Qu`est-ce que l`économétrie?

Transcription

Qu`est-ce que l`économétrie?
ECONOMETRIE
Chapitre 1
Qu’est-ce que l’économétrie?
Mikael PETITJEAN
FUCaM & Louvain School of Management
Académie Universitaire Louvain
© Mikael PETITJEAN (2007)
1
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.A. Définitions
• Econométrie signifie littéralement “mesure en
économie”.
– L’économétrie est l’application de techniques statistiques et
mathématiques à des problèmes économiques (au sens large).
• En économétrie, un modèle consiste en une
présentation formalisée d’un phénomène sous forme
d’équations dont les variables sont des grandeurs
économiques.
• Le modèle est donc une représentation schématique et
partielle d’une réalité naturellement plus complexe.
© Mikael PETITJEAN (2007)
2
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
En sciences sociales, la modélisation est rendue
particulièrement complexe.
1. Le hasard (par définition, imprévisible) ainsi que les
événements rares (extrêmement improbables) ont un
impact considérable sur le cours de l’histoire humaine.
2. Les situations asymétriques et non-linéaires sont la
règle plutôt que l’exception.
3. Certaines théories en sciences sociales ne sont pas
‘scientifiques’ dans le sens où elles ne sont pas
‘falsifiables’ (selon le terme de Popper), c.à.d.
réfutables.
– Elles ne reposent pas sur un ensemble de conditions que l’on
peut tester et rejeter.
© Mikael PETITJEAN (2007)
3
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
4. L’être humain fait preuve d’une rationalité très
particulière
– Plus un événement est ‘présent’ (mentalement /
émotionnellement), plus on surestime sa probabilité
d’occurrence (availability and affect heuristics).
– Plus un individu ou un objet (semble) affiche(r) des
caractéristiques similaires à celles d’un groupe, plus on
surestime la probabilité qu’il fasse partie de ce groupe
(representativeness heuristic)
– La manière dont les individus schématisent mentalement un
choix ou une transaction affecte l’utilité qu’ils en attendent ou
en reçoivent (prospect theory).
•
Son utilité dépend également de l’idée qu’il se fait de l’utilité que
les autres individus, dans son environnement direct, peuvent tirer
de ce choix ou de cette transaction.
© Mikael PETITJEAN (2007)
4
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
© Mikael PETITJEAN (2007)
5
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
4. L’être humain fait preuve d’une rationalité très
particulière (suite)
–
Selon la théorie des perspectives, les individus :
•
•
•
•
•
sont « risk avoiders » quant il s’agit de gains (supérieurs au point
de référence) ;
sont « risk lovers » quant il s’agit de pertes (supérieurs au point
de référence) ;
considèrent les événements extrêmement probables
(improbables) comme certains (impossibles) ;
donnent trop peu de poids aux événements très (sans être
extrêmement) probables ;
donnent trop de poids aux événements très (sans être
extrêmement) improbables.
© Mikael PETITJEAN (2007)
6
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
1. Référence à une théorie et à ses hypothèses ou,
tout simplement, à une intuition (argumentée).
2. Sélection et mesure des variables = choix de
données quantitatives et/ou qualitatives
– Données ou séries temporelles (time series)
– Données en coupe instantanée/transversale (crosssectional data)
•
Pooled cross sections
– Données longitudinales (longitudinal data)
•
Données de panel (panel data)
•
Données de cohorte (cohorts)
© Mikael PETITJEAN (2007)
7
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
Données ou séries temporelles (time series)
– Une indication du temps est indispensable (time stamp)
•
On dénote chaque observation par t et le nombre total
d’observations par n
Evolution de la santé financière des entreprises wallonnes (%)
Année
Pleine forme
Maladie
chronique
Maladie
passagère
Faillite
probable
1997
52.1
18.5
20.5
8.9
1998
53.2
18.2
20.2
8.4
1999
55.7
17.9
18.9
7.5
2000
56.0
17.8
18.8
7.4
2001
57.8
18.0
17.2
6.9
2002
58.6
19.0
16.3
6.1
Source: BNB
© Mikael PETITJEAN (2007)
8
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
Données en coupe transversale (cross sections)
–
Les données sont observées au même moment pour un
échantillon aléatoire d’unités (ménages, firmes, villes, pays, etc.)
– Une indication du temps ne doit pas nécessairement apparaître au
sein de la base de données
• On dénote chaque observation par i et le nombre total
d’observations par N
Données (fictives) sur 500 entreprises américaines en 2005
Firme/
obs.
Salaire
(€/heure)
Education
(années)
Expérience
(années)
Pop. Fem.
(%)
1
3.1
11
2
55
2
5.3
12
7
42
.
.
.
.
.
499
11.56
16
5
35
500
3.5
14
5
47
© Mikael PETITJEAN (2007)
9
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
Données en coupe transversale regroupées (polled
cross sections)
–
Regroupement de données transversales venant de différents
moments temporels
– La taille de l’échantillon ainsi que les unités comprises dans
l’échantillon peuvent varier au cours du temps.
– Une indication du temps est nécessaire dans la BD.
Deux années de prix de vente (pour 520 habitations au total)
Maison/Obs.
Année
Prix
Chambres
SdB
1
2003
85500
3
2
.
.
.
.
.
250
2003
243600
4
3
251
2005
65000
2
1
.
.
.
.
.
520
2005
57200
2
1
© Mikael PETITJEAN (2007)
10
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
Données longitudinales issues d’un panel (panel data)
–
La taille de l’échantillon ainsi que les unités comprises dans
l’échantillon sont déterminées lors de la création du panel et restent
inchangées au cours du temps.
– Une indication du temps est nécessaire dans la BD.
Deux années sur les dépenses R&D dans 150 entreprises
Obs.
