltrations d’eau ; son autre fonction, correspond au signe extérieur de richesse de chaque seigneur. En dehors de cette faïence populaire, il existait une production plus luxueuse des grandes manufactures. 33 C’est à la fin du XVIII siècle qu’apparaît la céramique vraiment industrielle, avec les procédés de décors par impression (décalcomanies). La faïence ne peut pas lutter contre cette évolution. La petite série de pièces uniques devint de plus en plus rare, sauf dans les ateliers ruraux. Les grands peintres de l’époque, comme Odilon Redon, Edouard Vuillard, Kees Van Dongen, Auguste Renoir etc… décorèrent des faïences dans le célèbre atelier du céramiste Methey qui avait mis au point la technique de la faïence stannifère avec une gamme très riche de coloris permettant au peintre une composition très libre (en 1907). Mais cette faïence de « peintre » comme plus tard en 1942 avec des peintres tels que Jean Le Doux, Jean Cocteau ne fut pas une réussite. La plupart se contentaient de reproduire des compositions planes qui n’étaient pas conçues pour l’espace circulaire d’une assiette et surtout la plupart de ces peintres ne voulurent pas s’astreindre à apprendre la technique particulière du feu. Picasso fut sans aucun doute à l’origine d’un nouvel intérêt pour la céramique en France Femme à la mantille. 34 2.10 – D’autres utilisations de l’argile Des éléments donnés en vrac qui peuvent donner des pistes pédagogiques : L’argile a servi de « brouillon » pour de nombreux sculpteurs (Michel Ange, Rodin, etc.) L’argile sert à construire des maisons (Afrique) L’argile sert pour les décors architecturaux. L’ocre a servi pour peindre des fresques (cathédrales et autres monuments) L’ocre est toujours utilisée par certaines tribus pour le maquillage 2.11 – Ce que font les artistes contemporains avec l’argile A titre d’exemples, j’évoquerai des artistes tels que : Charles Simonds, Gilberto Zorio (cf. annexes 4) 35 Richard Long, (1945, sculpteur britanique), au CAPC de Bordeaux, réalise une pièce ronde avec de la boue collectée dans la Garonne, sur place, puis projetée sur le mur. Ainsi Richard Long recréer dans les musés des évocations de ses « promenades » avec de l’ardoise, de la pierre, du bois ou de la boue qu’il prélève durant ses parcours. Ousmane Sow (1935 né à Dakar) Ses sculptures sont faites à base de fibres végétales, de boues de résine et construites dans une pâte secrète. Ses personnages et ses animaux modelés plus grands que nature, sont arrangés en groupes qui racontent chacun une histoire. Ousmane Sow Nous verrons donc dans la 3ème partie, à la lumière des recherches effectuées, quels ont été mes choix en réponse à ma problématique de départ. 3 – MISE EN ŒUVRE PEDAGOGIQUE 3.1. – Premier stage en responsabilité 36 Il s’est déroulé à l’école élémentaire de Tanlay, en cycle 2, dans une classe de 5 GS et 18 CP. Les mythes de création de l’homme à partir d’une poignée de terre sont de toutes les latitudes et de toutes les cultures. Parmi eux, le mythe des deux Guélas m’a servi de point d’ancrage pour mettre en œuvre mon premier travail avec l’argile. « En Afrique, il y avait, lorsque la terre et le ciel étaient vides, deux créatures très puissantes : le Guéla d’en bas, qui vivait la nuit et le Guéla d’en haut, maître de la lumière…(cf annexe 1) ». Démarche : J’ai construit les séance d’arts plastiques autour de la découverte de l’Afrique et en particulier de l’art africain répondant ainsi à la construction d’une compétence transversale importante : « l’enfant connaît l’existence d’autres civilisations et d’autres cultures». Durant les trois semaines, j’ai lu aux élèves plusieurs contes africain : Rafara, Alba, Kirikou et la sorcière de Michel Ocelot. Nous avons situé l’Afrique sur la carte et sur le globe, nous avons parlé de l’habitat. Après avoir lu collectivement aux élèves l’histoire du Guéla d’en haut et du Guéla d’en bas, l’objectif était que les enfants oralisent et racontent à leur tour l’histoire pour qu’ils puissent répondre à ma question : - A votre avis, à quoi va servir l’argile que j’ai apportée, que va-t-on pouvoir en faire ? Les réponses ont fusé, « Nous allons nous transformer en Guéla et fabriquer des hommes, des femmes, des animaux… ». Mais avant de commencer à créer, il a été important de partir à la découverte de la terre, en recherchant grâce à un contact direct, les toutes premières sensations et émotions. 