le populisme - Antenne sociale de Lyon

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le populisme - Antenne sociale de Lyon
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Antenne sociale de Lyon
Mars 2014
Le Contexte électoral au défi du populisme1
Alors que se préparent les élections municipales et européennes en 2014, les discours ou les
conduites politiques électorales ont tendance à se radicaliser… dans leur appel au ‘’peuple’’, au risque
de tout confondre.
Voici quelques éléments d’aide à la réflexion.
Populisme ou populismes: de quoi s'agit-il ?
Le mot vient du latin populus : peuple. Mais de quel « peuple » s’agit-il dans la tête de ceux qui lui
font référence ?
La signification donnée au mot « populisme » est relativement floue et varie selon celui qui l'utilise.
Dans le discours médiatique ou médiatisé, il est souvent synonyme de démagogie, d'électoralisme,
d'opportunisme, etc., dans un sens ordinairement péjoratif, car il apparaît comme électoraliste en
faisant fond sur ‘’de bas instincts’’.
Historiquement, « le populisme est un mouvement politique russe de la fin du XIXe siècle qui luttait
contre le tsarisme en s'appuyant sur le peuple et en prônant la transformation des communautés
agraires traditionnelles ». Il a eu d’autres expressions politiques, notamment en Argentine (Peron), au
Brésil (Vargas), en Égypte (Nasser), en Lybie (Kadhafi), mais aussi en France : Boulangisme au XIXe,
Poujadisme 1950, actuellement des partis d’extrême droite ou gauche. Dans l’Europe actuelle, les
courants ou partis populistes sont présents non seulement dans la Ligue du Nord ou le Mouvement
Beppe Grillo en Italie, mais aussi en Norvège (parti du Progrès), en Autriche (FPÖ ou BZÖ), aux Pays
Bas (Parti de la Liberté), en Suisse, Danemark, Hongrie, etc.
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Sources :
- Hervé Le BRAS, Emmanuel TODD, le mystère français, Seuil, 2013
- Fondation Robert Schuman, Pascal Perrineau, la montée du national populisme en Europe, 2011
- Internet, La Toupie, 2013
- Le Monde, La Croix, C dans l’air, la TV
- Textes du concile Vatican II
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Il faut distinguer et regarder de plus près, deux types de populisme (Cf. Targuieff). Un populisme
protestataire contre le grand capital, les élites et partis de gouvernement, les privilégiés (« les gens
d’en haut ») qui accaparent le pouvoir ; il s’appuie sur un peuple idéalisé et des citoyens idéalement
conscients et responsables (« les gens d’en bas ») (ex NPA en France). Un autre populisme
« identitaire » a les mêmes caractéristiques mais il s’appuie aussi sur la nation, sa pureté et sa
culture menacée, etc. par ceux qui trahissent le « peuple ».
« Pour les populistes, la démocratie représentative fonctionne mal et ne tient pas ses promesses.
Prônant une démocratie plus directe, ils ont donc pour objectif de « rendre le pouvoir au peuple ».
Lorsqu'ils sont au pouvoir, les populistes peuvent remettre en question les formes habituelles de la
démocratie au profit d'un autoritarisme s'appuyant sur des institutions censées être authentiquement
au service du peuple ». (La Toupie)
Populisme actuel en France
Il n’y a pas de populisme « chimiquement » pur. Les idées ou comportements populistes se
mélangent à d’autres discours et autres comportements dans la société. Mais certains partis politiques
ou groupes sociaux sont plus ouvertement « populistes », protestataires ou identitaires, que d’autres.
Comment le remarque-t-on dans la vie politique et sociale ?
- les outrances du discours contre les gens au pouvoir (les élites, ceux d’en haut) et particulièrement
contre. Exemple : « Tous les politiciens sont des menteurs » (in Le Monde).
- La confusion voulue des lignes habituelles entre droite/gauche (dénonciation de l’UMPS, citations et
références à De Gaulle, ou Jaurès par l’extrême droite, etc.).
