la tombe - Stargate Files

Transcription

la tombe - Stargate Files
Les personnages et tout l'univers de Stargate ne m'appartiennent évidement
pas. En revanche la fanfiction qui suit sort tout droit de mon esprit torturé et
ne peut être exploitée sans mon autorisation. Merci.
Cette fanfic se situe quelque part dans la seconde saison. On ignore alors le passé de Sheppard
en Afghanistan, sachant juste qu'en voulant sauver ses hommes il a fini « banni » en
Antarctique pour notre plus grand bonheur.
Toutes descriptions de lieux, d'armes ou de véhicules est strictement exact et est le fruit d'une
soigneuse documentation, pour le reste, mon esprit est le seul coupable! ^^
Bonne lecture.
LA TOMBE
Prologue
Tacatacatac ! Le bruit est terriblement assourdissant. Le major John Sheppard a de la terre
boueuse plein la bouche. Il tente de cracher cette masse compacte qui obstrue ses voies
respiratoires. Son inspiration se fait laborieuse, nécessitant la mise en marche de toutes ses
réserves d’énergie, pour ainsi dire nulle. Il ne peut pas bouger, pas encore.
Sheppard ouvre les yeux, mais seul un petit faisceau de lumière perce sa prison de métal. Le
tableau de bord est mortellement muet, aucun signal lumineux, aucun bip.
Le militaire cesse de lutter et laisse sa conscience dériver.
Chapitre un
La peur
Une quinte de toux et un gémissement brisent le silence de la nuit noire. Peut-être un petit rire
aussi…
Mais ce n’est pas la nuit et la voûte céleste n’est qu’un dôme rocailleux. Le colonel John
Sheppard est allongé à même le sol d’une cavité creusée au cœur de la terre. Il reprend
brutalement conscience en inspirant profondément l’air putride qui l’entoure. La quinte de
toux recommence lorsqu’il crache la terre rouge sombre qui s’est engouffrée dans sa bouche.
La grotte paraît immense car John ne peut en distinguer les parois. En revanche, le plafond
rocheux est nettement visible. Il se dessine autour d’une sorte de boyau glaireux d’où pénètre
une faible luminosité. Son embouchure est cinq mètres au dessus de la tête de Sheppard. Le
colonel examine cette issue possible avec espoir, mais réalise très rapidement qu’elle est
inaccessible. Il avance prudemment, les mains devant lui, tendues en éclaireurs. Après une
dizaine de pas, ses mains n’ont toujours pas rencontré le moindre obstacle. Il décide de
retourner sous l’entrée de la grotte, seul élément visible et donc unique point de repère dans
cette obscurité. Il tente alors de reproduire le même mouvement dans différentes directions
autour du boyau lumineux. Toujours aucune paroi, aucun contact. Plus il s’éloigne de son
repère, plus la noirceur qui l’entoure semble s’épaissir. Au sol la terre est dure comme de la
pierre et malgré ses tentatives Sheppard ne peut y imprimer la moindre trace lui permettant de
se diriger.
A dix pas, ses pieds ne sont plus visibles et à quinze, ses mains ne sont que des ombres. A
vingt pas, il n’est plus qu’un étrange fantôme sans corps apparent, tout entier fait de pensées
obscures comme sa prison, et de sensations douloureuses.
La douleur, c’est dans le noir complet qu’elle prend sa naissance et son ampleur. Jusqu’à
présent John n’a pas prêté attention aux signaux que lui émettait son corps. Trop attentif à son
environnement, il n’a pas réalisé que le froid et la fatigue engourdissaient ses membres. Mais
est-ce juste le froid ?
L’obscurité est intégrale. Il se palpe du bout des doigts, à la découverte de son corps qui lui
est invisible. Ses bras, ses jambes, tout est là. Aucune blessure n’est perceptible.
Alors pourquoi cette douleur qui cherche à percer ? La peur le submerge. La source lumineuse
lui semble soudain très loin, trop loin. Il amorce un mouvement dans sa direction mais ses
jambes le portent à peine et sont de plus en plus ankylosées. Dix pas encore, il y est presque.
Sa tête bourdonne. Prit de vertiges, il s’affale sur le dos. Ses membres lui font mal, pourtant il
ne les sent plus. Sheppard pense aux mutilés qui souffrent encore longtemps après leurs
amputations. Il frémit.
- Qu’est-ce qui se passe bon sang ! Où suis-je ?
John reste là immobile, cherchant vainement une réponse à ses questions.
Il écoute le silence mais celui-ci refuse de lui révéler son secret et Sheppard reste ainsi,
impuissant. La douleur est toujours là cherchant une porte pour sortir et exploser à la surface
de sa chair. Le colonel Sheppard l’écoute attentivement, cherchant à connaître son origine et
ses intentions. Qui est-elle et surtout d’où vient elle ?
Pas de mouvement, pas de bruit. Il est seul.
Soudain, le mal trouve une échappatoire et la souffrance éclate au creux poplité de sa jambe
droite, se répercute aussitôt sur son bras puis semble faire imploser tout son corps. John hurle
mais son cri est comme aspiré par les parois invisibles de la grotte. Son immobilité et son
soudain mutisme ne font qu’amplifier l’intensité de sa souffrance. Sheppard lance un regard
implorant vers la lumière, le bout du tunnel, symboliquement et matériellement, puis perd
connaissance.
oooOOOooo
Le major Sheppard est aux commandes d’un hélicoptère RAH 66 Comanche de l’armée
Américaine. Les cinq pales du rotor tournent silencieusement dans la nuit afghane. Un second
hélicoptère le suit de très prêt. Les fuselages à plans inclinés se glissent furtivement vers leur
destination. Au sol, les montagnes calcaires qui trônent au centre du pays ont remplacé le
désert et le sable de la région de Kandahar. Ils s’éloignent du sud du pays pour rallier en
secret une petite languette de terre se glissant dans les profondeurs du Pakistan, au sud du
Tadjikistan.
A l’arrière de son engin, le tireur est silencieux. Il fait parti de l’équipe du major depuis le
début du conflit et entre eux la hiérarchie militaire a fait place à une véritable amitié.
Le pilote et le tireur du second Comanche font également partie du quatuor infernal. Le major
John Sheppard et le captain Jefferson Grant sont les deux pilotes.
Jeff est grand et mince. Il donne à tous, l’impression de devoir rétracter ses longues jambes
pour pouvoir piloter sereinement.
Le captain Paddington et le first lieutenant Wyatt Bull sont les tireurs d’élite choisi pour cette
délicate mission. Paddington doit son surnom à sa bonhomie et à l’informe chapeau feutré
qu’il trimbale en permanence avec lui.
Le major Sheppard est le plus haut gradé et en tant que tel, le chef de mission. Tous ont
confiance en lui et il a confiance en chaque membre de son équipe.
Le silence règne à l’avant comme à l’arrière. Les quatre hommes sont munis de lunettes
infrarouges et d’un casque intégrant un micro leur permettant de communiquer aisément.
- Nous sommes à dix miles des positions ennemies. Il y a des batteries anti-missile plus au
nord et des radars longues portées. La cible est visible à trois heures.
Le tireur du second hélicoptère intervient.
- Dix miles des forces armées ennemies et cinq miles de la cible, on travail sur un timbre
poste !
Sheppard sourit.
- Essayons de ne pas se faire oblitérer trop tôt ! Le Duke est une merveille de mécanique,
avec lui je me poserai même sur le mouchoir de poche de Ben Laden !
Les hommes tentent de se détendre mais la tension est plus que palpable.
Cette mission de dernière minute se surajoute à tant d’autres qu’ils ont oublié de quand date
leurs derniers quarts de repos. Ici, tous sont fatigués, à bout de nerfs et stressés. Ils ne pensent
plus et fonctionnent comme des automates.
Les hélicoptères se posent verticalement sur un sol aride et sec, ne dégageant qu’un faible
nuage de poussière. Les montagnes ont laissé la place à la steppe et aux quelques gros massifs
rocheux qui s’y perdent.
Les hommes en descendent rapidement et se positionnent aussitôt selon un rituel bien établi.
Sheppard descend également et avec l’aide de deux de ses hommes, il jette sur les belles
mécaniques un filet grossièrement tissé et cousu de toile verte et beige. Le camouflage en
place, le major Sheppard, rejoint le reste du commando.
Allongé à plat ventre il chausse ses jumelles à vision nocturne et examine les lieux. Leur
mission est simple et expéditive. Un chef intégriste se cache dans ces terres et résiste aux
lointaines frappes aériennes, meurtrières mais trop imprécises. Du fond de son trou il donne
les ordres et fomente des attaques qui chaque jour alourdissent les pertes Alliées.
La destruction de ce groupuscule désorganiserait l’armée installée depuis peu dans ce coin
paumé et permettrait à la coalition internationale de s’y implanter avec force. Un avant poste
non négligeable dans ce conflit où l’ennemi est partout et surtout là où on ne l’attend pas !
Comme tout militaire, Sheppard ne discute pas les ordres… Surtout lorsque ceux-ci sont en
accords avec ses propres convictions. Cette guerre est un traquenard dans lequel il se sent
parfois inutile et souvent complice de crimes.
L’ennemi visé est lui-même un grand criminel, n’hésitant pas à se dissimuler au milieu de
civils. Des vies innocentes volées, jetées en pâtures à l'adversaire pour mieux couvrir sa fuite.
Le major et ses hommes sont conscients que de leur action pourra découler non seulement
l’arrestation du taliban mais aussi la mise en sécurité de cette région agraire si éloignée des
conflits d’origine et de Kaboul.
Dans son viseur, apparaît le village où réside la cible. Village est un terme bien généreux pour
quelques mansardes habitées quasiment exclusivement par des fermiers. Mais tout autour sont
regroupées de nombreuses tentes dans lesquelles s’entasse une population déplacée contre son
grès.
Sheppard affine le grossissement de sa jumelle. L’image infrarouge se fait plus nette et le
major distingue des gardes sortant d’un baraquement semblable aux autres et totalement noyé
dans la masse de maisons accolées les unes aux autres. Tant de civils comme bouclier
humain !
La mission n’est certes pas très compliquée, mais elle est loin d’être sans risque. Il faut
repérer et faire disparaître les bâtiments ennemis. Le bunker doit être détruit sans
endommager les infrastructures environnantes et en limitant aux maximum les dégâts
collatéraux. Collatéraux, voilà un mot que le major déteste plus que tout !
Maintenant qu’il est sur place, John comprend la difficulté. Vu du ciel le bastion est invisible
et parfaitement camouflé. Le Blockhaus est sous une bâtisse d’apparence tout ce qu’il y a de
plus ordinaire.
Première étape : établir avec précision la localisation du chef dans le village et connaître ses
horaires de sorties. Autrement dit s’assurer de sa présence. Quand et où, voilà les
renseignements qui permettront la réussite de la mission.
Deuxième étapes : rendre inopérantes les batteries anti-missiles cachées dans les hauteurs
voisines et piéger le bunker.
Troisième et dernière étape : tout faire péter et se tirer de là comme si on avait le diable aux
fesses !
La nuit commence à peine. Sheppard note ses premières constatations puis il rejoint ses
hommes restés en retrait.
- OK les gars, on va faire comme prévu. Jeff et Bull vous vous occupez des batteries antimissiles qui sont sur le versant est. Vous gardez vos positions de tir, mais n’interveniez pas
avant mon signal. Restez surtout à l’abri de leurs visées et soyez prudents. Paddin et moi
allons explorer le village et placer les explosifs. A notre retour, Paddin se mettra en position
de tir. Dès que la cible sera dans le viseur je vous contacte et on agit simultanément. Des
questions ?
Un simple signe de tête suffit pour que tout le monde s’affaire sur son matériel.
Le groupe se divise et chacun part vers son objectif. Le major progresse lentement. Paddin le
talonne. Ils tiennent fermement leurs armes, prêt à agir au premier signe suspect. Ce n’est pas
leur terrain de chasse et la moindre erreur serait fatale à toute l’équipe et à la réussite de leur
mission.
Les premiers pas au milieu des tentes sont assez surréalistes. Des hommes, des femmes, des
enfants sont là, endormis, attendant le lever du jour pour repartir vers des terres moins
inhospitalières. Dans son viseur infrarouge, la marée humaine en sommeil se fait plus flou et
les contours se troublent. La silhouette de Paddin paraît s’évaporer. Sheppard retire ses
jumelles devenues inutiles. Il est plongé dans le noir absolu. Plus aucun bruit, plus de vent,
plus le moindre souffle de vie.
Sa tête tourne… Le néant l’engloutit.
OooOOOooo
Le noir est toujours aussi dense. Sheppard est à terre. Depuis combien de temps ? Il l’ignore.
De même, qu’il ignore où il est. Sa conscience dérape du présent au passé et dans cette
pénombre, il est difficile, voire impossible de savoir dans quelle réalité il se trouve.
- Toc-toc ! Il y a quelqu’un ? Non bien sur, il n’y a personne ici.
Paddin ? Jefferson ?
Le colonel Sheppard rassemble ses souvenirs, tente de faire le tri et de se concentrer. Il perçoit
sa voix comme étrangement lointaine, mais au moins elle signe qu’il est en vie.
- Elisabeth, Teyla ?
Pas de jolies dames auprès de moi ? Bon, donc je suis au purgatoire !
Rodney ? Pas de réponse ?
Alors il y a de l’espoir, je ne suis peut être pas en route pour l’enfer finalement.
Tout en se parlant, John s’est relevé. Il porte la main à sa hanche, se souvenant soudain de la
violente douleur qui l’a assaillit.
Plus rien. Plus de souffrance, plus de fourmillement. Ses membres lui obéissent de nouveau et
il peut marcher sans difficulté. Marcher, certes mais pour aller où ? La lumière a disparu dans
cette voûte sans fin et sans étoiles. Est-ce la nuit dehors ?
Sheppard continue de progresser bras tendus devant lui, mais ne rencontre que le vide. Il se
met à genoux et tâte le sol. Il est dur et froid, toujours aussi lisse. Il décide d’avancer ainsi,
doucement, explorant tantôt autour de lui, tantôt le sol.
Sa marche est interminable.
Brusquement il croit percevoir des voix autour de lui. Toutes douces, comme des
chuchotements lointains.
- John ! John ! Cours, ne te retourne pas. Rejoint l’hélico et tire toi !
La voix est féminine et chantante.
- John on est dans la panade, Jeff s’est fait repérer et Bull est mort !
Une voix d’enfant ponctuée de rires.
John s’arrête, tourne sur lui-même en implorant les voix invisibles.
- Qui êtes-vous ?
… le silence…
- John sort moi de là !
La voix de Paddington, comme un déchirement.
Sheppard est bouleversé, sa propre voix est tremblotante.
- Paddin, c’est bien toi ? Paddin où es-tu ?
Des éclairs lumineux jaillissent des parois rocheuses. L’espace d’un instant, Sheppard croit
entr'apercevoir les contours de la grotte.
Mais il n’est plus dans une grotte, il court dans la steppe afghane.
Chapitre deux
La douleur
Tacatacatac. Le bruit perçant des AK-47 fuse aux oreilles du major Sheppard.
Paddin court une bonne dizaine de mètres derrière lui. Tout deux détallent vers l’hélicoptère
avec une conscience acerbée de l'urgence vitale.
Dans un souffle, le major interpelle le captain.
- Dépêches toi, bon dieu, tu ne vois pas qu’ils nous ont repéré!
- Eux, je n’en suis pas sur, mais leurs AK ont trouvé mon postérieur sans difficulté !
Joignant les gestes à la parole, Paddington désigne à son supérieur sa fesse gauche. Ce n’est
qu’à cet instant que Sheppard réalise la démarche comique et digne d’un Tex Avery de son
ami. Le major interrompt sa course et se retourne pour lui porter assistance.
- Je vais t’aider.
Au même instant, des projectiles atteignent Paddin, le touchant grièvement à la jambe et à
l’épaule. La salve dévastatrice de trente cartouches atteint également le major Sheppard, le
blessant légèrement au bras gauche.
Paddin perd l’équilibre et se retrouve à genoux, le corps dodelinant au rythme de ses
respirations. Dans une grimace de douleur, il extrait de sa poche un détonateur. Lentement il
quitte l'engin des yeux et porte son regard sur le major Sheppard. Ce dernier n'a pas esquissé
le moindre mouvement . Paddin regarde John droit dans les yeux, sourit, puis appuie sur le
bouton rouge.
En toile de fond, la pénombre se teinte de rouge et de jaune. Le cœur du village s’embrase. La
déflagration est très étouffée et légère, signe de sa bonne maîtrise.
Paddington sourit toujours. Il sait que sa fin est proche, mais il a fait du bon boulot.
Sheppard ne l’a pas quitté des yeux et paraît faire demi-tour. Paddin s’affole.
- Vas-t-en John! Cours, ne te retournes pas. Rejoints l’hélico et tires toi!
- Non je ne te laisserai pas là !
Des larmes coulent sur ses joues grimées de noires. Sa vue se brouille.
Tacatacatac, une nouvelle pluie de balles provenant de la proximité immédiate du campement.
Les tirs sont imprécis mais les balles volent dans tous les azimuts.
Sheppard est immobile. L’image infrarouge d’un corps qui explose sous les impacts multiples
vient se fixer sur ses rétines.
- Paddin, NON !!!!
Comme dans un semi coma, il court vers son Duke, allume le tableau de bord et décolle.
Les soutes équipées de missiles Stinger sont grandes ouvertes, prêtent à libérer leurs engins
meurtriers. Sheppard se met en position d’attaque. Ses missiles sont de courte portée mais
seront bien suffisants pour détruire ses assaillants. Ses poings sont serrés sur le manche. Son
pouce enlève la sécurité, il est prêt à tirer.
Il est prêt mais il attend. Il se souvient des civils qui forment le gilet pare-balles des talibans.
Il se souvient de cette petite main d’enfant qu’il a vu sortir d’une toile de tente à moitié
effondrée. Il attend et ne prend pas garde aux roquettes Katioucha qui affluent vers lui.