37 Séance 1 : objectif : expérimentation sur le matériau ● Rentrer en contact avec la matière Sans chercher à représenter quelque chose, expérimenter tout ce que l’on peut faire avec la terre : pétrir, tirer, aplatir, rouler en boule, en boudin, enfoncer ses doigts… ● Empreinte Faire des traces avec des petits objets du quotidien : fourchettes, peignes, clous, stylo, ciseaux, capsules etc… ● Eléments naturels : feuilles, coquillages, cailloux… Nous avons fait une composition sur une galette avec les empreintes et les éléments naturels choisis par les enfants. Remarques : L’expérimentation sur la nature du matériau n’a pas fait l’objet de séance particulière, mais des observations, des explications ont été donné tout au long des différentes séances. Exemples : - tant que l’argile n’a pas été portée à 600° elle peut toujours repasser de l’état sec et à l’état de pâte ou liquide - Quand on ajoute de l’eau dans le seau où l’on récupère l’argile, l’argile devient « bouillie », barbotine. C’est cette barbotine qui nous sert à coller les morceaux d’argile entre eux. Séance 2 : objectif : «réaliser des personnages avec de l’argile » Consigne : 38 Comme le Guéla, vous allez fafriquer des hommes, des personnages. Il faut que ces personnages tiennent debout (contrainte) et si ce n’est pas le cas, nous reformerons une boule d’argile pour pouvoir la réutiliser. Déroulement : présentation du projet Le but du travail d’arts plastiques pendant ces trois semaines que nous allons passer ensemble va être de réaliser un village africain. Vous allez créer comme dans le conte des deux Guélas des hommes, des animaux. Mais aujourd’hui, la première étape est la création des hommes. Réactions, commentaires, résultats : Tout d’abord, il faut que je souligne ce qui à mes yeux a été le plus important, c’est l’extrême plaisir que les enfants éprouvent au contact de ce médium qu’est l’argile. Déjà lors de la première séance je l’avais observé, mais ce plaisir ne s’est tari à aucun moment et tous les élèves sans exception se sont engagés dans une démarche de création. Certains élèves n’ont pas répondu à la consigne et ont fabriqué des arbres, des animaux, me demandant à plusieurs reprises s’ils pouvaient faire des voitures ou tout autre chose. Je leur ai proposé d’aller regarder dans les livres que j’avais apportés sur l’art africain comment étaient représentés les personnages. Engagés fortement dans le projet initial, ils ont semble t –il eu un manque de confiance en eux dans leur capacité à réaliser un personnage ressemblant. Le monde des animaux leur semblant plus proche. J’ai accepté d’autres propositions, dans la mesure où celles-ci restaient dans le cadre du conte. D’autres élèves ont rempli une partie de la consigne en créant des personnages, mais n’ont pas pu le faire en trois dimensions, utilisant des boudins de terre comme les lignes d’un dessin. 