Ville
Année
Brevets
R&D (% CA)
Employés
1
ABC
2000
2
15
440
2
ABC
2006
4
20
471
3
DEF
2000
0
5
75
4
DEF
2006
1
10
75
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
299
XYZ
2000
5
18
520
300
XYZ
2006
2
20
493
© Mikael PETITJEAN (2007)
11
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
•
Données longitudinales issues d’une cohorte
(cohort data)
–
Elles se distinguent des données de panel par le seul fait que
chaque unité comprise dans l’échantillon a expérimenté le même
événement (par exemple, la création pour une firme) à la même
période de référence (par exemple, en 1985).
Deux années de statistiques pour 100 entreprises créées en 1985
Obs.
Firme
Année
Salaire
Education
Expérience
1
ABC
1990
3
12
2
2
ABC
2005
3.24
11
22
3
DEF
1990
5.3
8
5
4
DEF
2005
6
12
4
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
199
XYZ
1990
3.5
16
5
200
XYZ
2005
11.56
14
5
© Mikael PETITJEAN (2007)
12
I. ECONOMETRIE ET MODELE
I.B. Construction des modèles économétriques
3. Formalisation des relations et choix de la forme des
fonctions (forme fonctionnelle)
•
•
Modèle en niveau ou en log
Modèle statique ou dynamique
4. Estimation (intermédiaire) et validation du modèle
–
–
–
–
Tests de diagnostic sur les résidus observés
Suppression des variables superflues
Tests sur la forme fonctionnelle
Tests de stabilité
5. Estimation (finale) et tests d’hypothèse sur les
coefficients (comme outils de validation pour une
théorie ou d’investigation pour une intuition).
© Mikael PETITJEAN (2007)
13
II. ROLE DE L’ECONOMETRIE
II.A. Outil de validation de la théorie
•
L’économétrie est un outil à la disposition de
l’économiste et du gestionnaire, qui permet d’infirmer
ou de confirmer les théories.
Théorie
Formalisation de la théorie :
modélisation
Confrontation du modèle avec les données
=
estimation économétrique
La théorie
est validée
© Mikael PETITJEAN (2007)
La théorie
n’est pas validée
Nouvelles données
testées
Nouvelle spécification
du modèle
14
II. ROLE DE L’ECONOMETRIE
II.B. Outil d’investigation
•
•
L’économétrie n’est pas seulement un outil de validation
mais également un outil d’investigation.
Elle peut apporter une aide à la modélisation, à la
réflexion théorique ou à l’action politique, par:
– la mise en évidence de relations entre variables qui n’étaient
pas a priori évidentes ou pressenties;
•
Attention au danger de ‘data mining’ ou ‘data snooping’!
–
Veiller à utiliser les méthodes du bootstraping.
– l’inférence statistique qui consiste à inférer, à partir des
caractéristiques d’un échantillon, les caractéristiques d’une
population;
– la simulation qui mesure l’impact de la modification de la valeur
d’une variable sur une autre
– la prévision afin d’anticiper et de réagir à l’environnement.
© Mikael PETITJEAN (2007)
15
III. DANGERS DE L’ECONOMETRIE
•
L’être humain apprend difficilement le langage des
statistiques et des probabilités.
– Une erreur, appelée the round-trip fallacy, est
souvent commise, même par les ‘spécialistes’.
•
H0: il existe des cygnes noirs
H1: il n’existe pas de cygne noir
–
–
Le rejet de l’hypothèse nulle (absence of evidence) N’implique
PAS l’acceptation de l’hypothèse alternative (evidence of
absence)
Ce n’est pas parce que notre échantillon ne contient pas de
cygne noir que nous devons accepter l’hypothèse selon
laquelle tous les cygnes sont blancs.
» Il y a une différence épistémologique fondamentale entre
« accepter » et « ne pas rejeter » une hypothèse.
© Mikael PETITJEAN (2007)
16
III. DANGERS DE L’ECONOMETRIE
•
L’économétrie (au sens large) peut être
malheureusement utilisée pour :
– justifier des aprioris ou des préjugés ;
– tromper (in)volontairement le jugement d’autrui ;
•
En 1995, l’avocat de d’O.J. Simpson affirme que la probabilité que
son client soit coupable du meurtre de son épouse (C) sachant
qu’il la battait (B) est de : P(C|B) = 0,1%.
–
Il ne tient aucun compte du fait observé que son épouse est morte
(M)! P(C|B,M) = 81% (selon I. Good)
– expliquer ex post (avec le biais du recul) l’occurrence
d’événements qui étaient intrinsèquement imprévisibles ;
– extrapoler, à partir du passé, un futur lointain qui est
fondamentalement imprévisible.
© Mikael PETITJEAN (2007)
17
IV. APPORTS DE L’ECONOMETRIE
•
L’estimation et les tests statistiques sont utiles pour:
– éviter de vouer une confiance aveugle à nos perceptions, notre
intuition, ou notre expérience personnelle;
•
Les être humains surévaluent leur aptitude et leur niveau de
connaissance : ils sous-estiment la probabilité de se tromper.
– évaluer et mettre une relation dans sa véritable perspective;
•
Les êtres humains ont une tendance naturelle à réagir
instantanément à leurs émotions et à simplifier (à l’extrême) une
réalité très complexe.
–
La rapidité de décision a été un des facteurs les plus importants dans
le processus de sélection naturelle.
© Mikael PETITJEAN (2007)
18
V. CONCLUSION
• L’économétrie est porteuse de sens à condition
que son utilisateur fasse preuve de
suffisamment de nuance, voire de scepticisme.
« Personne n’est exempt de dire des bêtises. Ce qui est grave,
c’est de les dire sérieusement ».
(Montaigne, Essais, Livre III, Chapitre 1).
© Mikael PETITJEAN (2007)
19