Le bruit est terrible. Les ailerons verticaux sont touchés, le radar de mât est disloqué et le
rotor n’en fait plus qu’à sa tête.
En spectateur impuissant, le major Sheppard voit la terre se rapprocher bien trop vite. Le
RAH 66 Comanche embrasse le sol afghan en un sulfureux baiser.
oooOOOooo
- NON !
Sheppard est adossé à une paroi rocheuse aussi froide et lisse que le sol. Sa respiration est
saccadée et presque douloureuse. Sa main droite serre frénétiquement son bras gauche. Elle
est posée sur une vieille blessure qui a reprit vie. Son bras le brûle.
- Ce n’est pas possible…
John se retourne et longe la paroi de la grotte. Il ignore comment il est arrivé jusqu’à elle.
- A moins que ce soit la paroi qui soit arrivée jusqu’à moi? Non, tout ça c’est du n’importe
quoi! Je suis sûrement endormi ou dans un coma profond, entre les mains de Carson.
Il respire lentement, cherchant à maîtriser l’angoisse qui l’oppresse.
La voix d'Élisabeth résonne à ses oreilles.
- Entre les mains du doux, du gentil docteur Beckett…
Puis la voix se mue en celle plus rauque de Ronon.
-… ou entre les mains des moudjahiddins ?
Les voix de Ronon et d'Élisabeth se combinent en un rire démoniaque.
- Ha ha ha ha ha …
Sheppard se laisse glisser le long du mur. Assit par terre, la tête posée sur ses genoux et
encerclée de ses bras, il éclate en sanglots.
- Non, non, non…
Comme un leitmotiv, il répète inlassablement ces mots.
oooOOOooo
Une main l’arrache à son étau et le projette au sol quelques mètres plus loin. La nuit noire est
éclairée par l’incendie de son hélicoptère. Au dessus du village s’est formé un épais nuage de
fumée grise. Outre la carcasse fumante dont il vient d’être extrait, Sheppard distingue des
morceaux de pale dispersés sur une large surface. La poutre de queue et le train d’atterrissage
rétractable trônent bizarrement à dix mètre de là.
Des cris le sortent de sa torpeur.
Trois hommes armés s’approchent, chantant gaiement des airs à la gloire de leur chef. Ils
transportent un lourd paquetage qu’ils larguent aux pieds de Sheppard en riant.
- Un ami à toi sans doute ?
Ils attrapent Sheppard, l’obligeant à regarder dans le sac ouvert. Le cadavre de Wyatt Bull y
est impudiquement exposé au regard de tous. John ne réagit pas. Comme un zombie, il se
laisse conduire vers une étable provisoirement transformée par le groupe armé, en camp
retranché. Ils traversent le champ de tentes, sous le regard absent des femmes afghanes,
cachées derrière leur burqa bleue.
L’entrée dans le baraquement se fait sous la huée des soldats talibans. Sheppard n’y prête pas
vraiment attention et ne semble pas avoir repris conscience de lui-même au moment où on
l’expédie dans sa geôle.
- John, c’est toi ?
Ses yeux s’habituent progressivement à l’obscurité et Sheppard réalise qu’il partage sa cellule
avec un autre homme.
- John, c’est moi, Jefferson !
Le silence perdure quelques minutes.
Le major Sheppard le rompt brutalement. La question est difficile et les mots se brisent dans
la bouche du militaire.
- Qu’est ce qui a foiré ?
- C’est de notre faute, John. Je suis navré.
On aurait dû t’écouter. Le terrain paraissait sécurisé, alors quand on a vu l’équipe de
surveillance s’écarter des batteries anti-missiles, on s’est approché.
Grant se tait attendant la remontrance de son supérieur. Sheppard ne dit rien.
Que dire de toute façon lorsque l’action est faite. La mort de Paddington est trop fraîche pour
qu’il s’inquiète outre mesure de son propre sort ou de sa mission.
Grant reprend donc ses explications. Il ignore si le silence de John est une condamnation ou
de l’apitoiement.
- Pas d’bol ! On s’est fait repérer à moins de vingt mètres de leur armement. On est arrivé au
moment du changement d’équipe. Quand on a réalisé notre erreur, il était impossible de faire
machine arrière. On s’est retrouvé pris en sandwich entre l’unité qui allait prendre son quart
et celle qui partait.
On s’est bêtement fait coincé, comme des bleus ! John, tu m’écoutes ?
- Paddin est mort. Il nous ont tirer dessus à l’aveugle, mais avec leurs AK, on avait aucune
chance. J’ai entendu le cliquetis caractéristique de l’arme et c’est ce qui m’a permit de me
sauver à temps. Ils ont dégommé mon Duke avec leur p... de roquettes !
- Wyatt aussi s’est fait avoir.
- Je sais…
Jeff éclate en sanglots.
- C’est de ma faute, c’est comme si je les avais tué !
- C’est cette saloperie de guerre qui les a butté, pas toi, ni moi. Maintenant calmes-toi et
cherchons plutôt une solution pour se tirer de là.
La réflexion est de courte durée car au même instant pénètrent dans la pièce quatre militaires
en tenue de combat. Deux à deux, ils empoignent les prisonniers et les conduisent séparément
vers une salle d’interrogatoire. Les deux américains tentent de se débattre, mais c’est peine
perdue.
Sheppard est sanglé à une chaise, seul au milieu d’une petite pièce vide et sombre.
oooOOOooo
Un écho, simplement un écho lointain.
«Vide et sombre. Juste vide et sombre. John, regardes autour de toi comme la grotte est…
vide et sombre…»
Sheppard a cessé de se lamenter. Il sanglote et tremble de tous ses membres.
oooOOOooo
Un homme, sans doute de chef du petit groupe, s’approche de Sheppard.
- C’est moi que vous cherchiez ?
John le regarde droit dans les yeux. C’est bien le chef intégriste qu’il devait tuer.
- En fait, je cherchais une pizzeria. Il n’y a pas un PizzaHut dans le coin ?
La réponse claque à ses oreilles avec d’autant plus de violence que Sheppard n’est pas
particulièrement en bon état après son crash. Il n’a pas de graves blessures, mais est couvert
d’ecchymoses et de multiples plaies superficielles. Vraiment son Comanche était une
merveille! Son esprit dévie vers ses souvenirs. Un piètre refuge.
Une seconde volée ramène Sheppard à la réalité et l’éjecte avec sa chaise contre le sol brut de
la prison. Le chef se rapproche de lui et le redresse brutalement. Prenant tout son temps, le
bourreau examine le major, tournant autour de la chaise comme un animal autour de sa proie.
Brusquement, il colle son visage devant celui de Sheppard.
- Depuis quand êtes-vous en position autour de mon camps? Je veux connaître tout vos faits
et gestes avant d’être appréhendés! Je veux tout savoir et même plus. Vous avez eu
l’outrecuidance de vous croire les maîtres du monde, mais ici, c’est moi qui commande et je
vous ferai chèrement payer la vie de mes hommes.
Une porte s’ouvre libérant le passage à un homme portant une batterie électrique.
oooOOOooo
Toujours adossé aux parois de la grotte, Sheppard se laisse glisser au sol, recroquevillé sur
lui-même dans une position fœtale. Comme pris de convulsion, il tend violemment ses jambes
en arrière, raidissant tout son corps…..
….Sa tête et ses cheveux mouillés se projettent brusquement contre sa nuque, éclaboussant la
pièce d’un mélange de sueur, d’eau, d’alcool et de sang. Sous la violence du choc électrique,
John se mord la langue et un filet de sang sourdre de sa bouche. Son tortionnaire réitère la
décharge avec un large sourire…
…John roule de droite à gauche, la bouche ensanglantée ouverte en un cri inaudible….
…Le major est à terre, libre de tout lien mais incapable de bouger. Des hommes le rouent de
coup de pieds et de jets de pierres…
…Le colonel Sheppard est immobile, il geint silencieusement…
oooOOOooo
Le major Sheppard et le captain Grant sont enchaînés aux murs de leurs prisons. Ils n’ont plus
conscience du temps qui s’écoulent. Ils sont ainsi la majeur partie du temps, inexpressifs et
amorphes. Le reste étant ponctué par des séances d’interrogatoires plus ou moins musclés.
Cela fait longtemps que leurs bourreaux ne posent plus de question, mais ces altercations
semblent être le jeu favori des soldats inactifs.
Des militaires vêtus différemment entrent dans la pièce et vocifèrent en montrant Sheppard et
son ami. Leurs sous-fifres détachent les deux prisonniers qui s’écroulent au sol. Sans opposer
la moindre résistance, John et Jeff sont bâillonnés, ligotés fermement, puis camouflés dans de
grandes valises. Celles-ci sont jetées négligemment dans le coffre d’un véhicule à la bannière
du croissant rouge. Secoués et ballottés, il sont transportés ainsi plusieurs heures avant d’être
libérés de la carcasse brûlante.
Ils sont maintenant à Pul-i-Charki, la plus vieille prison afghane. L’accès par un lourd portail
de fer est affublé de deux tours couvertes de mitrailleuses. Celles-ci surveillent les allées et
venues et les séparent de la liberté. Après une fouille silencieuse dans une petite baraque en
bois, ils sont conduits de l’autre côté d’une grande muraille rehaussée de barbelés. Ils portent
l’uniforme des prisonniers, un long Kaftan à raies verticales avec une balance de justice
stylisée sur la poitrine. Ils sont pâles, maigres et leurs yeux semblent s’enfoncer dans leur
visage ravagé par une barbe hirsute et disgracieuse. Ils ne sont plus que l’ombre d’euxmêmes.
Chapitre 3
A la surface
La chaleur est étouffante.
Teyla retire son blouson aux couleurs d’Atlantis. D’un revers de la main, elle s’essuie le front
et regarde le soleil qui est à son apogée. Cela fait maintenant trois heures que le colonel
Sheppard a disparu.
La planète a l’air calme et sans intérêt particulier. Des amas terreux succèdent de manière
disparate aux marécages et autres plaines sableuses. Seul un haut plateau calcaire tranche dans
cet univers plat, sans faune ni flore particulièrement exotique.
Cet étrange plateforme semble être le point central autour duquel toute la végétation
s’épanouit. A l’inverse, la faune est ici quasiment inexistant, alors qu’elle abonde sur l’autre
hémisphère.
-« Étrange, n’est ce pas ? » Avait dit le docteur McKay.
Étrange en effet, cette faculté qu’on les hommes d’Atlantis pour se jeter la tête la premier
dans les embrouilles. Teyla soupire en s’agenouillant au-dessus d’une sorte de petite
taupinière.
Elle pense à Sheppard et à son excitation à l’idée de sortir un peu du jumper.
-« Je veux voir ce phénomène de plus près. » Avait-il dit avec une pointe d'ironie qui n'avait
évidemment échappé à personne. Depuis quand le colonel s’intéressait aux animaux et à la
végétation ? Ronon et McKay étaient également emballés à cette idée.
Ah, vraiment ces hommes !
Mais voilà que cet étrange éden s’était transformé en enfer. Après une matinée d’exploration
inutile et rébarbative, l’équipe avait décidé de retourner sur Atlantis et de soumettre cet
étonnant phénomène aux botanistes et autres scientifiques plus hautement qualifiés qu’eux.
C’est alors que tout a basculé.
Teyla regarde la taupinière, ridicule petite ouverture vers l'inconnu, et se remémore l'incident.
Elle parlait avec le colonel Sheppard des différentes hypothèses expliquant l’absence de vie
animal sur le plateau, quand subitement son interlocuteur avait disparu, comme aspiré dans les
profondeurs de la terre.
Il n’a pas crié. Pas un mot. Elle lui parlait et tout à coup, hop, plus personne. Au sol il n’y
avait que ce trou béant. Et maintenant la voilà en ce funeste lieu, à attendre impuissante,
l’arrivée des secours.
Elle se redresse en entendant atterrir le jumper. Celui-ci se pose juste derrière elle. Ronon et
McKay en descendent, les bras charger de matériel.
Teyla leur adresse un sourire de lassitude puis se penche au-dessus du trou à peine assez
grand pour y laisser passer un être humain.
- Colonel Sheppard ?!
Ronon regarde à son tour l’orifice dans lequel son ami est tombé.
- Toujours aucun signe de vie ?
- Non, rien. Ce précipice doit être très profond, même l’écho de mes appels s’y perd. Vous
avez apporté le matériel ?
McKay déballe un lourd appareillage électronique qu’il connecte à son ordinateur portable.
- Avec ça on devrait savoir ce qu’il se passe là-dessous.
Il branche une sonde au sol et immédiatement de multiples diagrammes apparaissent sur
l’écran de son portable.
- Effectivement la galerie plonge profondément dans la montagne. Le sonar et les ondes
radars sont insuffisants pour localiser le colonel. En revanche, j’obtiens pas mal de données
que je vais essayer de retranscrire. En attendant des résultats, il faut envoyer le robot espion.
Ronon sort de son paquetage une sorte de mini-MALP, qu’il glisse à l’entrée de la cavité.
Le Satédien est dubitatif. Pour lui, tout cela n'est qu'une perte de temps. Difficile de rester
inactif, à regarder de jolies courbes colorées sur un écran.
- Ce ne serait pas plus simple que j’y aille ?
Teyla intervient la première. Une discussion qui a déjà eu lieu au moment de la disparition du
colonel, une explication pour apaiser des angoisses et un sentiment d'impuissance partagé de
tous, sauf peut-être de McKay.
- Non, Ronon. Cela fait plusieurs heures que le colonel Sheppard est tombé dans ce trou et
nous n’avons aucune idée de sa profondeur. De plus, vous ne pourriez pas y pénétrer, c’est
bien trop étroit.
Sans prêter la moindre attention au petit débat qui anime ses amis, McKay télécommande le
mini-MALP et suit son évolution sur l’écran tactile du PC.
Dans la cité atlante, tout le personnel présent au centre de contrôle peut également suivre les
images qui sont retransmissent sur un écran holographique Ancien.
Le docteur Elisabeth Weir ne cache pas son agacement. Sheppard a survécu à de nombreux
combats et il se fait avoir par une aspérité, par une simple lubie de la nature. Elle est en colère
contre lui et contre son empressement à aller vers l’inconnu. En même temps, elle ne peut nier
que c’est aussi cela qui en fait un collaborateur précieux…et un ami.
Le médecin d'Atlantis se tient auprès d’elle.
- Carson, combien d’heures le colonel Sheppard peut-il encore tenir, coincé ainsi sous terre ?
- C’est impossible à estimer. Tout dépend s’il est effectivement coincé dans un boyau étroit du
tunnel ou s’il a atterri dans une quelconque cavité.
- Précisez s’il vous plaît.
- S’il a glissé plusieurs mètres avant d’être stoppé par un rétrécissement du tunnel, je crains
qu’il ne soit déjà trop tard. Il est comme enterré vivant. En revanche, si le tunnel débouche
dans une cavité plus vaste et mieux oxygénée, on peut espérer le retrouver en parfaite santé.
Énervé, boudeur et râleur, mais sans la moindre ecchymose !
Tous les visages sont tournés vers l'écran où apparaît Rodney tel que le voit le MALP, un
grand angle peu avantageux, puis l’image plus sombre de la terre rouge qui tapisse l’étroit
passage. Une terre particulièrement malléable qui oppose guère de résistance au MALP.
Le petit robot pénètre dans le sombre enfoncement. Après quelques mètres de chute verticale,
il butte sur un coude puis glisse rapidement le long du boyau. Sa vitesse de chute est
vertigineuse et augmente davantage à chaque mètre parcouru.
L’image retransmise sur le réseau informatique d’Atlantis est si rapide que l’on peut à peine
distinguer les parois du toboggan de terre. Impossible d’en recueillir la plus petite
information.
McKay râle et pianote frénétiquement sur son clavier. Ce faisant, il enclenche la sortie de
petits picots métalliques, griffus et télescopiques, de part et d’autre du mini-MALP. Celui-ci
ralentit sa chute et peut enfin maîtriser sa progression.
Sur l’écran d’ordinateur de McKay et au centre de contrôle d’Atlantis, les données affluent à
un rythme moins endiablé.
Le canal terreux est long de plusieurs centaines de mètres avec de nombreux coudes et
virages. Dehors, tous les membres de l’équipe sont impressionnés.
Il en est de même sur Atlantis.
Carson pâlit. Une fine sueur perle sur ses tempes. Elisabeth Weir le remarque aussitôt et ce ne
sont pas les commentaires du médecin qui calment ses sombres pensées.
- Je pensais que le colonel Sheppard avait déjà vécu le pire depuis notre arrivé sur Atlantis,
mais je me trompais. Cette descente est incroyable !
- Et ?
- Et quoi ?
- Vous savez très bien ce que je veux dire Carson. Est-ce que l’on peut survivre à une telle
chute ?
- Je l’ignore. C’est comme un toboggan de Disney world, en plus grand et moins ludique bien
entendu. Tout dépendra de la façon dont le tube se termine.
- Je doute qu’il s’agisse d’un matelas de plumes.
- Quoiqu’il en soit, la profondeur et la vitesse de cette dégringolade ont à elles seules de quoi
déstabiliser et perturber tout les repères d’un individu.
Sur la planète la discussion s’articule davantage sur l’origine d’un tel boyau.
Ronon questionne Teyla, comme si celle-ci pouvait en savoir davantage.
- Connaissez vous un animal qui ai pu fabriquer un tel conduit ?
- Non, d’autant qu’ils ont plutôt l’air de fuirent ce lieu que de vouloir y vivre. Je ne sais pas.
McKay s’interpose dans la conversation, captant l’attention de tout les membres présent, tant
sur Atlantis que sur le site de recherche.
- Cette galerie n’est absolument pas naturel. Mais elle n’est pas non plus l’œuvre d’un
animal.