39 Séance 3 : reprise de la consigne pour la création des animaux (toute sorte d’animaux, même un bestiaire imaginaire) Certains élèves sont partis directement sur la consigne en assemblant à la barbotine, boudins, boule de terre de façon à mettre en œuvre leur proposition. D’autres ont eu besoin de se sécuriser par un allé et retour régulier entre leur proposition et les documents de référence que j’avais emportés (une affiche du village de Kirikou extraite de Education Enfantine, un petit livre de modelage qu’un élève avait amené de chez lui). Durant ces trois séances, et de façon spontanée, les enfants s’observent en permanence, échangent leurs idées, reproduisent les idées des autres à l’identique ou en les transformant. Les séquences sont toute aussi riches en production verbale qu’en production artistique (impressions spontanées, description de chacun par rapport à son travail, justification de la technique employée, explicitation des difficultés rencontrées). J’ai organisé pour cela des moments de débat (sorte de mise à distance permettant aux enfants de réfléchir ensemble à comment résoudre une difficulté). Mon 40 expérience professionnelle dans le domaine de la terre m’a été très utile pour aider les enfants à évoluer dans leur pratique. J’ai pris conscience de l’importance pour l’enseignant d’anticiper sur les réponses enfantines pour être capable d’apporter une aide efficace. Séance 4 : architecture de terre Consigne : imaginer chacun une habitation (à partir de la lecture de documents sur les villages africains). Certains élèves sont partis directement de la boule de terre qu’ils ont creusé pour former une maison style hutte. D’autres ont expérimenté la technique du colombin vue par un enfant dans un atelier de poterie. D’autres enfin, ont utilisé la technique des plaques, technique que nous avons découverte ensemble. Séance 5 : réinvestissement animaux et maisons Bilan : j’ai constaté que l’inscription de cet atelier dans le cadre d’un projet a permis aux élèves un très bon niveau d’implication, chacun était très motivé pour réaliser et agencer ses pièces individuelles à la construction collective. Ce projet s’inscrivait également dans le cadre d’une liaison avec l’autre classe de maternelle, les réalisations étant exposées conjointement dans l’entrée de l’école. La préparation matérielle des séances, tant dans la collecte des documents, que dans la classe (recherche de planches, de tasseaux, de manches à balai coupés, temps de nettoyage) est à prendre en compte dans l’organisation de la journée (ne pas mettre une séance semblable en plein milieu de l’après-midi entre deux autres séances). D’autre part, il a été très frustrant tant pour les élèves que pour moi même de ne pouvoir totalement finaliser le projet parce que je n’ai trouvé aucun four pour cuire les réalisations des enfants. Ce type de projet pourrait parfaitement faire l’objet d’un PAC, l’artiste enrichissant par son regard et son expérience les séquences préparées par l’enseignant, il aurait pu 41 alors engager les enfants vers une découverte de l’émaillage et procéder à une cuisson. J’avais pensé par ailleurs pouvoir fabriquer un four éphémère à sciure et réaliser la cuisson nécessaire, mais le temps à manqué à la mise en œuvre de cette phase. 42 3.2.- Deuxième stage en responsabilité Lors de mon second stage en responsabilité, j’ai souhaité expérimenter un autre travail avec la terre, cette fois en poudre : la découverte des ocres. Ce stage s’est effectué à Migennes en CM1 avec une classe de 13 élèves. Les élèves de cette classe avaient une pratique des arts plastiques très limitée, aucune production affichée aux murs de la classe, seuls dans le couloir, quatre dessins en noir et blanc, trace d’une séquence graphique Si bien qu’ils ont accueilli le projet avec grand enthousiasme. L’objectif de cette séquence était de réaliser un masque africain, mais en référence à un ensemble photographique extrait du livre : les Numba de Kau de Leni Riefenstahl. (cf annexe 2) Séance 1 : lecture d’images J’ai affiché au tableau, les douze images des différents types de maquillage. Les enfants ont observé pendant quelques instants les photographies en silence, puis chacun est intervenu pour exprimer ses remarques, en réponse à mes questions ; Les questions portent sur : ◊ Le repérage des couleurs ◊ Le repérage des formes ◊ La description des personnages ◊ Les impressions dégagées par le maquillage Les élèves mettent par ailleurs ce travail en relation avec les séances de symétrie réalisées en mathématiques. Pour finir la séance, les élèves ont fiat un tri au tableau, en regroupant les photos suivant des critères définis par eux. 43 Remarque : Pendant la phase d’échanges oraux que les enfants ont fait dans la classe, je n’ai pas pensé à garder des traces de ces oralisations, ils auraient pu m’être utiles pour la suite. Séance 2 : réaliser le fond en découvrant la technique de l’ocre sur un support cartonné. Consigne : tracer un ovale sur le carton puis effectuer un mélange d’ocre noire + colle vinylique + eau, que l’on étalera ensuite de façon uniforme. Difficultés : certains mélanges comportaient peu d’ocre et en l’étalant, la couleur était grise plutôt que noire. Cela a nécessité le passage d’une seconde couche. Séances 3 et 4 Dispositif : ocre rouge, ocre jaune, ocre noire et ocre blanche Colle vinylique + eau Chaque élève a pu effectué un ou plusieurs croquis préparatoires à sa production, les photographies des numba de Kau étaient toujours affichées au tableau comme référent artistique, aux recherches des enfants. Sur leur fond noir préparé lors de la séance précédente, ils ont cherché à réaliser une grosse tête, la plus expressive. Dans cette première production, les élèves ont à la fois intégré des éléments prélevés des photographies (alternance des couleurs, graphies) mais ont conservé un style proche de leur propre dessin d’enfant (forme des bouches, des nez réalistes etc…). Un élément graphique (l’étoile) n’existant que sur une photographie avait été repris dans de nombreuses productions enfantines. Cette photographie a été enlevé en séance 5, afin d’observer la modification des réponses graphiques. 44 Séances 5 et 6 Dispositif : le même qu’en séance 3 et 4 plus des masques fabriqués en bandes plâtrées sur support masque blanc. Chaque enfant a gardé ses croquis précédents, mais lors de cette étape, aucun croquis supplémentaire n’a été envisagé Ainsi certains enfants ont souhaité délimiter des espaces sur le plâtre au crayon de papier avant de passer les ocres. D’autres ont mis en œuvre directement leur idée de création. Les réponses enfantines lors de cette phase ont montré que chaque enfant s’est un peu plus dégagé d’un graphisme enfantin pour exploiter pleinement le répertoire de signes observés et relevés dans les photographies. J’ai rappelé aux enfants des contraintes liées au matériau, temps de séchage, ne pas mélanger les couleurs, manipulation de l’outil pour arriver à des graphismes plus fins. J’ai proposé aux enfants d’alterner des moments où l’on observe sa production et des moments où on agit ceci permettant de réfléchir à ses choix. 45 J’ai aidé les élèves à évaluer leur travail en évoquant avec eux cette étape en arts plastiques : - Respect de la consigne - Niveau d’implication de l’élève - Application au travail - Originalité de la production - Prise en compte du référent culturel proposé. Dans cette classe de ZEP où les élèves sont très souvent en conflit les uns avec les autres, ces moments d’arts plastiques ont été des moments « calmes et sereins ». 46 Conclusion Ce mémoire m’a aidé à prendre en compte l’importance de la discipline et de ses enjeux. La séquence d’arts plastiques est un des moments privilégiés, les enfants sont dans la plupart des cas toujours volontaires et adhérent facilement au projet présenté ou choisi avec eux,.souvent très concentrés tant dans la lecture d’images que dans la réalisation. Ils ont la parole et se sentent respectés. Les traces encadrables sont mises en valeur, par affichage pour les autres élèves de la classe, de l’école comme pour les membres de la famille C’est une discipline qui permet tant un travail individuel que collectif. Cette discipline permet au maître d’asseoir un rapport de complicité avec les élèves, elle permet une pédagogie active en créant des liens entre toutes les disciplines et finaliser les apprentissages au cœur d’un projet permettant à chacun et à tous de trouver sa place au sein de la classe. Le travail avec « la terre » offre une multitude de possibilités, que cela soit avec l’argile ou l’ocre, et je pense que ce mémoire n’est que le début d’une réflexion qui sera prolongée dans les années futures. 