Facteurs pronostiques d`infertilité

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Facteurs pronostiques d`infertilité
réalités en gynécologie-obstétrique # 169_Septembre/Octobre 2013
Le dossier
Adénomyose et infertilité
Facteurs pronostiques d’infertilité
Résumé : L’adénomyose se définit par la présence de tissu endométrial au sein du myomètre. Son implication dans
l’infertilité n’est pas bien établie. Elle pourrait altérer le transport spermatique utéro-tubaire, gêner l’implantation
et être responsable de fausses couches précoces.
Les résultats en FIV sont controversés, retrouvant pour certains un défaut d’implantation ou une augmentation
des fausses couches spontanées. Cependant, les traitements actuels par blocage hormonal (agoniste de la GnRH
ou pilule estroprogestative) avant la stimulation corrigent ces effets de l’adénomyose. Les autres traitements sont
encore en évaluation.
L’
adénomyose se définit par
la présence de glandes et de
stromas endométriaux au
sein du myomètre de la cavité utérine.
Associée le plus souvent à l’endométriose, elle peut également exister seule.
L’adénomyose est responsable de douleurs et de saignements, mais peut parfois être asymptomatique.
lien entre adénomyose
[ Lete infertilité
➞C. Gauche-Cazalis
Service de Médecine de la
Reproduction, Hôpital Cochin, PARIS.
L’adénomyose apparaît le plus souvent
chez la femme en préménopause, mais
elle peut être plus précoce (vers 30 ans)
quand elle est associée à l’endométriose
[1]. Sa prévalence augmente avec l’âge,
la parité et les traumatismes utérins
(césarienne, geste endo-utérin, myomectomie) [2, 3].
Son incidence apparaît plus importante dans la population infertile. Cela
s’explique d’une part en raison de
l’avancement de l’âge de ces patientes,
d’autre part en raison de l’exploration
étiologique de leur infertilité qui, par
l’imagerie (échographie, IRM), amène
au diagnostic d’adénomyose. Ainsi, le
clinicien est de plus en plus confronté
au problème de relation entre infertilité
et adénomyose.
10
Cependant, le rôle de l’adénomyose dans
l’infertilité est mal défini. En effet, le diagnostic de certitude étant uniquement
histologique, son étude chez l’homme
dans le cadre de l’infertilité est quasi
impossible. C’est notamment une étude
sur les babouins qui a mis en évidence
une corrélation entre l’adénomyose et
l’infertilité, et ce indépendamment de
la présence d’endométriose [4]. Mais
l’adénomyose étant souvent associée à
des fibromes ou de l’endométriose, son
implication propre dans l’infertilité est
difficile à mettre en évidence.
[
L es mécanismes
responsables d’infertilité
dans l’adénomyose
Sur le plan physiopathologique, l’étiologie de l’adénomyose reste très controversée et la relation avec l’infertilité mal
établie. Plusieurs phénomènes physiopathologiques ont été étudiés.
1. L’hyperpéristaltisme
La zone de jonction correspond à la
zone myométriale sous-endométriale.
L’endomètre et cette zone myométriale
ont la même origine embryonnaire
provenant des canaux müllériens [3],
ce qui n’est pas le cas pour la couche
réalités en gynécologie-obstétrique # 169_Septembre/Octobre 2013
plus externe du myomètre. Cette unité
architecturale endomètre-myomètre
sous-endométriale est responsable du
péristaltisme utérin, sous dépendance
hormonale (estradiol et progestérone).
Ce péristaltisme varie au cours du cycle
menstruel, favorisant au moment de
l’ovulation le transport spermatique
utéro-tubaire du côté homolatéral au follicule dominant. En phase lutéale, une
diminution de ce péristaltisme favorise
l’implantation.
La désorganisation architecturale de
la zone de jonction retrouvée dans
l’adénomyose conduit à un hyperpéristaltisme [2] qui altère le transport
spermatique utéro-tubaire [5, 6] et
peut nuire à l’implantation. L’analyse
tissulaire des zones adénomyosiques
montre une diminution des fibres
nerveuses au niveau de l’interface
endomètre-myomètre pouvant expliquer ces troubles de la contractilité
utérine [7]. Une autre théorie invoque
une hyperexpression des récepteurs à
l’ocytocine et à la vasopressine dans le
myomètre des femmes atteintes d’adénomyose pouvant également expliquer
cet hyperpéristaltisme [8].
