Le Ruisseau des singes, l`hymne à la sérénité

Transcription

Le Ruisseau des singes, l`hymne à la sérénité
E
TOURIS
M
Escale
Paysage féerique constitué par la montagne, la rivière et les singes en liberté.
La Chiffa
Le Ruisseau des singes,
l'hymne à la sérénité
“Le ruisseau des singes est un endroit magique, niché au fond d’une vallée, près de Blida, en Algérie. Pour
l’atteindre, il fallait parcourir en voiture des kilomètres de routes de montagnes. Enfant, ce périple me rendait malade. Ce ruisseau est finalement devenu la métaphore de ma vie : se dépasser, se battre pour accéder
à un bonheur simple, fait de lumière et de douceurs, d’autant que mon père, militaire de carrière, s’opposa
longtemps à ma vocation de comédien et me répéta, tout au long de mon enfance : quand tu seras grand et
que tu auras fini tes études, tu feras tout ce que tu voudras. Et même…le singe si tu veux !”
Jean Claude Brialy.
niveau des nombreuses cascades. Quelques
centaines de mètres plus loin, un site capte
notre attention.
Nous y marquons une halte, histoire de
contempler le paysage féerique constitué
par la montagne, la rivière et les singes en
liberté, sautant d’arbre en arbres. Il s’agit du
ruisseau des singes, rendez-vous de villégiature de nombreuses familles, particulièrement en cette période de chaleur où la
fraîcheur constitue la priorité de tout un
chacun.
Mythique, l’Hôtel des ruisseaux des
singes
La joie des enfants n’a pas d’égale lorsque ils
voient les singes avançant vers eux, ou
qu'ils leur donnent quelques bribes de pain
ou de tout autre aliment. En avançant
encore d’avantage, juste au niveau du premier tunnel succédant à la commune de la
Chiffa, nous nous trouvons face à l’hôtel du
ruisseau. Son gérant, M. El Hadj Smaïl
nous apprendra, quelques temps après, que
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n allant de la Chiffa (8 km au nord de
Blida), et après avoir parcouru quelques, la route se fait plus sinueuse.
Nous sommes dans les gorges de la Chiffa
avec leurs magnifiques roches, et après
avoir franchi deux tunnels, on se retrouve
dans la forêt, Le 1er col renseigne sur l’imminence de la montagne. A peine quelques
kilomètres parcourus que l’air suffocant de
la région de Blida laisse place à un air vivifiant. De loin, il est possible de voir une
nuée d’enfants et d’adultes se rafraîchir au
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cet édifice a été construit en 1966. Au tout
début, sa gestion était confiée à l’APC de la
Chiffa. Les personnes, seules ou en famille,
ayant transité par cet endroit, sont légion.
En se rendant à cet endroit, tous n’avaient
qu’un seul objectif : profiter de ses vertus
récréatives et de l’air frais qui contraste avec
la pollution et l’étouffement de la ville.
Mais, comme il fallait s’y attendre, la
décennie sanglante qu’à connu le pays au
milieu des années 90, n’a pas épargné l’hôtel des ruisseaux des singes. “En 1996, les
terroristes ont brûlé l’hôtel, le réduisant en
cendres. Ce n’est qu’en 2002 qu’il a été
rénové”, lancera, non sans une pointe
d’amertume, M. El Hadj Smaïl.
Notre interlocuteur nous apprendra que
pas moins de 4 milliards de centimes ont
été nécessaires pour rendre à cet endroit
son lustre d’antan. Le gérant de l’hôtel nous
avouera (il faut se placer dans le contexte
de l’époque pour analyser les choses avec la
lucidité nécessaire) que c’est faire preuve de
courage qu’investir dans un pareil endroit.
Il estime que même si la période relative au
terrorisme semble être révolue, il n’en
demeure pas moins que chez les gens, la
vigilance est de mise, particulièrement chez
ceux qui ont eu à vivre certaines des atrocités commises à l’époque. “Certains réflexes
sont de rigueur et cela est compréhensible”,
nous dira-t-il.