47 Bibliographie Ouvrages LAGOUTTE Daniel : Enseigner les arts visuels, Hachette Education ROUX Claude : L’enseignement de l’art, la formation d’une discipline, J Chambon HUYGHE René : L’art et l’homme, Larousse M.C. GENET-DELACROIX, C. TROGER : Du dessin aux arts plastiques, CRDP région Centre L’art à l’école, Enseignement et pratiques artistiques, l’Etudiant BEAULIEU Denise : L’éducation artistique dans le siècle, chronique d’une idée TERRE « Centre Georges Pompidou », Dessain et Tolra GLOTON R. CLERO C. : L’activité créatrice chez l’enfant, Casterman CLERIN Philippe : La sculpture en terre ; Dessain et Tolra Encyclopédie contemporaine des métiers d’art, la poterie, Dessain et Tolra Textes officiels : LANG Jack : Conférence de presse : Orientation pour une politique des arts et de la culture à l’école Ministère de l’Education Nationale (1995) : Programmes à l’école primaire, CNDP Ministère de l’Education Nationale (2002) : Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? Les Nouveaux programmes, CNDP Ministère de l’Education Nationale : Le plan pour les arts et la culture à l’école, CNDP 48 Annexe 1 Il y avait avant que toutes les choses soient, sur la Terre et dans le ciel, deux créatures très puissantes : le Guéla d’en haut et le Guéla d’en bas. Un jour, un jour de silence, un jour de longue paix dans l’univers, le Guéla d’en bas s’ennuya, et se mit à bâiller. Alors une motte d’argile sortit de sa bouche. Voyant cela le Guéla d’en bas dit : -Oh, je vais faire des hommes, des femmes, des poissons, des animaux et des plantes avec cette argile. Et il fit des hommes, des femmes, des poissons, des animaux et des plantes. Puis il dit : - Maintenant, je vais mettre du sang dans le corps de ces hommes, de ces femmes, de ces poissons, de ces animaux et de ces plantes que j’ai pétris d’argile. Le Guéla d’en bas versa du sang dans le corps des hommes, des femmes, des poissons, des animaux mais la vie ne vint pas en eux, ils restèrent froids comme des statues. Le Guéla d’en bas fit la gueule. Il rentra dans sa grotte et laissa les hommes, les femmes, les poissons, les animaux et les plantes d’argile dehors. Ce jour-là, un orage déchira le ciel, la pluie tomba et un grand nombre de créatures d’argile furent réduites en tas de boue informes. Alors le Guéla d’en bas, considérant ce désastre, fut pris de remords. Il ramassa quelques hommes, femmes, poissons, animaux et plantes que la pluie n’avait pas réduit en bouillie et il les mit à l’abri dans une grotte. Je vous parle d’un temps très lointain. En ce temps-là, la nuit opaque régnait sur la Terre, et le Guéla d’en bas devait à toute heure faire du feu pour s’éclairer. La nuit habitait sur Terre mais le jour habitait au ciel. Le temps était immobile. Or, 49 voici que le Guéla d’en haut se penchant au bord du ciel vit que le Guéla d’en bas avait de beaux jouets d’argile Il lui dit Hé, Guéla d’en bas, donne-moi quelques-uns de tes hommes, de tes femmes, de tes poissons, de tes animaux, de tes plantes d’argile. J’allumerai la vie en eux, et à toi, je te donnerai la lumière de mon soleil. Le Guéla d’en bas répondit : - D’accord, mais donne la vie d’abord. Le Guéla d’en haut souffla la vie dans le corps des hommes, des femmes, des poissons, des animaux, des plantes et il fit descendre sur Terre la lumière du soleil. Aussitôt les hommes, les femmes se levèrent et se mirent