DANS LA BATAILLE DE SAINT

Transcription

DANS LA BATAILLE DE SAINT
LA 15ème DIVISION D'INFANTERIE COLONIALE
DANS LA BATAILLE DE SAINT-MIHIEL
( 12-13 SEPTEMBRE 1918 )
Honneur aux vainqueurs des Eparges
Le 5ème Corps Américain les salue !
(Ordre du Général Cameron à la 15ème D.I.C.,
le 13 septembre 1918).
Pour vivre cette bataille dans son am‐
biance, il est nécessaire d'en élargir le cadre bien au‐delà des 12 et 13 sep‐
tembre 1918. ‐ Il faut évoquer les combats de 1914 et 4 ans d'une guerre de tranchées célèbre par son horreur. ‐ Il faut préciser les origines de la ba‐
taille et les conditions d'ensemble de son exécution. ‐ Il faut donner une idée aussi exacte que possible du dispositif et de la si‐
tuation de l'ennemi. ‐ Il faut enfin, par la description du terrain, faire surgir à nos yeux les Hauts‐de‐Meuse aux pentes abruptes, la plaine de Woëvre parsemée de bois et d'étangs. ————– La disparition de la menace que l'ennemi faisait peser sur
notre flanc droit depuis 4 ans, la libération de la grande
voie de rocade Verdun-Toul, le premier pas vers Briey et
Metz, 15.000 prisonniers et 200 canons, tels sont les résultats de la bataille de Saint-Mihiel.
De plus cette bataille marque une date importante dans
l'histoire de la guerre : pour la première fois, l'Armée
Américaine vient d'être engagée comme grande unité
indépendante et, avec le concours de quelques divisions
françaises seulement, elle a remporté une véritable victoire.
A cette victoire, la 15ème division d'infanterie coloniale a
contribué dans une large mesure. Cette étude a pour but
de faire revivre son action dans le cadre général de la
bataille..
Alors seulement, nous pourrons étudier les conditions de l'engagement de la Division, puis la suivre au com‐
bat. L'occupation de Saint‐Mihiel par les Allemands date de septembre 1914. (croquis) L'ennemi venait d'être battu sur la Marne et rejeté sur l'Aisne on se livraient de durs combats: il résolut de porter sur notre droite un coup soudain et qui, pensait‐il, nous prendrait au dépourvu. Le 21 septembre, avec des forces importantes, il fonce sur les lignes françaises à l'Est de la place de Verdun, réussit à prendre pied sur les Hauts‐de‐Meuse, s'em‐
pare de Vigneul‐les‐les‐Hattonchatel et de Creuë. Le lendemain, il pousse vers le Nord et occupe la posi‐
tion des Eparges. Les jours suivants, il entre à Saint‐
Mihiel, parvient à s'établir sur la rive gauche de la Meuse, à Chauvoncourt faubourg de Saint‐Mihiel, me‐
naçant ainsi de tourner Verdun par le Sud‐Est et de couper du gros de nos forces nos armées de Lorraine et d'Alsace. Mais tandis que nous contenons son avance sur les Hauts‐de‐Meuse, le 21 septembre, l'Armée de Lorraine du Général Dubail, agissant de concert avec l'Armée Sarrail, fait déboucher brusquement ses réserves au Nord de Toul et prend de flanc les forces ennemies dont elle arrête l'effort. Dans la nuit du 24, les Allemands commencent à recu‐
ler vers le Nord; ils s'établissent sur la ligne bois de Mort‐Mare, Remenauville, Regniéville, mais conservent Saint‐Mihiel, Chauvoncourt et les Eparges.. De 1914 à 1918, se livrent autour du saillant plusieurs combats locaux. Après une lutte acharnée, la forte po‐
sition des Eparges est en partie enlevée par nous de février à avril 1915; le bois Bouchot, le bois des Cheva‐
liers, Chauvoncourt, Ailly, la forêt d'Apremont, le bois de Mort‐Mare et le bois Le Prêtre sont des noms célè‐
bres dans l'histoire de la guerre de tranchées. Dans l'ensemble cependant, le front ne se modifie guère. A partir des Eparges, il traverse le bois Bouchot et le bois des Chevaliers, rejoint la Meuse par Spada, en‐
globe Saint‐Mihiel et le Camp des Romains, file à l'Est par la forêt d'Apremont, le Nord de Seicheprey et de Flirey, Remenauville, Regniéville, le bois Le Prêtre et franchit la Moselle au Nord de Pont‐à‐Mousson. C'est le 24 juillet 1918(1), que le principe de la bataille de Saint‐Mihiel a été exposé pour la première fois. —————
(1) A la suite de la 2ème bataille de la Marne ‐ 18 juillet 1918. © FNAOM-ACTDM / CNT
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Ce jour‐là, le Général Foch avait prié le Général Haig, le Général Pétain, le Général Pershing de vouloir bien ve‐
nir en conférence, en son quartier de Bombon. A cette réunion, il leur lit un mémoire où est d'abord résumée la situation militaire générale, puis après avoir affirmé que " le moment est venu de quitter l'attitude générale défensive imposée par l'infériorité numérique et de pas‐
ser à l'offensive" il développe "le programme de ces ac‐
tions offensives prochaines". Celle de Saint‐Mihiel est précisée comme suit : "Dégagement de la voie ferrée Paris‐Ricourt, dans la région de Commercy, par la réduction du saillant de Saint‐Mihiel ; opération à préparer sans retard et à entreprendre par les armées américaines dès qu'elles disposeront des moyens nécessaires". Le 2 septembre "l'affaire de Saint‐Mihiel" est mise au point au cours d'une conférence(1) qui réunit les Géné‐
raux Pétain et Pershing au quartier général du Maré‐
chal Foch. Le Général Pétain est investi de la haute di‐
rection "des actions qui vont se livrer tant à Saint‐
Mihiel qu'à l'Ouest de la Meuse". Dès que le commandant des Armées françaises est de retour à son quartier général, le 2 septembre au soir, il signe une directive visant les conditions dans lesquelles doit s'effectuer la réduction du saillant de Saint‐Mihiel. Cette directive prévoit que l'action devra comporter (croquis) : 1° une attaque principale, débouchant du plateau Sei‐
cheprey, Limey, en direction générale du Nord, avec la ligne Vigneulles, Thiaucourt pour objectif; 2° une attaque secondaire, partant de la région des Eparges, Mouilly, en direction du Sud‐Est et visant "par sa combinaison avec l'attaque principale, à réaliser
l'encerclement des forces ennemies qui occupent
les Hauts-de-Meuse et le saillant de Saint-Mihiel";
3° une liaison entre les deux attaques, opération
effectuée par "les grandes unités en secteur entre
les deux zones d'attaque et qui exercent une pression continue contre les forces ennemies qui leur
sont opposées".
Toutes les forces chargées d'exécuter les attaques
envisagées, y compris les éléments français, seront commandées par le Général Pershing
(Quartier Général, Ligny-en-Barrois).
Au total 17 divisions dont 12 américaines et 5 françaises seront concentrées pour cette opération.
- L'attaque principale sera exécutée par le 1er C.A.
américain (Major Général Hunter Liggett) et le 4ème
C.A. américain (Major Général Joseph E. Dickman), avec 7 divisions en 1ère ligne et 4 en réserve
d'Armée et de Corps d'Armée - Ces Corps disposeront d'éléments de renforcement français en artillerie.
- L'attaque secondaire sera exécutée par le 5ème
Corps américain (Major Général Cameron) qui
comprendra 3 divisions, la 26ème D.I. américaine, la
15ème D.I.C. (Général Guérin, chef d'Etat-Major Colonel Debailleul), la 4ème D.I. américaine. Cette dernière dans l'ordre de bataille primitif devait être en
réserve, mais elle sera partiellement engagée en
première ligne dès le début de l'action.
Ce Corps sera également renforcé en artillerie.
- L'attaque secondaire sera exécutée par le 5ème
Corps américain (Major Général Cameron) qui
comprendra 3 divisions, la 26ème D.I. américaine, la
15ème D.I.C. (Général Guérin, chef d'Etat-Major Colonel Debailleul), la 4ème D.I. américaine. Cette dernière dans l'ordre de bataille primitif devait être en
réserve, mais elle sera partiellement engagée en
première ligne dès le début de l'action.