- La critique non pas des positions et arguments de l’autre, mais de sa personne, en mettant en cause
son honnêteté, ou sa prétendue implication avec l‘étranger, ou simplement sa couleur (la diffamation
contre Christiane Taubira, traitée de guenon).
- L’appel au peuple « pur » contre les élites, supposées pourries (élites politiques, Bruxelles, l’Europe,
le grand capital, etc.).
- la globalisation d’un peuple français idéal (alors que ce peuple français est aujourd’hui multi racial,
multi culturel et multi religieux).
- l’appel à la nation, à l’autorité d’un leader plus ou moins charismatique, qui ramènerait « la loi et
l’ordre », face à un État déconsidéré et illégitime (« l’exécutif n’a plus aucune légitimité », Mme LP, 17
nov. 2013).
- Le rejet des étrangers, c'est-à-dire opposer le peuple du « dedans » de celui du « dehors » qui est
menaçant, comme bouc émissaire. Surfer sur la xénophobie des foules ou des individus qui se
sentent menacés dans leur existence (par les Roms, par exemple).
- Le refus de l’immigration, comme source de tous les maux, et le repli sur la nation menacée. La
hantise de l’Islam.
- l’identité nationale et le nationalisme, voire le régionalisme.
- l’hostilité à la construction européenne, à Bruxelles, à l’Euro, etc. comme bouc émissaire des
difficultés nationales. Cf. les discours anti européens du FN : « l’État a été vidé de ses prérogatives et
de sa souveraineté au profit de l’Union Européenne. Il est vidé de son unité par le communautarisme
et les féodalités », Marine Le Pen (Le Monde, 1 novembre 2013).
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- l’identité de « race » , ou de couleur, de culture ou de religion. Réduire l’individu à cette seule
variable.
- le protectionnisme économique contre la mondialisation, également un protectionnisme culturel
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Si peu de monde affirme l’idée de race biologique, un racisme culturel de préjugés et de stéréotypes existe encore, souvent
enfoui dans le souvenir de la colonisation.
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- la critique d’une fiscalité accrue et opaque imposée par une politique sans fermeté.
- la tendance à se présenter comme victimes des médias, des institutions, des politiques.
Évolution : des digues tombent
En France, les idées populistes se font jour de plus en plus depuis ou par la montée du FN (ou par la
montée de ses idées) dans une lente dérive des partis vers les thèses d’extrême droite. Ceci légitimé
soit dans une parole publique d’hommes politiques « décomplexés » qui soufflent sur les braises, soit
multiplié par des réseaux sociaux « libérés ».
« La conjoncture nous est favorable. Le parti marche dans les sens du tapis roulant, (JM Le Pen).
.
Exemples de xénophobie de l’opinion publique : les déclarations de Manuel Valls sur les Roms et la
large opinion qui lui est favorable (80%, Le Monde du 8 octobre) ; le parti national breton (et certaines
paroles des « Bonnets rouges ») ; « Nous sommes tous des Marseillais », (Sonia Galhi contre les
Parisiens qui auraient soutenu son adversaire PS aux primaires de Marseille).
Les groupes radicaux sont minoritaires mais ils reviennent sur le devant de la scène.
Avec une dérive vers un racisme latent ou affirmé3
Une foule de propos ou d’actes, plus ou moins racistes, qui ne se disaient pas depuis la deuxième
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guerre mondiale, mais qui aujourd’hui remontent à la surface :
- les insultes racistes contre des joueurs noirs dans les stades de foot, souvent restées impunies (Le
Monde 8 nov.) ;
- la Marseillaise sifflée sur un terrain de foot (nous sommes loin de la France ‘’black-blanc-beur’’ de la
coupe mondiale de 1998) ;
- au sujet de Mme Taubira : « Je préfère la voir dans un arbre près des branches que la voir au
gouvernement », (une ex candidate du FN, France 2) ; « Ya bon banania, ya bon Taubira » (Manif de
Civitas contre le mariage pour tous, in Le Monde 8 nov.) ;
- « les casseurs sont sûrement des descendants d’esclaves, ils ont des excuses. Taubira va leur
donner des compensations », (un député UMP, mai 2013) ;
- « les gens avaient peur d’être volés ou que les Roms apportent des maladies » (La Croix 5 nov.).