2. L’inflammation locale
L’altération de la fonction endométriale
et de sa réceptivité a été incriminée dans
l’adénomyose. Des études ont montré une augmentation de la densité en
macrophages et cellules natural killer
dans les tissus adénomyosiques et dans
l’endomètre adjacent [9]. Ces cellules
sont sécrétrices de molécules de l’inflammation comme le TNFa, l’interleukine 1, ou des radicaux libres potentiellement néfastes pour l’embryon [10-12].
Cela expliquerait l’augmentation des
fausses couches précoces dans ce cas.
Sur le plan moléculaire, on observe une
diminution de l’expression de HOXA10
en cas d’adénomyose. Cette homeobox
est responsable de la transcription de
nombreux gènes impliqués dans l’im-
plantation. Sa diminution d’expression
est associée à une altération de la réceptivité endométriale et un défaut d’implantation [9].
[ etL’adénomyose
les résultats en FIV
L’analyse des résultats en FIV est intéressante. Dans ce cas, le diagnostic d’adénomyose repose uniquement sur l’imagerie, qui permet de faire un diagnostic in
vivo. Les deux examens les plus performants sont l’échographie et l’IRM.
L’étude de Chiang en 1999 a comparé
19 patientes atteintes d’adénomyose
pour lesquelles le diagnostic a été établi échographiquement, à 144 patientes
contrôle. Elle montre un taux de fausses
couches spontanées significativement
plus élevé chez les patientes ayant de
l’adénomyose par rapport au groupe
contrôle (66,7 % vs 8 %, p < 0,004) [13].
Ce résultat est également retrouvé dans
une étude en don d’ovocytes montrant
une augmentation significative des
fausses couches spontanées, alors qu’aucun défaut d’implantation n’a été mis en
évidence [14].
À l’inverse, l’étude prospective de
Maubon en 2010, établissant le diagnostic d’adénomyose sur des critères IRM,
montre qu’une zone jonctionnelle anormalement épaissie est prédictive d’un
échec d’implantation, indépendamment de l’âge et de la qualité embryonnaire [15].
En FIV, le blocage hormonal par agoniste de la GnRH ou par la pilule estroprogestative a montré une amélioration
des résultats chez les patientes atteintes
d’endométriose. Il semble en être de
même pour l’adénomyose. En effet, après
blocage hormonal, l’endométriose et les
phénomènes inflammatoires associés
sont diminués. À l’imagerie, on observe
un amincissement de la zone jonction-
nelle sous analogue de la GnRH. Ainsi,
dans l’étude rétrospective de Costello où
toutes les patientes ont reçu un protocole
long, aucune différence significative n’a
été retrouvée en termes de taux d’implantations, de taux de fausses couches
spontanées et de naissances [16].
L’étude rétrospective de Mijatovic en
2010 est intéressante puisqu’elle a étudié 74 patientes atteintes d’endométriose
avec une analyse comparative selon la
présence ou non d’adénomyose associée.
Il s’agissait de protocoles longs avec au
moins trois mois de blocage par agoniste
de la GnRH. Aucune différence significative n’a été retrouvée en termes de taux
d’implantations, de fausses-couches
spontanées ou de naissances [17].
À l’inverse, une étude récente de 2012
en FIV uniquement en protocole antagoniste met en évidence un défaut d’implantation pour les patientes atteintes
d’adénomyose [18].
Au total, les études en FIV sont encore
peu nombreuses et concernent de petits
effectifs. Elles pèchent par un manque
de définition claire de l’adénomyose à
l’imagerie. Le tableau I récapitule les
effets de l’adénomyose sur les résultats
de la FIV.
Si l’adénomyose altère l’implantation
et augmente le taux de fausses couches
spontanées comme semblent le démontrer les études, l’évolution des protocoles
de stimulation pourrait corriger ces effets.
[
L es traitements
de l’adénomyose
dans l’infertilité
Les traitements “classiques” de l’adénomyose sont incompatibles avec une prise
en charge en infertilité. Dans la mesure
où ils ne doivent pas altérer l’utérus, ni
empêcher les traitements de stimulation
ovarienne, les possibilités thérapeutiques sont réduites.