à marcher, les poissons se levèrent et se mirent à nager, les animaux se levèrent et se mirent à bondir, les plantes se levèrent et se mirent à pousser. El le Guéla d’en haut dit : - Maintenant, Guéla d’en bas, tiens ta promesse. J’ai donné la vie à tes créatures d’argile, je t’ai donné la lumière du soleil. En échange donne-moi quelques-uns de tes hommes, de tes femmes, de tes poissons, de tes animaux, de tes plantes. Mais le Guéla d’en bas ne voulut rien entendre, il refusa de tenir sa promesse et les deux Guéla se disputèrent. Ils se disputeront jusqu’à la fin des temps, je vous le dis, et c’est un grand malheur. Car depuis le premier jour de leur dispute, le Guéla d’en haut cherche à reprendre la vie qu’il a soufflée dans les corps terrestres. Et chaque fois que le Guéla d’en haut parvient à reprendre la vie dans le corps des hommes, des femmes, des poissons, des animaux, des plantes, une homme, une femme, un poisson, un animal ou une plante meurt. Et chaque fois que le Guéla d’en bas insulte le Guéla d’en haut, les hommes, les femmes, les poissons, les animaux, les plantes sont malades, la tempête souffle, 50 la guerre ravage le pays. Et sachez encore que la lune est l’œil du Guéla d’en haut. De cet œil ouvert le Guéla d’en haut surveille le Guéla d’en bas son ennemi, même la nuit, quand le Guéla d’en haut reprend au Guéla d’en bas le soleil qu’il lui a donné avec l’âme des hommes, des femmes, des poissons, des animaux, des plantes, au temps où les hommes, les femmes, les poissons, les animaux, les plantes n’étaient que statues d’argile. Ainsi va la vie. Annexe 2 Les numa de Kau (Leni Riefenstahl) L’art du masque Ce qui est le plus frappant et le plus intéressant chez les Nouba,(tribu vivant dans une région du Soudan) c’est leur art de la peinture du visage et du corps. Il existe de par le monde de nombreuses tribus qui pratiquent la peinture du corps, mais elle n’atteint chez aucune un tel degré de perfection artistique. 51 L’imagination des Nouba et leur sens de la forme graphique sortent de l’ordinaire. A voir comment ils assortissent les couleurs, comment ils font concorder des éléments décoratifs, des lignes et des figures stylisées dans une unité harmonique,… Personne ne sait d’où ils tiennent ce don étonnant. Sauf durant les mois où ils travaillent aux champs, ils s’enduisent d’huile, se peignent et se parent tous les jours, se choisissant à chaque fois de nouveaux « masque », en changeant parfois deux fois par jour. La signification rituelle de ces peintures n’est pas essentielle. On la devine aux choix des couleurs de base, et le noir profond, par exemple, que les Nouba considèrent comme la plus belle couleur, ne peut être utilisé que par les meilleurs d’entre les combattants. Mais cet interdit ne vaut que lorsqu’il s’agit de se couvrir entièrement le corps de noir. Comme couleur d’appoint, le noir peut être utilisé par tout un chacun. Non, le sens profond de ces peintures, c’est l’exaltation d’une belle apparence. Chacun essaie de surpasser son voisin. Certains sont très doués, d’autres moins, mais la plupart sont capables Ils savent mettre en valeur par la peinture les traits positifs de leur visage et de leur corps et dissimuler ce qui serait moins beau à voir, ou bien en détourner les regards. Les yeux peuvent être agrandis par des taches, des ombres ou soulignés par des lignes et des cercles. Quand il leur arrive de ne pas peindre les deux moitiés de leur visage ou de leur corps systématiquement, ils parviennent à transformer cette dissymétrie en une harmonie parfaite grâce à ce qu’il faut de lignes et de formes. Tant leur sentiment esthétique est d’une infaillible sûreté et leur maîtrise extraordinaire. Avant de se peindre, les Nouba commencent par procéder à fond à leur toilette. Ils se rasent les poils du corps, qui empêcheraient la couleur d’attacher. Puis ils 52 s’enduisent le