Sur Atlantis, c’est l’incompréhension. Le docteur McKay a l'art et la manière de tourner ses
phrases pour n'être compris que de lui-même et encore. La remarque de Rodney attend une
question et c'est le docteur Zelenka qui s'y colle, pour le salut de tous.
- Que voulez vous dire ? Il n’y a aucun signe de radio activité résiduelle, ni de quoi que ce
soit d’ailleurs qui puisent faire penser à une intervention humaine.
- Ce n’est pas exact Radek. Et puis je n’ai pas parlé d’humain, j’ai juste fait remarquer que
ce tunnel n’est pas une anomalie naturelle.
- Qu’est ce que vous suggérez ?
- Si vous regardez bien les données fournies, vous remarquerez que les contours du tunnel ne
sont pas immuables. Il y a comme un mouvement infime mais permanent de la terre.
Le docteur Weir est plus qu’intriguée. En même temps les poses théâtrales de McKay
l'agacent au plus haut point, surtout dans de telles circonstances.
- Qu’est ce que cela signifie ? Vous ne voulez pas nous faire croire que la terre est vivante
quand même ?
- Non, bien sur. Mais quelqu’un ou quelque chose exerce un certain contrôle sur la matière et
la manipule. Sinon, comment expliquer que le tunnel se déforme et se reforme.
Sur l’écran d’Atlantis apparaît une succession de dessins représentant le mouvement dont
parle le docteur McKay. On y voit clairement des modifications dans la courbure et dans les
degrés de pente. Seule l’entrée et la sortie paraissent persistantes.
Elisabeth, très cartésienne, tente une explication, mais sans grande conviction.
- Des micro tremblements de terre ne pourraient pas expliquer ce phénomène ?
McKay et Zelenka répondent en cœur.
- Non !
Rodney, comme à son accoutumé, termine l’explication.
- Il n’y a aucune onde sismique d’enregistrée. De plus, la modification n’a eu lieu que sur les
parois du tunnel, nulle part ailleurs. Non, docteur Weir. Il s’agit d’un piège, et uniquement de
cela. Reste à savoir à quel type d’ennemi on a affaire et si Sheppard est une proie
accidentelle ou volontaire.
Leur discussion est interrompue brutalement par l’arrivée du MALP dans la cavité. Le mini
robot lâche la paroi du tunnel et tombe lourdement vers le sol. Un petit coussin d’air se
déploie aussitôt comme un mini airbag. L’engin reprend son exploration.
Un flot d’informations arrive à McKay et son ordinateur donne le sentiment de s’affoler.
Des courbes de toutes les couleurs se dessinent et s’entrecroisent en des diagrammes que seul
un oeil expert peut interpréter. McKay sur la planète, et Zelenka sur Atlantis, se mettent
immédiatement au travail.
McKay baigne dans son élément de prédilection. Il calcule, ajuste des paramètres et regroupe
les différentes données.
- Il y a une cavité sous cette montagne. Elle est à un kilomètre de profondeur sous la roche.
C’est ahurissant ! On dirait que la montagne est creuse. La sonde envoie des données
vraiment incroyables. Atlantis, vous voyez la même chose que moi ?
L’effervescence règne également sur Atlantis.
Zelenka est accaparé par la retransmission des précieuses informations. Il s’approche d’un
écran géant et pianote quelque chose sur son propre ordinateur. Apparaît alors sur l’écran un
dessin, ou plutôt un croquis, représentant une coupe de la montagne. Celle-ci émerge au cœur
d’une vallée infinie.
Étrangement la montagne semble effectivement creuse. Une immense cloche végétale d’un
kilomètre d’épaisseur recouvrant un volumineux espace vide.
Mais est-il si vide qu’il y paraît?
Zelenka ne peut que confirmer les premières constatations de McKay.
- C’est exact. La concavité est démesurée, elle s’étale sous toute la montagne. L’air semble y
être respirable mais l’hygrométrie est particulièrement élevée. On doit être à proximité d’une
importante source ou d’un nappe phréatique.
Entre les deux savants s’engage une discussion qui donne une impression irréelle aux
spectateurs a priori incultes, que sont les membres d’Atlantis.
- Oui, oui, j’avais remarqué. Merci Radek.
Ces derniers mots sont prononcés avec une ironie tranchante traduisant parfaitement bien
l’agacement et la nervosité qui assaillent le scientifique. McKay poursuit sur un ton plus
doux.
- Mais je ne suis pas d’accord. Une telle hygrométrie n’est absolument pas normale.
Regardez les données. C’est incompréhensible !
S’en suit une avalanche de chiffres, de pourcentages et de percentiles que le commun des
mortels ne peut comprendre. Zelenka et McKay se renvoient mutuellement la balle en un jeu
de ping-pong particulièrement stressant. Le docteur Weir décide de stopper cette logorrhée.
- Cela suffit ! McKay, Zelenka, de quoi parlez-vous ?
Comme souvent, les deux scientifiques se sont isolé dans leurs délires mathématiques,
oubliant le monde qui les entoure, allant même parfois jusqu'à négliger leur propre corps au
profit de leur esprit. Les scientifiques d'Atlantis sont ainsi et Elisabeth Weir les côtoies depuis
suffisamment longtemps pour savoir quand il faut interrompre leur frénésie intellectuelle.
Zelenka reprend conscience de la situation et s'en excuse, bafouillant comme un enfant pris en
faute.
- Excusez moi docteur Weir, c'est que...heu...
McKay embraye sur une explication qu'il tente de ramener à une échelle humaine. Son sport
favori.
- L’humidité qui règne dans cette crypte est anormalement élevée. De plus, elle n’est pas
stable ce qui a priori est normal, mais ici, la variabilité est fortement exagérée. C’est ce qui
est étrange. Il y a des zones où la densité de la vapeur d’eau dans l’air est infime et d’autres
où elle en est quasiment irrespirable. C’est absolument contre nature !
Elisabeth questionne le docteur Beckett sur l’implication d’une telle découverte et la notion de
survie de Sheppard.
- Un homme peut-il survivre dans ce confinement ?
Pour une fois, le docteur Carson Beckett semble plutôt serein.
- Il est évident qu’une forte hygrométrie complique les choses. Sa respiration n’en est que
plus laborieuse et fatigante, et sa capacité à se mobiliser doit être réduite. Mais pour tout
vous dire, je préfère le savoir vivant et en difficulté dans cette atmosphère lourde et chargée,
que mort dans un air pur et aseptisé.
-La réponse est sous nos yeux docteur Weir. Regardez l’écran !
L'intervention de Teyla, restée jusque là en retrait, surprend tout le monde et coupe court à
toutes suppositions.
- Regardez quoi Teyla? Il n’y a rien.
L’écran montre inlassablement une image infra rouge du vide.
- Justement. Si le colonel n’avait pas survécu à sa chute, il y aurait son corps à l’entrée du
gouffre. Hors, celui-ci est apparemment vide. Sheppard a forcement survécu et s’est perdu
dans cet abîme.
Elisabeth se détend un peu et Carson pousse un monstrueux soupir.
Ronon douche froidement ce regain d’optimisme.
- A moins qu’il y ai quelqu’un dans la grotte. Le corps a très bien pu être déplacé.
Cette dernière réflexion plonge toute l’équipe dans un mutisme emprunt de tristesse.
McKay sort la tête de son ordinateur.
- On va être vite fixé. Le robot perçoit une présence vivante. Je le dirige dans cette direction.
Le MALP avance rapidement dans le noir d’encre. Ses émetteurs retranscrivent une image
verte, mais nette, de ce qui se passe sous terre. Soudain l’image se saccade et se brouille.
Des grognements accompagnent un McKay qui tente de résoudre le problème.
- Je ne voudrais pas être défaitiste, ce n’est pas du tout mon genre, mais plus on s’approche
du signal de vie, plus il y a d’interférences électriques. Et je n’arrive pas à améliorer la
résolution de l’image… Mais qu’est ce que c’est que ce truc encore ?!
McKay s’anime subitement. Sur Atlantis, Zelenka réagit de même.
Le docteur Weir n’a pas le temps de poser la traditionnelle question car McKay enchaîne.
- La réserve énergétique de notre robot à l’air de s’épuiser rapidement. On dirait que
quelque chose lui bouffe toute son électricité. Pourtant je ne capte aucune donnée permettant
de l’expliquer. La seule chose inhabituelle est que plus nous approchons du signal, plus
l’hygrométrie augmente...
McKay interrompt ses explications car sur l’écran, la silhouette d’un homme allongé à terre,
commence à se préciser. Le docteur Weir booste Rodney. La tension monte
proportionnellement aussi rapidement que la qualité de l'image se dégrade.
- Approchez vous Rodney. Vite !!
Sous les regards médusés de tous les protagonistes, le corps du colonel Sheppard apparaît.
Celui-ci est pris sporadiquement de violentes convulsions.
Sur Atlantis, comme sur la planète, un profond sentiment d’effarement règne.
Elisabeth presse fortement sa main sur sa poitrine. Teyla et Ronon se regardent, impuissants.
McKay, assit par terre, tape frénétiquement sur son clavier puis hurle en tapant du poing sur le
sol.
-Non ! Pas maintenant !
Et l’image s’éteint. Le petit robot, privé de sa source énergétique a cessé toute transmission.
Sur Atlantis, c’est l’étonnement le plus complet. L'agitation a laissé sa place à une sorte
d'apathie collective. Et maintenant ?
Sur la montagne au contraire, c’est l'énervement et la colère qui dominent.
Ronon boue littéralement.
- McKay, faites quelque chose !
- Je ne comprends pas comment le MALP a pu se retrouvé ainsi privé de toute énergie. En
dehors du colonel Sheppard il n’y avait aucun signe de vie. Pourtant quelque chose a tout fait
pour nous empêcher d’approcher le colonel. Il faut impérativement retourner à la porte des
étoiles. Docteur Weir, demandez que l’on prépare un nouveau robot, avec cette fois une
batterie renforcée et un haut parleur. Nous arrivons !
Chapitre 4
Seul
Le colonel se contorsionne dans tout les sens. Sa peau ruisselle de sueur. Ses yeux entrouverts
s’agitent de droite à gauche, renforçant le lourd sentiment de terreur qu’inspire son état.
Au plafond s’est formée une fine couche de vapeur d’eau.
Cette insolite brume blanche descend lentement jusqu’au corps de Sheppard, puis le recouvre
doucement, tendrement, jusqu’à l’envelopper comme un linceul. Ses mouvements convulsifs
se calment aussitôt. Ses membres se relâchent et sa tête se pose délicatement sur le sol.
Si son corps se détend, en revanche son esprit est en suractivité. Ses pupilles sont
incroyablement dilatées dans cette pénombre et les mouvements oculaires, loin de s’être
calmés se sont amplifiés. Le colonel Sheppard semble plongé dans un très lourd sommeil
paradoxal. Son cortex est en pleine activité. Des flux électriques parcourent ses connections
neuronales comme un gigantesque feu d’artifice.
Des mouvements de vapeur modifient continuellement l’apparence du nuage. Celui-ci se
concentre alors sur la tête du colonel, abandonnant son corps inactif et improductif.
Le REM (Rapid Eye Movement) s’accélère dangereusement. John grimace et laisse échapper
un cri plaintif. La masse blanche s’opacifie.
oooOOOooo
Cela fait plusieurs semaines que le major Sheppard est retenu à Pul-i-Charki. Une cellule si
petite qu’en écartant les bras on peut atteindre les murs latéraux. L’antique prison n’est qu’à
trente-cinq kilomètres à l’est de Kaboul.
Si près du monde et si distant de l’humanité.
Dès son arrivé, le major Sheppard a été éloigné des autres prisonniers. Cette mise en
isolement, certes le protège de ces codétenus, mais le rend également particulièrement
vulnérable. Seul, loin du tumulte de l’incarcération, Sheppard n’a plus aucune prise sur le
temps qui s’écoule. Tous ses repères lui ont été retirés, volés. La lumière peut être aveuglante
au milieu de la nuit, comme les volets maintenus fermés pendant plusieurs jours. Son rythme
quotidien est paradoxalement l’arythmie avec laquelle ses geôliers lui apportent sa pitance….
Quand ils y pensent!
Les premiers temps, il pouvait communiquer avec Jefferson qui occupait la cellule voisine.
Tous deux s’entraidaient. Le captain Grant vivait particulièrement mal cette incarcération qui
l’éloignait de sa femme et de ses enfants. Souvent il parlait suicide, regrettant n’être pas mort
au combat. Qu’avait-on dit à sa famille? Sans doute un bobard monstrueux mais qui grandirait
la cause américaine.
Et puis, il y a quelques jours, à moins que ce ne soit quelques semaines, des hommes ont
emmené Jeff. Il y a eu des cris et des larmes. Sheppard s’est agité dans sa cellule, essayant
d’interpeller son ami, de faire connaître leurs existences. Mais les gardiens aussi se sont
agités…
Un faible rayon de soleil perce entre les volets barricadés de sa prison.
Depuis que Jeff n’est plus là, Sheppard est plus retiré du monde que jamais. Les volets sont
définitivement clos et l’unique contact avec l’espèce humaine se résume aux doigts qui
glissent son plateau sous sa porte.
Sheppard regarde les marques de cigare sur la paume de sa main droite.
- J’espère au moins que c’étaient des Havanes !
Ses chevilles et ses poignets gardent les stigmates des fers qui ont servit à le maintenir lors de
l’expédition punitive des gardiens.
Il grimace, se lève, et commence une série de pompes.
Depuis cette ultime injustice, le major Sheppard effectue des exercices physiques aussi
souvent que possible. Ces efforts lui ont permit de récupérer un aspect presque humain, mais
ont surtout contribué à lui redonner une certaine estime de lui-même.
Un bruit de pas interrompt sa séance. Il s’allonge sur la paillasse insalubre et fait mine de
dormir profondément.
Le judas s’ouvre puis se referme. Des hommes chuchotent derrière la porte.
Le silence, puis les pas s’éloignent. John ne bouge pas. Il est habitué au jeu malsain des
surveillants.
Finalement la porte de sa prison s’ouvre toute grande. Une intense lumière pénètre dans sa
cage. Bien que ses paupières soient fermées, la luminosité paraît brûler ses rétines. Il fronce
les yeux, résistant à l’envie de les cacher derrière ses mains.
Un homme avance vers lui et lui donne un coup de pied, un de plus.
- Debout l’américain !
Ces mots sont expectorés avec haine.
Le gardien jette sur Sheppard une tenue civile et des papiers. Le major a ouvert les yeux. Il
attrape machinalement les deux enveloppes avant qu’elles n’atteignent le sol. Le geôlier le
regarde étonné puis sort de la cellule, laissant la porte grande ouverte. Sheppard soupire
profondément. Ses réflexes l'ont presque trahis, pourtant les savoir de retour donne du baume
au coeur du militaire.
Sheppard enfile la tenue propre et mets en boule son kaftan avec un plaisir non feint. Il ouvre
l’enveloppe et y découvre des papiers d’identités.
John hésite sur la conduite à tenir.
Il redoute le piège classique de la fausse évasion. Il sera si facile de l’abattre au moment de sa
sortie et de lui mettre sur le dos de monstrueux crimes. Que diront les médias? John se fiche
éperdument des médias, mais il ne veux pas se faire tirer dans le dos comme un lapin.
Sheppard examine attentivement les papiers. Il s’agit d’un passeport et d’un visa français au
nom de monsieur Armand Monceau.
Après une très courte réflexion, le major décide de sortir. Autant affronter l’ennemi dès
maintenant, plutôt qu’attendre un hypothétique meilleur moment.
Le gardien l’escorte vers la sortie.
Ses premiers pas dehors sont pénibles tant le soleil lui fait mal. Il essaye de prendre un peu de
temps pour s’accommoder à la lumière mais le gardien le pousse brutalement avec son arme.
Sheppard progresse donc lentement, en traînant des pieds. Il cherche par tous les moyens à
garder une certaine maîtrise de leur progression dans la prison. Il regarde de tout côtés,
s’attendant à voir surgir de nouveaux tortionnaires.
C’est si amusant de se jouer des prisonniers!
Le major franchit successivement la muraille aux barbelés et la cour de la prison où quelques
détenus se dégourdissent les jambes.
Personne ne semble prêter attention à lui. Les fusils mitrailleurs sont immobiles.
Son cœur bât la chamade au moment où le gardien lui fait franchir la porte de fer qui clôt la
prison.
Devant lui deux hommes attendent au volant d’une vieille jeep Cherokee.
Le passager tend une grosse enveloppe de papier kraft au gardien. Celui-ci l’attrape puis
recule et disparaît derrière l’enceinte de la prison.
La lourde porte s’est refermée…Sheppard, médusé, n’a pas bouger d’un millimètre. Il a du
mal à réaliser qu’il est du bon côté de l’enceinte carcérale. Il retient son souffle comme si l'air
extérieur risquait de le brûler. Faire perdurer l'espoir, encore un peu, juste un peu...
- Montez major Chaiparde.
Le passager est sorti de la voiture et lui fait signe de monter. L’horrible accent français est à
coupé au couteau.
Chaiparde...Sheppard... on s'adresse à lui?
La situation paraît absurde, pourtant cela fait si longtemps qu'on ne lui a pas accorder une
parole, qu'on ne l'a pas traité comme à un être humain! Celui qui était major dans l'aviation
américaine il y a encore peu, n'est plus qu'un prisonnier attendant l'autorisation de vivre,
l'autorisation d'espérer.
- Vous êtes bien le major Chaiparde ?
John prend conscience de son improbable libération. Il adresse au français un sourire puis
monte dans le véhicule.
- Oui, en tout cas, j’en suis ce qu’il y a de plus proche.
Il poursuit dans un français presque parfait, souvenir d'un temps où il n'avait à s'inquiéter que
de ses partiels et cours pratiques.
- Appelez-moi John, s’il vous plaît.
Les deux hommes lui rendent son sourire puis démarrent.