Ce Corps sera également renforcé en artillerie.
Outre les moyens d'aviation qui lui sont propres, le
Général Pershing disposera, pour l'attaque principale et l'attaque secondaire, de toute notre division
aérienne.
La liaison entre les deux attaques sera effectuée par
le 2ème C.A.C. (Général Blondlat) composé alors de
divisions métropolitaines (2ème B.C.P.(2) – 26èmeD.I. 39ème D. I.).
D'après les renseignements parvenus à son quartier général sur les organisations défensives ennemies, le Général Pétain estime que le dispositif allemand, auquel se heurteront nos forces, comprend :
a) une zone de couverture constituée à proprement
parler par le saillant de Saint-Mihiel et comprenant
deux positions successives organisées en profondeur;
b) en arrière, une zone de bataille dite "Michel I"
jalonnée par la ligne: Moulotte (7 kms 500 à l'Est
de Fresne-en-Woëvre), La-chaussée, Preny (2
kms de Pagny-sur-Moselle, (voir croquis). L'objectif assigné se trouve ainsi "entièrement en deçà
de la zone de bataille précitée".
Le front de l'ennemi est encore fortement équipé, car le 4 août il avait projeté une attaque sur
le front Eparges-Spada dans le but d'atteindre
la rive droite de la Meuse.
Depuis le 19 août, il s'attend à notre attaque.
Aussi pour essayer de le tromper sur nos véritables projets, le Général Commandant en chef
prescrit, le 30 août, de préparer une démonstration d'artillerie en Haute-Alsace. Cette démonstration a comme résultats de provoquer des renforcements en artillerie dans le secteur de Cirey
et des concentrations de troupes dans la région
de Colmar, mais elle ne parvient pas à détourner l'attention de l'ennemi du front de Woëvre.
Le 6 septembre, en effet, le Général Von Ardenne écrivait dans le Berliner Tageblatt "des
mouvements suspects entre la Meuse et la Moselle n'ont pas échappé au commandement allemand".
————— (1) Cette conférence avait aussi comme but d'organiser "sans aucune perte de temps" les opérations à l'Ouest de la Meuse. (2) Division de cavalerie à pied. © FNAOM-ACTDM / CNT
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Le 12 septembre, pour faire face à notre attaque, l'ennemi tiendra l'ensemble du saillant
avec 7 divisions (6 allemandes, 1 autrichienne)
et 2 divisions de réserve. (Armée Fuchs). En
face d'elle, la 15ème division d'infanterie coloniale aura la 13ème division de Land-wehr (60ème
Landwehr à la crête de Combres et à la côte
Amaranthe -15ème Landwehr aux Eparges).
Le terrain de l'attaque présente des aspects fort
différents de part et d'autre des deux branches
de V dessiné dans nos lignes par la "hernie" de
Saint-Mihiel.
- A l'Ouest et au Sud-Ouest, ce sont les Hautsde-Meuse d'une altitude moyenne de 300 à 400
mètres, avec leurs massifs boisés, coupés de
vallées étroites et dont les pentes abruptes tombent à l'Est sur la plaine lorraine. C'est dans
cette région très accidentée que la 15ème D.I.G.
va être engagée(1).
- A l'Est, c'est la plaine lorraine de Woëvre,
vaste quadrilatère parsemé de bois, resserré
entre les Hauts- de-Meuse et la Moselle. Cette
région se divise en deux bandes: à l'Ouest, la
partie la plus basse ou Woëvre proprement dite,
au sol argileux recouvert d'étangs et que les
pluies de printemps et d'automne rendent impraticable; à l'Est, le plateau calcaire de la
Haye, dont le sol perméable et relativement sec
se relève d'Ouest en Est jusqu'à la ligne des
forts et des défenses de la Moselle.
Conditions de l'engagement de la Division Pour cette partie, nous nous placerons successivement aux points de vue suivants: mission de la division ‐ mise en place ‐ idée de manœuvre ‐ dispositions prévues pour l'exécution. LA MISSION La 15ème division a pour mission d'enlever les côtes de Meuse, de la crête des Eparges à la route d'Hannonville ferme Longeau, puis de pousser des avant‐postes dans la plaine au bas des pentes en occupant Combres et Herbeuville (voir plan directeur). Elle a donc à s'empa‐
rer de la série des crêtes et des côtes qui se succèdent du Nord au Sud: crête des Eparges, crête de Combres, côte Amaranthe, côte du bois Bouchot, c'est‐à‐dire des hauteurs comprises entre la plaine de la Woëvre et le ruisseau de Longeau. ————— (1) La zone d'action de la 15ème D.I.C. sera étudiée d'une façon plus détaillée au chapitre suivant. © FNAOM-ACTDM / CNT
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Une pareille mission offre des difficultés d'exécution considérables. Elle ne peut s'expliquer que par la situa‐
tion du moment(1), En ceci même, l'étude de cette ba‐
taille présentera un intérêt tout particulier, car elle fera apparaître combien rapidement les formes du combat peuvent se modifier au cours d'une guerre. Ces hauteurs aux pentes très raides, tant du côté de la Woëvre que du côté du Longeau, sont coupées par une série de ravins profonds qui descendent à l'Ouest vers le ruisseau; elles sont généralement boisées. Seule la crête des Eparges est absolument dénudée; elle s'avance, en éperon, dans la plaine de Woëvre. Jusqu'à cette journée du 12 septembre, malgré des combats acharnés, tous nos efforts pour la conquérir sont restés sans résultats. Les Allemands en occupent la partie la plus élevée, tandis que nous tenons seulement les pen‐
tes Nord; les lignes adverses sont séparées par le ravin de Fragoulle, offrant une dépression de 20 à 90 mètres. Tout le long de la crête, de nombreux entonnoirs té‐
moignent de la guerre de mines conduite sans relâche des deux côtés depuis 1915, et dont les dernières ma‐
nifestations ont eu lieu le 15 août 1918 par l'explosion de 3 mines. Ce sont autant d'obstacles pour l'infante‐
rie. Sur les pentes Sud de la crête, l'ennemi a établi de fortes lignes de tranchées communiquant directement avec les galeries de mines qui constituent des abris à toute épreuve. La crête des Eparges est continuée au Sud‐Ouest par la hauteur de Combres entièrement tenue par les Alle‐
mands et séparée des organisations françaises par le ravin des Quenottes. Cette crête est organisée en for‐
teresse puissante avec d'épais réseaux de fils de fer, des tranchées bétonnées, des abris vastes et nom‐
breux. Sur le versant opposé à nos lignes sont ouverts des tunnels pouvant loger une garnison importante. Ces tunnels servent en même temps d'abris aux minenwer‐
fer qui, montés sur rails, ne sont sortis que pendant le tir. Cette hauteur surveille la vallée du Longeau. Elle est remarquablement flanquée par la partie du bois des Eparges qui lui fait vis‐à‐vis de l'autre côté de la vallée (zone d'action de la 26ème D.I.U.S.). Plus au Sud encore, au‐delà du ravin de la Gentille‐
Femme, c'est la côte Amaranthe avec ses tranchées fortement organisées de Breslau et de Brème, plus loin encore c'est la région boisée du Bouchot. Après l'attaque, les prisonniers du 60ème Landwehr dé‐
clareront qu'ils avaient ordre de défendre à outrance cette position "Eparges‐Combres‐Côte Amaranthe". C'est qu'elle est la partie la plus importante du sys‐
tème défensif allemand, la seule sur laquelle l'ennemi s'acharnera à lancer des contre‐attaques au cours de la bataille. Division d'élite, la 15ème D.I.C. est digne de sa mission. Devant Mailly‐Raineval, vers Morisel, en juillet et août, elle vient encore de donner des preuves de son mor‐
dant(2). Sa mission, elle la remplira entièrement: le 13 au ma‐