11
réalités en gynécologie-obstétrique # 169_Septembre/Octobre 2013
Le dossier
Adénomyose et infertilité
Etude, année
Type d’étude
Nombre
de patientes
(cas/contrôle)
Diagnostic
d’adénomyose
Type de protocole
de stimulation
-
Résultats
Chiang, 1999 [13]
Rétrospective
cas-témoins
19/144
Échographie
Augmentation du nombre de FCS
Mijatovic, 2010 [17]
Rétrospective
20/54
Échographie
Long down regulation
pendant 3 mois
Pas de différence significative sur
le taux d’implantations, de fausses
couches spontanées ou de naissances.
Maubon, 2010 [15]
Prospective
observationnelle
152
IRM
Long ou antagoniste
Diminution significative du taux
d’implantations, indépendant de
l’âge et de la qualité embryonnaire.
Costello, 2011 [16]
Rétrospective
cas-témoins
37/164
Échographie
Long
Pas de différence significative sur
le taux d’implantations, de fausses
couches spontanées ou de naissances.
Martínez-Conejero,
2011 [14]
Rétrospective
cas-témoins
Don d’ovocytes
152/147
Échographie
Préparation des receveuses
par estradiol
Pas de diminution du taux
d’implantations.
Augmentation significative
des fausses couches spontanées.
Thalluri, 2012 [18]
Rétrospective
38/175
Échographie
Antagoniste
Diminution significative
du taux d’implantations.
Tableau I : Tableau récapitulatif de l’impact de l’adénomyose sur les résultats de la FIV.
>>> Le traitement hormonal par agoniste de la GnRH ou anti-estrogène,
donné pendant 3 à 6 mois avant la stimulation, crée un environnement hypoestrogénique et permet une régression de
l’adénomyose. Même si les études sont
sur de très petits effectifs, on observe des
grossesses spontanées chez des patientes
jusque-là infertiles. Toutes les grossesses
rapportées surviennent dans un délai
maximum de 6 mois après le traitement
par agoniste de la GnRH [2]. De la même
manière en FIV, un blocage hormonal de
3 à 6 mois semble améliorer les résultats.
C’est ce que retrouve l’étude de Mijatovic
[17] qui, sur un petit effectif de 4 patientes
atteintes d’adénomyose avec de multiples échecs de FIV malgré des transferts embryonnaires de bonne qualité,
a montré l’obtention de grossesse après
traitement par agoniste de la GnRH [19].
>>> La combinaison d’un traitement
chirurgical et hormonal consiste en une
microrésection des lésions adénomyosiques, puis un traitement par agoniste
de la GnRH. Des grossesses ont été rapportées chez des patientes précédemment infertiles [2, 20].
12
>>> L’embolisation des artères utérines,
plus souvent étudiée dans le cadre des
utérus myomateux, peut également se
faire en cas d’adénomyose. Des grossesses ont été rapportées [21].
>>> Le traitement par ultrasons focalisés de haute intensité est une alternative
thérapeutique nouvelle. Elle consiste
en une combinaison de coagulation et
destruction des tissus pathologiques
actuellement utilisée dans le cancer de
la prostate localisé. Un cas de grossesse
spontanée a été relevée [22].
Au total, les traitements de l’adénomyose dans le cadre d’une infertilité
apparaissent. Ils nécessitent de confirmer leur efficacité par des études plus
larges.
[
Conclusion
L’adénomyose est une pathologie mal
comprise tant par son étiologie que par
son rôle dans l’infertilité. Pourtant, le
clinicien y est de plus en plus confronté
car son incidence dans cette population
infertile augmente avec l’âge et le diagnostic d’imagerie est plus fréquent.
Il ressort essentiellement une augmentation des fausses couches spontanées.
Le défaut d’implantation apparaît
plus controversé. Mais selon plusieurs
études, le blocage ovarien prolongé en
pré-FIV pourrait corriger les effets délétères de l’adénomyose.
Les avancées en imagerie nécessitent
d’établir des critères diagnostiques
précis et permettre ainsi de conduire
des études sur de plus grands effectifs
afin de mieux évaluer le rôle de l’adénomyose dans l’infertilité et surtout ses
traitements.
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L’auteur a déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts
concernant les données publiées dans cet article.
13

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