- Monsieur Chai…John, nous sommes membres d’une ONG basée sur une zone relativement
sécurisée. C’est là que je vous conduis. Vous êtes libre maintenant. Détendez-vous, le trajet
sera long et nous aurons tout le temps nécessaire pour parler une fois là-bas.
Le trajet est effectivement assez long et John regarde le paysage défiler sans mot dire. Les
deux hommes respectent son silence et se contente de converser doucement.
Le vrombissement du moteur et la sonorité chantante de la langue française bercent Sheppard
qui pour la première fois peut vraiment se détendre. Il laisse son esprit vagabonder et
s’abandonne avec plaisir au sommeil.
oooOOOooo
- Non ! Je ne veux pas ! Pas ce souvenir là ! NON !
Sheppard reprend lentement conscience de sa présence dans la grotte. Il n’est plus plongé
dans le noir, ou du moins plus complètement. Il regarde autour de lui la brume qui l’entoure et
qui dégage un petit halo de lumière. Le colonel est surprit par l’étrange sensation d’être dans
une serre tropicale, la chaleur et le plaisir en moins !
Pour éponger son visage ruisselant d’eau, Sheppard cherche à lever son bras mais celui-ci
semble peser une tonne. Le colonel ne lutte pas et se contente de rester ainsi immobile.
L’eau qui suinte sur son corps est légèrement chaude. John se laisse aller à ce qui semble de
prime abord une douce et rassurante sensation. Encore étourdit par ses souvenirs de torture, il
a du mal a reprendre pied et se fixer dans le présent. Cette étrange torpeur l'accompagne
comme dans un bain vers une détente de tout son corps. Soudain, au contact de sa peau, ce qui
paraissait être de l'eau s’épaissit en une gelée blanchâtre qui se fraye un chemin dans sa
bouche puis coule lentement sur sa langue, dans son palais. Sheppard secoue la tête et crache
l’infâme substance. Il est bien dans la grotte et dans le présent maintenant !
La brume légère qui entoure le colonel s’opacifie brutalement puis se met à dégouliner sur son
visage avec plus de puissance. Sheppard ferme la bouche, serre les dents, mais l’épaisse
matière s’introduit de force dans la commissure de ses lèvres.
L’eau a un désagréable et très prononcé goût métallique qui lui donne l’impression de sentir
du sang couler dans sa gorge. Il n’arrive pas à se débarrasser de ce sentiment. Sa respiration
devient difficile, il lutte pour garder le contrôle de soi, mais la panique le gagne rapidement.
A force de volonté le colonel Sheppard réussit tout de même à se mettre à genoux.
Il frotte sa figure avec ses mains, mais le gel glisse entre ses doigts et continu de s’écouler en
force dans sa bouche et dans son nez. Sheppard donne finalement des coups de poings au
hasard autour de lui, cherchant à atteindre un ennemi invisible.
Épuisé par cet effort vain, il tombe à terre. Allongé au sol, figé dans son impuissance, il se
laisse porter par les sensations qui l’assaillent. Une douce torpeur s’empare de nouveau de lui.
Douce ? Peut-être pas tant que ça.
Il ne résiste plus et se laisse envahir. Qu’il est bon de ne plus lutter !
Le colonel Sheppard ferme les yeux, le sommeil qui l’accueil semble si paisible.
Il ferme les yeux, et sombre…
La brume pénètre profondément dans son corps. Sa respiration se fait plus superficielle, ses
traits se détendent.
Une dernière pensée … « Le calme avant la tempête » … Puis le néant.
oooOOOooo
Un petit goût de métal. Du sang coule dans sa bouche.
- Excusez-nous ! Vous n’êtes pas blessé ?
Sheppard ouvre brutalement les yeux, comme arraché contre sa volonté d'un rêve qui se
voulait trop beau. Quelques secondes lui sont nécessaires pour se souvenir. Il est dans le
Cherokee en route pour le bâtiment de l’ONG.
Dans le Cherokee… la tête par terre et les pieds sur les fauteuils !
Les deux hommes le regardent en réprimant un fou rire mal venu.
- Désolé, la route est très mauvaise ici, je n’avais pas vu « le nid de poule » au milieu de la
chaussée.
- Pas de problème. Je suppose que je me suis un peu assoupi.
Sheppard s’essuie la bouche d’un revers du bras. Il s’est un peu mordu la lèvre en se cognant
par terre, rien de grave.
- On est encore loin ?
- Non, regardez, c’est la toile de tente verte là-bas.
Le conducteur désigne une grande toile de style militaire.
Alertée par le bruit du véhicule, une femme couverte de la burqa bleue imposée par les
Talibans, sort précipitamment de la tente et leur adresse de grands signes.
Les trois hommes descendent de la jeep. La femme vient à leur rencontre.
- Entrez major Sheppard.
oooOOOooo
- Entrez docteur Weir.
La porte du laboratoire s’ouvre sur Elisabeth et Teyla. Le docteur Weir s’approche de
Rodney.
- Le nouveau module est presque prêt. Avez-vous trouvé quelque chose d’intéressant ?
- Oui. Regardez ces images. Je vous les mets au ralenti avec une meilleure résolution
numérique et un éclairage différent. Regardez, que voyez-vous…là ?
Teyla et Elisabeth ont le nez collé à l’écran. Rodney leur désigne une zone précise située au
dessus du corps de Sheppard. Devant le silence interrogateur des deux dames, le scientifique
poursuit.
- Là, on distingue nettement la forte humidité qui règne dans la grotte. Mais bizarrement, les
données fournit par le MALP sont en complète contradiction avec cette masse brumeuse.
Maintenant regardez…
Ces images sont prises quelques minutes plus tard. Le nuage est descendu vers le colonel et
semble se concentrer essentiellement vers son cortex.
Le docteur Weir n’y comprend rien.
- Qu’est ce que vous essayez de nous expliquer Rodney ? Soyez un peu plus clair.
- Et bien je pense que cette brume n’est pas ce qu’elle semble être. C’est elle qui entretient
l’état convulsif du colonel Sheppard. Je pense aussi que c’est elle qui a absorbé l’énergie du
robot.
- Vous suggérez une entité comme celle qu’avait libéré Jinto ?
- Oui et non. Oui, je pense que cette masse brumeuse peut être qualifiée d’entité en tant
qu’individualité. Mais je ne crois pas qu’elle soit formée d’énergie, comme celle d’Atlantis.
Je pense qu’elle utilise les molécules d’eau pour se créer un corps consistant et ainsi pouvoir
manipuler la matière. L’électricité lui sert uniquement de carburant. Cela expliquerait les
modifications de la paroi du tunnel, ainsi que la mort prématuré de notre mini-MALP.
- Si je vous ai bien comprise, on a affaire à un être, ou des êtres, qui fonctionnent à
l’électricité et utilisent la vapeur d’eau pour se donner une apparence.
- Oui, et pour pouvoir interagir sur le monde environnant… Et sur le colonel Sheppard.
J’ai quelques théories à ce sujet. J’espère que le module nous en apprendra davantage.
Zelenka contact le docteur Weir par radio.
- Le nouveau mini-MALP est opérationnel Docteur Weir.
-Très bien, nous arrivons.
Tous trois se dirigent vers la porte des étoiles.
oooOOOooo
Couché sur le côté, la joue collée sur le sol brute et mouillé de la grotte, le colonel Sheppard
semble en pleine transe. Ses yeux, mi-clos, paraissent lire un texte invisible et ses lèvres
prononcer un texte muet.
oooOOOooo
- C’est Naïla, qui nous a parlé de vous.
L’homme qui parle s’appelle Pierre-Marie Landré. Il vivait en Afghanistan bien avant le
début des conflits et a souhaité y rester pour fonder sa propre organisation humanitaire.
PML, comme il aime se faire appeler, a laissé partir sa femme et ses enfants pour la France,
mais son pays de cœur reste l’Afghanistan.
- Naïla était présente lors de votre capture. Cela a été long et difficile de vous faire libérer.
Votre gouvernement, comme le notre d’ailleurs, préfère ignorer votre existence.
Heureusement, je suis bien intégré ici et j’ai beaucoup d’amis. On a ainsi pu graisser la patte
de vos gardiens pour obtenir votre libération.
Le major Sheppard est assis à une table rudimentaire. Il tient fermement un verre de thé
fumant entre ses deux mains, posées dessus comme s’il récitait une prière. Il avale une gorgée
du précieux breuvage avant de questionner davantage les deux français.
- Pourquoi ?
- Parce que ça fonctionne comme ça ici. Comme toujours en temps de guerre. L’ignorezvous ?
- Non, je veux dire, pourquoi notre gouvernement nous a lâché ?
- Ah ça ! Après la destruction de leur base, les extrémistes ont libéré la zone et les forces de
la coalition internationale s’y sont implantées. De ce point de vue, votre mission était un
succès.
- Mais à quel prix !
Sheppard semble se refermer sur lui-même et PML laisse passer quelques secondes de silence
avant de poursuivre.
- Oui, justement ! Le chef de l’organisation qui vous a capturé a aussi volé l’un de vos
hélicoptères furtifs RAH-66.
- Oui, celui du captain Grant. Le mien a été pulvérisé.
- C’est exact. Mais voyez-vous, dans les jours qui ont suivi, les talibans l’on utilisé contre une
base alliée, faisant beaucoup de dégât et plusieurs victimes. Les États-Unis ont eu bien du
mal à se justifier. Se faire piquer un engin d’une telle valeur et d’une telle puissance, ça la
fiche mal pour une nation comme la votre.
Nous encore, on aurait simplement dit dans les médias: sacrés français !
Et ça aurait finit en boutade, mais votre gouvernement lui, n’a pas aimé du tout !
Le major Sheppard est atterré.
- Et le chef taliban ?
- D’après nos sources il serait mort dans un conflit interne. Mais en vérité, nous ne savons
pas grand-chose.
- Les autorités américaines savent que vous m’avez libéré ?
- Oui, elles nous ont même aidé, officieusement du moins.
En faite, la version officielle est qu’un soldat de l’armée américaine… aucun nom n’a jamais
filtré dans les médias... qu’un soldat aurait détourné son hélicoptère pour le vendre au plus
offrant. Vous êtes considéré comme un « mercator » pour reprendre le terme employé par vos
patrons.
Ce mot choque le major Sheppard qui pose brutalement son verre sur la table. Un peu de
liquide chaud se renverse mais il n'y prête pas attention, pas plus qu'à la rougeur qui apparaît
sur le dessus de sa main.
- Je ne suis pas un mercenaire !
- Non, mais c’est la version officielle.
La femme en burqa s’approche et essuie le thé renversé. Elle était restée distante et le major
Sheppard avait complètement oublié sa présence. Il la regarde s’activer puis lui arrête
gentiment le bras.
- Non, laissez moi faire.
La jeune femme lui laisse son torchon mais reste là sans bouger. PML fait alors les
présentations.
- Major, je vous présente Naïla.
Naïla soulève son voile bleu, découvrant un sublime visage tanné par le soleil afghan. Ses
yeux sont d’un vert profond.
- Bonjour major Sheppard, je suis ravie de vous savoir en sécurité.
- On se connaît ?
- Oui et non.
Son sourire lumineux réchauffe le cœur glacé du major.
- Je distribue des médicaments dans les camps de réfugiés. C’est ainsi que j’aide mon peuple
à surmonter les fléaux de la guerre.
Je vous ai vu traverser le campement alors que je sortais chercher un peu d’eau pour une
vieille femme. C’était avant votre capture.
Elle se tait de peur de remuer trop de souvenirs qu’elle sait être douloureux.
- Pourquoi ne pas nous avoir dénoncer ?
- Je ne suis pas là pour faire la guerre ! De plus, si vous aviez voulu tuer les réfugiés, vous
auriez fait sauter tout le village, non ?
Sheppard ne répond pas, se contentant d’acquiescer de la tête.
-Je vous ai observé.
Elle s’interrompt, rougissante.
- Il émanait de vous, une aura particulière. A un moment vous avez arrêtez d’avancer et j’ai
eu peur pour mes amis. C’est alors que je vous ai vu remonter une couverture sur un enfant
endormi. La nuit était vraiment très fraîche, ça m’a touchée.
Sheppard garde la tête baissée, il n’ose pas regarder Naïla en face.
- De retour au dispensaire, j’ai parlé de vous et de votre ami à Pierre-Marie. Je lui ai aussi
parlé de vos conditions de détention. Il a été extraordinaire.
Le major se lève brutalement, renversant son siège au passage.
- Jeff ! Il était à la prison avec moi.
PML pose une main compatissante sur l’épaule du major qui se laisse guider sans résistance.
- Il a été déplacé sur un autre lieu d’incarcération. Peut-être on-t-il eu vent de votre future
libération. Toujours est-il que nous n’avons pas réussi à soudoyer ses geôliers. C’est une
toute petite prison, mais ce sont des moudjahiddins qui la contrôlent et nous n’y avons pas
nos entrées.
- Il faut impérativement que je contacte mon état majeur. Il faut le libérer.
oooOOOooo
McKay regarde l’image défiler sur son écran. Ronon et Beckett sont auprès de lui. Le
médecin de la cité à rejoint l'équipe sur la planète afin de prendre au plus vite en charge un
éventuelle situation médical d'urgence.
- Regardez !
Le cri de Teyla fait sursauter toute l’équipe.
- Regardez le trou, il se referme !
Effectivement l’orifice d’entrée du tunnel se colmate juste derrière le mini-MALP.
McKay retourne rapidement à son ordinateur.
- Bon sang, faut se magner, si le tunnel se bouche sur le robot, nous perdrons tous contact
avec Sheppard.
Obéissant à un ordre transmit par le PC de Rodney, les picots télescopiques du petit MALP se
rétractent. La merveille de technologie se met à glisser follement le long du canal puis se pose
mollement avec son cousin d’air sur le plancher caverneux.
Un kilomètre au dessus, c’est un soulagement général.
- Docteur Weir, notre réception est impeccable. Quand est-il sur Atlantis ?
- Aucun problème Rodney. Pourquoi le MALP est tombé si brutalement dans le conduit ?
-Simplement parce qu’il était poussé aux fesses ! Excusez-moi docteur Weir.
Tout semble confirmer mon hypothèse d’une entité qui contrôle la terre. Notre adversaire
n’apprécie visible pas notre intrusion.
- Est-ce que le robot résistera à une attaque ?
- Sans l’ombre d’un doute. Sa batterie est renforcée et protégée par une gaine absolument
impénétrable.
- Espérons que vous ayez raison.
La tension est à son comble sur Atlantis comme sur la planète. Le robot espion progresse vers
le dernier point de contact avec le colonel Sheppard.
L’image est merveilleusement nette. On distingue facilement les zones d’épaisse humidité et
celles désertées par l’étrange forme de vie.
Le colonel Sheppard n’a pas bougé, il est toujours allongé au sol, à quelques mètres du
premier mini-MALP. Le nouvel espion s’approche davantage.
L’équipe atlante visualise parfaitement la brume qui s’approche du robot, s’opacifie puis
s’évapore et disparaît.
McKay retient son souffle puis jubile.
- Ils ont abandonné ! Notre robot ne les intéresse plus puisqu’il ne peut leur fournir de
l’énergie. De plus, étant parfaitement étanche, il n’est absolument pas manipulable.
Le petit automate s'avance….
oooOOOooo
Le major Sheppard porte la tenue réglementaire de l’air force. Bien que rasé de près, son
visage garde les stigmates de sa douloureuse incarcération.
Sans avoir franchit la moindre étape hiérarchique, le major Sheppard, pénètre le sacro-saint
bureau du général Grégory Langton.
Le général est un homme affable mais très respectueux de la discipline militaire. Ses hommes
l’ont bien entendu surnommé «Papy Boyington», du nom d’un pilote prénommé également
Grégory et rendu célèbre grâce aux «têtes brûlées». La comparaison s’arrête pourtant là.
Langton n’ayant rien d’un fêtard alcoolique.
- Général !
Le général est assit derrière son bureau, apparemment accaparé par une liasse de papiers. Il ne
relève pas la tête à l’entrée du major.
- Major Sheppard. Je vois que votre détention n’a pas amélioré votre discipline. Que me vaux
cette irruption dans mon bureau ?
- Général, il faut absolument envoyer une équipe délivrer le captain Grant.
- C’est malheureusement impossible.
- Pourquoi ?
Le général se lève et tape du poing sur sa table, faisant voler la majorité de la paperasse.
- L’état major n’a pas à se justifier major Sheppard !
Il se radoucit en se laissant choir sur son fauteuil.
- Vous connaissiez parfaitement les risques de votre mission major. La captain Grant
également. Officiellement il a disparu au combat. Sa femme touche une substantielle pension
et ses enfants sont pupilles de la nation.
- Alors vous le laissez tomber. Non, vous n’avez pas le droit de lui faire cela. Général, on
n’abandonne jamais l’un des nôtres, vous vous souvenez ?!
- A qui croyez-vous parlez jeune homme ?
Sheppard fait les cents pas dans la pièce. Il sert les poings avec rage et détermination.
Le général tente de calmer la situation explosive.
- Pour le moment nous ne pouvons rien faire pour le captain Grant sans compromettre une
situation sur le terrain qui est déjà particulièrement délicate.
- Alors c’est moi qui m’en occuperai !
- Major, ne faites rien que vous pourriez regretter. Toutes désobéissance vous vaudrait la
cour martiale. Major Sheppard ?!
Le général est seul. Le major Sheppard a quitté brusquement la pièce, claquant violemment la
porte derrière lui.
- John, ne faites pas de bêtise.
oooOOOooo
Le petit automate s'avance….
Sur l’écran d’Atlantis apparaît le visage blafard du colonel Sheppard. Il semble relativement
calme, comme en sommeil.
Moins d’un mètre du militaire endormi…
Le sommeil de John n’est finalement pas si calme que cela. Ses yeux trahissent le sommeil
paradoxal. Celui du rêve. Ou plutôt du cauchemar à en croire les grimaces et gémissements
que fait le colonel.