tin, sur son front, l'ennemi se repliera précipitamment. Dans une large mesure, elle aura contribué à rendre possible la grande bataille offensive Meuse‐Argonne dont l'armistice seul empêchera le complet déve‐
loppement. Mission de confiance certes et qui tout naturellement nous porte à en évoquer une autre: celle qui. deux jours plus tard, sera donnée à la 17ème D.I.C., pour la bataille du Dobropolie et dont l'exécution par la prise des hauteurs de Kravitsa et du Kravitchki‐Kamene mar‐
quera le premier acte de la "victoire éclatante des Ar‐
mées Alliées en Orient" de cette victoire qui mettra "hors de combat une Armée de 600.000 hom‐
mes" (Général Franchet d'Esperey). Presque dans le même temps, deux missions glorieuse‐
ment remplies dans deux grandes batailles, quel ma‐
gnifique exemple de la valeur des troupes coloniales ! LA MISE EN PLACE Les 5 et 6 septembre, la division venant de la Haute‐
Marne arrive dans la région de Sommedieue (environ 16 kms à l'arrière de nos lignes). Dès le 6, elle commence à relever la 2ème division de cavalerie dans le secteur d'attaque. Les 10 et 11 sep‐
tembre, les cadres des bataillons d'assaut font les re‐
connaissances et, dans la nuit du 11 au 12, ces batail‐
lons prennent leurs emplacements de combat. Pour certaines unités qui ont une assez grande distance à parcourir (le 3ème bataillon du 6ème R.I.C. en particu‐
lier est à 16 kms des lignes) la mise en place ne se termine que le 12 vers 2 heures. Il pleut, la nuit est très noire. L'artillerie(3) commence ses reconnaissances le 7 et ses mises en batterie dans la nuit du 9 au 10. ————— (1) Supériorité morale prise alors sur l'adversaire ‐ Repli envisagé des troupes allemandes ‐ action, générale engagée dans la poche de Saint‐
Mihiel. (2) Au cours de ces opérations la division a fait 1.200 prisonniers et pris 20 canons. (3) Les unités d'artillerie à la disposition de la D. I. G. sont les suivantes : (artillerie organique comprise). ‐ 8 groupes de 75: 3 du 22ème R.A.C. (artillerie organique de la 15ème D.I.C.), 2 du 16ème Field Artillery U.S., 3 du 211ème R. A. G. porté. ‐ 1 groupe de 155 organique (VI/142) ‐ 3 groupes de 155 C. St‐Chamond 1915 (330ème R. A. L.). ‐ 2 batteries de 270 de côte A.L.G.P. (IV/73) ‐ 1 batterie de 280 S à 3 pièces de V/282 ‐ ‐ 1 groupe de 320 ‐ 1 groupe de 400 ‐ 1 batterie de 240 T (32ème/176) ‐ les batteries de tranchées »de la 4ème D . I . U . S., du 4ème T. M. B. (mortiers Stokes de 6 pouces) ‐ 1 colonne de munitions de la 4ème D I U.S. © FNAOM-ACTDM / CNT
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Depuis le 9 dans la journée, l'approvisionnement en munitions des positions de tir est en cours. Mais par suite du mauvais temps, du manque de communica‐
tions et "d'un embouteillage formidable à la tranchée de Calonne" (journal de marche de l'A.D.), il ne sera pas terminé le jour de l'attaque. La batterie améri‐
caine (4ème T.M.B.) ne disposera alors que de 500 coups; le ravitaillement des 3 groupes de 155 C.S. sera à peine commencé. Une seule pièce de 240 T aura pu être mise en position. Pourtant les opéra‐
tions se sont poursuivies de jour et de nuit. L'IDEE DE MANŒUVRE Avant d'entrer dans le détail des dispositions prévues pour l'exécution, il faut préciser l'idée de manœuvre qui en domine l'ensemble. L'ordre général n° 195 de la D.
I. nous l'indique d'une façon particulièrement nette : "Déborder d'un seul bond et par l'Ouest les crêtes de Combres et de la côte Amaranthe en se portant sur Saint‐Remy. Attaquer la crête de Combres par l'Ouest et le Sud et la côte Amaranthe par le Nord‐Ouest. Faire face à Combres et Herbeuville et continuer la pro‐
gression sur le Bouchot et Belhaiebois avec un régi‐
ment". (O G. N° 195 – Général Guérin ‐ P. A. Colonel Debail‐
leul). En même temps il est prévu des attaques de front sur la crête des! Eparges, mais avec une faible densité de troupes. DISPOSITIONS PRÉVUES POUR L'EXÉCUTION (Troupes engagées ‐ Phases de l'attaque ‐ Appui de l'at‐
taque Liaisons ‐ Situation à obtenir en fin de combat] Les troupes d'attaque d'infanterie sont placées sous les ordres du Colonel commandant l'I.D.15 (Colonel Pernot) qui dispose de 3 régiments à 3 bataillons dont un bataillon du 6ème R.I.C. en réserve d'I.D. Tous ces bataillons, même les bataillons sénégalais, sont à trois compagnies. La composition de ces trois régiments est la sui‐
vante : ‐ 2ème R.I.C.: Colonel Philippe ‐ 3/2 R.I.C. (Capitaine Lavallée, puis capitaine Natte), 69ème B.T.S. (Btn Be‐
nezet), 2/2/ R.I.C. (Btn Petitjean). ‐ 6èmeR.I.C. : Colonel Chevalier ‐ 3/6 R.I.C. (btn de Sainte‐Marie), 70ème B.T.S. (btn Delettre), 1/6 R.I.C. (btn Charpentier) réserve d'I.D. ‐ 5ème R.I.C. : Chef de bataillon Louis Braive, adjoint au Chef de corps, commandant le régiment en l'ab‐
sence du Colonel Cluzeau ‐ bataillons Grossard et Pe‐
lud du 5ème R.I.C. ‐ 71 B.T.S. (Btn Chauvin). La réserve de division (8 à 10 kms à l'arrière) est constituée par 3 bataillons européens: 1er bataillon du 2ème R.I.C. (Cdt Gillet) à Camp d'Hinvaux – 2ème ba‐
taillon du 6ème R.I.C. (Cdt. Bénard) à Sommedieue‐
Camp ‐ 1er bataillon du 5ème R.I.C. (Cdt. Bernard) à Sommedieue et par 3 compagnies sénégalaises(1). Chacun des Colonels commandant les régiments dis‐
pose en plus d'une 1/2 compagnie sénégalaise pré‐
levée sur la compagnie réserve de D.I. Ces compa‐
gnies ont "en principe pour mission d'assurer le transport des munitions, du matériel et des vi‐
vres" (Ordre n° 72 de l'I.D. en date du 10 septem‐
bre). L'attaque doit comporter deux phases. Entre les deux phases, il est prévu un arrêt sur la ligne: lisières Sud de Saint‐Rémy, boyau de la Sardine, lisières Sud du bois continuant ce boyau. Pour la première phase, deux régiments seront en ligne: le 2ème R.I.C. à droite (Sud‐Ouest), le 6ème R.I.C. à gauche (Nord‐Est). Pour la deuxième phase, le 5ème R.I.C. doit prendre l'attaque à son compte (Voir plan directeur). Les ordres de la D.I., de l'I.D., des régiments permettent de préciser les dispositif et les missions des unités enga‐
gées. 1ère PHASE (Conquête des objectifs} 2ème régiment d'infanterie coloniale 3 bataillons en profondeur Un bataillon doit enlever d'un bond le village de Saint‐Rémy et la crête Ouest de la côte Amaranthe (tranchée de Brème). (Bataillon Lavallée dont le commandement sera pris par le capitaine Natte après la mort du capitaine La‐
vallée). Un bataillon, suivant le premier, doit déboiter vers le Sud‐
Est après avoir dépassé la crête de Combres et enlever la tranchée de Breslau et la côte Biolie. (69ème B.T.S., btn Bé‐
nézet). Un bataillon en réserve doit éventuellement achever la conquête de la côte Amaranthe. (btn Petitjean). L'éperon Est du bois des Eparges (à l'Ouest de la route des Eparges ‐ Saint‐Rémy) sera attaqué du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest par les Américains couvrant ainsi le flanc de l'attaque du 2ème R.I.C. 6ème régiment d'infanterie coloniale 2 bataillons en ligne 1 bataillon réserve d'I. D. Les deux bataillons en ligne doivent enlever la crête des Eparges et la crête de Combres. Les bataillons en ligne seront le 3/6 R.I.C. (de Sainte‐
Marie) à gauche en face de la crête des Eparges, le 70ème B.T.S. (Delettre) à droite en face de la crête de Combres. L'attaque du 3/6 R.I.C. sera solidement montée contre la partie Sud‐Ouest de la crête vers le point C et le col 332 (entre la crête des Eparges et la crête de Combres) tandis qu'un petit détachement (1 section et 1 S.M.) la contour‐