Les causes diverses du populisme : recherche de signification
La montée du populisme dans les discours comme dans les conduites collectives (élections,
manifestations, etc.) est un signe avant coureur d’une rupture sociale en train de se produire.
- Les crises (économique, sociale et politique, toutes interconnectées), depuis 2008 notamment, qui
pèsent surtout sur les catégories sociales les plus fragiles (ouvriers, chômeurs, petits commerçants..
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familles en difficulté) .
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Michel WIEVIORKA , « Font National entre extrémisme et populisme et démocratie ». Noter que le racisme est un lieu où se
joue la cohésion sociale d’une nation, mais il importe de distinguer anti sémitisme et anti sionisme, racisme anti blancs et
racisme musulman anti juifs, nationalisme et communautarisme.
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Les actes racistes divers se sont multipliés par cinq en 20 ans (15 320 recensés en 2012 : Le Monde du 8 nov.) Mais plus
grave encore que les propos, les discriminations racistes existent en matière d’emploi, de logement, de religion, etc. Bien que la
société française soit devenue métisse depuis plus de vingt ans.
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En France, le salaire médian 2011 = 1712€/mois, mais la moyenne cache des inégalités criantes. Les 10% les moins bien
payés touchent net moins de 1170€/mois ; les 10% les mieux payés 3400€/mois. Ceux qui sont au chômage encore moins. En
terme de niveau de vie, les 10% les plus modestes ont un revenu inférieur à 10 530 €/an (877,5/mois) ; les plus aisés disposent
d’au moins 37 450 €/an (3 128/mois). Source INSEE 30 /10 /2013.
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44% des Français déclarent « s’en sortir difficilement avec les revenus de leur foyer », (Le Monde,
7 nov.).
- Les peurs : peur de l’avenir par rapport au travail, retraites, santé, peur d’être dominés par l’Europe
(l’€uro) ou/et par l’État, le grand commerce, avec de faibles possibilités d’études qui permettent un
emploi pérenne, etc.
Il y a un risque de paupérisation de « quinze millions de salariés, employés ou ouvriers cantonnés
dans des positions subalternes du marché du travail », (Le Monde 7 nov.)
- Le ressenti de beaucoup de citoyens : que l’on ne s’intéresse pas à leurs difficultés (chômage,
sécurité, logement, voisinage (Roms)), au respect de leur liberté.
- La xénophobie : peur ou rejet de l’étrange, l’étranger, le noir, l’Arabe, le musulman, le juif, peur de
l’autre et repli.
- Dans des groupes extrémistes, de droite comme de gauche, leur communautarisme culturel ou
religieux.
- Le besoin ou désir d’ordre (le FN puise son origine dans « Ordre Nouveau »), avant l’égalité.
- Un certain racisme enfoui dans la société française depuis la colonisation, et qui fait que nombre de
Français se pensent supérieurs aux autres.
Observation des votes aux dernières élections françaises
Cf. Hervé Le Bras, Emmanuel Todd.
Quelques points de synthèse, qui sont autant de points d’attention et d’interrogation :
1. l’électorat glisse vers la droite (recul des partis ou des propositions politiques égalitaires) ; en cause
la montée d’un égoïsme de la richesse individuelle (ceci surtout pour les cadres moyens), richesse
menacée par le chômage et les rapides évolutions économiques de la mondialisation. Pessimisme
français !
2. On est en train de glisser du vote des couches modestes de la société (ouvriers, petits
commerçants, petits agriculteurs) du vote communiste vers le vote frontiste. Passage d’un extrême à
l’autre (vote à Brignoles, Var).