McKay enclenche plusieurs touches de son clavier portatif. Le mode son est ouvert. Les hauts
parleurs d’Atlantis se mettent à cracher les geignements et les phrases hétéroclites que
prononce le malheureux Sheppard.
- Non, vous n’avez pas le droit de lui faire cela.
- Alors c’est moi qui m’en occuperai !
oooOOOooo
- Naïla, il faut que vous m’aidiez.
John Sheppard a repris sa tenue civile pour rejoindre ses nouveaux amis au dispensaire.
PML se joint à la conversation.
- John, votre plan me paraît sinon irréalisable, du moins très dangereux. Naïla risque gros.
Vous savez, ici les femmes sont sévèrement sanctionnées... C’est la mort que vous lui offrez !
- Non, je vous promets qu’il n’en sera rien.
La jeune afghane regarde paisiblement Sheppard. Elle semble puiser en lui des ressources
inimaginables.
- Je viendrai avec vous John.
Chapitre cinq
Actions et conséquences
Le docteur Beckett est soucieux. Il est en communication avec le docteur Weir à qui il dresse
un état des lieux. La situation médicale de Sheppard est préoccupante.
- Le colonel est en plein délire. Il a vraisemblablement de la fièvre. Bien que n’ayant pas de
blessure apparente, il semble souffrir le martyre.
- Que pensez-vous de ces propos ?
- Ils sont parfaitement incohérents. Ils relatent sans doute son hallucination.
Beckett, Teyla et Ronon sont concentrés sur l’écran d’ordinateur. Ils regardent impuissant leur
ami se débattre contre lui-même. McKay quand à lui, continu de programmer les consignes au
mini-MALP. Son attitude faussement sereine n'est pas liée à une absence d'empathie à l'égard
du colonel Sheppard, mais au contraire à son désir d'agir, vite, et efficacement.
Il s’arrête soudain, se redresse, et admire fièrement son travail de programmation.
- Voila, on va pouvoir communiquer avec le colonel. Docteur Weir, je vous laisse prendre la
parole.
Du centre de contrôle d’Atlantis, Elisabeth Weir essaye d’entrer en contact avec John via les
hauts parleurs mu MALP..
- Colonel Sheppard, ici Weir, vous m’entendez ?
Sur terre, comme dans la cité, tout le monde retient son souffle.
Quelque part à un kilomètre sous la surface, le colonel Sheppard s’agite et grimace de plus
belle. Elisabeth continue ses appels. Une dizaine de minutes d'un monologue lourd d'angoisse,
une attente qui finalement semble porter ses fruits. Sheppard paraît s'apaiser et chercher à
atteindre la voix de Weir. Sa tête tourne très doucement vers la droite puis vers la gauche, à la
recherche de quelque chose d’invisible, un lien qui lui sortirai la tête du gouffre dans lequel il
s'est perdu.
Weir et Zelenka se regardent confiant. Une lueur d'espoir dans la noirceur de la grotte?
Teyla saute au cou de Ronon qui reste stupéfait, les bras ballants. Elle se reprend aussitôt.
Souriante, elle félicite le docteur McKay.
- Bravo Rodney, ça a marché.
- Oui, il a bien perçu la voix de Weir. Maintenant, il reste à le faire sortir de sa léthargie et
ça, croyez moi, ce sera bien plus compliqué.
- Ne soyez pas pessimiste Rodney. Il est vivant et il réagit au son de nos voix, c’est déjà un
bon départ non ?
- Mouai...
Sur Atlantis, le docteur Weir continue de stimuler Sheppard.
- Colonel Sheppard ? John, vous m’entendez ?
oooOOOooo
- John, vous m’entendez ?
- Excusez-moi Naïla, j’avais l’esprit ailleurs.
- Va falloir vous réveillez si vous voulez que notre plan fonctionne !
Sheppard la regarde droit dans les yeux et sourit franchement.
Naïla est décontenancée. C’est la première fois qu’elle voit l’américain autrement que rongé
par la peine et la haine.
- Qu’est ce qui vous fait rire ?
- Vous.
Le major attrape Naïla et la sert tendrement dans ses bras. Sa tête posée sur l’épaule de la
jeune fille, il respire les effluves de son parfum épicé.
- Vous parlez de NOTRE plan. J’ai parfois l’impression que c’est vous qui portez toute
l’expédition sur vos épaules.
- En l’occurrence pour le moment, c’est vous qui êtes sur mes épaules…John.
Sheppard rit de plus belle en se redressant. Il n’a pas pour autant lâché la jeune femme.
Naïla est envoûtée par son charme et sa fragilité.
- John, je sais à quel point cela vous tiens à cœur.
- Merci Naïla.
John se rapproche doucement de la jeune femme. Leurs visages sont si proches qu’il perçoit la
respiration de Naïla qui s’accélère.
Le major Sheppard s’approche davantage encore du doux visage et pose délicatement ses
lèvres sur sa joue, en un tendre baisé.
- Merci pour tout.
Changeant complètement d’attitude, le major se redresse et rejoint PML au véhicule, laissant
Naïla à ses songes.
- C’est le moment PML. Je vais entrer dans la prison avec Naïla. Vous savez ce que vous
devrez faire.
- A dix-neuf heure, quand commencera la prière, j’actionnerai le …
- Dix-neuf heures ???
- Enfin, je voulais dire à sept heures, ce soir.
Sheppard rigole.
Naïla n’est pas la seule à succomber au charme du militaire.
Pierre-Marie regarde Sheppard, amusé.
- Vous avez changé John.
- C’est l’espoir. En prison, c’est ce qui manque le plus cruellement.
oooOOOooo
Malgré l’apaisement que lui octroie la voix du docteur Weir, le colonel Sheppard reste
prisonnier de son délire. Ses paupières se sont progressivement refermées sur ses yeux agités.
Il paraît calme, reposé et parle lentement. Ses mots sont chuchotés d’une voix plus cohérente.
- Espoir. Naïla. Merci Naïla, merci Pierre-Marie.
Soudain son visage se crispe comme frappé d’une violente douleur. Le colonel se contracte
sous le coup de désagréables nausées. Entre deux spasmes, il vomit d’impressionnantes
quantités de gelée blanche avant de s’effondrer, vidé littéralement et physiquement. Ses traits
sont extrêmement tirés et son teint grisâtre traduit la fatigue d'un corps qui voudrait cesser de
lutter.
Quelques minces filets laiteux mêlés de sang, coulent de la commissure de ses lèvres. Il
déglutit péniblement puis se remets à parler d’une voix étrangement gutturale.
- Non, John, tu n’as plus d’espoir. Personne ne t’attend. Nulle part ! John, tu es seul, tu l’as
toujours été.
- Non, ce n’est pas vrai Naïla m’attend !
Cette fois-ci, la voix est geignarde, à la manière d’un petit enfant.
Comme dans un mauvais remake de « Dr Jekyll and Mr Hyde », le colonel Sheppard alterne
les attitudes.
Lorsque sa voix se fait dure et cruelle, il fronce ses traits et parle avec un sourire sarcastique.
A l’inverse, lorsqu’il se fait fragile et plaintif, son corps se recroqueville sur lui-même et de
grosses larmes coulent sur ses joues.
Ce dialogue entre Sheppard et…lui-même, est surréaliste.
- Ha ha ha, comme tu es naïf ! Naïla ne t’a jamais aimé, sinon, elle serait parti avec toi!
- Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai. Tu mens !
- Qui ment ? Ici, il n’y a que toi, tu le sais bien !
Le colonel Sheppard se remet à geindre et à s’agiter.
Le calme est loin et la tempête fait rage.
oooOOOooo
Le docteur Weir est consternée par l’agitation de Sheppard.
Le voir s’auto flageller verbalement est très dure à encaisser. Les gros plans que transmet le
petit robot, saisissent d’effroi tout le personnel d’Atlantis.
La douleur du colonel y est exposée impudiquement aux regards de tous.
Depuis une demi-heure, Elisabeth parle au colonel, essayant de lui faire reprendre conscience
du lieu où il se trouve. Il semblait plus calme, plus serein. Et puis subitement, la crise de
delirium a commencé.
- Qu’est-ce qui se passe ? Docteur Beckett ?
Installé devant l’écran de McKay, le docteur Beckett est étonné. Rien ne lui permet
d'expliquer ce qui se passe dans la grotte. Les éléments se contredisent et s'emmêlent de façon
incompréhensible.
- Je ne sais pas. Tous les paramètres qui sont retransmis par le robot tendent à prouver que
le colonel va physiquement bien.
- Vous appelez ça, allez bien !
- Non, mais, il ne souffre d’aucune blessure. Le scanner est formel.
- Moi, ça ne m’étonne pas du tout !
McKay intervient comme à son accoutumé, au milieu de la conversation d'Élisabeth et de
Carson.
Le docteur Weir est furieuse. Sa patience à des limites que côtoie régulièrement le scientifique
et qui viennent d'être franchis allégrement!
- Maintenant ça suffit les cachotteries. Dites nous quelles sont vos hypothèses, puisqu’elles
semblent exactes.
- Et bien, pour tout vous dire je pense que l’entité…
Le scientifique n’a pas le temps de jouer au professeur car un cri déchirant retenti dans les
hauts parleurs.
oooOOOooo
Cinq femmes entièrement recouvertes par la toile bleue afghane, avancent lentement dans la
cour de l’insalubre prison. C’est l’heure de la visite des épouses et des femmes qui comme
Naïla soutiennent moralement les détenus. Les gardiens attendent ce moment avec
impatience.
Des femmes dans ce milieu d’hommes, c’est toujours un grand moment de plaisir… Ils
laissent vagabonder leurs esprits et s’imaginent déshabillant tantôt l’épouse, tantôt la
bienfaitrice. Mais ce n’est pas toujours imaginaire. Qui sera la prochaine prise ?
A l’entrée du compartiment carcéral, un gardien attrape l’une d’elle.
Un peu en retrait, la jeune femme s’était isolée du groupe. Sans doute une nouvelle ignorant
qu’ici, mieux valait ne pas être seule.
C’est en tout cas ce que pense l’imprudent gardien.
La jeune femme se débat quelques minutes puis paraît suivre docilement le surveillant vers un
baraquement en bois. Les autres poursuivent leur chemin, faisant mine de ne rien voir derrière
leur visière en fil de fer.
Au parloir, les détenus profitent de la présence des femmes et de leurs baluchons remplis de
denrées. Quelques légumes frais, un peu de pain, bref, ce que les geôliers ont bien voulu
laisser passer. L’ambiance régnant dans cette salle commune est austère et strict. Pas ou peu
de mots, juste l’essentiel.
Arrive l’heure de la prière. Les femmes sont conviées vers la porte. Pas de pleurs, pas de
déchirement, juste quelques murmures et peut être un touché de main.
Soudain, une immense flamme jaillit du baraquement en bois.
Un gigantesque feu embrase la vétuste prison.
Les gardiens tentent à la fois de contrôler l’incendie, les prisonniers qui manifestent leurs
angoisses, et les femmes qui prisent de panique courent dans tous les sens.
Dans la cour de la prison c’est l’affolement général, femmes et prisonniers se télescopent sans
discernement.
Un tir de fusils mitrailleurs calme les esprits.
Les prisonniers sont raccompagnés vers des cellules plus isolées et les femmes sont
regroupées puis escortées vers la sortie.
Dans la cohue, l’une d’elle à semble-t-il été blessé. Elle boite et progresse difficilement.
La lourde porte se referme derrière les six burqas bleues, laissant la prison à son agitation.
Dehors, c’est le silence qui règne en maître.
Les femmes se séparent, partant chacune de leur côté.
La femme blessée avance lentement vers un véhicule garé à peu de distance. Avec l’aide du
chauffeur, elle s’assoie à l’avant puis cherche à retirer sa burqa.
- Non, pas tout de suite, attendez !
PML démarre la vieille bagnole dégotée on se sait où, contourne un groupe de maison, et
stationne de nouveau. Le moteur ronronne silencieusement.
A une centaine de mètres l’une de l’autre, deux femmes se dirigent vers le véhicule. Toutes
deux pénètrent à l'arrière de la voiture.
Pas un mot.
PML roule tranquillement, laissant au loin le village qui raisonne soudain des hurlements
d’une alarme.
La femme blessée retire sa burqa, dévoilant les traits décharnés de Jefferson Grant.
Il se jette dans les bras de la «femme» assise derrière lui, l'étouffant presque malgré son faible
poids.
- Merci John, merci ! Je savais que tu ne m’abandonnerais pas !
-Hum hum !
La seconde «femme» pose une main sur l’épaule de Jeff qui ne relâche pas pour autant son
étreinte. Une burqa bleue vole dans l’habitacle de la voiture. Jeff découvre alors le visage
radieux du major Sheppard. John est tout miel.
- Si tu ne laisses pas Naïla respirer, je crains de devoir te ramener fiça au pénitencier !
- Pardon ?
Sous le regard étonné de Jeff, la femme qu’il avait prit pour le major retire sa burqa.
- Bonjour captain, je suis Naïla.
Jefferson reste un instant surprit de sa méprise, puis réagit en serrant de plus belle sa prise.
- Merci Naïla.
Dans le véhicule, les larmes ont cédé la place aux rires.
oooOOOooo
Sur l’écran, le visage ravagé de Sheppard se modifie sans cesse. Tel un mime, le colonel
exprime tour à tour les sentiments les plus diverses. Étonnement, dès que ceux-ci relèvent du
plaisir ou du moins de la quiétude, la voix caverneuse refait son apparition.
- Non, pas de rire, vous n’avez pas le droit !! Non, Naïla ne t’aime pas !
- Arrêtez, arrêtez !
Sheppard est en proie à une magistrale crise de nerfs. Il cri, hurle, se débattant contre un
adversaire fantomatique.
Le docteur McKay ne peut développer davantage ses explications aux docteur Weir, tant il
reste médusé. Toute l’équipe est hypnotisée par l’hystérie du colonel.
Le docteur Weir tente d’atténuer sa souffrance par des mots d’apaisement.
- John, c’est Elisabeth, tout va bien. Tout cela n’est qu’une illusion. John, calmez-vous.
Loin de se calmer, Sheppard s’agite de plus en plus.
- Non ! Laissez-le, c’est uniquement ma faute !
oooOOOooo
Le général Langton tire profondément sur un énorme cigare. L’épaisse fumée emplit son
bureau d’une odeur âcre.
- Il a fallu que vous vous en mêliez !
Face à lui, le major Sheppard et le captain Grant sont au garde à vous.
Sheppard quitte bien vite la position militaire et plaque bruyamment ses mains sur le bureau
du général.
- Sauf le respect que je vous dois, général, il fallait bien que quelqu’un le fasse.
Le général fulmine.
- Je vous avais ordonné de ne pas vous en occuper !
Jefferson, resté discrètement en retrait de la conversation, ne peut qu’intervenir.
- Et vous m’auriez laissé mourir dans mon cachot ?
- C’est exact ! Le gouvernement américain vous paie pour cela !
Il s’adoucit et poursuit plus prosaïquement.
- Bon, maintenant que c’est fait, il va falloir que je m’explique au haut commandement.
Sheppard, vous aurez du mal à échapper à la cour martiale pour désobéissance aux ordres. Il
en est de même pour vous, captain Grant. Par votre manque de réflexion, vous avez entraîné
la mort de précieux collègues et la destruction d’un matériel onéreux. Savez-vous que vos
Comanches coûtent à l’armée plus de cinquante millions de dollars…chacun !
Sheppard s’insurge.
- Ce n’est pas possible !
- Qu’imaginiez-vous ? Ils ne sont pas en papier mâché.
- Non, je veux dire que le captain Grant n’a absolument rien à se reprocher. Il n’a fait que se
conformer à mes ordres de missions. Ni plus, ni moins. Il est hors de question qu’il soit
présenté devant la cour martiale.
- Et il est hors de question que vous me parliez ainsi major !
Le malheureux captain ne sait comment désamorcer la tension explosive qu’il règne entre
Sheppard et «papy Boyington».
Il se redresse et claque des talons en un salut impeccable.
- J’assumerais mes actes, général Bo…Langton.
Sheppard l’attrape par le bras avec force et détermination.
- N’importe quoi ! Tu ne me dois rien Jeff. Inutile de me couvrir.
Il entraîne son ami vers la porte et le fait brutalement sortir.
- Laisses moi seul avec le général.
- Mais John, je veux assumer…
- Dehors !!
Le major Sheppard claque la porte au nez de son ami et se retourne vers le général.
- Général, il faut que nous parlions.
- Commencez par baisser d’un ton, major. Et sachez que je n’apprécie vraiment pas la
tournure des évènements. Ceci dit prenez un siège et racontez moi l’histoire telle qu’elle s’est
vraiment déroulée. Gardez pour plus tard vos manigances, je ne veux que la vérité.
Je vous écoute.
Jeff est assit devant le baraquement militaire.
Cela fait plus de deux heures que John est enfermé avec le pitbull. La veille, le captain Grant
a remit au général son rapport. Celui-ci l’a longuement interrogé sur les ordres de missions et
Jeff n’a pas caché son implication et sa bévue de débutant. Il se sent profondément coupable
du décès de Paddin et Wyatt. Ses joues se couvrent de rouge. Il pense à sa famille et au
déshonneur.
Le major Sheppard s’assoit tranquillement au côté de Jeff, le sortant de sa rêverie
mélancolique.
- Qu’est ce que tu as fais John? Pourquoi vouloir me couvrir ?
- Parce que tu as Pamela et les enfants qui t’attendent au ranch. Jeff, je suis responsable de
ce qui c’est passé. Que tu le veuilles ou non, j’étais le chef de mission et en tant que tel, la
responsabilité m’en incombe à cent pour cent.
- Et maintenant ?
- Maintenant tu vas rentrer chez toi, auprès de Pam, et oublier toute cette histoire. Le
général, va nous couvrir et nous ne passerons pas en cour martiale.
- Et toi ?