nera par le Nord. L'attaque du 70ème B.T.S. sera menée vers la partie Nord de la crête de Combres et le saillant du Bois Brûlé, tandis qu'un petit détachement contournera le saillant du bois Brûlé par l'Ouest. ————— (1) Ce sont les 3 compagnies non engagées des 69ème, 70ème , 71ème B.T.S. © FNAOM-ACTDM / CNT
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2ème PHASE (Exploitation du succès) Après l'enlèvement de la côte Amaranthe, le 5ème R.I.C. doit prendre l'attaque à son compte et manœuvrer à la fois: 1° par la vallée du Longeau et les pentes qui la domi‐
nent à l'Est; 2° par la ligne de crête dans la direction du Sud. Base de départ: lisières sud de Saint‐Rémy ‐ tranchée de Brème ‐ boyau de la Sardine ‐ lisières Sud du bois continuant ce boyau. L'heure de départ pour l'exécution de la 2ème phase est H + 2h30. L'attaque sera appuyée par les feux des compagnies de mitrailleuses non engagées et par toute l'artillerie mise à la disposition de la division. Nous étudierons successivement les conditions d'emploi de ces ap‐
puis : APPUI DES MITRAILLEUSES (Cet appui est précisé par l'ordre N° 195 de la D. I.) "Dès le début de l'attaque, les G.M.R. des bataillons non engagés au début de l'action (y compris celles des batail‐
lons réserve de D.I) prendront position à Montgirmont vers 302 (l ère tranchée française) vers 353 (Ouest du vil‐
lage des Eparges) avec mission de battre la tranchée du Franoux et la direction de Saulx‐en‐Woëvre, la crête de Combres, si possible la côte Amaranthe. Au cours de l'attaque, les C.M.R. des bataillons ayant atteint leurs objectifs s'établiront aussi rapidement que possible sur les crêtes des Eparges et de Combres, puis la côte Amaranthe, avec mission : ‐ de battre la plaine de Woëvre et de couvrir les avant‐
postes poussés au‐delà de la ligne Combres‐Herbeuville ; ‐ de coopérer à l'attaque de la division américaine en battant son terrain d'attaque à vues directes. L'étude des conditions de l'emploi de l'artillerie sera pré‐
cédée d'un aperçu sur la formation des groupements. Ceux‐ci ont été constitués comme suit : 1 groupement d'A.T aux ordres du Capitaine Ennis, com‐
mandant la 4ème batterie de la 4ème D I.U.S. 3 groupements de barrage respectivement adaptés aux 3 bataillons mis en ligne pour l'attaque du 1er objectif. ‐ à droite les: 111/22 et 1/16 US. aux ordres du lieute‐
nant‐colonel Bucker, commandant le 16ème F.A.U.S. ‐ au centre les 1/22 et 11/16 U.S. aux ordres du Lieute‐
nant‐Colonel Isabey, commandant le 22ème R.A.C. ‐ à gauche les: 11/22 et III/211 aux ordres du comman‐
dant Perier du 22ème R.A.C. Pour l'attaque du 2ème objectif, le dispositif d'infanterie étant changé, il ne sera formé qu'un groupement aux or‐
dres du Lieutenant‐Colonel Isabey, commandant le 22ème R. A. C. 1 groupement de couverture et d'objectifs fugitifs: 1/211 et 2/211 aux ordres du Commandant Roussin, comman‐
dant le 211ème R.A.C. 1 groupement aux ordres du commandant Duthoit com‐
prenant toute l'A.L.C. © FNAOM-ACTDM / CNT
APPUI DE L'ARTILLERIE (Cet appui est précisé par l'ordre général n° 195 de la D.l. et le plan d'emploi de l'artillerie) La préparation commencera à 1 heure et durera jus‐
qu'à 8h30 dans les conditions suivantes : " A T . ‐ ouvrira le feu à 5h30 conduira le tir de manière à tirer toutes ses munitions, avec une densité uniforme, de 5h30 à 8h25. A.L.C. 270 et 280 ‐ N'ouvriront le feu qu'au jour. Conduiront leur tir de façon à avoir une densité de feu constante jusqu'à 830 et à pouvoir exécuter intégrale‐
ment ce qui est prévu pour la période de H ‐ 10' à H + 5'. En cas d'insuffisance de munitions de 270, ses objectifs seraient pris par le 280 qui augmenterait son débit. 155 C. ‐ Le 155 C. commencera sa préparation à 1 heure, mais ne débitera jusqu'à 5h30 que très peu de munitions: 60 coups à l'heure pour l'ensemble des 4 groupes. A 5h30 commencer la préparation qui durera de 5h30 à 8h30. A C. ‐ De 1 heure jusqu'au point du jour, l'A.C. n'exécu‐
tera que quelques tirs d'interdiction (chaque groupe‐
ment agissant dans sa zone) sans dépasser la consom‐
mation de 100 coups par groupement de barrage et par heure. La préparation sera commencée au point du jour avec toute son intensité". (Plan d'emploi de l'artillerie ‐ Colonel Docteur ‐ 11 sept). Les conditions de l'exécution des tirs sont précisées par l'O.G. de la D.I. Pendant la préparation. ‐ brèches dans les fils de fer (entente à réaliser entre les commandants de sous groupements et les commandants d'infanterie. ‐ destruction des emplacements et blockhauss de mitrail‐
leuses. Elle devra porter tout spécialement sur l'extrémi‐
té Nord‐Est de la crête des Eparges, le col des Quenottes et. les pentes le dominant, le saillant du bois Brûlé et les pentes Ouest de la crête des Combres. ‐ sur les saillants et les pentes Ouest de la côte Amaran‐
the, (tranchées de Breslau et de Brème). ‐ sur l'organisation de la centrale électrique (1 km Ouest Herbeuville) ‐ tir de gros calibres, d'abord sur Combres et Saint‐Rémy, puis sur Saint‐Rémy et Herbeuville, puis sur Hannonville." Pendant l'attaque. "Tirs d'accompagnement à obus explosifs à la vitesse de 100 mètres en 3 minutes dans la vallée de Longeau jusqu'à Saint‐Rémy, 100 mètres en 4 minutes pour gra‐
vir les pentes ainsi que dans toute la deuxième phase. Pendant l'opération ayant pour but la prise de la crête de Combres, un barrage fixe face à l'Est formant enca‐
gement sera établi pour protéger la marche sur Saint‐
Rémy. A H + 55', ce barrage fixe se lèvera et formera barrage roulant devant le bataillon du 2ème R.I.C. attaquant la tranchée de Breslau et la côte Amaranthe, pendant que le barrage se fixera au Sud de Saint‐Rémy. 6
‐ Finalement, le barrage se fixera sur tout le front à 150 m. au Sud de la ligne lisière Sud de Saint‐Rémy, saillant Sud‐Ouest de la tranchée de Brème, boyau de la Sar‐
dine, lisière Sud du bois prolongeant cette tranchée. Il en repartira à l'heure H ‐f‐ 2 h. 30. ‐ Tir à obus fumigènes: ‐ sur le saillant de la tranchée de Breslau et la crête à l'Est et au Sud‐Est de Saint‐Rémy, ‐ sur la partie Sud‐Ouest de la crête de Combres ‐ sur la partie Est du bois des Eparges ‐ sur les pentes Est de la crête 340 et Ouest de Saiut‐Rémy (à demander à l'artille‐
rie de la 26ème D.I.U.S.) ‐ Barrage demi‐fixe: ‐ sur la crête de Combres ‐ puis sur la tranchée de Breslau et les crêtes Nord et Ouest de la côte Amaranthe, ‐ sur l'organisation de la centrale électrique (1 km ouest d'Herbeuville) ‐ sur la route Moulin‐Petit, chapelle Sainte‐Vanne ‐ sur la route Dommartin Patte d'Oie 397". (O.G. n° 195 de la D.I.) Pendant l'attaque des liaisons sont prévues : ‐ Entre la 15ème D.l.C. et la 26ème D.I.U.S.(à droite) par un détachement composé de 1/2 compagnie et une section de mitrailleuses. Ce détachement sera fourni jusqu'à Saint‐Rémy par le 2ème R.I.C. (il prendra posi‐
tion sur la croupe à l'ouest de Saint‐Rémy). Au‐delà de ce village, il sera fourni par le 5ème R.I.C. et progressera à l'Ouest du ruisseau pour s'installer en fin d'attaque à la corne Nord‐Ouest du bois des Têtes. ‐ Entre le 2ème R.I.C. et le 6ème R. I. C. ‐ par un détache‐
ment mixte (1 section du 6ème R.I.C. et une 1 section et 1 S.M. du 2ème R.I.C.) vers 5327. ‐ Entre le 2ème R.I.C. et le 5ème R.I.C. ‐ par un détachement mixte (1 section du 5ème R.I.C. ‐ 1 section et S.M. du 2ème R.