3. Dans ce glissement, le souci (peur) des étrangers passe bien après le souci économique (salaires,
chômage, etc.) même si certains partis agitent le chiffon rouge du Rom, du musulman, de l’étranger
(xénophobie).
4. Quel lien peut-on faire entre ce glissement général et la déchristianisation ? le vide religieux (pertes
de repères, de solidarité et d’espérance…) ? Réflexion à faire !
5. Trop souvent, l’image de la France, donnée par les médias, est celle d’un pays qui va à vau-l’eau,
ingouvernable et ingouverné, par les élites politiques.
6. Il y a bien quelques manifestations de protestation, parfois réactions affectives (l’affaire Léonarda),
mais il n’y a pas eu de grands changements électoraux pour prendre le pouvoir et mettre en œuvre
une autre politique.
Quelques repères éthiques
La pensée sociale de l’Église rappelle quelques fondements :
- la dignité fondamentale de toute personne humaine, créée à l’image de Dieu son Père, fonde les
droits de l'homme.
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- l’égalité ainsi fondamentale : « Il n’y a (…) dans le Christ et dans l’Église, aucune inégalité qui
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viendrait de la race ou de la nation, de la condition sociale ou du sexe, car « il n’y a plus ni juif ni
Grec, ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme, vous n’êtes tous qu’un dans le Christ
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Jésus ». Gal 3,28 et Col 3,11 ; G.S 32 .
- le bien commun : « ensemble des conditions de vie sociale qui permettent, tant aux groupes qu’à
chacun de leur membre, d’atteindre leur perfection plus totale et plus aisée ». Vatican II, Gaudium et
Spes 26.
- dans nos sociétés sécularisées, pluriethniques, pluriculturelles et pluri religieuses, la possibilité du
vivre ensemble ne va pas sans conflits et affrontement de valeurs ; d’où la nécessité du dialogue et
de la confrontation des idées.
- la distinction à faire entre la personne qui est toujours à respecter, et les actes ou propos qu’elle a
qui peuvent ou doivent être contestés, dans le débat public ; distinguer la personne de l’acte qu’elle
commet (CEF 1992).
- le respect et l’accueil de l’étranger : « De nos jours (…) nous avons l’impérieux devoir de nous faire
le prochain de n’importe quel homme et, s’il se présente à nous, de le servir activement : qu’il s’agisse
de ce vieillard abandonné de tous, ou ce travailleur étranger, méprisé sans raison, ou de cet exilé, ou
de cet enfant né d’une union illégitime qui supporte injustement le poids d’une faute qu’il n’a pas
commise, ou de cet affamé qui interpelle notre conscience en rappelant la parole du Seigneur :
« chaque fois que vous l’aurez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez
fait. (Mat 25,40) », G.S 27.
- la lutte contre toute forme d’oppression et de discrimination : « toute forme de discrimination
touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit sociale ou culturelle(…) doit être
dépassée et éliminée comme contraire au dessein de Dieu », Vatican II, G.S 29.
- « La participation à la vie communautaire n'est pas seulement une des grandes aspirations du
citoyen, appelé à exercer librement et de façon responsable son rôle civique avec et pour les autres,
mais c'est aussi un des piliers de toutes les institutions démocratiques ». Jean XXIII, Pacem in terris,
278.
Quelques questions en vrac pour un débat :
- En tant que citoyen, engagé localement dans une communauté humaine diversifiée, et
craintive, dans la recherche d’un vivre ensemble, quelles réactions ?
- Comment palier les dérives de certaines méconnaissances ou certains mensonges ?
- Comme chrétiens, dans ce contexte de mouvement social conflictuel, quel peut être la
tâche de l’Église dont nous sommes ?
Etienne FAUVET, novembre 2013
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Noter qu’un Vatican II porte la marque de son histoire ; le concept de race n’est plus pertinent aujourd’hui, ce qui ne veut pas
dire que les idées racistes culturelles n’existent plus.
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Une telle recommandation s’applique aussi ou d’abord à l’Église qui n’est pas exempte de discrimination en son sein.
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