- Ne t’inquiète pas pour moi. Papy aurait bien aimé me rétrograder mais pour les hommes, je
suis un héros !
Le major Sheppard bombe le torse, jouant le playboy. Grant ne se déride pas. Il sait
pertinemment que pour John, l’armée est la seule famille qu’il n’ait jamais connue. Une
famille avec laquelle il est en perpétuel conflit, mais une famille qu’il aime… Et qui l’aime!
- Je vais quitté l’Afghanistan et me faire oublier quelques temps. Ne t’inquiètes pas pour moi,
le général m’a trouvé un petit coin sympa où je ne risque pas de faire de mauvaises
rencontres. Un coin paumé, loin de tout danger, loin des tracas de la guerre.
- Bref un endroit où tu vas mortellement t’ennuyer.
Sheppard et Grant sont pris d’un intense fou rire.
- Tu me manqueras major.
- Toi aussi captain !
Ils quittent bras dessus dessous les murs de l’enceinte militaire. Les échos de leurs rires
transpercent la nuit afghane.
Chapitre six
L’exile
Loin du monde et de la réalité
Le major Sheppard est assis dans la neige fraîche du petit matin. Le soleil donne un éclairage
agréable au continent blanc qui s’étend devant lui.
Il tient, froissé dans sa main, une missive reçue un mois plus tôt.
Les yeux noyés de larmes, il déplie la lettre lue et relue tant de fois.
John,
Je suis au regret de t’annoncer la mort tragique de
Naïla. Je sais que malgré la distance, vos sentiments
n’avaient pas changé.
Elle parlait souvent de te rejoindre, loin de son pays
meurtri. Mais sa place était auprès des siens. Tu l’avais
compris et elle ne t’en aimais que davantage.
Son décès plonge toute notre petite communauté dans
la peine et le chagrin. Elle laisse un grand vide dans nos
cœurs. Je te sais fort et courageux. Je suis certain que tu
surmonteras cette épreuve comme tant d’autres
auparavant.
Ses dernières pensées ont été pour toi.
Elle t’aimait.
PML
- Je t’aimais aussi Naïla. Pourquoi ne m’as-tu pas suivi ?
Un long sanglot achève la phrase du major.
Depuis neuf mois, le major Sheppard est affecté à une base de l’Antarctique. Cet exile forcé
est loin de lui déplaire. Le calme et le silence sont apaisants. Mais plus que tout, le major
adore les étendues de neige qui se perdent à l’infinie. A mille lieux de sa prison, carcan de
chaleur et d’odeurs, le continent de glace traduit la liberté mieux que tout autre chose.
Il regarde au loin, respire profondément.
Il savait que Naïla était gravement malade, contaminée par une bactérie pathogène présente
dans l’eau. Il avait pu lui parler quelques semaines avant sa mort. Entendre sa voix, une
dernière fois.
Naïla avait été plus forte que la guerre, mais la maladie avait eu raison d’elle. John n’en était
pas surprit outre mesure. La nature lui avait toujours prit ce qui lui était chère.
- Mais maintenant, c’est fini. Tu ne me prendras plus jamais ceux que j’aime. Tu m’entends ?
Plus jamais !!
L’écho de son cri se perd dans l’immensité blanche. Le major Sheppard retourne auprès de
son hélicoptère.
oooOOOooo
- Plus jamais, tu m’entends ?
Le cri est prononcé avec rage et fermeté.
Comme éjecté loin de son corps, le nuage recule précipitamment.
Le colonel se calme aussitôt. Plus de geignements, plus de nausées, plus de larmes. Son
visage s’adoucit et sa respiration se fait plus fluide.
Immédiatement les alarmes d’Atlantis se mettent à raisonner. Le docteur Beckett éteint les
voyants clignotants.
- Les données biométriques du colonel viennent brutalement de changer. Sa fièvre a chuté et
il ne présente plus de troubles neurologiques.
McKay pianote avec entrain sur son clavier…excroissance électronique de son bras.
- L’hygrométrie également a chuté, fortement et brutalement.
Le docteur Weir interroge l’équipe de scientifiques présente tant sur la planète que dans la
cité.
- Est-ce que cela a un lien avec les délires du colonel ?
McKay saute sur l’occasion pour poursuivre ses explications, prématurément interrompues.
- Oui, complètement. Je pense que l’entité exhorte Sheppard à se remémorer des souvenirs.
Elle entretient son état de sommeil afin de capter l’électricité qui parcourt ses synapses.
Zelenka intervient à son tour.
- Pourquoi dans ce cas se concentrer sur son activité neuronale, à l’exclusion de l’énergie
musculaire de ses membres, par exemple ? Le cerveau n’est pas la seule zone parcourue par
des influx électriques.
- Je suppose que la quantité d’électricité est finalement moins importante que sa qualité et sa
rapidité de diffusion. C’est en phase de sommeil paradoxale que le cortex est le plus actif.
C’est sans doute pour cela que l’entité cherche à tout prix à enfermer le colonel dans ses
rêves. »
Comme pour imager les propos des deux scientifiques, Teyla montre l’écran du doigt.
- Je parlerai plutôt de cauchemars. C’est la première fois depuis que nous avons un visuel,
que le colonel n’est pas agité.
- Oui, c’est un fait. La créature ne semble pas apprécier les plaisirs oniriques. Elle a l’air de
se complaire dans la souffrance. J’en ignore la raison, peut-être est-elle simplement
sadique ?
Elisabeth n’apprécie que moyennement cet humour et le fait aussitôt savoir d'un « McKay ! »
rauque et d'un oeil assassin.
- Désolé... Quoiqu’il en soit, la masse brumeuse s’est écartée du colonel et celui-ci est plus
paisible. Le lien de cause à effet est donc indéniable. Docteur Weir, je pense que c’est le
moment le plus propice pour capter son attention. Il faut profiter de la faible emprise de
l’entité pour ramener Sheppard parmi nous.
Elisabeth prend le micro avec espoir. Son ton est tout à la fois doux et ferme, comme seuls les
diplomates savent le faire.
- John, c’est Elisabeth. Vous m’entendez ? John, nous sommes avec vous.
oooOOOooo
- Vous êtes avec nous major Sheppard ?
- Oui, excusez-moi colonel. Vous disiez ?
Le colonel semble particulièrement agacé par le manque d’attention du major Sheppard.
- Je voudrais que vous prépariez un plan de vol pour rejoindre un avant poste situé plus
profondément dans les terres.
Le colonel tend des documents au major qui tarde à les prendre.
- Le général O’Neill sera là dans quelques heures. Vous serez son pilote. Major ?
- Oui ?
- Le général O’Neill est une grosse légume, si vous voyez ce que je veux dire. Donc pas de
familiarité et par pitié…RESPECTEZ la hiérarchie et le protocole !!!!
- Comme d’hab, colonel.
Sur ces mots, le major s’éloigne le sourire aux coins des lèvres, laissant son supérieur au
désespoir.
Depuis bientôt onze mois, le major hante l’Antarctique. Il est le plus ancien de la base. Du
cuistot au plus gradé des officiers, le major Sheppard a vu défiler nombre de militaires,
parfois volontaire, parfois exilés tout comme lui. A chaque relève, il découvre avec
amusement l’abattement de ceux qui arrivent et l’entrain de ceux qui partent.
Sheppard a déjà refusé deux fois de quitter cette base… Et pour tout dire, l’état major, n’a
jamais beaucoup insisté. Il aime le blanc, le froid, le silence et la liberté.
Le major regarde les papiers que le colonel lui a donnés.
Qui est ce général O’Neill dont il n’a jamais entendu parler ?
oooOOOooo
- Colonel vous m’entendez ? Colonel !
Elisabeth bute sur le dernier mot. Elle voudrait hurler le prénom de son collègue et ami, elle
voudrait lui crier sa colère et sa rage et pourtant... Pourtant elle sait que perdre son contrôle ne
ferait pas revenir Sheppard plus vite et risquerait d'instaurer un malaise plus grand encore
dans la cité. Lentement, le docteur Weir reprend son souffle et par là-même un meilleur
contrôle d'elle-même.
- Colonel ?
oooOOOooo
- Colonel ?
- Je suis général, major Sheppard. Auriez-vous oubliez à quoi ressemble des galons ?
- Non, heu…je ne comprends pas ?
Sheppard semble étourdit, sa vue se brouille légèrement. Il manque de perdre l’équilibre mais
se rattrape in extremis à la porte de son hélicoptère.
Le Général O’Neill le regarde fixement avec cet air mutin et colérique qui le caractérise si
bien. Ils sont à la base, sur l’air de décollage des hélicoptères.
Soudain les traits de l’officier se transforment. Ses courts cheveux grisonnants se mettent à
pousser et à boucler légèrement. Ce faisant, la couleur se modifie également, devenant plus
foncée et légèrement cuivrée.
- John vous m’entendez ?
-Elisabeth ? Que faites-vous dans l’uniforme du général ?
oooOOOooo
Elisabeth continue d’interpeller le colonel Sheppard, mais celui-ci réagit à peine à la
stimulation.
Ronon, tente à son tour de prendre contact.
- Sheppard, c’est Ronon. Je suis certain que vous m’entendez. Levez-vous, bougez, faites un
signe, n’importe quoi mais montrez nous que vous êtes encore des nôtres !
La voix de Ronon est inhabituellement implorante et douce. Teyla le regarde avec tendresse
tandis que McKay en reste bouche bée.
oooOOOooo
O’Neill a toujours le visage du docteur Weir mais sa voix se mue progressivement en celle de
Ronon. Ses cheveux s’allongent et un léger bouc se forme sur son menton. Il tend la main au
major qui est allongé au sol.
- Levez-vous mon garçon. Qu’est ce qui vous arrive ?
- Je ne comprends plus rien mon général.
Jack reprend son aspect normal et son intonation ironique.
- Qu’est ce que vous ne comprenez pas ? Je vous demande simplement de piloter cet engin en
ligne droite. C’est trop demandé ?
Le major Sheppard redresse la tête et regarde devant lui le paysage défiler à vive allure.
O’Neill et Sheppard sont maintenant dans un hélicoptère, au dessus de la calotte glaciaire.
Sheppard surprit lâche quelques instant le manche, manquant faire piquer l’appareil.
- Ce n’est pas possible, qu’est ce qui m’a fichu un pilote pareil ?
- Non, cela ne va pas du tout, ce n’est pas comme ça !
- Ah ça, je vous le confirme major, ce n’est pas comme cela que l’on pilote ce genre de
mécanique. C’est autrement plus compliqué qu’un tracteur.
John regarde O’Neill, comme s’il s’agissait d’un revenant.
- Cela ne s’est pas du tout passé comme ça la première fois. C’était plutôt... cool. Enfin,
avant l’arrivée du drone.
oooOOOooo
Ronon cesse de parler en voyant le colonel s’agiter. McKay ferme enfin sa bouche… pour
mieux argumenter.
- Non, continuez Ronon. Regardez, il a l’air d’essayer de se lever. De plus la brume semble se
disperser.
En effet, dans la caverne le scénario est en train d’évoluer. Le colonel Sheppard essaye
d’ouvrir les yeux. Au plafond, la nébuleuse hydrique s’est reconstituée. Elle s’intensifie
jusqu’à former une épaisse couche blanchâtre. L’étrange gélatine glisse doucement sur la
paroi rocheuse, jusqu’à se couler sur le sol.
John a ouvert les yeux. Il regarde autour de lui, comme quelqu’un qui se réveille d’un long
coma. Il regarde, sans voir. Il est encore sous le choc de son cauchemar hypnotique.
- Général O’Neill ?
- Non, John, c’est Ronon. Je suis heureux de vous retrouvez.
- Ronon ?
Soulagée d’entendre enfin la voix du colonel, l’équipe de secours ne prête pas attention à la
masse blanche qui s’insinue sous le corps de Sheppard.
Sur Atlantis, Zelenka réalise soudain que la présence inhospitalière n'a pas disparue, loin de
là! Elle forme à présent une sorte de flaque laiteuse, comme un lit pour sa proie, pour John.
- Attention Colonel Sheppard !
L’avertissement est trop tardif. Alors que Sheppard se redresse, il est assaillit par un flot
d’images plus brutales les unes que les autres. L’entité puise en lui, ce qu’il y a de plus
douloureux.
Le goût épicé des lèvres de Naïla
- Je vais mourir John. Je t’aime.
- NON !!
Au prix d’un effort intense, le colonel Sheppard réussit à rester debout. Avec rage, il tape du
poing sur la cloison rocheuse, ramenant au présent les sensations de son corps.
-Non, tout cela n’est qu’une illusion. Je suis sur Atlantis, je ne suis plus en Afghanistan !
Mais cela est bien plus difficile qu'une simple phrase et quelques égratignures sur les mains.
Son esprit continue de vagabonder au grès des pressions exercées par l'entité. Sheppard garde
les yeux clos et la crispation de son visage trahit sa souffrance interne.
Le réel et l’imaginaire se mélangent violemment en un ordre aléatoire. L'esprit du colonel est
devenu un grand capharnaüm où la voix de tout un chacun se perd et se transforme.
Ronon tente d’intervenir.
-Sheppard, réveillez vous !
Ronon se tient le ventre. Du sang s’écoule. John est là, il le regarde souffrir.
- Ronon, non, ce n’est pas moi, c’est Thalan !
En lisant la culpabilité et la détresse sur le visage de son ami, Ronon est à son tour pris de
panique. Rare et surprenante démonstration d’émotions, qui traduit l’attachement que le
runner porte au colonel.
- Colonel Sheppard, ce n’est pas vous qui m’avez tiré dessus. C’était Phoebus !
Sur Atlantis, le docteur Weir prend part à la discussion. Tout le monde s’agite autour du
mince filet qui retient le colonel.
- John, C’est Phoebus qui a tiré sur Ronon. Si quelqu’un doit en porter le fardeau, ce sera
moi !
Elisabeth est aux mains de Kolya. Il pleut. Kolya contact Sheppard avec sa radio.
- Dites adieu au docteur Weir, major Sheppard.
- Non, Kolya, je vous donnerai un jumper, je le piloterai, mais laissez le docteur Weir en vie.
- Trop tard !
Elisabeth est au sol. Ses yeux vitreux sont ouverts sur le néant. Du sang s’échappe de sa
tempe.
- Non, ça ne s’est pas fini comme ça, ce n’est pas vrai !
Sheppard est tétanisé. Il a maintenant les yeux ouvert mais ne regarde que le monde virtuel
qui l'entoure et l'oppresse. Il se plaque dos à la paroi de la caverne. Ses pupilles sont dilatées
au maximum, il semble en pleine transe. Plus inaccessible que jamais.
La masse blanche avance lentement vers la paroi puis paraît phagocyter le colonel qui
disparaît presque entièrement dans l'étrange amibe.
A son tour McKay cherche à rentrer en contact. Ne pas perdre le lien, aussi tenu soit-il !
- Vous avez raison colonel, tout ceci n’existe pas, ce n’est qu’une illusion qui vous est
imposée. Battez vous, luttez contre elle !
- Non, Rodney, c’est trop difficile ! Et puis sortez votre tête de l’eau, vous allez vous noyez.
Rodney flotte par des centaines de mètres de fond. Son corps gonflé d’eau est la proie des
baleines aliens. L’une d’elle s’approche de McKay et glisse une petite excroissance le long de
son cou.
-Non, non, pas ça, pas encore !!
L’insecte déglutit bruyamment le sang de Sheppard. Le colonel est dans un vaisseau ruche.
Un Wraith s’approche de lui, la main tendue vers son âme.
- Encore quelques gouttes et vous serez des nôtres. Nous irons ensemble conquérir la Terre.
- Non, jamais je ne vous montrerai le chemin de la Terre !
Aiden Ford vient se positionner à côté du Wraith. Il contemple le colonel aux prises avec
l’horrible insecte.
- Vous voulez un peu d’enzyme colonel ? Vous ne pourriez que vous sentir mieux après,
regardez-moi !
La peau du soldat se détend et semble fondre. Le visage d’Aiden se transforme en celui du
colonel Sumner. Il apparaît d’abord avec toute sa force et sa détermination, puis tel qu’il était
à l’instant de sa mort, quelques secondes avant que Sheppard n'appuie sur la gâchette.
- Vous m’avez tué, colonel.
Sheppard est toujours debout contre le mur de la caverne. Ses paroles parviennent de façons
tronquées mais parfaitement compréhensibles aux membres de son équipe.
McKay qui semble avoir enfin compris le petit jeu de l'entité, empêche Ronon d’utiliser le
micro.
- Non, l’entité se sert de nos voix pour éveiller de douloureux souvenirs. Je ne sais pas
pourquoi la souffrance lui est nécessaire. Sans doute parce qu’elle amène davantage
d’émotions et donc de nourriture. Finalement, cette entité n’est pas si différente des Wraiths.
Elle capte notre énergie, non vitale, mais psychique.
Teyla sort de son mutisme.
- Est-il possible que l’entité soit télépathe, comme les Wraiths ?
- Oui, c’est possible. C’est même plus que probable. Je pensais qu’elle manipulait le colonel
grâce à l’eau contenue dans son corps, et c’est sans doute le cas d’ailleurs. Mais vous avez
raison Teyla, elle doit aussi être télépathe pour pouvoir contrôler ainsi les pensées du
colonel! J’aurais du y penser plus tôt !
-Alors j’ai une idée. Laissez moi faire.
Chapitre sept
La source
- John ?
Teyla est dans une cellule du vaisseau ruche. Elle porte son long manteau Athosien sur lequel
de longs cheveux retombent en cascade. Le colonel Sheppard se tient devant elle.
- Teyla, que faisons nous dans cette cellule ?
- Je l’ignore John. Sans doute associez vous ma présence à un emprisonnement dans un
vaisseau ruche ou plus simplement aux wraiths. Je ne sais pas si je dois bien le prendre
d’ailleurs ?
Le ton ironique et le joli sourire de l’Athosienne démentent la dureté de ses propos.