corps et le visage d’huile, puisque la couleur ne tient que sur une peau huilée. Ils doivent faire attention à ne pas se mettre trop d’huile, les couleurs seraient alors trop diluées et se mélangeraient. Ces couleurs se présentent sous la forme d’une poudre fine et sèche. On pose d’abord les couleurs de base en frottant avec les mains jusqu’à ce que toute la surface de la peau soit couverte. Alors peut commencer le dessin des lignes et des figures, qui est effectué avec un petit morceau de bois. Certains Nouba se sont fabriqué des tampons de cuir ou de bois et s’en tamponnent le corps. Ils fabriquent eux-mêmes leurs couleurs. Le noir, c’et de la poussière de charbon, le blanc est fait de coquillages réduits en poudre, qu’ils ont ramassés dans le lit desséché d’un fleuve. On trouve aussi, par endroits, du calcaire blanc. Le jaune et l’ocre jusqu’au rouge, les couleurs principales proviennent surtout d’une caverne souterraine qui se trouve à quelques kilomètres de Kau. Ils y puisent une pierre tendre qui contient en oxyde de fer et ils la chauffent pour obtenir le rouge… 53 Annexe 3 L’artisan Définition (Petit Robert) « L’artisan : personne qui fait un travail manuel à son propre compte, aidée souvent de sa famille, de compagnons, apprentis, etc. » L’artisan pratique un métier qui obéit à des règles de fabrication tenant compte d’une chronologie et l’apprentissage d’une technologie L’artisan apprend des gestes précis et efficaces pour reproduire en série des objets souvent utiles. L’artiste Définition (Petit Robert) « Personne qui se voue à l’expression du beau, pratique les beaux-arts Créateur d’une œuvre d’art » « Le véritable artiste ne cherche pas à plaire au public, parfois il se doit même de lui imposer des œuvres qui vont d’un premier abord à l’encontre de ses goûts afin de les faire évoluer vers d’autres perceptions. L’artiste est un être fini, mais son art est infini, universel et intemporel. L’artiste crée grâce à deux éléments indispensables qui se complètent : L’inspiration qui doit être en renouvellement perpétuel La technique qui doit être au service des émotions et jamais n’exister que pour elle-même. Le véritable artiste n’a pas d’orgueil car il sait (hélas !) que l’art n’a pas de limite « il sent obscurément à quel point il est éloigné du but, et tandis que d’autres, 54 peut-être l’admirent, il déplore de n’être pas encore arrivé là-bas où un génie meilleur ne brille pour lui que comme un soleil lointain. » L.V. BEETHOVEN Annexe 4 Charles Simonds (1945, New York) Artiste Américan. Il réalise des constructions miniatures, principalement dans les rues de Manhattan, édifiant les monuments fragiles de villes indiennes hautes de quelques centimètres avec des matériaux trouvés sur place ou dans les jardins voisins (sable, terre, bois). Ces cité se logent dans les anfractuosités des murs, s’accrochent aux talus de terrains vagues et Simonds imagine qu’elles ont été construites, habitées puis abandonnées par une population de « Little People ». Plus classiquement, il présente aussi ses œuvres en galerie : installés sur des socles carrés, les remparts d’effritent, les tours et mastabas se tordent sur des sols desséchés, les habitations sont désertées comme pour signaler le caractère transitoire de toute culture. 55 Gilberto Zorio (1944, Andorno Micca Artiste italien. Il s’inscrit dès ses premières œuvres dans le courant de l’Arte Povera, lorsqu’il présente en 1967 des travaux instables : colonne posée sur une chambre à air, surface passée au chlorure de cobalt qui réagissent aux variations d’humidité en changeant de coloration. Progressivement, il mêle matériaux traditionnels (terre cuite, cuir…) et instruments sophistiqués (javelots de fer, éléments de cuivre) pour établir des relations complexes entre réel et imaginaire Pour purifier la parole, 1978, 22 fragments de terre cuite, d 270 cm 56 57