Cette précision apportée, notre guide nous
proposera une visite à l’intérieur des différents pavillons de l’hôtel. 1ère halte, le
grand salon de thé dont le plafond a été,
nous a-t-on dit, refait pour près de 100 millions de centimes. L’endroit est parfaitement ornementé. Les sculptures et autres
desseins sont dans une parfaite harmonie,
révélatrice de l’esprit créatif de leur concepteur. Un splendide aquarium est placé au
milieu du salon. Assis avec notre guide
entrain de siroter une limonade, une
ancienne photo du président de la république, placée dans un cadre et avec une écriture en bas, attira notre attention.
Prestigieux livre d’or
Une fois que nous nous en sommes rapprochés, nous sûmes que c’était un témoignage
de remerciements (à l’adresse du gérant de
l’hôtel et des employés) de Abdelaziz
Bouteflika, daté du le 10 Mai 1970, alors
ministre des affaires étrangères, suite à son
passage à l’hôtel. “A tous égards agréables :
le cadre, l’accueil, la cuisine et le service”.
C’est le qu’avait tenu à faire M. Bouteflika.
Escale
Le Ruisseau des singes.
Outre ce témoignage, il y a lui de noter également celui fait par feu Ferhat Abbas le 13
Avril 1971. “Bon restaurant, bon accueil,
bonne direction. Nous reviendrons
inchaallah”, avait mentionné l’ancien
Président du premier gouvernement provisoire algérien.
Pour sa part, le prince Philipe, le Duc
d’Edimbourg, lors de sa visite au ruisseau
des singes en 1985, ne manquera pas d’apporter son témoignage pour les prestations
et l’accueil dont il avait fait l’objet. Mais,
incontestablement, l’un des témoignages
les plus émouvants et les plus révélateurs
du sentiment de son auteur à l’égard de l’endroit, est celui fait, il y a un peu plus de 2
ans, par le comédien français Jean Claude
Brialy, suite à son passage dans la région.
“Le ruisseau des singes est un endroit
magique, niché au fond d’une vallée, près
de Blida, en Algérie. Pour l’atteindre, il fallait parcourir en voiture des kilomètres de
routes de montagnes. Enfant, ce périple me
rendait malade. Ce ruisseau est finalement
devenu la métaphore de ma vie : se dépasser, se battre pour accéder à un bonheur
simple, fait de lumière et de douceurs, d’autant que mon père, militaire de carrière,
s’opposa longtemps à ma vocation de
comédien et me répéta, tout au long de
mon enfance : quand tu seras grand et que
tu auras fini tes études, tu feras tout ce que
tu voudras. Et même… le singe si tu veux!”
Outre le salon de thé, l’endroit compte un
grand restaurant, une pizzeria ainsi qu’une
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salle de fêtes. Au niveau du restaurant, les
spécialités les plus prisées demeurent le
poisson et le couscous. Un personnel dont
le sourire est omniprésent est à votre disposition.
A l’extérieur, une grande salle de conférence et qui peut également être transformée en salles de fêtes (les mariages notamment) ne peut être évitée du regard. En
déambulant un peu lus loin, il est loisible
d’observer des petits bambins entrain vous
proposant des produits de l’artisanat local
ainsi que divers sortes de pain préparés à la
maison. Parmi les visiteurs, nous avons pu
noter lors de notre reportage, la présence
d’une famille anglaise. Tous semblaient
émerveillés par le site, particulièrement le
pavillon réservé à certaines races d’animaux et d’oiseaux mis en place. On y
dénombre des autruches, des loups, des
renards, des aigles, des hérissons…Les
week-ends, notamment en ce début d’été,
l’affluence est à son comble. On vient
d’Alger, de Blida, de Médéa, de Chlef et de
bien d’autres lointaines régions, se ressourcer dans cet endroit. Le bien être et la quiétude se lisent sur tous les visages. La ville,
et ses innombrables problèmes, semble être
oubliée l’espace de quelques moments.
L’unanimité est totale quant au fait qu’il est
vital de préserver (et d’exploiter à fond)
pareils endroits, même si l’on reconnaît que
le tourisme est avant tout une culture et
une éducation.
B. LARBI