- Écoutez moi bien John. Tous ceci n’est qu’une illusion. Cette prison, ce vaisseau, rien de
tout cela n’existe vraiment.
Sheppard fixe Teyla droit dans les yeux, puis son regard semble de nouveau se perdre dans le
vide.
- Ils sont tous morts, vous savez... Elisabeth, Ronon et McKay, ils sont tous morts par ma
faute.
- Non, John, ce n’est pas vrai. La réalité est tout autre et je suis persuadée qu’au fond de
vous, vous le sentez. Nous ne sommes pas dans un vaisseau ruche mais en exploration sur une
planète de Pégase. Le docteur Weir est sur Atlantis. Elle vous regarde sur un écran de
contrôle et comme nous tous, elle est très inquiète.
Ronon est très affecté par ce qui vous arrive. Je l’ai rarement vu montrer ainsi ses
sentiments.
Quand à McKay…et bien, McKay, c’est McKay !
- Teyla, vous aussi êtes une illusion.
- Non, colonel. Je ne suis pas physiquement avec vous, mais mon esprit est lié au votre à cet
instant.
- Comment ?
- L’entité qui a pris le pouvoir sur votre mental utilise une technique assez primaire de
télépathie. Elle suit un mince fil qu’elle a tendu entre votre conscience et la sienne. Pour moi,
son petit chemin est un boulevard. Je n’ai eu aucun mal à le trouver et l’emprunter. Cette
entité n’est pas aussi sophistiquée qu’un Wraith, elle ne peut sûrement pas contrôler
plusieurs consciences en même temps. Elle ne sait pas que je suis dans votre esprit. Plus
exactement, elle ignore que ma présence n’est pas le fruit de votre volonté mais de la mienne.
- Je ne suis pas certain de tout comprendre.
- Cela n’a pas d’importance. Faites moi confiance, tout simplement.
- Vous allez me faire sortir de là ?
- Non, John, je ne peux pas. La seule personne qui puisse, c’est vous et vous seul ! Mais je
vais vous y aider. Commençons par ouvrir cette prison.
Teyla tend au colonel des couteaux de toutes tailles qu’elle fait apparaître, comme par magie.
- Ronon m’a donné ça pour vous.
Sheppard lance un à un les couteaux contre le mécanisme maintenant la porte close. Trois
lames sont suffisantes pour en déclencher l’ouverture.
Ensemble, les deux atlantes parcourent les couloirs du vaisseau jusqu’à la plateforme de
décollage des darts. Un hélicoptère furtif Comanche y est posé.
- C’est mon hélico !
-Montons.
Teyla s’installe à l’arrière puis le colonel Sheppard décolle.
L’immense voûte du vaisseau ruche disparaît. Ils sont en Antarctique.
Ils volent ainsi depuis plusieurs minutes quand Teyla désigne au colonel une forme brune qui
se dessine à l’horizon.
- Regardez colonel, là, il y a une porte ! C’est la sortie. Posez vous et quittez ce monde
virtuel.
Sheppard pose doucement son hélicoptère au pied de l’imposante porte. Il la regarde puis en
fait le tour.
La porte est en bois brut, haute de plus de six mètres. Rien devant, rien derrière, juste une
porte.
- D’où vient-elle ?
- C’est votre délire John. C’est donc votre subconscient qui plante le décor. Je ne peux en
aucun cas interférer là dedans. Je ne peux que vous guider.
C’est par cette porte que je suis entrée. Pour moi, elle est petite et en toile, mais vous la voyez
sûrement autrement. Elle n’est que le symbole de l’accès à votre conscience.
Reprenez-vous en main colonel.
Sheppard avance vers la porte. Il pousse les lourds battants. Un intense vent glacial sortant de
l’ouverture le propulse au loin. Son visage est fouetté par les particules de glaces que véhicule
le souffle.
- Battez vous John ! Ce ne sera pas si simple de reprendre le dessus mais battez vous !
Le vent a laissé la place à une tempête de neige.
Le colonel avance difficilement. Courbé tête en avant comme la pointe d’un brise-glace, il
pénètre plus profondément dans le tourbillon de neige et de glace.
-Je ne me laisserai plus jamais volé ceux que j’aime ! Tu ne m’éloigneras pas des miens !
oooOOOooo
Teyla est en transe. Allongée sur le sol verdoyant du haut plateau, elle respire doucement. Ses
yeux sont agités de mouvements convulsifs. Quelques brides de paroles lui échappent de
temps à autres.
Le docteur Beckett est auprès d’elle. Il vérifie régulièrement ses constantes.
- Nous n’aurions jamais du la laisser faire. Elle est ainsi depuis plus d’une heure et je
n’arrive pas à la réveiller.
McKay prend tendrement la main de Teyla.
-C’était son choix. Nous aurions tous fait la même chose si nous le pouvions. Elle va bien et
le colonel semble plus calme depuis. Laissons lui encore du temps.
Silencieusement la team attend, espérant un déclic qui signerait peut-être le début de l'espoir.
De son côté le mini-MALP continue d'envoyer inlassablement les mêmes images du colonel
Sheppard. Puis soudain, Ronon attrape McKay par le bras.
- McKay, Regardez, il se passe quelque chose dans la caverne.
McKay et Beckett accompagnent Ronon auprès de l’ordinateur. En effet, dans la crypte le
colonel Sheppard s’est assit. La tête légèrement penchée en avant, les mains ouvertes sur ses
genoux, il semble méditer. Pour la première fois il apparaît si ce n'est serein, du moins
relativement calme.
Le nuage de vapeur est quand à lui est animé de nombreux mouvements, des soubresauts de
plus en plus violents. Brutalement, celui-ci se détache de Sheppard et s’éloigne en formant un
étrange ciel d’altocumulus.
Sheppard ouvre les yeux.
- Il est revenu !
La voix de Teyla fait sursauter l’équipe qui était captivée par l’image du mini-MALP. Elle
leur adresse un clin d’œil complice auquel ils répondent simultanément par une embrassade.
- Vous êtes la meilleure !
Le colonel examine la cavité qui l’entoure. Au dessus de lui, le nuage s’affine puis disparaît,
plongeant de nouveau le militaire dans le noir.
McKay réagit aussitôt et tape une séquence informatique sur son clavier.
Une petite aspérité s’ouvre sur le dessus du mini-MALP, laissant sortir un système d’éclairage
très performant.
Intrigué, John, s’approche de l’étrange machine.
- Qu’est ce que c’est encore, ce truc ?
Euphorique, McKay se jette sur le micro.
- C’est moi, Rodney !
- McKay ? Je vous avais vu noyé, boursouflé comme un bonhomme Michelin mais, même
dans mes pires cauchemars, je ne vous aurais pas imaginé comme ça !
- Mais non ! Ce truc la, comme vous dites, c’est notre petit espion, le mini-MALP. Je vous
parle grâce à un micro.
- Merci docteur, je ne l’avais pas compris !
Ronon est littéralement plié de rire.
- Ravi de vous savoir de retour colonel.
-Merci Ronon. Je ne suis pas mécontent non plus.
- Et nous donc !
La voix est celle du docteur Weir.
- Elisabeth ! Je dois avouer que je suis extrêmement content de vous entendre.
Maintenant je préférerai vous voir ! Vous avez une idée du chemin qui mène à la sortie ?
Personne n’ose répondre, mais après une trop longue minute de silence, Zelenka se jette à
l'eau.
- C'est-à-dire colonel, que nous n’en savons rien. Le tunnel où vous êtes tombé s’est refermé.
Comme à son accoutumé, McKay prend le relais sur Radek.
- En fait, Zelenka a suggéré l’existence d’une source et plus j’y réfléchis, plus je pense qu’il a
raison.
Zelenka est sidéré par les propos de McKay. C’est bien la première fois qu’il lui donne raison.
Même le docteur Weir regarde Zelenka avec étonnement.
- J’avais raison ?
- Oui, je viens de vérifier certaines données fournies par le MALP et il s’avère que la
variabilité de l’hygrométrie nécessite obligatoirement une provision importante d’eau.
Trouvez l’entité et vous trouverez la source.
Sheppard regarde autour de lui à la recherche d’un possible échappatoire.
- Et en quoi cette source me permettra de sortir ? Franchement, je préférerais ne pas
asticoter la bête.
- Voyons colonel, s’il y a une source qui s’écoule au coeur de cette montagne, elle sort bien
quelque part ensuite !
Tout en continuant d’analyser diverses données, Zelenka interrompt McKay avec un plaisir
évident.
- Oui, trois cents mètres plus bas sur le versant nord-ouest.
Au tour de McKay d'être stupéfait.
- Pourquoi ne le disiez vous pas plus tôt ?
- C'est-à-dire que… Comme vous aviez dit qu’il n’y avait pas de source, je n’avais pas
regardé en détail la topographie du plateau. Mais en ce moment je visionne les informations
géographiques et c’est évident.
- Bon, oui, je voulais seulement dire que ce n’était pas une source la cause de l’hygrométrie
et que…
Sheppard stoppe le flot de parole de McKay. Finalement, entre Sheppard, McKay et Zelenka,
c'est l'habituel jeu de passe passe.
- Je ne comprend rien à cette histoire d’hygrométrie. S’il faut que j’affronte l’entité qui m’a
piégé, je vais le faire. Mais dites moi où aller et trouvez moi un moyen de la combattre.
Au poste de contrôle d’Atlantis, le docteur Weir essaye de motiver le colonel Sheppard.
- John, c’est Elisabeth. Je sais que vous n’avez pas envie de revivre ce calvaire mais nous
n’avons pas les moyens de vous faire sortir d’ici autrement. Vous êtes sous un kilomètre de
roche. Cette caverne est un vrai tombeau.
- Elisabeth, je vous ai déjà fait remarquer il y a quelques mois, que vous n’étiez pas douée
pour réconforter un mourant… Et bien, ça ne s’est pas arrangé !
- Merci John, je prends bonne note de cette remarque et je tâcherai de m’en souvenir pour la
prochaine fois.
Hors micro, elle se tourne vers Zelenka.
- S’il trouve la source. Peut-on être certain qu’il trouvera une sortie ?
- Oui, il trouvera forcement une sortie puisque l’eau sort en cascade de la montagne. Le
problème sera plutôt de savoir s’il pourra l’utiliser.
Ignorant ce petit détail logistique, le colonel Sheppard s’enfonce davantage dans la grotte,
précédé par le robot espion.
Après une demi heure de marche il arrive près d’une source d’eau qui semble bouillir.
La vue de l’eau lui rappelle douloureusement la soif qui le tenaille.
- J’ai trouvé votre source. On dirait un bain bouillonnant. De grosses bulles blanches s’en
échappent. Cela ressemble à de la mousse.
McKay indique au colonel la marche à suivre. Les instructions sont claires, précises mais peu
rassurantes.
- Surtout ne touchez pas à cette eau ! Je suis prêt à parier mon disque dur qu’elle vous
électrocuterait. Vous allez trouver une trappe sous le mini-MALP. Dedans il y a une sonde,
plongez-la dans l’eau. On en saura plus après.
Sheppard s’exécute silencieusement. Se savoir si proche de ce qui a pris le contrôle de son
esprit, le met particulièrement mal à l’aise.
Au moment où Sheppard plonge le capteur électronique, l’eau se met à bouillonner de plus
belle puis change doucement de couleur.
Du blanc laiteux, elle devient plus ocre, presque jaune.
Sheppard se recule précipitamment. Une forte nausée le saisit.
L’eau est jaune citron
Sa peau se hérisse et ses yeux le brûlent fortement.
Le jaune vire à une coloration safran.
La peur s’empare de nouveau du colonel. Il essaye de garder son sang froid mais les violentes
émotions de ces dernières heures remontent à la surface, doucement, inéluctablement.
- Non, je ne me laisserai pas faire !
Un kilomètre plus haut, Teyla assiste à la lente dérive du colonel.
- Colonel, John ! N’oubliez pas qu’elle se nourrit de vos peines. Ne la laissez pas faire !
Lorsque je suis entrée dans votre esprit, j’ai sentis que l’entité était le mal. Ce qu’elle prend
en vous, ce n’est pas votre énergie, pas seulement ! C’est votre espoir.
Elle se nourrit du désespoir John !
Le colonel Sheppard essaye de se concentrer, mais l’image de Naïla, agonisante sur son lit
d’hôpital, se grave dans son esprit.
- Naïla. Ma Naïla…
Sheppard gémit en serrant les poings, puis insensiblement ses traits s’adoucissent. Il se
remémore le visage de Naïla tel qu’il lui est apparu la première fois, dans la toile de tente…
puis bien plus tard… Ses paroles murmurées avec passion sont parfaitement audibles dans le
silence de la crypte.
- Naïla si belle au lever du soleil. Notre première nuit ensemble.
La réaction est immédiate.
La source s’agite vigoureusement. Le jaune orangé apparu au moment de l’hallucination de
Sheppard, se ternit pour redevenir jaune paille.
McKay réprimant la surprise collégiale qui a atteint tous les Atlantes, hurle dans le haut
parleur.
- Sheppard, pensez à des souvenirs heureux. Je suis persuadé que l’entité n’aimera pas du
tout cela !
Le colonel Sheppard cherche des bons moments dans sa vie passée, mais il en a trop peu pour
vraiment déranger et inquiéter l’entité. Il se concentre alors sur Atlantis, son nouveau foyer, sa
nouvelle famille.
Il se souvient de Ronon en train de se moquer de McKay dans une situation difficile mais
relativement comique.
- McKay ne travaille jamais aussi bien que sous la pression, mais n’en abusez pas Ronon !
Ronon, éclate de rire.
- Je me souviens, il m’a dit ça le jour où j’ai fait croire à McKay qu’un…
- Cela suffit, ça n’intéresse personne !
Rodney est rouge de colère, mais le discourt de Sheppard change et l’attention se déporte loin
de McKay, à son grand soulagement.
Sheppard continue d’évoquer mentalement des séquences riches en émotions, mais surtout
heureuses, vraiment heureuses.
La libération du docteur Weir, un soir de tempête.
Sa rencontre avec Teyla.
L’union avec Chaya. A cette dernière évocation, la créature immatérielle se mets
particulièrement en colère et attaque violemment Sheppard. Une intense douleur le fait tomber
à genoux. Il tient son crâne douloureux entre ses mains. Un étau se resserre.
La créature fulmine.
John se concentre et prononce à haute voix des prénoms de femmes.
-Naïla, au goût épicé…
Leur premier baisé.
-Chaya, si incroyable et si... cool.
Il se souvient de cette sensation si vertigineuse.
L’attaque psychique a diminué d’intensité. Le colonel se remet debout et s’approche de l’eau
comme pour défier l’entité. Ses paroles ne sont plus murmurées mais criées à son ennemi.
La source frémit faiblement. Elle ne fait plus de bulles, plus de mousse. Seule une fine écume
blanche la recouvre.
- Teer, douce et belle Teer.
Sheppard se rappelle sa tendre affection, sa naïveté et sa pureté.
Dans la cité Atlante, comme au pied du jumper, le silence règne.
Quelques sourires, beaucoup d’étonnement, mais surtout beaucoup d’attente et d’espoir aussi.
- Teyla. Notre jolie petite Athosienne. Mon premier baisé volé.
Sheppard se souvient du baisé langoureux qu’il a volé à Teyla alors qu’il était sous l’emprise
du rétrovirus.
Teyla est mortifiée et rouge de honte.
McKay et Ronon la regardent, scotchés. McKay ouvre la bouche pour argumenter cette
dernière phrase, mais le colonel Sheppard enchaîne sans lui en laisser le temps.
Il est à genou au pied de la source. Les mains plongées dans l’eau translucide.
- Je pense que la créature est morte. Son attaque a cessé brutalement et l’eau est
parfaitement limpide…
Il boit avec avidité quelques gorgées avant terminer sa phrase.
- ... et a priori potable.
Le colonel Sheppard plonge sa tête dans l’eau puis la ressort en arrosant copieusement le
mini-MALP resté en retrait.
Sheppard s’assoit devant la petite machine, l’essuie du revers de sa main puis se pose face à la
caméra.
- Merci Teyla !
Teyla rougit de plus belle. C’est d’une voix éteinte et suspicieuse qu’elle répond au colonel.
- Pourquoi merci ?
McKay ne résiste plus. Il glisse sa réplique sarcastique avec rapidité.
- Ben oui tien, pourquoi ?
Un peu étonné par cette remarque, le colonel se justifie avec un franc sourire.
- Merci à Teyla pour avoir trouvé le point faible de l’entité et surtout pour m’avoir fait
revenir à la réalité. Et merci à vous aussi Rodney, de m’avoir suggérez de penser à des bons
souvenirs.
McKay est aux anges, il regarde Teyla qui voudrait bien disparaître sous terre elle aussi.
- De rien, c’était…comment dire ? Instructif !
Reprenant son sérieux, McKay quitte la pauvre Athosienne pour se concentrer sur les données
du MALP.
- Effectivement l’eau est potable, vous pouvez boire sereinement. Maintenant que l’entité a
consommé toute son énergie pour vous détruire, elle ne peut plus se maintenir dans son
enveloppe moléculaire H2O et s’est « évaporée », sans mauvais jeu de mots.
- Je pense que Teyla a raison, cela va plus loin McKay. Elle se nourrissait vraiment de la
souffrance qu’elle occasionnait. J’aimerai croire que sans support physique elle n’existe
plus, mais je suis loin d’être aussi catégorique que vous.
- Cette entité était peut être diabolique, mais vous n’allez quand même pas nous faire croire
qu’elle serait à elle seul le mal incarné ?
- Je ne sais pas. Est-il donc si inconcevable d’imaginer une entité uniquement psychique ?
Sheppard soupir profondément avant de reprendre la parole d’un ton où perce une grande
lassitude.
- Rodney, faites moi sortir d’ici !!
- J’y travaille colonel.
- Nous y travaillons tous ! John, Zelenka a bien localisé la zone de sortie sur le versant nordouest. Il y sera difficile de vous récupérer mais pas impossible. En revanche nous ignorons
tout du trajet au cœur de la roche.