I.C.) vers la chapelle Sainte‐Vanne. Une centre de renseignements avancé sera installé, à la corne Est du bois de Combres vers la cote 353. L'axe de liaison est jalonné par les Eparges ‐ Saint‐Rémy ‐ cote 397 ‐ (1 km 1/2 S. O. de Hannonville). En fin de combat : Un régiment devra tenir les crêtes des Eparges et de Com‐
bres avec avant‐postes sur la route de Tresauvaux ‐ lisiè‐
res Est de Combres (6ème R.I.C.). Un régiment devra tenir la cote Biolie et la crête au Sud jusqu'à la Chapelle Sainte‐Vanne avec avant‐postes sur la route Combres‐Herbeuville (2ème R.I.C.). Un régiment devra tenir les lisières Est de Belhaiebois, la patte d'Oie de 397, la ferme Longeau et se relier solide‐
ment avec la 26ème D.I.U.S. (5ème R.I.C.). La Crête des Eparges
En arrière : la partie nord-est du village de Combres et le
commencement de la plaine de Woëvre
© FNAOM-ACTDM / CNT
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Les Eparges
A droite : la crête de Combres
Au centre : le ravin des Quenottes et dans la partie supérieure, les Eparges (région du point C et de la côte 346)
A gauche : le village des Eparges
Ravin des Quenottes et Combres
Dans le bas de la photo, on voit la partie S-O du village
de Combres ; plus haut, la route en épingle à cheveu,
plus haut encore, la partie Est de la cr^te de Combres, le
ravin des Quenottes et enfin les entonnoirs de mines de
la crête des Eparges avec au dessus les entrées de mines
LA DIVISION AU COMBAT Faire revivre autant qu'il est possible le combat de la 15ème D.I.C., tel est le but de ce chapitre. Mais l'attaque de la 15ème D.I.C. est plus qu'une opération isolée; elle est un des éléments essentiels d'une bataille engagée sur un front de près de 70 kilomètres. Avant d'entrer dans l'exposé de l'action, nous donnerons d'abord une idée d'ensemble de la bataille. L'importance du rôle joué par la division nous apparaîtra mieux ensuite. Le 12 septembre à 1 heure du matin, l'attaque du sail‐
lant débute par un violent tir d'artillerie tout le long du front de Tresauvaux à Pont‐à‐Mousson (voir croquis). L'attaque principale (lère et 4ème C.A.U.S.) se déclenche de 5 heures à 7 heures en direction générale du Nord, les divisions américaines s'ébranlent de Pont‐à‐Mousson à Seicheprey. la droite en flèche précédant le centre et la gauche. Elles progressent sans rencontrer de grandes résistances. L'ennemi, semble‐t‐il, n'a que peu d'artille‐
rie pour défendre ses positions avancées et replie pas à pas son infanterie. Selon toute vraisemblance, les opé‐
rations de repliement coïncident avec le déclenchement de l'offensive. Troublées par celle‐ci elles ne tardent pas à dégénérer en une retraite précipitée. En fin de jour‐
née, les deux corps qui ont mené l'attaque principale © FNAOM-ACTDM / CNT
atteignent la ligne Montsec, Nonsard, Thiaucourt. L'attaque secondaire (5me C.A.U.S.) débouche à partir de 8 heures. Saint‐Rémy, Dommartin, sont occupés à la fin de l'après‐midi malgré la résistance acharnée de l'enne‐
mi. La liaison entre les deux attaques a été confiée, nous l'avons vu, au 2ème Corps d'Armée Colonial français. Au cours de la journée, il parvient aux lisières de Dom‐
pierre‐aux‐Bois (2ème Division de cavalerie) enlève Spada et la côte Sainte‐Marie, au Nord de Saint‐Mihiel (26ème D.I. française) la forêt d'Apremont (39ème D.I. française). Le 13 septembre, à la droite de la 1ère Armée Améri‐
caine, le 1er Corps s'empare de Vilcey, de Norroy, et de la partie Nord du bois Le Prêtre; le 4ème Corps américain lance sa division de gauche sur Vigneulles et atteint ce village dans la matinée. A la gauche de l'Armée, le 5ème C.A.U.S. a continué sa progression au cours de la nuit du 12 au 13. et le 13 dès 3h15 du matin, un détachement d'avant‐garde est en‐
tré dans Vigneulles. En ce point la jonction est donc faite entre les deux attaques, la soudure se complète au cours de l'après‐midi. 8
En fin de journée les troupes d'attaque tiennent un front continu jalonné par la ligne Norroy, Jaulny, Xam‐
mes, Saint‐Benoit, Hattonville, Est de Tresauvaux. Pendant ce temps, le 2ème C.A.C. est entré à Saint‐
Mihiel, a nettoyé le saillant et à son tour s'est avancé vers Vigneulles; le soir il réapparaît en première ligne entre les 4ème et 5ème C.A.U.S. Le 14 septembre, des reconnaissances sont poussées en avant du front: à l'aile droite au Nord du bois Le Prê‐
tre, vers la ligne Pagny, Preny. et à l'aile gauche, vers les principaux nœuds de route de la plaine de Woëvre, afin de se rapprocher de la ligne "Michel !". Les 14 et 15 septembre, les 1er et 4ème C.A.U.S. augmen‐
tent légèrement leurs gains au Nord de Norroy et de Thiaucourt mais sans pouvoir parvenir jusqu'à la ligne Pargny, Preny. Le 2ème C.A.C. et le 5ème C.A.U.S. oc‐
cupent toute la région au pied des côtes de Meuse jus‐
qu'à la ligne incluse Woel, Fresne. Nous sommes à une distance qui varie de 3 à 7 kilomètres de la position de résistance sur laquelle l'ennemi s'est replié et d'où il commence à réagir. La bataille de Saint‐Mihiel est ter‐
minée. Passons maintenant à l'action de la 15ème D.I.C. JOURNÉE DU 12 SEPTEMBRE Nous la présenterons sous forme d'horaire. Sa physio‐
nomie d'ensemble sera ainsi bien marquée et plus vi‐
vante. 1 heure... C'est le début de la préparation. 1 heure 30... Les Allemands réagissent par quelques coups de canon, par des tirs de mitrailleuses et de minen. 3 heures... La réaction ennemie s'affaiblit, le tir des mitrailleuses cesse. 8 heures... La 26ème D.I.U.S. s'élance à l'assaut du bois des Eparges. 8 heures 25... Les Américains atteignent la crête du bois des Eparges, la réaction allemande est faible. 8 heures 30... Les compagnies d'assaut de la 15ème D.I.C. franchissent les brèches ouvertes à travers les réseaux français et les premiers réseaux allemands. A droite(1) Le 3ème bataillon se porte à l'attaque avec ses 3 compagnies en profondeur. 8 heures 45... La compagnie de tête atteint les réseaux de fils de fer, en avant de la tranchée de Genou sevaux, ce réseau est intact. Néanmoins, progressant à la cisaille, sous les rafales de mitrail leuses, la compagnie Denis pénètre à 9 heures dans la trancehée de Genousevaux. Au centre ‐ A gauche Le 70ème B.T.S. et le 3ème bataillon du 6ème R.I.C. débouchent sous un feu nourri de mitrail leuses et un tir violent de l'artillerie allemande. A 8h45, le bataillon Delettre (70ème B.T.S.) traverse le ravin des Quenottes et progresse sur les pentes de la crête de Combres. Le bataillon de Sainte‐Marie s'empare des positions allemandes entre les points 5337 et 5035 ‐ A 8h50, le bataillon de Sainte‐Marie dépasse le point C; vers 8h55, le bataillon Delettre s'installe dans le saillant du bois Brûlé. Mais devant le point X, le lieutenant Delbat est arrêté par des feux de mitrailleuses et le tir d'une batterie de 77. Pendant que ces événements se déroulent, le chef de bataillon Charpentier, commandant le bataillon réserve d'I.D., est tué par un éclat d'obus dans une tranchée sur la crête de Montgirmont, alors qu'il suivait le développement de l'attaque pour être prêt à intervenir quand l'ordre lui en serait donné. 9 heures 23... Le C.R. A. téléphone "Sur la crête des Eparges, rien à signaler. Les groupes paraissent tranquilles". Devant le 2ème R.I.C., la vallée du Longeau est battue de toutes et à très bonne distance par de nombreuses mitrailleuses en particulier au saillant Nord‐Ouest de la tranchée de Brême en avant des lisières Nord de Saint‐Rémy et sur la croupe de l'ouvrage de la Pieuvre. Nous progressons difficilement par infiltration. 9 heures 28... L'I.D. téléphone "Léger barrage devant Saint‐Rémy, des éléments remontent le ravin de la Gentille Femme". 9 heures 59... Nos éléments sont arrêtés sur la route qui borde le ravin de la Gentille Femme. Le bataillon Lavalée essaie de continuer à progresser par infiltration, mais de nouvelles mitrailleuses se dévoilent vers 47‐23. Elles sont contre‐battues par la batterie Gouachon. 10 heures 05... Le C.R.A. confirme que le 2ème R.I.C. est arrêté par des mitrailleuses de la côte Amaranthe. 10 heures 15... Des éléments amis (26ème D.I.U.S.) débordent Saint‐Remy par l'Ouest. 10 heures 46... Des mitrailleuses tirent toujours de la région 47‐23 et de la tranchée de Breslau. Elles sont vivement contre‐battues par notre artillerie. ————– (1) Nous commençons à préciser l'action des unités par la droite parce que l'idée de manœuvre prévoit le débordement par la droite. © FNAOM-ACTDM / CNT
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Le Capitaine Lavallée, commandant le bataillon engagé en tête de l'attaque du 2ème R.I.C., est tué d'une balle au cœur. 11 heures 07... Vers le ravin de la Gentille Femme, la situation n'a pas changé. 11 heures 20... Des Américains progressent par infiltration à l'Ouest de Saint‐Remy. 11 heures 42... Le C.R.A. téléphone "On commence à apercevoir quelques mouvements de troupes allemandes qui semblent refluer sur l'arrière, sur la croupe Sud‐Ouest de Saint‐Remy depuis le bois allongé au Nord de la tranchée de Westphalie vers la route de Dommartin ‐ Saint‐Remy". 11 heures 51... Le 2ème R.I.C. gagne du terrain à l'Est de Saint‐Remy, mais il est toujours arrêté dans le ravin de la Gentille Femme. 12 heures 07... Un message (pigeon voyageur) est reçu du 6ème R.I.C. "Devant le 6ème R.I.C., l'ennemi résiste dans un réduit fortement occupé en 53‐37 ‐ régiment demande tir d'A.L. sur tout N.E. de la crête et sur le village de Combres". 12 heures 48... Le C.R.A. et l'I.D. indiquent que la situation reste sans changement dans l'ensemble. 12 heures 52... Le mouvement en avant du 2ème R.I.C. reprend. Le 2ème R.I.C. fait savoir que les Américains seraient à la cote 381. 12 heures 15... L'I.D. téléphone "une contre‐attaque en 53‐36 a fait refouler légèrement les éléments du bataillon de Sainte‐Marie à la crête des Eparges. Sur la crête de Combres nous occupons 48‐29, 49‐31, progressons lentement. Le 6ème R.I.C. insiste pour qu'on écrase Combres. De nombreuses mitrailleuses gênent considérablement". 13 heures 20... Une compagnie réserve d'I.D. est mise à la disposition du 3/6 R.I.C. 13 heures 35... Favorisée par l'avance de la D.I. de droite (26ème D.I.U.S.) dont l'élan irrésistible a fait l'admiration de tous, la compagnie de droite du 2ème R.I.C., manœuvrant par l'Ouest, s'empare de l'ouvrage de la Pieuvre et, vers 14 heures, pénètre dans le village de Saint‐Remy (1). 14 heures... Une deuxième contre‐attaque se déclenche sur la crête des Eparges. Elle est arrêtée par nos mitrailleurs et nos grenadiers. 14 heures 30... L'ennemi lance une nouvelle contre‐attaque sur la crête des Eparges. Cette contre‐attaque est menée avec des moyens plus importants que les précédents (évalués à une compagnie appuyée par une dizaine de mitrailleuses). Les groupes de combat résistent, mais succombent sous le nom bre. Les Allemands gagnent 100 mètres de terrain vers le point C, mais d'autres groupes de combat limitent leur progression. Appuyé par des feux des F.M. de la 9ème compagnie, le Lieutenant Hartmann, avec un effectif réduit, pousse une vigoureuse contre‐attaque à la baïonnette et reprend le terrain perdu. Pendant ce temps, le 70ème B.T.S. continue son mouvement sur la crête de Combres. La progres sion s'effectue lentement sous les feux des mitrailleuses du col des Quenottes, du sommet de la crête et de la cote Amaranthe. Le terrain est couvert de larges réseaux intacts. En certains points, la lutte à la grenade est vive. 14 heures 39... La division de droite (26ème D.I.U.S.) téléphone qu'elle a pris la cote 340 et qu'elle progresse au‐delà. 14 heures 54... Nous progressons dans Saint‐Remy (T.S.F. du C.R.A.) 15 heures 24... L'artillerie allemande tire sur Saint‐Remy. Les mitrailleuses de la tranchée de Brème et de la tranchée de Breslau sont toujours en action et interdisent les débouchés de Saint‐Remy; d'autre part, les pentes Ouest de la côte Amaranthe sont abruptes et sans défilement. Dans ces conditions, le Colonel estime nécessaire de demander une nouvelle préparation d'artillerie sur ces points avant de reprendre la progression. La préparation demandée est exécutée à 16 heures. Jusqu'à 16h15, un tir précis balaye les objectifs à atteindre et bouleverse les organisations ennemies. Le 3ème bataillon (Natte), dès la préparation terminée, se lance hardiment sur le saillant Nord de la tranchée de Brème et y prend pied (vers 16h15). A sa gauche, le 69ème B.T S. (Bénézet) progresse vers le saillant de Breslau. Sa compagnie de tête est arrêtée dans le fond du ravin de la Gentille Femme par des rafales de mitrailleuses garnissant en assez grand nombre la tranchée de Breslau. Ces mitrailleuses sont sous blockhaus en ciment. Le chef de bataillon donne ordre de pousser par infiltration. La compagnie progresse vers l'Est et peut prendre à revers la tranchée (environ 16h35). Pendant ce temps, opérant en liaison avec un détachement du 5ème R.I.C., le bataillon Natte manœuvre par le Sud le saillant de la tranchée de Brème, s'en empare et prend pied dans le boyau de la Sardine. ————— (1) A 14 heures, la situation du 2ème R.I.C. est la suivante: Btn Natte (3) ‐ la 9ème Compagnie s'infiltre à l'Ouest de St‐Rémy, la 10ème progresse par le ravin dont la tête est en 4923. La 11ème Cie est aux lisières Nord de St‐Rémy. Btn Bénézet (69ème BTS) est en formation articulée sur les pentes Ouest de Combres au pied de la tranchée Genousevaux. Toutes les liaisons avec les amé‐
ricains, 5ème R.I.C., 6ème R.I.C., existent. © FNAOM-ACTDM / CNT
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16 heures 40… Poussant au‐delà de la tranchée de Breslau, des éléments du bataillon Natte explorent les bois situés aux abords du plateau de la côte Amaranthe. 16 heures 52... Un avion par message lesté annonce que l'ennemi bombarde violemment la côte des Eparges. 16 heures 55... Une deuxième compagnie du bataillon de réserve d'I.D. est mise à la disposition du Colonel commandant le 6ème R.I.C. 17 heures 23... Un avion de la 2ème D.C.P. signale par T.S.F. qu'il voit 12 villages en feu. 18 heures... Le bataillon Natte progresse sur la côte Amaranthe Le bataillon Petitjean se porte en réserve du bataillon Natte (tranchée de Brème) pour être prêt à le soutenir. Des éléments du 5ème R.I.C. s'infiltrent entre le bois Chanot et Dommartin. 18 heures 36... Dommartin est pris par la 26ème D.I.U.S., les Allemands le bombardent violemment. 19 heures... Le C.R.A. téléphone : le 5ème R.I.C. reprend sa progression dans le ravin de la Gentille Femme, 1 bataillon a franchi le ravin. 19 heures 20... L'ennemi tient encore l'ouvrage du Scorpion (message avion). 19 heures 37... L'ouvrage du Scorpion est à nous. Nos éléments progressent dans le bois à l'Est du Scorpion. Le 5ème R.I.C. occupe le boyau de la Sardine. 20 heures... La nuit maintenant est tombée. Le C.R.A. téléphone "nombreuses fusées, direction du Nord, lueurs d'incendies lointaines dans la direction de l'Est ‐ secteur calme". 20 heures 50... La 26ème D.I.U.S. prévient qu'elle a reçu l'ordre de pousser sur Vigneulles. ___________________ Voyons maintenant quelle est la situation d'ensemble de la division au soir de cette journée de combat : Le 5ème R.I.C. avec deux bataillons en ligne (bataillon Pelud à droite ‐ bataillon Grossard à gauche (1) occupe la base de départ qui lui avait été fixée pour la 2ème phase (ouvrage de la Pieuvre ‐ Lisières Sud de Saint‐
Rémy ‐ boyau de la Sardine). Au cours de la journée, il a eu à exécuter une marche d'approche particulièrement délicate. En formations diluées, le bataillon Grossard, puis les bataillons Pelud et Chauvin se sont portés de l'ar‐
rière sur le village des Eparges où s'est arrêté le batail‐
lon Chauvin (réserve de régiment). Puis les bataillons Grossard et Pelud ont progressé vers le ravin des Que‐
nottes. Arrivés à ce ravin, ils ont été obligés de s'arrêter, le 2ème R.I.C. n'ayant pu franchir le ravin de la Gentille Femme. Après la prise de Saint‐Rémy et l'avance vers la côte Amaranthe, la progression a été reprise jusqu'à la base de départ. En fin de combat, le 71ème B.T.S. (bataillon Chauvin) se trouve dans la région de la tran‐
chée de Genousevaux. Le 2ème R.I.C. tient les pentes Ouest de la cote Amaran‐
the, au‐delà de la tranchée de Brème (bataillon Natte), la partie Ouest de la tranchée de Breslau et le ravin de la Gentille Femme (bataillon Bénézet). Le col de la Gen‐
tille Femme est à l'ennemi. Le 6me R.I.C. tient l'ensemble de la crête de Combres et la crête des Eparges (bataillons Delettre et de Sainte‐
Marie), mais le col des Quenottes et le point X sont en‐
core à l'ennemi. Les liaisons sont assurées avec la 26me D.I.U.S. (détachement du sous‐lieutenant Sidler) à l'ouvrage de la Pieuvre. Elles existent aussi entre les bataillons en ligne. La nuit se passe à réorganiser les compagnies d'assaut et à profiter de l'obscurité pour pousser en avant des patrouilles d'infiltration (exécution O. G. n° 196 de k 15ème D.I.C.). Au 6ème R.I.C., la 11ème compagnie ‐ com‐
pagnie Hartmann ‐ est retirée du combat, elle est réduite à 35 hommes. Dans les lignes ennemies, les bruits de mouvements s'intensifient d'heure en heure. L'ennemi bat‐il en retraite ? Sans doute, mais devant nous des mitrail‐
leuses sont toujours là, leurs tirs balayent nos posi‐
tions. JOURNÉE DU 13 SEPTEMBRE Le 13, à la pointe du jour, les bataillons poussent de fortes reconnaissances et se portent en avant. Au cours de la journée, la résistance de l'ennemi sera faible, les objectifs fixés seront rapidement atteints et la poursuite dans la plaine s'engagera aussitôt. Les actions qui vont se développer seront des actions rapides et souvent indépendantes les unes des au‐
tres, des actions qui se poursuivront sans arrêt et ne feront qu'un tout du lever du jour au couchant. Aussi, nous les étudierons successivement de façon à con‐
server à chacune sa physionomie propre. a) Action des bataillons du ème
5 régiment d'infanterie coloniale Le bataillon Pelud (bataillon extrême droite de la di‐
vision) ne rencontre pas de résistance sérieuse et se trouve par suite en échelon en avant et à droite du 5ème R.I.C. Ses unités de droite sont elles‐mêmes les plus avancées parce qu'elles cheminent en terrain découvert à la lisière Sud‐Est des bois. ————— (1) La compagnie de gauche du bataillon Grossard est installée en crochet défensif vers le Nord, pour faire face au bois à l'Est de la trancbée de la Sar‐
dine. Ce bois n'a pas encore pu être nettoyé par le 2ème R.I.C. Quelques combats à la grenade se dérouleront dans cette région à la tombée de la nuit.