Le docteur Weir exprime enfin ses inquiétudes de vive voix.
Sheppard se relève et examine silencieusement les berges de la source, à la recherche d’un
quelconque élément.
McKay s’agite sur son ordinateur puis avec son habituel claquement de doigt, la « patte
McKay », il se relève et récupère toute l’attention des Atlantes.
Un moment jubilatoire comme il les aime.
- J’ai trouvé la solution !!!
Sheppard est plus qu’attentif.
- Je vous écoute Rodney.
- Vous allez déconnecter la sonde du mini-MALP. Elle a une certaine autonomie, j’espère
suffisante en tous cas pour suivre le courant jusqu’à la sortie. Ainsi nous saurons si vous
pourrez emprunter ce passage. Sinon… et bien, on aura qu’à envoyer une charge explosive et
décapsuler cette satanée montagne !!!
- C’est ça McKay, pour m’enterrer sous des kilotonnes de gravats. Vous voulez ma mort ?
Bon, expliquez moi comment décrocher votre truc...
Après quelques minutes explications, plus ou moins compréhensibles, Sheppard réussit enfin
à libérer la sonde du petit robot. Il la plonge de nouveau dans la source et la laisse suivre
docilement le cours de l’eau. Tout d’abord, elle semble simplement flotter juste sous la
surface, puis soudain elle disparaît, comme happer par un animal invisible.
John retient son souffle.
- Atlantis, la sonde a disparu. Vous la suivez toujours ?
Zelenka confirme au colonel la bonne réception des informations.
- Oui, colonel. J’enregistre parfaitement les différents paramètres. Le boyau de sortie se
dessine en temps réel sur notre écran.
Au même moment, l’image du tunnel se forme sur l’écran géant d’Atlantis et sur l’ordinateur
portable de McKay.
Tous les regards suivent l’évolution de la sonde. Brusquement celle-ci butte sur un coude puis
repart de plus belle avant d’être expulser dans le vide.
Sous la sonde, dix mètres de cascade d’eau se jettent avec frénésie sur quelques rochers bien
acérés.
McKay et Zelenka analysent les différentes données.
Zelenka est le premier à s’exprimer, à circuit fermé, loin des oreilles du colonel.
- C’est impossible. Le temps de trajet est trop long, il y a un coude sur lequel il va se cogner
et enfin il y a de nombreuses aspérités qui risquent de l’entailler profondément.
Le docteur Weir, restée debout durant toute l’épreuve, se laisse aller sur un fauteuil.
- Que pouvons nous faire. Est-il vraiment possible de faire une brèche dans la montagne ?
- Non, docteur Weir, ce serait la mort assurée du colonel.
L’euphorie qui a suivi la renaissance de Sheppard laisse la place à l’abattement.
- Que feriez vous sans moi !!
McKay a volontairement attendu avant de parler.
Puisque le scientifique doit toujours être le héros qui sauve des pires situations, autant que
cela se fasse avec un minimum d’effet dramatique.
- Je pense avoir la solution docteur Weir. Je vais l’expliquer au colonel en même temps qu’à
vous. Je n’ai pas envie de devoir me répéter.
Il se connecte sur la radio de Sheppard.
- Colonel, le tunnel de sortie est particulièrement long et présente un coude dangereux. Je
pense avoir la solution. Le mini-MALP va vous guider. Il possède assez de puissance pour se
propulser dans le courant et vous tracter derrière lui. Grâce aux informations recueillies par
la sonde, il prendra la trajectoire la plus directe et amortira au maximum le choc contre la
paroi.
- Je sortirais en combien de morceaux Rodney ?
- Le moins possible j’espère. Je téléguiderais le robot depuis le jumper. Normalement, si mes
calculs sont bons, et ils le sont, vous compterez jusqu’à trente puis ce sera le choc. Passé ce
cap, il restera encore à tenir environ quarante secondes puis vous serez à l’air libre.
Ronon qui voit le trajet se dessiner sur l’écran, se sent obliger d'ajouter une dernière précision,
un tout petit détail.. si insignifiant...
- Et vous serez à l’air libre… dix mètres au-dessus du vide.
D’abord silencieux et immobile, le colonel se relève et retire ses lourdes chaussures militaires.
- Si j’ai bien compris la situation, il va falloir que je retienne ma respiration pendant au
moins une minute et demi, que je résiste à la poussée de l’eau sur la paroi puis que je survive
à une chute de dix mètre. C’est bien ça ?
- Oui, si on ne mentionne pas les nombreuses pointes rocheuses susceptibles de vous blesser
en cour de route.
- Mais qu’attendons nous ?!
Le colonel retire tout ce qu’il a d’encombrants et de superflus, ne gardant que son pantalon et
son tee-shirt, maigre rempart contre la roche.
Elisabeth n’est absolument pas rassurée. Elle tente de le retenir, mais ses arguments ne
convainc personne, ni John... ni elle.
- John, c’est beaucoup trop risqué, on va trouver autre chose.
- Docteur Weir, vous savez très bien qu’il n’y a aucune autre solution. Cela ne m’amuse pas
du tout, soyez en certaine, mais je n’ai guère le choix.
Je suis épuisé Elisabeth. Je me sens vidé, mais j’ai encore un peu d’énergie à mettre dans
cette ultime chance. Si j’attends, j’ai bien peur de ne plus en être capable.
- John, le choc risque d’être vraiment très violent.
- Je préfère autant affronter la douleur physique que de risquer une nouvelle confrontation
avec notre ‘amie’.
Le docteur Weir quitte son fauteuil et reprend en main le commandement avec force et
détermination, mais là encore, elle ne dupe personne.
- Colonel Sheppard, vous avez mon feu vert !
Concernant la chute de dix mètres, nous avons une solution. Le jumper se tiendra devant
l’embouchure du tunnel, avec le sas arrière ouvert. D’après les calculs de Zelenka, la porte
pourra tenir la pression de l’eau pendant quelques minutes, le temps de vous attraper.
- Je me fais l’effet d’être un poisson que l’on chercher à prendre dans ses filets.
McKay rebondit sur cette métaphore pour donner une ultime précision avant le grand saut.
- Espérons que les mailles soient suffisamment serrées. Colonel, je vous donnerai le top
départ lorsque nous serons en position. N’oubliez pas de tenir fermement le mini-MALP. Si
vous le lâchez au moment du coude, il vous faudra plus de deux minutes pour que le courant
vous amène dehors.
- J’ai bien compris Rodney.
Le jumper se positionne devant la naissance de la cascade. L’eau y est propulsée avec une
force incroyable. La porte du sas arrière s’ouvre, venant buter contre la paroi rocheuse. Une
partie du flux est déviée sur la porte du jumper, faisant tanguer dangereusement celui-ci.
Aux commandes, McKay demande de l’aide à Atlantis.
- Docteur Weir, le jumper est trop instable. On ne peut pas laisser l’eau couler ainsi sur la
porte.
Le nez collé à ses papiers, Zelenka s’étonne du manque de résistance de l’appareil.
- C’est étonnant, d’après les calculs, la porte peut résister très largement à cette pression
hydrique.
- Peut-être au sol, mais à dix mètres de hauteur, avec un vent ascendant qui nous pousse vers
le flanc de la montagne, c’est déjà un miracle si j’arrive à stabiliser le jumper.
Je vais rester légèrement en retrait et ne glisser sous la chute d’eau qu’au dernier moment.
Colonel Sheppard, vous m’avez entendu.
- Malheureusement oui. Rodney, c’est bien vous qui parliez de resserrer les mailles ? J’ai
comme le sentiment inverse là. Bon, de mon côté, je suis prêt.
Le docteur Beckett se prépare également à réceptionner le colonel. Son défibrillateur, ainsi
que tout son matériel d’intubation sont installés pour le cas où il faudrait intervenir.
Un échange de regard qui en dit long, puis McKay donne enfin le feu vert à Sheppard.
- Quand vous voulez colonel Sheppard. Bonne chance.
Le colonel est plongé dans la source jusqu’aux épaules. Il tient fermement le mini-MALP à
deux mains. Le petit robot se mets à vibrer.
A peine le temps de prendre une grande inspiration et Sheppard se retrouve totalement
immergé, la tête lovée entre ses deux bras tendus devant lui.
Vingt-trois secondes...
La traction du robot et la poussée de l’eau exercent une pression douloureuse sur ses épaules.
Le colonel Sheppard affirme sa prise sur le mini-MALP et serre les dents dans l’attente du
choc.
Vingt-six secondes...
Le choc.
En avance… Maudit soit McKay et ses calculs !!
Brusquement le MALP plonge vers le bas emportant le corps de Sheppard comme une poupée
de chiffon. Sa tête frôle juste la paroi mais son dos rebondit dessus, entraînant l’unité «
Robot-Sheppard » dans une vrille infernale.
« Trente secondes. »
L’ordinateur égraine les secondes sans aucune émotion.
Sur l’écran, le point vert représentant le colonel bouge de façon étrange. McKay commente en
direct les événements. Atlantis est plongée dans un profond mutisme.
Trente secondes…si court et si long à la fois.
- Le robot tourne sur lui-même. C’est du au choc lors du passage en équerre. Je vais
arrangez ça, mais cela me prendra encore quelques secondes.
Quarante-deux secondes...
Le vertige qui assaille Sheppard est si intense qu’il doit lutter avec force pour maintenir sa
conscience dans le présent.
Progressivement le mouvement de rotation se calme et la progression semble s’accélérer.
Sheppard raffermit sa prise sur le robot et laisse son corps suivre le courant. Ne surtout pas
lutter, juste se laisser porter.
Cinquante-huit secondes…
Ses oreilles bourdonnent, des milliers de petites fourmis semblent vouloir grimper sur ses
doigts, sur ses mains, remonter le long de ses membres.
Devant ses paupières closes se dessinent de petites tâches lumineuses. Son esprit est
cotonneux. Ne pas lâcher, pas encore…
« Une minute. »
Atlantis est en apnée.
Une minute et huit secondes…
Un choc, encore un.
Une pointe rocheuse se plante dans son bras gauche, s’en extrait aussitôt pour mieux entailler
tout son flanc avant d’érafler sa cheville.
La surprise.
Un cri, le cri en trop. L’air ne vient pas soulager ses poumons douloureux. L’eau pénètre en
force dans sa bouche, son nez.
Sa vie ne défile pas sous ses yeux, c’est déjà fait.
Juste un sentiment d’abandon puis le néant. Ses doigts se relâchent, libérant le mini-MALP au
flot déchaîné de la cascade.
« Une minute et neuf secondes. »
Toujours le même ton imperturbable.
- McKay, vous en êtes où ?
- Nous sommes en place docteur Weir, il devrait sortir d’un instant à l’autre. Le voilà !!
Le robot espion tombe lourdement sur la porte du jumper. L’écho du bruit métallique résonne
dans la cité d’Atlantis.
- Rodney, que se passe-t-il ?
- Il a lâché le MALP, il n’est pas là !
« Une minute et dix-sept secondes. »
Le silence domine Atlantis et le jumper.
« Une minute et vingt-et-une secondes. »
Le corps inerte du colonel vient brutalement se cogner à la porte du jumper. Le
découragement suivit de la surprise ont figé les atlantes qui ne réagissent que tardivement en
voyant le corps rebondir mollement sur la porte avant de disparaître dans les flots.
- Je l’ai !
Ronon a sauté au sol. Le corps à moitié dans le vide, il tient fermement le colonel par un pied.
Teyla et Beckett lui porte aussitôt assistance, permettant à Ronon d’assurer sa prise.
McKay pilote le jumper loin de la chute d’eau.
Sur Atlantis, c’est l’effervescence.
- Rodney, Carson, que se passe-t-il ?
McKay pose le jumper avec précaution puis se précipite à l’arrière.
Le docteur Beckett est en train d’administrer les premiers soins au colonel. Massage
cardiaque externe et insufflations d’air… Carson a ses lèvres posées sur celles violacées de
Sheppard.
Un baisé de plus à la longue liste de John.
Un baisé de plus à celle de Carson…
Le colonel se mets à cracher une grande quantité d’eau avant de tousser violemment. Le
docteur Beckett lui pose un masque à oxygène sur le visage.
John ouvre les yeux.
- Merci.
Épilogue
Elisabeth s'est adossée au balcon d’une des tours de la cité.
- Ne nous faites plus jamais ça, John !
Le colonel Sheppard fait un superbe salut militaire.
- A vos ordre général Weir !
Elisabeth se tient le front et secoue doucement la tête en laissant son regard filer vers
l’horizon. Son soupir faussement désespéré fait sourire Sheppard.
- Votre analogie avec un tombeau était finement trouvée docteur Weir.
- Hum… Je suis désolée. Vous avez raison, je suis capable de parlementer avec les pires
tyrans, mais je suis lamentable quand il s’agit de réconforter.
- Non non !! Je plaisantais dans la caverne ! Mais vous savez, finalement, c’était bien une
tombe. J’ai l’impression d’y avoir laissé mes souffrances passées. La Terre, l’Afghanistan,
tout cela me semble étrangement lointain maintenant.
Elisabeth regarde attentivement Sheppard. Il est calme et serein.
Il a changé.
Elle le regarde et a l’impression de le voir pour la première fois. Plus libre.
- Il y avait un avant Atlantis, mais il n’était pas particulièrement réjouissant. Cette
expérience a au moins le mérite de m’avoir ouvert les yeux sur ce qui avait vraiment de
l’importance pour moi. C’est vous… Vous tous ici êtes ma famille et mon foyer bien plus que
tout ce que j’ai pu laisser sur Terre.
John reprend soudain son attitude décontractée et enjouée.
- Bon, maintenant que mon passé est enterré sur cette satanée planète, je vais pouvoir aller
de l’avant. Je vous laisse j’ai ma séance d’entraînement avec Teyla. Elle va encore croire que
je me défile.
S’lut !
Un geste rapide de la main et Elisabeth se retrouve seule sur le balcon, pensive….
Teyla est dans la salle d’armes.
Le colonel Sheppard entre en courant puis attrape au vol un bâton que lui lance Teyla.
L’affrontement commence aussitôt. Teyla ne fait pas dans la dentelle et attaque d’emblée avec
énergie.
- Qu’est ce qui se passe Teyla ? Depuis notre retour vous m’évitez ?
Teyla répond par un coup porté en crochet derrière les genoux.
Le colonel se redresse en grimaçant mais ne lâche pas le morceau. Depuis leur retour il a le
sentiment que l'Athosienne lui cache quelque chose. Il ignore pourquoi, mais il a l'intime
conviction que Teyla lui en veut... et ce n'est pas ce violent coup de bâton qui le convaincra
du contraire. Comme si de rien n'était, John tente d'amadouer Teyla avec son plus beau
sourire.
- Teyla ?!
Tout en continuant le combat, Teyla consent enfin à répondre au colonel.
- L’idée géniale de McKay pour affaiblir l’entité…
- Oui et alors…
- Vous avez parlez à haute voix !
Sheppard marque alors un temps d’arrêt. Il réalise que tout Atlantis l’a entendu divaguer sur
ses anciennes conquêtes et sur le baisé volé à Teyla.
- Teyla, je…
Teyla ne lui laissant pas le temps de s’excuser, reprend le combat.
- Hé ! Doucement, je suis encore convalescent.
Mais Teyla ne le ménage pas et le fait violemment tomber au sol. Allongé sur le dos, coincé
sous Teyla et ses bâtons, le colonel Sheppard grimace. Son bras le lance un peu, mais plus que
la douleur, très supportable, c’est l’attitude de l’Athosienne qui l’ébranle.
- Teyla, se suis sincèrement navré. Je n’ai jamais voulu vous faire le moindre tord.
Le regard glacial de Teyla s’adoucit et elle sourit malicieusement à Sheppard.
- Depuis notre retour, je vois les sourires de connivences que l’on dissimule et les
ricanements derrière mon dos. Le docteur Heightmeyer m’a même demandée si je n’étais pas
trop affligée après avoir entendu la longue liste de vos incartades.
Teyla rit franchement, mais ne lâche pas la pression qu’elle exerce sur Sheppard.
- Je veux bien subir les foudres de vos amis terriens, mais pas pour un acte que je n’ai pas
commis, ou du moins pas de mon plein gré.
Sheppard blêmit. Ils n’avaient jamais reparlé de ce baisé. Ce silence l'arrangeait bien et
semblait découler d'un accord tacite avec Teyla. Évidemment, Sheppard est bien conscient de
le lui avoir imposé mais il pensait que de son côté, Teyla avait comprit qu’il n’était pas maître
de ses actes. Et voilà que par la faute de cette fichue entité, tout était à refaire.
Soudain, Sheppard est tiré de sa rêverie. Teyla s’est subrepticement rapprochée de lui. Elle
sourit. Encore ce sourire malicieux.
- Teyla ?
Leurs visages ne sont plus qu’à quelques centimètres.
Teyla s’approche encore.
- Teyla qu’est ce que vous faite ?
Sheppard est légèrement pris de panique. Il sent le souffle chaud de Teyla. Il frissonne.
- Je suis une grande fille John.
Leurs visages se touchent presque.
- Je le sais Teyla. Je n’ai jamais imaginé les choses autrement.
-J ’assumerai les railleries de vos collègues…
Sa phrase s’achève sur les lèvres de Sheppard.
Un long, très long baisé les uni.
Teyla se relève, prend ses affaires et avance vers la sortie.
Sheppard se redresse à son tour mais reste assis par terre. Il regarde Teyla sans oser parler.
Teyla s'arrête juste devant la porte, se retourne, puis adresse à Sheppard un sublime sourire et
un clin d'oeil.
- Maintenant ce baisé n’est plus un mensonge et vos amis pourront continuer leurs
enfantillages. Bonne journée John !
Sheppard est seul dans la salle d’arme.
Il pose ses doigts sur ses lèvres et sourit.
- Douce vengeance.
FIN