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Le détachement Sidler est encore plus en avant, la marche rapide de la 26ème D.I.U.S. facilitant son mou‐
vement par le fond même de la vallée. Il gagne rapi‐
dement Dommartin (8h41). puis la ferme Longeau. A 10h30, le bataillon Pelud a atteint la ligne fixée comme ligne de résistance en fin de combat (ferme Longeau, bois Bouchot‐Belhaiebois). Dans la deuxième partie de la journée, après l'avance du bataillon Grossard (1) au bas des côtes de Meuse, il pousse un fort détachement sur Woël (4 kms 900 Nord‐Est de Thillot‐sous‐les‐Côtes) par Aivillers (2 kms Nord‐Est de Thillot sous‐lès‐Côtes). Il trouve Woël inoccupé et poursuit sa marche sur Joinville (9 kms Nord‐Est de Thillot‐sous‐les‐Côtes). A son appro‐
che du village, l'ennemi (une compagnie allemande ‐ 2 compagnies hongroises) se replie. Le détachement revient ensuite se fixer à Aivillers. Le bataillon Grossard est gêné au départ par des mi‐
trailleuses placées à la lisière du bois qui se trouve à l'Est du boyau de la Sardine... Notre artillerie de cam‐
pagne entre en action; cent obus de 75 sont tirés... le tir des mitrailleuses cesse et la progression reprend alors très rapidement. Vers 10 h. 45 les pentes orientales des côtes de Meuse sont atteintes. C'est l'objectif final, mais entre temps l'ordre est arrivé de porter la ligne de résistance au bas des côtes de Meuse en appuyant la gauche à Herbeu‐
ville et en occupant Hannonville. Cet ordre est exécuté par le bataillon Grossard qui entre à Hannonville au dé‐
but de l'après‐midi. Il est accueilli par les cris de joie de trois cents habitants (femmes et enfants) que l'ennemi dans sa retraite rapide n'a pas eu le temps d'emmener. Celui‐ci a quitté le village le matin même. La poursuite s'engage aussitôt; un fort détachement est envoyé vers l'Est. Sans coup férir il occupe Doncourt‐aux‐Templiers (4 kms. 500 Nord‐Est de Hannonville). Le village est vide d'habitants. Des patrouilles sont poussées jusqu'au bois des Hautes‐Epines (1 km. 700 de Doncourt) où le contact est repris avec l'ennemi. b) Action des bataillons du 2ème régiment d'infanterie coloniale Le bataillon Natte d'abord, puis, après 630(1), le batail‐
lon Petitjean reprennent la progression. Le bataillon Petitjean atteint la cote 273 à 8 heures et continue sa marche en direction des pentes qui dominent la plaine de Woëvre et du village d'Herbeuville. Son avance est ralentie un par une mitrailleuse qui se trouve vers la chapelle. Cette mitrailleuse est habile‐
ment manœuvrée... Les servants sont tués. Peu après, le village d'Herbeu‐
ville est occupé et le savants‐postes sont poussés à la voie Decauville (Est du village). Il est environ 11 heures, les objectifs fixés sont atteints. Pendant ce temps, le bataillon Bénézet s'est emparé sans difficulté du reste de la côte Biolie et a poussé ses avants‐postes au‐delà de la route Combres‐Herbeuville.. Il est arrivé lui aussi très rapidement sur ses objectifs. Au cours de la journée, un détachement du bataillon (détachement Lenfant) occupe sans combat le village de Wadonville (4 kms. 200 Nord‐Est d'Herbeuville). Il s'y organisa et vers 19 heures il envoie une patrouille d'une dizaine d'hommes en direction de Saint‐Hilaire (6 kms. 500 Nord‐Est d'Herbeuville). Celle‐ci se heurte dans ce village à une fraction d'arrière‐garde allemande (1 peloton et plusieurs mitrailleuses). Elle engage le combat, enlève une mitrailleuse, fait 10 prisonniers dont 2 sous‐officiers et se retire sur Wadonville. Au cours de la journée, ce village est également occupé par une 1/2 compagnie du bataillon Petitjean (renseignements de l'I.
D.). c) Action des bataillons du 6ème régiment d'infanterie coloniale Dès la pointe du jour, les patrouilles des bataillons progressent sans rencontrer de résistance. A huit heures, le point X, le col des Quenottes, le col de la Gentille Femme sont occupés. Les chefs de bataillon poussent aussitôt une compagnie en avant : ‐ Le 70ème B.T.S. (bataillon Delettre) occupe Combres, puis la station de Combres et va border la route Fresne‐Hannonville. Le 3ème bataillon du 6ème R.I.C. (de Sainte‐Marie) occupe la tranchée de Franoux, Sauls, le moulin de Saulx et envoie une reconnaissance vers Champion (Nord de Saulx) qui est trouvé inoccupé. Il y installe un petit poste. Au cours de leur avance, les bataillons n'ont ren‐
contré aucune résistance. L'ennemi s'était replié depuis quelques heures. Dans ces villages "les cuisines alle‐
mandes partout allumées et les marmites pleines montraient avec quelle rapidité l'attaque avait été menée" (historique du régiment). La journée du 14 n'est marquée que par l'activité des reconnaissances d'infanterie éclairées par les cavaliers de l'escadron divisionnaire. Le contact avec l'ennemi est précisé. Les liaisons s'éta‐
blissent d'une façon plus complète. Le 15, la division quitte son secteur d'attaque. Au cours de ces opérations la division a pris à l'ennemi le matériel suivant : — 6 canons de 150, — 2 canons de 77, — 2 canons de 65, — 1 canon de 57, — 4 minen de 240, — 2 minen de 150, — 25 lance‐bombes, — et environ 30 mitrailleuses. —————
(1) Ordre du chef de corps, en raison des pertes subies la veille par le bataillon Natte.
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Elle a fait peu de prisonniers (121) parce que l'enne‐
mi n'avait laissé en première ligne que des mitrail‐
leuses bien retranchées et qu'il a pu, à la faveur de la nuit, replier toutes les troupes non encore accro‐
chées(1). Les pertes subies ont été légères : — Tués : officiers : 3; troupes : 56, — Blessés : officiers : 5; troupes : 248. Mais, sans attendre la fin de la bataille, alors que nos troupes sont encore engagées dans la poursuite, le Général Cameron, commandant le 5ème C.A.U.S., adresse à la division un ordre du jour qui, sous une forme vibrante, est une remarquable synthèse du rôle joué par la division au cours de ces opérations. A ce titre, il a tout particulièrement sa place en fin de cette étude : Ordre Général n° 16 du Général Cameron, Cdt le 5ème C.A.U.S. Depuis qu'en 1914, au cours des journées mémorables qui suivirent la première bataille de la Marne, les Bava‐
rois s'étaient emparés par une attaque brusque des Hauts‐de‐Meuse, le saillant de Saint‐Mihiel avait acquis une renommée mondiale. Menace constante contre de très importantes lignes de communications françaises, observatoire de premier ordre pour les Allemands et obstacle à la liberté des mouvements de nos troupes, il devait être nécessaire‐
ment, pendant de longues années, l'objectif tout dési‐
gné de nombreuses tentatives pour le ravir à l'ennemi. On ne saurait évaluer les sacrifices qu'a coûté la crête des Eparges. Son nom était devenu fameux et synonyme de position imprenable. Il appartenait à la vaillante 15ème division coloniale de l'Armée française de mettre un terme à cette légende et de prouver qu'avec de l'énergie et de la ténacité, il n'est pas de position d'où nous ne puissions chasser notre ennemi. Après une préparation d'artillerie qui n'avait pu être que d'une très courte durée, mais précédée par un barrage très habilement réglé, cette vaillante troupe engagée, le 12 septembre dans la première opération faite sous la direction du Haut Commandement améri‐
cain, a escaladé les pentes formidables et précipité ses adversaires dans les marécages intenables de la Woë‐
vre. Une violente contre‐attaque a prouvé quel prix l'en‐
nemi attribuait à cette fameuse position. Elle arrêta nos brillants alliés pendant un moment mais ils purent la refouler et dès la nuit ce nouveau Gibraltar ren‐
trait définitivement entre les mains de ses véritables possesseurs. Honneur aux vainqueurs des Eparges ! Le 5ème Corps américain les salue. Major‐Général Cameron. Au cours de ces combats la 15ème D.I.C. avait "pu
apprécier avec quelle énergie, quel entrain, quelle
superbe bravoure nos vaillants amis américains
se jetaient dans la bataille et en poussaient l'exploitation à fond". (Général Guérin).
En octobre et novembre, au Nord de Verdun,
c'est avec "ses vaillants amis" qu'elle ira de nouveau à la bataille. C'est avec eux qu'elle arrachera à l'ennemi les hauteurs de Haraumont, les
villages d'Ecurey. de Penvillers, de Danvillers.
C'est avec eux encore que le 11 novembre elle
sera prête à s'élancer une fois de plus à l'attaque quand l'armistice viendra mettre un terme
aux opérations.
Ce jour là, à Ecurey, peu après la cessation des
hostilités. un Général commandant une brigade
voisine (de la 32ème ou de la 79ème D.I.U.S.) entrera dans le P.C. du Colonel Cluzeau commandant le 5ème R.I.C. Au nom de son pays, il félicitera la France "d'avoir remporté la victoire... " et
à ce moment même une musique américaine subitement rassemblée fera éclater la Marseillaise
puis l'hymne des Etats-Unis... geste délicat de la
part de "ces vaillants amis" qui avaient si généreusement contribué à remporter cette victoire.
Capitaine INGOLD,
de l'Infanterie Coloniale.
Paru dans "la Revue
des Troupes coloniales"
n° 248 de mars 1938
———— (1) II y a lieu de remarquer que par la nature même de sa mission, la 15ème D.I.C. n'était pas appelée à faire un grand nombre de prisonniers. Ce rôle revenait aux unités engagées dans le fond de la poche. © FNAOM-ACTDM / CNT
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